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Pour ce nouvel épisode de "Chocs du monde", le magazine des crises et de la prospective internationales de TVL, Edouard Chanot reçoit Roland Lombardi. Géopolitologue, il dirige le média "Le Diplomate" et enseigne à l’université d’Aix-Marseille et à l’école de commerce Excelia de La Rochelle.
Donald Trump n’a pas arrêté depuis 100 jours, plus une semaine de présidence. On pensait qu’il voulait révolutionner l’Amérique, le voici qui bouscule le monde et, disons-le surtout, le mondialisme. Prévoir le coup d’après de ce président, en apparence imprévisible, devient un impératif.

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00:00Bonsoir à tous et bienvenue dans Choc du Monde, le magazine des crises et de la prospective
00:26internationale de TVL. Depuis 100 jours plus une semaine, Trump n'a pas arrêté. Il n'a pas
00:32arrêté d'agir et c'est la grande surprise peut-être. On pensait qu'il allait révolutionner
00:37l'Amérique, mais voici qu'il s'attaque au monde et peut-être plus précisément au mondialisme.
00:42Alors pour saisir cette révolution qui est encore sous-estimée et pour essayer de prévoir le coup
00:47d'après de ce président en apparence imprévisible, je reçois le géopolitologue Roland Lombardi.
00:53Roland Lombardi, bonjour. Bonjour. Merci d'avoir répondu présent à l'appel de Choc du Monde.
00:58Vous dirigez le média Le Diplomate et vous enseignez à l'université d'Aix-Marseille et à l'école de
01:03commerce Excelia de La Rochelle. Nous allons donc évoquer avec vous ce président imprévisible.
01:09Est-ce le bon adjectif au vu de ses actions ? Roland Lombardi, vous dites qu'il ne l'est pas tant que ça.
01:15Non, parce qu'on a déjà eu, on l'oublie, on oublie qu'il a déjà fait un mandat. Notamment,
01:20on l'a déjà oublié pour évoquer son mandat précédent de 2016 à 2020 qui était plutôt positif
01:27d'ailleurs. C'est pour cela peut-être qu'on l'occulte. Non, il n'est pas prévisible puisqu'on a quand même
01:33un peu ce recul pour connaître sa manière d'agir, sa manière de parler. On sait ce qu'il veut en plus.
01:43Voilà, on fait semblant de ne pas savoir ses grands objectifs, mais en fait, à partir du moment où on sait
01:49ce qu'il veut, on peut analyser très bien ses actions et ses paroles. Alors, il dirige le monde, a-t-il dit
01:56lui-même il y a quelques jours. Et justement, je vous propose de faire le point sur ces déclarations,
02:01sur ces déclarations qui sont amusantes, à vrai dire, mais aussi d'une grande pertinence. Écoutons-le.
02:06Cette fois-ci, je dirige le pays et le monde, a déclaré Trump le 1er mai à la revue The Atlantic.
02:12La première fois, j'avais deux choses à faire, a-t-il affirmé, diriger le pays et survivre. Je
02:17devais faire face à tous ces escrocs. Et celui-ci de fanfaronné, je m'amuse beaucoup, vu ce que je
02:22fais. Tout en estimant que son travail était vraiment sérieux. Se jugeant excellent en matière de
02:28commerce, il s'est par ailleurs attaqué à l'ancien président Ronald Reagan, icône des conservateurs,
02:33le qualifiant de nul en commerce international. Triomphaliste, Trump a même évoqué une
02:37candidature en 2028 pour un troisième mandat, ce qui est en principe interdit par la constitution
02:42américaine. Qu'à cela ne tienne, la casquette Trump 2028 est d'ores et déjà en vente sur
02:47son site.
02:52Je vais revenir sur la stratégie globale de Trump en lombardie, si vous le voulez bien. Mais
02:56il y a quand même ce problème psychopolitique. Et quand on vous lit dans votre revue, vous
03:01jouez aussi à ce jeu du psychologue avec Donald Trump. Il a ce sentiment, disons, d'invincibilité,
03:08d'invulnérabilité qui est proprement stupéfiant. Est-ce de l'hubris ou non, selon vous, Laurent
03:13Lombardi ? A-t-il déjà atteint ce stade ou a-t-il encore les pieds sur terre ?
