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  • 04/04/2025
Rejoignez l’équipe du magazine Eléments, emmenée par Olivier François, entouré de ses complices : Patrick Lusinchi, directeur artistique, David L’Épée et Christophe A. Maxime. À l’occasion de la sortie du nouveau numéro d’Eléments, la rédaction s’attaque à un sujet
brûlant : le gouvernement des juges. Jusqu’où ira l’empire judiciaire ? En quelques décennies, les juges se sont arrogés un pouvoir inédit, supplantant parfois le politique. Derrière l’expansion illimitée des droits de l’Homme, c’est une mise sous tutelle du peuple souverain
qui s’opère – en silence, au nom du Bien.

Également au sommaire : notre grand entretien croisé entre Jérôme Fourquet et Pierre Vermeren, les deux plus grands connaisseurs des fractures françaises, de l’œuvre d’Anton Tchekhov et celle, injustement oubliée, de Michel Droit.
Le rendez-vous musclé et impertinent du magazine des idées.

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Transcription
00:00Chers amis téléspectateurs de TV Dirty, bonjour, bienvenue dans cette nouvelle édition du
00:20Plus d'Eléments.
00:21Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir, il arrive que tu viennes en France cher ami,
00:28David Lepay, collaborateur maintenant depuis presque une dizaine d'années d'Eléments,
00:35Patrick Luzinki, notre directeur artistique, et Christophe Lafosse, Christophe André-Maximilien.
00:41Bonjour à tous.
00:43Bien connu de nos téléspectateurs.
00:46Je vous présente déjà le dernier numéro d'Eléments, très chargé comme d'habitude,
00:50avec un entretien avec Bernard Lugan et un dossier, nous allons tout de suite rentrer
00:55dans le vif du sujet, un dossier sur l'État de droit.
00:58Alors j'aimerais citer quand même le début de l'article de notre ami Thibault Mercier,
01:01que certains d'entre vous connaissent, Thibault Mercier qui anime notamment le cercle droit
01:05et liberté, qui fait un très beau travail, on le connaît depuis à l'époque du Covid,
01:10notamment où il avait bataillé contre le Conseil d'État et contre les différentes
01:15lois ou pseudo-lois qui passaient à l'époque, différentes lois liberticides.
01:20Il écrit ceci, derrière l'offensive de Trump, c'est l'État de droit qui est en jeu,
01:25dit François Hollande.
01:26L'ARCOM est victime d'une attaque en règle contre tout ce qui s'appelle l'État de droit,
01:29dit Christophe Barbier.
01:30La Hongrie ne fait toujours aucun progrès en matière d'État de droit,
01:33ce que fait Retailleau est contraire à l'État de droit.
01:36Alors c'est vrai, on peut penser que cet appel à l'État de droit est aujourd'hui
01:41une manière au fond de faire taire les gens et d'empêcher toute critique,
01:47que ce soit de l'immigration ou d'une certaine politique.
01:51On pense évidemment à la politique sanitaire telle qu'elle a été menée par l'époque du Covid.
01:57Qu'est-ce que vous en pensez, vous qui venez de Suisse ?
01:59Quel est votre regard ?
02:00On sait que la Suisse a plutôt une tradition, non pas libertaire,
02:04mais respectueuse de la démocratie, d'une liberté concrète et réelle.
02:08– En théorie, c'est vrai que l'État de droit, c'est devenu un totem,
02:14un petit peu sur le même modèle que les droits de l'homme,
02:16dans la mesure où on se demande si ça désigne une légitimité,
02:21au sens de la légalité de l'application du droit,
02:24ou si ça désigne encore plus de valeurs discutables,
02:27mais qui seraient figées dans le marbre.
02:29C'est tout le débat aussi autour des droits de l'homme,
02:32c'est comme le mot société civile, ou même simplement démocratie.
02:36Est-ce que la démocratie est un ensemble de valeurs
02:39qu'il faudrait appliquer, même contre éventuellement la volonté du peuple,
02:42ou alors est-ce que c'est justement la légitimation populaire d'une décision
02:46par le dégagement arithmétique d'une majorité ?
02:49L'État de droit pose les mêmes problèmes dans l'application du droit,
02:53surtout dans… on associe justement l'État de droit
02:56au fonctionnement démocratique de l'État, à une gouvernance démocratique.
03:00Or, une démocratie qui se limiterait à élire des représentants
03:04et non pas à voter des lois, n'en serait pas vraiment une,
03:07au sens où on l'entend habituellement en théorie politique,
03:10en tout cas depuis les Grecs.
