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00:00Bonjour Patrice Lecomte. Bonjour Elodie. Avant vos succès cinéma grottographique tels que les bronzés, les bronzés font du ski,
00:06vient chez moi, j'habite chez une copine, monsieur Hir, Félix et Lola, Maigret, je ne vais pas tous les citer,
00:10et leurs répercussions sur les pauvres spectateurs que nous sommes, les mêmes qui en connaissent la majorité des répliques.
00:15Vous étiez un lecteur et un amateur de bande dessinée, celle de Gottlieb et sa rubrique à braque.
00:19Il n'est donc pas très étonnant que vous ayez conservé cette envie d'apporter des couleurs,
00:24autant que de jouer avec le noir et blanc dans ce qui a ponctué nos vies, donc votre cinéma.
00:27Il n'est pas étonnant non plus que vous sortiez aujourd'hui votre sixième mot-roman, La Tentation du lac, aux éditions Arthaud,
00:32avec toujours cette farouche envie d'écrire vos histoires, gorgée de plaisir, désir, doute, renoncement et soif d'aimer autant que d'être aimé.
00:40Ce petit dernier raconte la vie de Rodolphe, un homme somme toute banal, presque transparent, même auprès des personnes qui gravitent autour de lui.
00:46Il est scénariste et donc a un peu beaucoup cette notion de précarité et de tout ce que ce métier implique.
00:54Et un beau jour, il décide de redonner un sens à sa vie, plus exactement de relancer sa vie autrement, ailleurs.
01:00Ce sera Aix-les-Bains, dans un appartement en face du lac.
01:03Au milieu de tout ça, on découvre Aurélie qui mène sa barque, sans vilain jeu de mots, et sa vie comme elle peut.
01:08C'est drôle, parfois hors-sol, naïf, léger et doux.
01:13On a l'impression que vous nous racontez finalement, pas l'histoire des personnages de votre vie, mais presque.
01:19– Oui, ce n'est pas faux.
01:23Et de toute façon, ce Rodolphe, quel prénom stupide, mais il souffre de son prénom.
01:28– Ça ne rime pas avec grand-chose, c'est ce que vous dites.
01:31– Pardon ?
01:31– Ça ne rime pas avec grand-chose, Rodolphe.
01:32– Non, Rodolphe, si vous êtes poète et que vous dites « j'ai passé la nuit avec Rodolphe »,
01:39la rime suivante « bonjour, je l'attends ».
01:41C'était dans un pays du Golfe, admettons, et puis ça s'arrête là.
01:45Bref, et qu'est-ce qu'on disait ?
01:48– Ça représente un peu les personnages que vous nous racontez.
01:50– Oui, mais j'en vis cet homme-là.
01:55D'ailleurs, le roman est écrit à la première personne et c'est plus facile de s'impliquer.
02:00– C'est déstabilisant, je le dis.
02:02C'est très déstabilisant d'ailleurs.
02:03– La première personne ? Ah bon, dites-moi pourquoi.
02:05– Parce qu'on se demande à quel moment ça s'entrecroise, en fait.
02:08À quel moment vous jouez avec nous, avec nos nerfs, avec…
02:11– Oui, oui, mais en tout cas, ce que je veux dire, c'est que c'est vrai qu'à notre époque,
02:19avec tout ce qui se passe, etc., le quotidien nous oblige, nous pousse beaucoup,
02:26je le ressens de plus en plus, nous pousse beaucoup à faire semblant.
02:29Faire semblant d'aller bien, faire semblant d'avoir du boulot,
02:31faire semblant d'être sur un coup formidable, faire semblant d'être amoureux,
02:33faire semblant de plein de trucs.
02:35Donner le change d'une manière un peu illusoire et frelatée.
02:38Et ce bon Rodolphe, Rodolphe Martin, il se rend compte de ça.