03:18Non, c'est fort possible. Il y a beaucoup d'études psychologiques, entre guillemets, par
03:22certains observateurs. Mais bon, c'est surtout pour le dénigrer, pour se moquer souvent.
03:29Mais il ne faut surtout pas le sous-estimer. Parce que, certes, il y a ce côté psychologique
03:35un peu mégalomane, voire même beaucoup. Mais ça, c'est sûr qu'il l'est. Bon, quelle
03:40politique n'est pas mégalomane, quelque part ? C'est simplement le niveau de mégalomanie
03:49qui différencie le petit homme politique du grand homme d'État, souvent. Alors oui,
03:53certes, il a ce travers. Mais l'actualité a parlé pour lui avec un seul exemple, le
03:59retour Tony Truant qu'il a fait à la Maison-Blanche en janvier 2025, avec des élections
04:04à l'automne précédent qui ont été vraiment une surprise, même pour ceux qui disaient
04:10qu'il pouvait gagner. Mais tous, on pensait qu'il gagnerait. S'il gagnait, ça serait
04:15vraiment une limite. Et là, ça a été vraiment un raz-de-marée, un retour Tony Truant.
04:20Donc, ça joue pour lui. Donc, ça vient alimenter son style gagnant, toujours gagnant
04:29sur les éléments. Donc, quelque part, il a raison, puisque les faits lui donnent raison.
04:34Et ça lui donne une assurance certaine qui déstabilise justement ses adversaires,
04:40mais qui, lui, pour le coup, le conforte dans son action.
04:45Nous l'avons entendu dire, Reagan est nul en commerce international. C'est quelque chose
04:50assez important, me semble-t-il, parce que le réganisme était jusque-là un pilier
04:53de la doctrine républicaine et l'écarte délibérément. Faire le procès de Reagan,
04:59c'est donc faire le procès du libéralisme des années 80. Est-ce une question d'égo
05:04ou plus largement, Roland Lombardi, Donald Trump, a-t-il un plan ?
05:08Je pense qu'il a un plan. Bon, après, pour revenir sur sa critique de Reagan, c'est un
05:11peu gros, un peu fort de café venant de sa part parce qu'il s'en espère beaucoup,
05:15notamment dans sa guerre commerciale contre la Chine. Bon, après, il dit qu'il est
05:19nul, que Reagan est nul. En tout cas, lorsqu'on connaît un peu l'histoire, Reagan, lui,
05:24avait lancé la même politique, la même guerre commerciale et économique contre le
05:29Japon. Et lui, il avait remporté cette guerre commerciale contre le Japon. Trump fait la
05:35même chose avec la Chine. Alors, on verra si lui parviendra.
05:38Le morceau est-il un peu plus gros, quand même ?
05:40C'est ce que j'allais dire. C'est que là, c'est vrai qu'il s'attaque à beaucoup plus
05:43gros. Mais en tout cas, en tout cas, c'est de la communication chez Trump. Il sait que,
05:51voilà, ça fait partie de sa stratégie pour revenir sur sa stratégie globale, sur sa
05:56lutte contre le mondialisme actuel, sur le capitalisme sauvage, justement, qui a commencé
06:01dans les années, qui s'accélérait, plutôt qui s'accélérait dans les années 80. Et
06:06donc, voilà, c'est une pique qu'il fait au réganisme. Mais en tout cas, il y a beaucoup
06:13de similitudes, malgré tout.
06:14Vous dites que son plan est logique et limpide.
06:17Ben oui, parce qu'à partir du moment où on sait ce qu'il faut écouter attentivement,
06:21sans mépriser, sans sourire, sans se moquer, ce qu'il dit et ce qu'il a fait, et voir
06:26ce qu'il a fait durant son premier mandat. Son objectif, c'est de contrecarrer la prise
06:31du pouvoir, si j'ose dire, du monde par la Chine. Donc, à partir de là, on peut
06:34décrypter toutes ces actions dans le monde, en Ukraine, notamment en Ukraine, rapidement.