03:12Et la France est l'exemple parfait d'une démocratie élective,
03:15ce qui est une contradiction dans les termes.
03:17La Suisse, malgré tous ses défauts, elle n'en est pas exempt,
03:22mais en tout cas, en théorie, palie à ce défaut-là,
03:28à ce dévoiement-là de l'État de droit, dans la mesure où un certain nombre,
03:31pas toutes, mais un certain nombre de nos lois sont votées par le souverain,
03:35que ce soit par un processus référendaire,
03:38par une initiative populaire, quand il s'agit de proposer une loi,
03:41un référendum, quand il s'agit de s'y opposer.
03:43Et ce, au moins au niveau fédéral et cantonal,
03:47avec un certain nombre de signatures qui peuvent varier.
03:49Alors, je n'en fais pas l'éloge absolu, c'est-à-dire que j'ai tendance,
03:53quand je viens ici en France, à défendre ce modèle-là,
03:56parce que je le pense plus démocratique que le vôtre,
03:59et je sais qu'on est sous la pression de l'Union européenne,
04:02qui voudrait bien que nous nous en départissions
04:05pour pouvoir adhérer et prendre notre place dans le radeau de la méduse.
04:10À l'intérieur, en Suisse, j'ai tendance à être un peu plus critique,
04:14parce qu'on pourrait faire beaucoup plus.
04:16C'est le côté, disons, mon rapport révolutionnaire-conservateur
04:19à la démocratie suisse.
04:20– Très bien.
04:21Il y a quelques années, Pierre-Joseph Vallon avait écrit un livre
04:24qui s'appelait l'après-démocratie, où il définissait…
04:26Enfin, ce n'est pas l'après-démocratie, la démocratie contre elle-même, je crois.
04:29Pardon, je me suis trompé de titre.
04:30Pierre-Joseph Vallon disait, au fond, qu'il opposait à une démocratie populiste,
04:34qui serait simplement la participation des citoyens, la démocratie-valeur.
04:38Évidemment, Rosan Vallon expliquait, d'ailleurs, il avait écrit ce livre
04:42au moment de, je crois, quelques années après les premiers succès
04:45de la droite nationale en Autriche.
04:47Il disait à cette démocratie populiste,
04:49qu'il parlait de démocratie populiste d'ailleurs avec un certain mépris,
04:52il faut opposer la démocratie-valeur.
04:54Et la démocratie-valeur, les droits de l'homme, doivent s'imposer.
04:57Est-ce qu'au fond, cet appel à l'état de droit n'est pas une arme idéologique ?
05:01Oui, c'est remplacer le droit, c'est remplacer le politique.
05:05En fait, l'état de droit, c'est quoi ?
05:08C'est considérer qu'à un moment, on a le droit de voter,
05:12mais on doit voter dans un cadre bien limité qui s'appelle l'état de droit.
05:16Et dans ce cas-là, c'est ce qui se passe aujourd'hui.
05:19C'est-à-dire que quand vous prenez aujourd'hui le RN,
05:22on lui oppose à chaque fois qu'il propose dans son programme,
05:26soit la préférence nationale, etc.
05:28On lui dit, ça ne va pas dans un état de droit, donc vous ne pouvez pas.
05:32C'est-à-dire qu'on limite le politique.
05:35Mais qui limite ? C'est-à-dire que ce sont des juges.
05:38Et c'est ça, le problème, c'est que le juge n'est pas élu en France.
05:43On pourrait dire aux États-Unis, par exemple, le shérif, le juge, est élu.
05:47Mais en France, il n'est pas élu.
05:49Et donc, ces gens-là vont décider de la politique à mener dans un côté restreint,
05:54dont le Conseil constitutionnel, à chaque fois, va rétoquer, etc.
05:57Et ce problème-là, c'est qu'on remplace le politique par la loi, tout simplement.
06:03Donc forcément, vous êtes limité dans ce cas-là.
06:06– Est-ce que vous ne pensez pas, parce que c'est un thème,
06:08je pense qu'un élément, on avait consacré un certain nombre d'articles
06:11il y a déjà plusieurs années à la gouvernance, à l'idée de gouvernance.
06:15La gouvernance comme instance antipolitique, justement.
06:18Est-ce que vous pensez qu'il y a, et ça je m'adresse à chacun de nos invités,
06:23est-ce que vous pensez qu'il y a une possibilité de dérive autoritaire
06:26des démocraties occidentales ?