02:47Il en a marre, en fait, de faire semblant, de faire comme si tout allait bien,
02:50alors que ça ne va pas fort, il est scénariste,
02:52aucun film ne s'est tourné d'après ses scénarios,
02:55enfin bon, il en a un petit peu ras la casquette,
02:57et il a un peu d'argent devant lui, il dit, je vais m'en aller,
03:01je vais aller ailleurs, dans une ville calme, avec ses bains,
03:05à côté du lac, sur le lac, et au moins, je pourrais, jour après jour,
03:11pas faire grand-chose, mais au moins, je ne ferai plus semblant.
03:14Et c'est exactement ça, ce que ça raconte.
03:17Alors, comme je ne peux pas écrire des choses sérieusement,
03:24des choses trop sérieuses, etc.,
03:26je ne peux pas m'empêcher d'être léger,
03:31même si ça raconte des trucs qui sont peut-être un peu plus graves ou sérieux,
03:36mais en tout cas, je ne peux pas m'empêcher d'être léger.
03:38Et c'est drôle, d'ailleurs, parce que la légèreté,
03:44c'est un défaut.
03:46Quand on dit machin ou machine, il est léger,
03:50mais moi, je trouve ça merveilleux d'être léger.
03:51De toute façon, c'est quoi l'opposé ?
03:54C'est être lourd. Vous avez envie d'être lourde ?
03:56Non ? Moi non plus.
03:58Rodolphe nous renvoie nous-mêmes aussi.
04:02C'est peut-être là où le bas blesse, finalement,
04:04parce qu'il nous renvoie dans la vraie vie.
04:07C'est aussi la force de votre plume.
04:12Il faut...
04:13C'est qu'on découvre au fur et à mesure
04:15que Rodolphe a plein de points communs avec beaucoup d'entre nous.
04:17Oui, oui. Il faut...
04:20Idéalement, c'est ce que j'aimerais beaucoup,
04:22mais ça, je ne peux pas le quantifier.
04:24Je ne peux pas le savoir.
04:25Mais idéalement, il faudrait qu'en lisant,
04:27on ne se dise pas, ah, dans le fond, Rodolphe, c'est moi,
04:29mais que ce que ressent ce Rodolphe,
04:32ce à quoi il échappe,
04:35quand il s'échappe,
04:36et ce qu'il se met à vivre,
04:40j'aimerais que ce soit tentant,
04:41qu'on se dise, ah, il a de la chance, dans le fond.
04:43Oui, c'est vrai.
04:44Est-ce qu'on pourrait faire pareil ?
04:47Est-ce qu'on pourrait partir ?
04:48Si on va tous à Aix-les-Bains,
04:49il va y avoir du monde, d'un coup.
04:50Mais est-ce que je pourrais vivre ce qu'il vit ?
04:54Alors, je ne sais pas si on peut vivre ce que Rodolphe a décidé de vivre,
04:58d'arrêter de faire semblant,
04:59de débrancher la prise de courant électrique,
05:01et tout ça,
05:01et de vivre une vie de lézard,
05:04plus calme,
05:05mais plus douce aussi.
05:07Est-ce qu'on a envie forcément de faire ça ?
05:11Oui, non, mais je veux dire que c'est tentant,
05:16cette tentation du lac.
05:17Il fait attention à lui,
05:19il se protège beaucoup,
05:21il essaye d'éteindre le feu,
05:23je ne vais pas en dire trop.
05:25Il semble refuser l'amour,
05:27c'est ça qui blesse aussi,
05:28parce qu'il en a peur.
05:30Il y a un passage qui est incroyable,
05:32il dit,
05:33j'ai pris une décision à laquelle je préfère me tenir,
05:34ne plus être sentimentale,
05:37du moins pour un temps.
05:38Ces derniers temps,
05:38j'ai essuyé trop de déconvenus avec le désir,
05:40et je ne veux plus prendre le risque de la désillusion.
05:43C'est quoi la désillusion ?
05:45La désillusion,
05:47j'ai été pendant longtemps,
05:50puis je renoue avec ça,
05:52j'ai été pendant longtemps président du Club des Sentimentaux.
05:55C'était très bien.