06:40Lorsqu'il veut arrêter la guerre en Ukraine, c'est pas pour les beaux yeux des Ukrainiens
06:43ni pour des Russes. C'est tout simplement parce que ça n'a aucun intérêt vital et
06:48aucun intérêt géostratégique pour les États-Unis, mis à part récupérer les
06:54terres rares de l'Ukraine, chose qu'il est arrivé, c'est un succès pour lui, parce
06:58qu'on l'a vu ces derniers jours, il est arrivé à signer un contrat.
07:01Avec l'Ukraine pour la reconstruction et pour la récupération des métaux rares
07:07qui sont essentiels, justement, dans cette lutte contre la Chine. Et aussi pour essayer
07:10de sortir, essayer de sortir du giron chinois, la Russie. Ce qui est logique à n'importe
07:16quel géopolitologue sérieux, vous direz que lorsque vous êtes un Américain, il ne
07:21faut surtout pas que Pékin et Moscou soient réunis. Il faut les séparer. C'est la
07:26doctrine de Kissinger. Et Trump va dans cette logique. Pareil pour le Moyen-Orient. Lorsqu'il
07:31veut amener la paix au Moyen-Orient, encore une fois, ce n'est pas pour les beaux yeux
07:34des Arabes ni d'Israéliens. C'est parce qu'il n'a plus besoin du pétrole du Moyen-Orient.
07:38Il veut se focaliser sereinement contre la Chine pour mettre toutes ses forces dans la bataille
07:44qui s'annonce, qui a commencé et qui va être assez difficile et assez dure.
07:48Alors, assez difficile. On a un peu le sentiment ou la crainte pour Donald Trump. Biden a été
07:55en échec face à la Russie. Comme vous dites, il a poussé Moscou et Pékin à 110. Trump
08:00peut-il être en échec face à la Chine ? Ce qui signerait la fin de l'Empire américain.
08:05Ah oui, rien n'est écrit. Surtout qu'il part de loin, comme je l'ai écrit dans un second
08:10édito, puisque la Chine est arrivée aujourd'hui, à l'heure actuelle, et ça s'est accéléré
08:15justement à cause de la mission Biden, à un tel niveau d'influence dans le monde
08:19de par ses investissements, de par ses rachats de dettes de pays. Il y a une étude
08:26qui avait parfaitement décrite cette situation, c'est qu'au début des années 2000, la Chine
08:32était influente auprès d'une dizaine de pays. Aujourd'hui, en 2025, c'est plus de
08:3680 pays, voire 100 pays qui sont sous l'influence directe de la Chine.
08:40Les routes de la soie.
08:41Voilà, donc c'est pour cela que la Chine a le monopole des métaux rares. 78% de
08:47la production mondiale des métaux rares appartient à la Chine. Donc dans la guerre
08:52commerciale qui est en train de se jouer, ça va être très compliqué pour les Etats-Unis.
08:58Mais en tout cas, Trump, lui, a le courage, il ne se résigne pas, il a le courage d'aller
09:03au combat et d'essayer de sauver la partie, de maintenir l'hégémonie américaine au niveau
09:09mondial. D'autant plus qu'il choisit un combat commercial et non pas a priori, en
09:15tout cas de prime abord, un combat beaucoup plus militaire, même si en effet, il y a eu
09:19des tentatives de containment de la Chine. Là, il tente de jouer la partie sur un niveau
09:25douanier, sur un niveau commercial. N'a-t-il pas quand même perdu cette première manche
09:29commerciale ? En annonçant des tarifs douaniers, puis en se rétractant ?
09:34Non, pas du tout, je ne pense pas. C'est vrai que beaucoup d'observateurs, mais par un biais
09:37idéologique et un anti-trumpisme primaire, ont évoqué ce cas-là. Mais rapidement, avec
09:44cette guerre douanière qui a duré une dizaine de jours, ce qu'il a fait, c'est qu'il a encore
09:51une fois déstabilisé tous les pays de la planète. Et il a dit, si justement, ce n'était
09:57pas du bluff pour le coup, il y a une soixantaine de pays, plus de 70 pays qui sont venus directement
10:02négocier avec lui à Washington, justement sur ces tarifs. Et dans ces pays, il y avait
10:06des pays européens, on oublie de le dire, mais aussi des pays qui sont membres des BRICS.