06:28J'y pense puisque Marine Tourdelier, récemment, nous a expliqué
06:32qu'au vu de la situation internationale, le RN,
06:37jugeant que le RN était proche des démocraties libérales,
06:41il fallait, elle remettait ça sur la table, penser à son interdiction,
06:45voire à son contrôle.
06:46Est-ce que vous craignez cette évolution autoritaire ?
06:49C'est un sujet qu'on a déjà traité.
06:51– Je pense que c'est à craindre.
06:53C'est là où l'État de droit se retourne contre lui-même
06:56ou contre ce qu'il est censé être.
06:58Le cas du RN est assez symptomatique parce qu'on peut sans doute
07:02lui reprocher beaucoup de choses, mais dire qu'il est contraire
07:06à l'État de droit, c'est lui faire un bien mauvais procès
07:09parce que c'est justement, à ma connaissance,
07:12un des partis qui a le plus souvent proposé des réformes à la Suisse,
07:16c'est-à-dire allant dans le sens, par exemple, du référendum populaire.
07:20Donc je comprends que ses adversaires puissent le trouver trop démocrate,
07:26mais dans ce cas-là, il ne faut pas l'accuser du contraire.
07:28Évidemment, la référence aux régimes illibéraux de l'Est
07:35en fait un épouvantail parfait parce que c'est vrai
07:37qu'on ne comprend pas très bien ce que c'est.
07:39Moi-même, je ne suis pas entièrement convaincu par ce syntagme.
07:42Je n'ai toujours pas compris la différence entre illibéralisme
07:44et le fameux oxymore, on va dire, national-libéral,
07:47mais tout le monde n'est pas d'accord.
07:49Mais le risque est bien présent et le prétexte d'interdire quelque chose
07:54sous prétexte d'être contraire à la République,
07:57outre le fait que rien ne prétexte une telle interdiction,
08:01c'est d'autant plus grave quand ça s'adresse à des gens
08:04à qui on ne peut pas rapprocher d'être anti-républicain.
08:07– Dernière question peut-être sur le dossier.
08:09Quelles sont les solutions ?
08:11Parce qu'il y a un problème aussi, cet état de droit,
08:13cette idéologie de l'état de droit, plus exactement,
08:15est portée par un certain nombre d'élites politiques,
08:18mais aussi d'élites judiciaires, de juges qui sont en place.
08:21Ça me semble très difficile aujourd'hui de lutter contre ce pouvoir des juges.
08:24Qu'est-ce qu'on peut en penser ?
08:26– Oui, je vais revenir juste dans le dossier de l'élément actuel.
08:30Il y a un article de l'avocat, je crois, Pierre Gentillet,
08:32qui est avocat, qui lance des pistes,
08:34il parle clairement de la piste référendaire.
08:37L'article de Pierre Gentillet est passionnant
08:39puisqu'il fait une espèce d'étymologie politique aussi
08:42sur l'état de droit, sur l'antagonisme paradoxalement anglo-saxon et allemand
08:47où, en fait, le modèle anglo-saxon est plus prescripteur de liberté
08:52et que, paradoxalement, le modèle allemand,
08:55dont on se sentirait peut-être naturellement plus proche,
08:57est assez rigide et enfermant.
08:59Donc, un article passionnant à découvrir.
09:03L'état de droit, ça me fait toujours penser à ces formules vides
09:07qui sont littéralement des slogans publicitaires,
09:09mais comme la République, en fait, la République française,
09:11avec un grand R, on a l'impression que l'état de droit…
09:14Je crois qu'originellement, l'état de droit,
09:16c'est tout simplement un état dans lequel il y a du droit.
09:18Et c'est un droit qui limite le pouvoir politique.
09:20Bon, alors, on assiste littéralement à une forme d'inversion
09:24et de coupure avec les bases populaires.
09:28Donc, tout ça est assez…
09:30On a réellement une espèce d'inversion des choses.
09:32– Et puis, il y a un état de droit qui n'est plus à la hauteur,
09:35et pour ça, ça me permet de faire une…
09:38pas une diversion, mais de passer à l'entretien.
09:41C'est d'ailleurs le deuxième entretien qu'il nous donne
09:43avec Jérôme Fourquet et Pierre Vermeeren.
09:45Évidemment, cette idéologie de l'état de droit
09:47ou ce principe de l'état de droit ne permet pas
09:49de régler un certain nombre de problèmes dramatiques
09:51qui se posent aujourd'hui à la France.