05:57De temps en temps,
05:58être trop sentimental
06:00nous joue des tours,
06:03parce qu'on se laisse aller
06:04à des choses
06:06irréelles ou irréalistes.
06:10Je ne sais pas si c'est bien ou mal,
06:13mais parfois,
06:15ça vous revient dans le pif.
06:19Simplement parce qu'on ne peut pas être sentimental tout seul.
06:22Il faut être au moins deux.
06:25Et on n'est pas toujours deux.
06:27C'est cette souffrance-là qu'on entend
06:28à travers l'écriture,
06:30on la ressent.
06:31Oui, mais c'est une souffrance
06:35encore une fois légère,
06:38amusante.
06:40Je ne sais pas,
06:42sincèrement,
06:43je ne sais pas
06:43ce que raconte ce livre,
06:46si c'est vivable.
06:49mais moi,
06:53j'aimerais bien que ça le soit.
06:53De toute façon,
06:54les romans sont là
06:55pour nous faire vivre
06:58des vies qui ne sont pas les nôtres
06:59et pour nous donner envie
07:02de vivre autrement.
07:03Rodolphe,
07:04là, décide de penser à lui,
07:06finalement,
07:07avec ce renouveau,
07:08mais il continue à penser aux autres.
07:10Ce qui le dérange,
07:10c'est la désillusion,
07:12mais surtout d'être créateur
07:14de désillusions lui-même.
07:15Oui, oui,
07:16ce n'est pas faux,
07:18mais en fait,
07:19il ne crée pas beaucoup
07:20de désillusions
07:21parce qu'il décide
07:23de tout quitter.
07:24Non, mais il en a peur de ça.
07:26Oui, oui, oui,
07:27mais en fait,
07:30ce qui est assez marrant,
07:32ce que je trouve assez tentant
07:34d'une certaine manière,
07:34c'est qu'il se met à vivre
07:36à Aix-les-Bains
07:37dans un appartement agréable
07:38avec vue sur le lac.
07:40Il ne fait rien de ses journées.
07:41Il est oisif.
07:42Il aime la oisité.
07:43Oui, alors,
07:44de là à en faire un légume,
07:46quelqu'un qui a une vie végétative,
07:48non,
07:48parce qu'il continue
07:49à être curieux de tout,
07:50du monde qui l'entoure,
07:51des gens qu'il croise.
07:54Tout ça continue à le charmer.
07:56Par exemple,
07:56il fait une croisière
07:58sur le lac
07:58parce qu'il y a des croisières.
07:59Vous montez en bateau
08:00puis vous faites tout le lac
08:01et puis il y a des commentaires
08:02dans les haut-parleurs
08:03et tout ça.
08:04Ça lui plaît.
08:05Ça lui plaît.
08:05Alors, il revient
08:06et puis il dit
08:08oui, mais enfin,
08:09je vais peut-être en faire
08:09une deuxième croisière.
08:10Il repart aussitôt en croisière.
08:11Et en fait,
08:12tous les jours,
08:14ils demandent même une carte
08:15d'ailleurs de fidélité.
08:17Oui, ils demandent
08:17s'il y a une carte de fidélité
08:18mais la compagnie
08:19des bateaux du lac,
08:21non, on n'a pas prévu
08:22de carte de fidélité.
08:23Le fait est que
08:23ce n'est pas si fréquent
08:25d'imaginer un passager
08:28qui tous les jours
08:28ferait la croisière
08:29sur le lac
08:29et qui s'intéresserait
08:31aux poissons du fond,
08:32les silures,
08:33qui sont des poissons immondes,
08:34très vilains
08:35et parfois très gros.
08:39Dans ce livre,
08:40on découvre aussi
08:41que ce scénariste,
08:42à travers ces scénarios,
08:44raconte sa vie,
08:45ses difficultés,
08:46il fait endosser
08:47à ses personnages
08:48ce qu'il vit lui.
08:50Oui, oui.
08:51Il est malmène
08:52de temps en temps.