10:10Ça aussi, on l'a peu dit. Et puis, lorsqu'il s'est rétracté, on oublie tout le monde.
10:14Alors, tout le monde s'est moqué à traiter cette initiative de farfelue, vraiment de
10:23brouillonne, etc. Sauf qu'on oublie que les 10% de base de taxes sont maintenues. Alors,
10:29beaucoup ont pris ce recul, cette fameuse reculade, entre guillemets, de Trump comme un échec
10:34et sont soulagés par cette reculade. Sauf que les 10% sont toujours là. Donc, pendant
10:3990 jours, il va y avoir des négociations. Et les 10% de charges nouvelles, de taxes
10:44nouvelles, sont toujours maintenues.
10:46D'ailleurs, certains pays y échappent. On pense à la Russie. Et ce que vous pensez,
10:52que c'est absolument délibéré ?
10:53Déjà, il n'y a pratiquement plus... Déjà, la Russie est lourdement sanctionnée par
11:01les Etats-Unis et la communauté internationale. Et surtout, il n'y a pratiquement peu ou
11:07pratiquement pas de commerce entre les Etats-Unis et la Russie. Dans ça, ça ne les concerne pas.
11:10Mais c'est vrai que quelque part, ça peut être une sorte de main tendue, justement,
11:14dans les négociations en cours.
11:16Vous disiez, Roland Lombardi, que l'horizon géopolitique de la Chine a été multiplié
11:22par 8, si ce n'est 10, entre 10 et 80 pays en 20 ans. N'est-ce pas ?
11:26La Chine est-elle, à ce point, en situation de force ? A-t-elle des faiblesses ?
11:31Selon vous, Trump peut-il capitaliser sur certains d'entre elles ?
11:35Absolument. Elle a... Bon, déjà, elle a des faiblesses intrinsèques au niveau, par
11:40exemple, la démographie. La loi du nombre, c'est toujours important. Donc, c'est une
11:43population vieillissante. Mais au-delà de ça, pour aller très vite, sa plus grande
11:47faiblesse, c'est qu'elle est indépendante, paradoxalement, de son commerce extérieur.
11:53Lorsque Trump annonce ses taxes faramineuses qui allaient toucher les produits chinois,
12:00beaucoup ont rigolé, on va dire. Mais en tout cas, la Chine, elle, ne rigole pas, parce
12:05que ça représente quand même 10-15% de son commerce extérieur, malgré tout. Et si
12:11Trump a réussi son pari de faire sortir pas mal de pays du giron chinois, ça sera un
12:19succès pour lui. Et la Chine le sait pertinemment. La Chine, elle, ne voit pas Trump comme un
12:24clown. Attention, ils sont très inquiets de ce qu'il fait. En tout cas, c'est un premier
12:28rempart à l'accession au pouvoir planétaire pour la Chine, qu'ils évoquent eux-mêmes
12:33et qu'ils assument à partir de 2049. Donc, oui, ils sont très inquiets de la politique
12:41de Trump parce que, même si elle est infime, il a une petite chance de parvenir. Et puis,
12:46on l'a vu. Il y a des pays... Alors, la Russie, pour l'instant, non. On le voit avec
12:49le défilé du défilé.
12:50Globalement, vous évoquez donc le fait que la Chine est... Le point faible de la Chine
12:55est son interdépendance. Mais c'est ce à quoi s'attaque Donald Trump.
12:58Donc, il s'attaque à la Chine, symbole de cette interdépendance, mais à un système
13:03mondial entier. Il s'attaque aussi à l'OMS, à l'OMC. Là, est-ce que... Bon, on dit
13:07que la Chine, c'est un gros morceau. Mais alors là, qu'est-ce que c'est ?
13:10Ah ben oui, ça, c'est sûr que... Oui, mais justement, pour lui, il le dit lui-même,
13:15c'est en fait, ça bénéficie à la Chine. Voilà. Ça bénéficie à des intermédiaires
13:18des grandes sociétés américaines comme européennes, occidentales, qui, pour
13:21Trump, c'est encore ses mots, sont vendus aux Chinois déjà, puisqu'ils ont tous
13:25de localiser leurs fabrications, leurs usines en Asie ou en Chine
13:31particulièrement. Donc oui, c'est un gros morceau, mais il a encore quelques leviers,
13:37puisque les États-Unis restent tout de même la grande puissance économique et
13:41commerciale à l'heure actuelle. Et il lui reste ces quelques leviers pour faire
13:45pression, on l'a vu, durant la semaine folle de la guerre des taxes, pour pouvoir
13:52inverser la tendance.