09:53Évidemment, le problème de l'invasion migratoire,
09:55mais aussi la désindustrialisation.
09:58Pierre Gentillet, d'ailleurs, dans son article,
10:00parle du fait que l'état de droit, aujourd'hui,
10:02empêche d'imaginer la possibilité de nationalisation stratégique,
10:06par exemple.
10:07– C'est une arme idéologique.
10:08– C'est une arme idéologique et une arme économique,
10:10aussi, aux mains d'un certain nombre d'intérêts.
10:12Alors, c'est la deuxième fois que Jérôme Fourquet
10:14et Pierre Vermeeren dialoguent dans les colonnes de notre revue.
10:18L'entretien a été fait par notre ami Daoud Bouyezala
10:21et Thomas Entier, le rédacteur en chef de Crisis.
10:25Est-ce que vous pourriez, pour nos auditeurs
10:27qui ne connaissent pas ces deux auteurs, ces deux politologues,
10:31évoquer un peu Pierre Vermeeren et Jérôme Fourquet ?
10:33– Jérôme Fourquet, tout le monde connaît.
10:35– Tout le monde connaît Jérôme Fourquet, c'est vrai.
10:37– Pierre Vermeeren, effectivement, on l'avait déjà interrogé
10:39il y a 6 ans.
10:40Il a fait un peu l'actualité en ce moment, Pierre Vermeeren,
10:43parce qu'il avait… c'est un universitaire
10:45et que les presses universitaires de France lui avaient commandé un livre,
10:50c'est une commande d'épuffe de son éditeur,
10:54pour faire un livre qui devait encadrer l'idéologie wokisme.
10:59Il avait fait appel à plusieurs universitaires
11:02pour travailler sur ce sujet-là.
11:05Le livre était fini, je crois qu'il était même imprimé,
11:09il a fallu que certains du Collège de France,
11:12dont notre grand historien, j'ai déjà oublié son nom,
11:17hurlent à la mort en disant que c'était un véritable scandale
11:20et le PUF a décidé d'annuler la sortie de ce livre.
11:24Donc Pierre Vermeeren se retrouve,
11:26il paraît qu'il a retrouvé une dizaine d'éditeurs qui sont prêts à reprendre.
11:31On est dans le même sujet que l'État de droit,
11:34c'est-à-dire que, alors ce n'est pas un juge,
11:37c'est le Collège de France qui a décidé de faire pression
11:42et cette pression a fait que ce livre n'existe pas.
11:45Et donc Pierre Vermeeren fait un constat de la France,
11:48qu'il avait déjà fait avec Jérôme Fourquet.
11:51– Qui est assez tragique d'ailleurs, c'est très noir cet entretien.
11:56– Il est beaucoup plus pessimiste que Fourquet et on en parle avec David,
12:00c'est vrai qu'on sort de l'entretien, ça part dans tous les sens,
12:06on se demande comment faire pour que cette France un jour
12:09résiste à ce qui se passe en ce moment.
12:12C'est vrai qu'on ne peut pas dire qu'ils sont très optimistes pour la suite.
12:18– Jérôme Fourquet, quand même, en disant que la volonté politique
12:22peut encore jouer un rôle et qu'on connaît les leviers d'action
12:25et il suffit d'une volonté politique pour les actionner,
12:27notamment en termes de réindustrialisation.
12:29– Jérôme Fourquet croit encore à la volonté politique et aux politiques,
12:32ce qui n'est pas le cas de Pierre Vermeeren.
12:34– Il y a des solutions et puis la France a connu des périodes tragiques.
12:38Il faut peut-être se méfier du mythe de l'homme ou de la femme providentiel,
12:42mais c'est ce que semble dire Fourquet, c'est qu'on est arrivé à un tel degré
12:45de décomposition et de décalage aussi.
12:50Il dit, voilà, beaucoup de gens aujourd'hui, 20% de la population,
12:54dit-il, moi je pensais que c'était beaucoup moins,
12:56qui sont dans un déni absolu de la situation sécuritaire,
12:59de la situation dans les hôpitaux, du délabrement de notre éducation nationale.
13:05C'est assez terrible de voir que la France se dissout.
13:08D'ailleurs, j'aimerais m'arrêter sur le terme d'implosion.
13:12Ce n'est pas une explosion, c'est une implosion.
13:14Est-ce qu'on peut différencier peut-être cet herbe là ?