08:53Ce qui se passe,
08:55c'est ça que j'ai trouvé
08:57assez marrant
08:58à raconter,
08:59c'est que ce personnage,
09:00il n'est pas
09:02caissier au Franprix
09:04ou boulanger
09:05ou quoi,
09:05il est scénariste.
09:07Donc,
09:07il écrit des histoires
09:08qui ne se tournent pas
09:09puisque les films,
09:10le producteur
09:11met sur la pile,
09:13lui donnent un peu d'argent
09:13pour avoir écrit ça.
09:14Bref.
09:15Donc,
09:15il écrit des histoires
09:16qui ne se réalisent pas,
09:17qui ne se tournent pas.
09:19Et en partant
09:20à Aix-les-Bains
09:21pour mener une vie
09:23plus douce
09:24et plus calme,
09:25c'est pas mal
09:26de vouloir vivre
09:27une vie plus douce
09:28et plus calme.
09:29En partant à Aix-les-Bains,
09:30il a envie
09:31de vivre
09:32le dernier scénario
09:35qu'il a écrit
09:35parce que si le film
09:37ne se fait jamais,
09:39au moins,
09:39lui,
09:39il l'aura vécu.
09:41Et il y a donc là
09:42quelque chose
09:43d'assez marrant
09:47de se dire
09:47que fait le personnage
09:50du film
09:51que j'ai écrit ?
09:52Il fait ça,
09:53je vais faire pareil.
09:54Donc,
09:54de mettre en application
09:56un scénario
09:56qui ne se tournera pas.
09:59Je me posais
10:00la question
10:00de savoir
10:00si le feu
10:01qui brûle
10:02finalement
10:03en nous
10:04se répand
10:05est-ce que
10:07le temps
10:08comble,
10:09guérit ?
10:10Parce que je ne peux pas
10:10raconter tout le livre
10:11sinon ça n'avait aucun intérêt
10:12mais à la fin
10:14il ne porte plus de montre.
10:16Enfin,
10:16il décide de ne plus
10:17porter de montre.
10:18Et je me posais
10:18la question
10:19de savoir
10:19si cet ouvrage
10:20n'était pas
10:20une ode au temps
10:22qui passe
10:22et à la nécessité
10:23de le laisser passer
10:24ce temps-là.
10:26Oui, oui.
10:27Pour se guérir,
10:28pour se combler,
10:29pour se donner le temps.
10:31Mais ce qui est vrai
10:32c'est que
10:32je n'aurais jamais pu
10:34écrire ce roman,
10:37raconter cette histoire
10:38quand j'avais 25
10:39ou 30 ans.
10:42C'est effectivement
10:43en faisant
10:44le test
10:45du rétroviseur
10:46et en ayant
10:48plus tout à fait
10:4922 ans,
10:49loin de là,
10:50c'est là
10:51que je me rends compte
10:51que j'aspire
10:53à quelque chose
10:56de plus calme.
10:58Non pas que ma vie
10:59soit super agitée
11:00mais cette manière
11:03qu'on a tous
11:03ce que je disais
11:04à l'instant,
11:05cette manière
11:05qu'on a tous
11:06de faire semblant
11:07et d'être un peu
11:08obligé de faire semblant
11:10si on veut continuer
11:10à être crédible,
11:13ça me tue,
11:15ça me fatigue.
11:16Moi,
11:16je n'ai plus envie
11:17de faire semblant
11:17de rien.
11:19Mais vraiment.
11:19de là
11:21à boucler
11:22une petite valise
11:23et partir avec ses bains,
11:24il ne s'en faut pas
11:25grand-chose.
11:26Si vous souhaitez
11:27découvrir davantage
11:28et différemment,
11:28Patrice Lecomte,
11:29tout est dit
11:29dans cet ouvrage.
11:32La tentation du lac
11:34sorti aux éditions Arthaud
11:35à mettre entre toutes les mains
11:36justement pour vivre
11:37un moment suspendu.
11:38Merci beaucoup.
11:39Merci Elodie.
11:40Merci.