Bernard Horenbeek, directeur général sortant de la Nef, une banque qui se dit "éthique", était l'invité éco de franceinfo mardi 6 mai.
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00:00L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:04Bonsoir à toutes et à tous. Ce soir, coup de projecteur sur une banque, pas comme les autres, la Nef Banque, que vous avez présidée pendant 8 ans.
00:11Bernard Orenbeck, bonsoir.
00:13Bonsoir.
00:14Invité éco de France Info, ce soir vous vous apprêtez à passer la main, après 8 ans donc à la tête de la Nef, qui se targue d'être une banque éthique.
00:21Qu'est-ce que ça signifie concrètement ?
00:23Eh bien, éthique, ça fait d'abord appel à la responsabilité.
00:26Et la responsabilité, quand on est une banque, c'est de savoir d'où vient l'argent, à quoi il sert, quel est son sens, quelle est son activité.
00:34Et donc, pour nous, ça se traduit par un premier grand principe qui est la transparence.
00:38Donc, on est la seule banque à publier l'intégralité des contrats de crédit qu'on fait.
00:42Tous nos clients, on en publie la liste.
00:46Alors, sur les investissements que vous faites, est-ce que vous faites des investissements que ne font pas les autres banques ?
00:51C'est-à-dire que nous, on ne fait que des investissements s'ils ont du sens pour la société.
00:56S'ils apportent quelque chose à la vie en société.
00:59Donc, ça veut dire qu'on est essentiellement dans tout ce qui est environnemental, social et culturel.
01:05Même si, du coup, ça peut toucher tous les pans de l'activité économique.
01:08Est-ce que vous pouvez nous donner quelques exemples ?
01:09Je pourrais prendre un menuisier qui intègre des logiques de formation professionnelle et d'insertion socio-professionnelle dans son travail,
01:19qui fait attention à ce que le bois utilisé vienne de forêt, qui est raisonnable.
01:24Il a une activité, on ne peut plus, classique.
01:26Et en même temps, il y met des intentions qui sont réellement d'améliorer la vie en société telle qu'on la connaît aujourd'hui.
01:33Et donc, ça, ça veut dire que vous allez lui prêter de l'argent pour financer ses investissements.
01:39L'argent des clients, des particuliers, là, quels sont vos critères ? Quel est votre cahier des charges ?
01:46En fait, on est finalement une banque, un peu tout ce qu'il y a de plus simple et de plus évidente.
01:50C'est-à-dire qu'on récolte de l'épargne et on l'utilise pour faire des prêts à des entreprises.
01:56La particularité, c'est que l'épargne est surtout citoyenne.
01:59Des individus qui sont sociétaires, souvent, puisqu'on est une coopérative, mais pas toujours,
02:04et qui épargnent chez nous parce qu'ils savent à quoi va servir leur argent
02:08et qu'on leur dit chaque année la liste des prêts qu'on a fait.
02:12Et donc, ils peuvent vérifier comment est utilisé leur argent.
02:14Et vous faites des prêts auprès des particuliers ou seulement des entreprises ?
02:20Pour le moment, c'est essentiellement des entreprises.
02:22On va de plus en plus développer l'activité avec les particuliers aussi,
02:25mais pour le moment, c'est essentiellement des entreprises.
02:27On est d'ailleurs beaucoup dans de la création d'entreprises,
02:30mais toujours des entreprises qui se donnent des objectifs au-delà du profit,
02:36qui sont des objectifs de bien commun et d'améliorer la société dans laquelle on vit.
02:40Et donc, il y a des investissements que vous ne faites pas.
02:42Quelles sont vos lignes rouges ?
02:43Ah oui, nous, quand on étudie un crédit, on va l'étudier sur deux volets.
02:48Le volet économique, parce que c'est l'argent de nos sociétaires, de nos clients,
02:52donc il faut quand même qu'on soit en capacité de rembourser
02:54et que le projet tienne la route économiquement,
02:57mais aussi social ou sociétal,
03:00c'est-à-dire quel est l'impact que ça a si on fait le financement.
03:04Et donc, c'est là où, évidemment, la dimension de la responsabilité éthique se trouve,
03:08c'est-à-dire qu'on essaie d'étudier tous les impacts possibles d'une activité économique
03:13de façon à voir là où elle a de l'intérêt pour le développement durable.
03:19Et alors, vos clients, qui sont-ils ? Est-ce qu'ils sont de plus en plus nombreux ?
03:24Quel est le profil type, si vous en avez un ?
03:26Alors, le profil type, ça devient compliqué parce qu'on est vraiment sur beaucoup, beaucoup de créneaux.
03:30Disons pour les particuliers.
03:32Mais pour les particuliers, ce sont des particuliers qui ont un sens de la responsabilité,
03:37qui ont envie que leur argent serve à quelque chose d'autre que du financement fossile, par exemple.
03:42Ils sont garantis chez nous qu'il n'y a rien qui va vers de l'énergie fossile.