13:18– En fait, on a une autre question qu'on a envie de se poser,
13:20qu'est-ce qui fait le commun aujourd'hui des Français ?
13:23Et c'est peut-être ça, qu'est-ce qui fait qu'on a encore envie de vivre ensemble ?
13:29Et ça, c'est une vaste question,
13:31et je pense qu'il n'y a pas beaucoup de réponses positives en ce moment.
13:36Le commun, le commun des Français, c'est quoi aujourd'hui ?
13:39– Mais comment faire ?
13:41– Comme disait, je crois, Jérôme Fourquet, il disait,
13:43il y a les deux grands débats, c'est ceux qui pensent au grand réchauffement
13:47et les autres qui pensent au grand remplacement,
13:51qui est souvent lié, et qui va être lié.
13:53– Je pense qu'il faut se méfier, c'est comme les oppositions
13:56dont on a beaucoup parlé dans nos colonnes,
13:58entre faut-il être pour la souveraineté ou l'identité ?
14:00Pour moi, je me méfie beaucoup quand on se met à opposer
14:03deux impératifs absolument vitaux, ce serait tomber dans un piège.
14:08Surtout que cette opposition-là ne recouvre pas
14:11cette espèce de lutte de classe dont on parlait.
14:15Je pense que les 20% au fond se fichent de l'un comme de l'autre,
14:19et ces 20%-là, on parle de cette bourgeoisie qui a vraiment fait sécession,
14:24c'est parce que cette bourgeoisie fait sécession que le commun est devenu compliqué
14:29et tous les autres qui auraient envie ou en tout cas intérêt à faire du commun
14:33peuvent répandre par une sécession inverse.
14:36On avait aussi consacré un numéro à ça, qui peut être le fait de…
14:41comme on dit aux États-Unis, je ne contracte pas,
14:43alors ça prend des formes démagogiques très bêtes,
14:46mais disons, il y a l'idée de dire qu'à partir du moment
14:48où on n'est plus du tout convaincu du bon usage des impôts qu'on paye,
14:54on peut tomber dans un discours de rupture avec ça,
14:57et de rupture qui peut aller jusqu'à la rupture avec la communauté nationale,
15:01dans les cas les plus extrêmes, on aura justement la retraite de type survivaliste.
15:07Mais quel que soit le jugement qu'on puisse porter sur cette sécession,
15:12cette sécession-là est réactive par rapport à l'abandon de la bourgeoisie dominante
15:18qui, comme un capitaine sans principe, aurait quitté le bateau en premier.
15:26Ce qui délégitime toute notion d'élite au passage.
15:29– Question personnelle ou en tout cas témoignage,
15:31quand vous avez lu l'article, est-ce que vous vous êtes reconnu
15:34dans le diagnostic ou le panorama que nous offre de la France actuelle,
15:39que nous offrent Fourquet et Vermeeren ?
15:41Ou est-ce qu'au contraire vous le trouvez ?
15:43Non, ils sont trop pessimistes, ils exagèrent.
15:45Est-ce que vous avez ce sentiment,
15:47et je tourne vers toi particulièrement David Lepay,
15:50quand tu vis en France, d'une société qui est en train de se défaire ?
15:54– Alors évidemment, je ne peux pas m'y reconnaître si ce n'est comme observateur.
15:58Mais oui, sans entrer dans les détails,
16:02des conversations que j'entendais dans le TGV en venant ce matin,
16:07de gens qui étaient complètement à contre-courant
16:10de ce qui pouvait se dégager électoralement,
16:12et qui avaient pourtant l'impression d'incarner la normalité,
16:15des choses où je me disais,
16:16mais ces gens vivent face à face après avoir vécu côte à côte,
16:20comme disait Gérard Colland, et ne s'en rendent même pas compte.
16:24Non, je pense que de ce point de vue-là, c'est très inquiétant,
16:27surtout que ça s'inscrit aussi dans un contexte économique
16:31qui est international plus que national.
16:33Il y a aussi tout un pan de cet entretien
16:35où on nous explique que les Français supportent
16:38que leur salaire n'augmente pas, à condition qu'on puisse leur vendre
16:41des produits pas chers qui sont fabriqués ailleurs
16:43et qui sont de mauvaise qualité.
16:44Tout est interdépendant, et si on actionnait les choses
16:48dans l'autre sens, on pourrait remplacer le cercle vicieux
16:50par un cercle vertueux.
16:52– Patrick ?
16:53– Oui, on est devenu un pays de purs consommateurs,
16:57et on ne produit plus rien.