13:55Bon, on a quand même le sentiment, même s'il y a ce sentiment d'invulnérabilité,
13:58que Trump a acté le déclin de l'Occident, qu'il veut remédier.
14:01Absolument. Oui, c'est ça. C'est absolument ça. C'est pour lui...
14:06Pour lui, mais bon, voilà, il est très bien entouré, c'est un manager, c'est pour ça
14:10qu'il ne faut surtout pas le sais-estimer. Les meilleurs stratèges sont autour de lui
14:14pour l'instant, ce sont des réalistes, et tous savent pertinemment que nous entrions
14:22dans le siècle chinois, depuis au moins 2020. Donc, avec tout ce que ça implique de
14:27conséquence pour la puissance, l'hyperpuissance américaine. Et donc, lui, conscient de cet
14:33État-là, veut enrayer ce déclin interne avec sa politique anti-walk, etc. Et donc,
14:41aujourd'hui, avec sa politique commerciale agressive, ce déclin international.
14:46Il veut refonder l'Occident, Donald Trump, mais est-ce vraiment le cas quand il veut
14:51se lancer dans le rattachement du Groenland aux États-Unis, qui est quand même une opération
14:55de très très très long terme, quand il évoque le canal de Panama, de manière peut-être
15:00un peu moins sérieuse quand même, le Canada comme 51e État des États-Unis. Et puis, il s'est
15:05engagé dans des frappes au Yémen, en soutien d'Anna Yaou. Il y a le cessez-le-feu en Ukraine,
15:11qu'il n'arrive pour l'instant pas totalement à obtenir, même s'il a avancé sur certains
15:17points. Bon, on a le sentiment que d'innombrables dossiers ont été ouverts et que les choses
15:23n'avancent pas tant que ça.
15:25Moi, je ne vois pas ça comme ça, puisque un exemple, le Panama que vous évoquiez, lorsqu'il
15:31a commencé à menacer le Panama, ça a marché, puisque le Panama a suspendu les négociations
15:38qui étaient en cours avec la Chine. Donc, c'est pour cela que je vous dis que la Chine
15:42regarde ça avec grand intérêt et grande inquiétude. Après, bon, pour le bouy, tous
15:47ces projets, ce sont des projets à long terme, bien sûr. Et surtout, bon, le problème, c'est
15:52qu'il y a une résistance. Alors, il y a la résistance de la Chine, bien sûr, mais
15:55il y a aussi une résistance dans son propre camp occidental, justement. On le voit avec
15:58l'Europe, avec les gouvernements progressistes et mondialistes qui sont à la tête de l'Union
16:03européenne et dans certains pays, qui sont clairement contre la politique de Trump et
16:08qui, on le voit, on entend cette petite musique, qui ont décidé même de rejoindre la Chine
16:13dans un combat contre Trump, alors que Trump applique ce que nous devrions aussi appliquer,
16:18ce qu'on nous avait promis en 2020, c'est-à-dire essayer de rétablir certaines règles dans
16:22ce capitalisme sauvage, dans cette mondialisation sauvage, notamment en relocalisant nos sociétés,
16:28nos entreprises localement pour, justement, faire du protectionnisme. Mais bon, on part
16:36de par idéologie, peut-être surtout par des intérêts bien compris, on voit que certains
16:40dirigeants européens font beaucoup de résistance. Il y a l'exemple aussi de l'Ukraine. C'est
16:45quand même étonnant que Trump, alors pour les raisons que j'ai évoquées, veuille faire
16:48la paix et que certains chefs européens, certains dirigeants européens sont aujourd'hui
16:54plus biliciste que jamais. Ça, on s'y attendait. Il l'a annoncé pendant sa campagne à d'innombrables
17:01reprises. Bon, je ne sais pas si nous avons, nous, Européens, si nous manquons de suite
17:06dans les idées. Visiblement, on n'a pas vu les choses assez venir. Nous sommes dépassés
17:10par Donald Trump. Oui, et puis surtout qu'on continue, au-delà de Trump, on met Trump de
17:15côté, l'affaire ukrainienne pour l'Europe, c'est une catastrophe géopolitique. Ça n'a
17:20aucun intérêt pour nous de continuer ce combat. Et au contraire, ça risque d'aggraver
17:27nos relations avec la Russie, qui est un partenaire naturel, quoi qu'on en pense, et surtout
17:31au niveau budgétaire. On le voit, avec les dépenses annoncées, ça va être vraiment
17:34catastrophique. De toute façon, nous ne pourrons visiblement pas prendre le relais de Washington.