03:45Mais par contre, on va être évidemment très présents dans tous les secteurs bio,
03:49les secteurs des énergies renouvelables,
03:51et dans toute une série d'activités économiques nouvelles,
03:56ou en tout cas qui sont nouvelles à un certain moment et qu'on accompagne dans cette nouveauté.
03:59On pourrait prendre des ressourceries, par exemple, comme ça a commencé à se faire.
04:02Tout ce qui est le recyclage, le vrac, tout ce qui sont des activités économiques nouvelles.
04:08Donc, on est beaucoup dans de l'innovation,
04:11et qui permettent d'être en phase avec une activité économique
04:15et des objectifs sociaux, environnementaux.
04:17Est-ce que l'investissement responsable, Bernard Horenbach, il est aussi rentable ?
04:23Alors, oui, il peut l'être. Disons que ce n'est pas l'objectif premier, mais...
04:27C'est-à-dire que moi, je vous confie mon argent, je vais le récupérer.
04:31Oui.
04:31Je suis sûre de le récupérer, mais je ne suis pas sûre de récupérer plus.
04:36Oui, c'est-à-dire qu'en fait, il y a évidemment des intérêts sur les livrets d'épargne, comme partout.
04:43Donc là, on est dans quelque chose d'assez classique.
04:43Je prends un risque, comme dans n'importe quel investissement.
04:46Ni plus ni moins en termes d'épargnants.
04:48On a une garantie, de toute façon, jusqu'à 100 000 euros sur tous les comptes,
04:52de la même façon que dans toutes les autres banques.
04:54Mais en plus de ça, nous avons cette année-ci, on a quand même des résultats assez extraordinaires,
05:00historiquement, et on va pouvoir distribuer du dividende.
05:03Avec une particularité, c'est que nous, on a demandé l'année passée à nos sociétaires
05:08de travailler sur qu'est-ce qu'on allait faire avec les bénéfices.
05:10Et alors, qu'est-ce que vous allez faire avec vos bénéfices ?
05:13Et donc, il y a eu tout un processus qui s'est mis en place, et les sociétaires ont dit
05:16ce qu'il faut d'abord, c'est élargir l'activité.
05:19Il faut limiter les dividendes, c'est eux-mêmes qui le disent, il faut limiter les dividendes,
05:23mais se donner les moyens d'augmenter les fonds propres, et donc la capacité d'agir
05:28sur la société et d'être plus fort encore dans notre action.
05:31Alors, vous avez été dans le giron du crédit coopératif pendant 35 ans, et donc du groupe BPCE.
05:36Vous avez obtenu votre agrément bancaire l'an dernier.
05:39Qu'est-ce que ça a changé ?
05:41Ah oui, en fait, le crédit coopératif, il nous a adossé, il y a 35 ans,
05:45quand la coopérative s'est créée, qu'elle était une petite activité,
05:48et que le régulateur avait dit, il faut que ce soit adossé à une banque de plein exercice.
05:51Mais en attendant, on a grandi.
05:53Et on a particulièrement grandi ces dernières années.
05:56Et donc, à partir du moment où on atteint un milliard d'euros,
05:59être l'adosseur, c'est-à-dire celui qui garantit,
06:01ça commence à devenir un peu compliqué, parce qu'on commence à être un peu trop grand.
06:04Et donc, il a fallu travailler pour obtenir cette autonomie.
06:08Ce qui ne va pas de soi.
06:09Parce qu'aujourd'hui, la tendance, elle est plutôt à rassembler les banques,
06:12à visiter plutôt une diffusion.
06:14Mais vous pensez que c'est bien pour une banquette comme la vôtre, pour l'ANES,
06:17d'être toute seule et pas dans le cadre d'un groupe ?
06:19C'est une nécessité.
06:21Et à la Fébéa, la Fédération Européenne des Banques Éthiques et Alternatives,
06:24nous avons une charte sur ce que c'est la finance éthique.
06:27Et un des bolets, c'est l'autonomie de gestion.
06:29Il faut à tout prix être autonome dans sa gestion pour pouvoir être une banque éthique.
06:33Un dernier mot sur votre parcours, vous qui vous apprêtez à rendre la main.
06:36Vous êtes donc belge, ça s'entend à votre petit accent.
06:39Vous n'avez pas le bac et vous avez été vendeur de disques.
06:43C'est un parcours complètement atypique pour un banquier.
06:46Oui, mais moi je ne me considère pas comme un banquier.
06:49Et je considère que la banque, elle ne doit pas rester au banquier.
06:51La banque, c'est un outil.
06:52Et c'est un outil qui doit servir la société et en particulier une banque éthique.
06:56Et donc oui, effectivement, j'ai commencé comme disquaire à la grande époque du vinyle.
07:00J'ai quand même repris des études après de psychologie.
07:03Et je suis arrivé en 2008 dans la finance éthique,
07:05au moment où toutes les banques explosaient partout et implosaient dans la crise financière.
07:10Je me suis dit, peut-être que c'est le bon moment pour voir un psychologue dans le monde bancaire.
07:13Merci beaucoup Bernard Orenbeck.
07:15Directeur général de la banque éthique, la NEF.
07:19Invité éco de France Info ce soir.