16:59Je discutais il n'y a pas si longtemps avec un ami
17:02dont sa fille est partie faire des études dentaires,
17:06pour devenir dentiste.
17:08Elle est partie au Portugal, à Lisbonne exactement.
17:11Et à Lisbonne, en première année de dentaire,
17:15vous avez plus de 800 Français qui rentrent.
17:18Donc les premières et les deuxièmes années
17:20sont bilingues, portugais et français.
17:23Donc il y a nos propres enfants qui viennent,
17:28parce qu'il faut de l'argent pour aller faire ses études là-bas,
17:31et nos propres enfants font maintenant aujourd'hui
17:33leurs études ailleurs, parce qu'en France,
17:35on n'a plus les moyens de faire.
17:36Et quand je vous parle des dentaires,
17:38il m'a dit que c'était pareil pour les médecins
17:40et les vétérinaires.
17:41C'est-à-dire qu'on ne produit même plus
17:43notre propre élite, nos élites vont à l'extérieur
17:47et parfois ne reviennent même plus.
17:49– C'est un royaume du Portugal.
17:51– Et je pense qu'on n'est plus que des consommateurs,
17:53on ne fait plus rien.
17:55Et la consommation, le jour où elle va s'arrêter,
17:58et c'est pour ça qu'aujourd'hui,
18:00il est très important pour les gouvernements
18:02qui sont en place de ne plus toucher
18:04à tout ce qui est retraite, pension, etc.
18:06parce que là, c'est l'explosion qui aura lieu en France.
18:10Ça sera la rupture.
18:12– Ecoutez, tout ça est formidablement optimiste
18:14et joyeux, cher Patrick.
18:16On va peut-être s'arrêter, je crois,
18:18parce qu'il y a un petit événement dans Éléments,
18:20c'est l'entretien que Gérard Leclerc
18:22a donné à Alain Benoît.
18:24Je m'y arrête un petit peu,
18:26ça peut étonner un certain nombre de nos lecteurs,
18:28surtout ceux qui connaissent un peu le passé de la revue
18:31et les divergences, seulement qu'on puisse dire,
18:33qu'il y a pu y avoir entre Gérard Leclerc et Alain Benoît.
18:36– Alors c'est vous qui allez nous donner les réponses,
18:39parce que, qui est Gérard Leclerc déjà ?
18:41– Gérard Leclerc, c'est une figure importante du royalisme français,
18:45quelqu'un qui a été très longtemps, d'abord à l'Action française,
18:48dès les années 60, qui ensuite,
18:50à partir de l'événement de mai 68,
18:54a voulu, au fond, après d'autres,
18:56après notamment, on pense à son maître Pierre Boutan,
18:59essayer de rénover le royalisme,
19:02et particulièrement dans sa version morassienne.
19:05Il faut savoir aussi la situation du morassisme après-guerre.
19:09Il y a eu toujours de très belles intelligences à l'Action française,
19:12mais il y avait aussi une part de l'Action française
19:14qui avait tendance à transformer la pensée de morasse
19:16en un espèce d'académisme un peu sclérosé.
19:19Et face à l'événement, un certain nombre de gens,
19:21on peut penser à Gérard Leclerc, à François-Marin Floteau,
19:23Bertrand Renouvin, d'autres que je ne vais pas tous citer,
19:27ont fait une dissidence, à partir de 1971,
19:31qui s'appelait la nouvelle Action française,
19:33en essayant de rénover la pensée morassienne
19:35en la confrontant aussi aux grands enjeux de l'époque,
19:38qui étaient les grands enjeux, l'écologie, le régionalisme, le gauchisme.
19:41Et Gérard Leclerc a accepté de donner cet entretien à Alain de Benoît
19:47à la faveur de la future réédition d'un autre morasse,
19:50d'un autre morasse qui, pour une génération de militants, a compté.
19:54Et je crois que vous avez des questions à me poser, parce que…
19:56– Mais c'est surtout ce qui est très étonnant,
19:58c'est qu'il y a eu un conflit entre Gérard Leclerc et Alain de Benoît,
20:02à la fin des années 70.
20:04C'est quoi, c'est une réconciliation qu'il y a sur le plan des idées ?
20:08– Non, il n'y a pas de réconciliation, il y a une courtoisie,
20:11une amicale conversation entre les deux.
20:15Gérard Leclerc aussi a peut-être bougé par rapport…
20:19La Nouvelle-Droite aussi a changé par rapport à ce qu'elle a pu être
20:23à la fin des années 70.
20:24Il faut voir que la Nouvelle-Droite, à la fin des années 70,
20:26était aussi une Nouvelle-Droite très moderniste,
20:29très violemment antichrétienne, évidemment.
20:32À l'époque, Gérard Leclerc, ça ne pouvait pas trop lui convenir.
20:35– Gérard Leclerc, qui est un homme très catholique, il faut le préciser.
20:37– Qui est un catholique, qui a été chroniqueur religieux
20:40pour le quotidien de Paris à la grande époque de Philippe Tesson, etc.
20:44C'est aussi une manière de rendre hommage,
20:47parce que Gérard Leclerc a été, pour un certain nombre de militants,
20:51une sorte de maître, d'aîné, qui a apporté beaucoup de choses,
20:57y compris sa lecture de Bernanos, sa lecture de Boutan,
21:01son témoignage sur un certain nombre d'événements intellectuels
21:04qu'il a pu vivre depuis les années 60.
21:06Il faut dire aussi que, peut-être depuis la Manif pour tous,
21:11l'action française, il y a eu toujours des creux et des vagues,
21:15si je peux dire, des creux et des sommets.
21:17Et l'action française, le mouvement royaliste,
21:20depuis quelques années, a repris du poil de la bête,
21:22notamment intellectuellement, avec la fondation des éditions de flore,
21:25des universités d'été qui réunissent plusieurs centaines de personnes, etc.
21:30– Est-ce que c'est un retour de… parce qu'on connaît bien,
21:35l'action française, effectivement, a eu des militants intellectuels,
21:39mais qui sont souvent partis, fâchés.
21:42Gérard Leclerc revient vers l'action française.
21:44– Gérard Leclerc n'a jamais abandonné son militantisme politique.
21:48Mais disons, c'est vrai qu'au sein de la NAF,
21:51au sein de la nouvelle action française,
21:52il incarnait peut-être davantage que d'autres une fidélité morassienne,
21:56une fidélité à l'œuvre de Maurras, davantage qu'un Bertrand Renouvin,
22:00qui lui a très clairement rompu avec Maurras,
22:02qui n'en parle quasiment plus, sinon de manière historique,
22:05et qui aujourd'hui est sur une ligne, on va dire,
22:07gaullo-monarchiste, matinée de souverainisme, souveraino-monarchisme.
22:12Il se trouve que Renouvin, je l'ai croisé circa 2002,
22:16à l'époque de la campagne de Jean-Pierre Chevènement.
22:19Gérard Leclerc, lui, est en effet gardé plutôt cette ligne,
22:23cette ligne morassienne, alors évidemment, c'est un Maurras relu,
22:26révisé, dont il conteste un certain nombre d'éléments,
22:31renouvelé, à la fois par d'autres influences,
22:34puisque si Gérard Leclerc est fidèle à son maître Maurras,
22:39il est aussi en dialogue permanent avec Simone Veil,
22:42avec Gustave Thibon, avec Bernanos,
22:45avec une certaine pensée chrétienne et personnaliste,
22:49et il a nourri son Maurrasisme,
22:51le Maurrasisme de Gérard Leclerc est un Maurrasisme dynamique.
22:54C'est vrai que Maurras disait que la tradition est critique,
22:57la tradition dont se réclame Gérard Leclerc est une tradition critique.
23:00Il ne s'agit pas pour lui de maintenir cette tradition
23:06par habitude ou par routine.
23:09– La vraie dissidence, c'est que un Gérard Leclerc,
23:15comme beaucoup d'autres, vont être peut-être les premiers,
23:20après-guerre, à décider, c'est la question taboue,
23:24l'antisémitisme de Maurras, ils vont y faire face,
23:28ce qui n'était pas le cas de beaucoup d'anciens qui ne voulaient,
23:31on ne parlait plus de ça.
23:33– On ne parle plus de ça, évidemment il y a la question de l'État aussi,
23:36il y a une lecture, une relecture peut-être de la Résistance,
23:39je pense à François-Marin Floteau qui avait d'ailleurs donné,
23:42il y a quelques années, un entretien à éléments,
23:46une relecture montrant qu'en effet une partie de la Résistance
23:49avait été d'origine royaliste et que, sous prétexte que Maurras
23:53avait plutôt lui fait le choix du maréchal,
23:55il ne fallait pas forcément garder cela dans l'héritage.
24:00Et en effet, Gérard Leclerc a non seulement rompu
24:03avec l'antisémitisme de Maurras, sujet qu'il faudrait consacrer,
24:09énorme et plein d'ambiguïtés, et très complexe,
24:12mais en effet il y a cela.
24:14Et au fond, Gérard Leclerc a écrit un beau livre aux éditions alliées
24:19dans les années 70, animé par Jean Héderne,
24:21un beau livre sur Bernanos, avec Bernanos,
24:24au fond, Gérard Leclerc va corriger Maurras par Bernanos en quelque sorte.
24:27Mais tout en restant fidèle à Maurras,
24:30et au fait qu'il réédite ce livre, un autre Maurras en témoigne.
24:34– Je vais prendre votre place, deux minutes.
24:39Christophe, vous avez Michel Droit.
24:41– Michel Droit.
24:42– Écoutez, on parlait de l'État…
24:43– Il nous reste 1 minute 33 pour nous parler de Michel Droit.
24:45– On passe, nous parlons de l'État de Droit,
24:47moi je parle de l'État de Michel Droit.
24:48C'est pour fêter les 25 ans de sa mort,
24:50Michel Droit qui a été une figure, le porte-micro du gaullisme officiel,
24:53figure souvent moquée, un peu comique,
24:56moi j'ai voulu parler déjà du très grand Résistant,
24:59il est même simplement retrouvé blessé au nid d'aigle,
25:01grand journaliste, grand écrivain, grand aventurier,
25:03successeur de Kessel qu'il admirait à l'Académie française.
25:06Donc le Michel Droit qui a eu des maladresses,
25:09avec un côté un peu rigide et raide,
25:11qui notamment s'était pris…
25:13qui avait eu une polémique importante avec Serge Gainsbourg,
25:16où Gainsbourg par le rire l'avait un peu ridiculisé.
25:19Mais c'est une figure, Michel Droit, de très belle auteur,
25:23une figure d'homme oublié qui n'existe plus.
25:26C'est un romancier à redécouvrir,
25:28mais surtout un homme de portrait.
25:30Relire son journal, Michel Droit,
25:32ce n'est pas seulement une mémoire un peu nostalgique
25:34et parfois un peu risible.
25:36C'est un grand bonhomme.
25:37– Qui a été souvent invité dans les colocs du Grèce.
25:41– Fondateur de Philo Magazine,
25:43et un homme fidèle qui a défendu beaucoup de choses.
25:45– On n'a pas le con d'être droit, disait Gainsbourg,
25:47c'était très méchant.
25:48– Qui mettait les rires dans sa boche, mais droit,
25:50et qui était lui autant un authentique grand Résistant,
25:52donc on ne peut pas le taxer de choses comme ça.
25:54Il a été maladroit, et c'est un homme d'un autre temps,
25:56donc un peu en noir et blanc.
25:58– En tout cas, merci de vous explorer un peu
26:00des zones méconnues de la littérature française.
26:03– Et un académicien qui a eu un travail énorme,
26:05notamment ses discours de réception d'académie
26:07sont extraordinaires sur Kessel et d'autres gens,
26:09donc c'est un homme à redécouvrir, Michel Droit.
26:12– Et qui a soutenu Jean Héderne.
26:14Allez, avec Jean Dutour, on voit des images de Michel Droit
26:16participant à une émeute, à l'époque où Tapie
26:18voulait réquisitionner, expulser Jean Héderne de son appartement.
26:23Il nous reste encore une minute,
26:25mais la minute qui reste c'est pour vous souhaiter tout le bonheur,
26:29et surtout vous appelez à lire le dernier numéro d'Eléments
26:32que je remonte, le coup d'état des juges.
26:34Vous retrouverez aussi tous les articles,
26:36la chronique évidemment, l'éditorial d'Alain de Benoît,
26:40les chroniques littéraires, les chroniques militaires
26:42de notre ami Bernard Lugand.
26:44Ah oui, merveilleux évidemment,
26:46il met un peu les points sur les îles, sur l'affaire algérienne,
26:48et une rencontre avec Doug Skouridja,
26:51de notre ami Corse, dont le nom m'échappe, je suis désolé,
26:55et c'est à Olivier Badistini qui a fait une très belle rencontre,
27:00qui a été voir à Coussendorf, Émir Koussourika.
27:03Je vous souhaite à tous une bonne journée, une bonne soirée,
27:07et à très bientôt, le mois prochain,
27:09vous retrouvez Patrick Lusin qui, pour cette année-là, au revoir.

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