17:38Nous n'avons pas le niveau, ça sera très long. On pourrait, sur le papier, mais il y a
17:43des divisions, justement, internes. Et il y a certains, on le voit, notamment avec l'élection
17:47roumaine. Il y a certains dirigeants des pays membres de l'Europe qui commencent à
17:53dire que peut-être que Trump a raison et qu'il faudrait cesser ce conflit, quoi. Les
17:57grandes défis géopolitiques de l'Europe, ce n'est pas en Ukraine, ni en Russie. Elles
18:03sont au sud, surtout au sud. C'est-à-dire ?
18:05C'est-à-dire l'axe des crises du sud. Voilà. Tous les grands défis de demain, et on
18:09l'a vu ces dernières années, avec les attentats, les printemps arabes, etc., tout ce qui va
18:12se passer et qui va avoir de gros impacts pour l'Europe, ça se passe au sud. Les crises
18:15migratoires. Ça ne fait que commencer, les crises migratoires. La déstabilisation
18:19dans le monde arabe. La poussée démographique en Afrique. Voilà. Tout va venir de là. Donc
18:25ça, ce sont les vrais problèmes de l'Europe et sur lesquels elle devrait s'apesantir,
18:31alors que, voilà, l'Ukraine, c'est vraiment ce problème.
18:33Et non, l'Ukraine et la Russie.
18:35Mais alors, justement, sur ce point moyen-oriental, Donald Trump, nous l'avons évoqué il y a
18:40quelques minutes, bon, soutien Netanyahou, jusqu'à aller frapper, à mille reprises
18:46d'ailleurs, le Yémen, tenu par les outils. A-t-il une action qui, potentiellement, manque
18:52de pacifisme ?
18:55Ah non, là, pour le coup, il frappe le Yémen, enfin, la partie du Yémen qui est dirige
18:59justement par un groupe terroriste, que lui-même avait inscrit sur la liste noire des organisations
19:04terroristes américaines, que Biden, au passage, avait retiré pour pouvoir négocier
19:08l'Iran, on a vu le résultat. Non, là, il sait être ferme quand il faut être ferme.
19:15Là, pour le coup, il frappe le Yémen, à juste titre, puisque le Yémen, dernièrement,
19:20encore ce week-end, a lancé un missile sur Israël, proche de l'aéroport de Ben-Gurion.
19:27Pour l'instant, il n'aime pas trop, il l'a dit maintes fois, il a prouvé pendant son
19:32premier mandat, il ne veut pas intervenir directement dans cette région, il ne veut plus intervenir
19:36directement dans cette région, plus d'intervention militaire, il mise tout sur le deal, sur la
19:40négociation. Bon, c'est compliqué, mais lorsqu'il faudra frapper, il frappera, comme
19:46il l'avait fait lors de son premier mandat.
19:48Vous évoquez l'Iran ?
19:49Voilà, avec l'Iran. Donc, il a beaucoup de pression autour de lui, bon, heureusement,
19:53les négociateurs ont débarrassé le plancher à la Maison-Blanche, mais il y a encore
19:57quelques groupes et quelques éléments qui poussent à une intervention en Iran. Lui ne
20:02la veut pas, cette intervention, il mise sur la négociation basée sur quoi ? Sur son
20:06âme absolue qui avait fonctionné pendant son premier mandat, c'est-à-dire ce que j'appelle
20:10l'amendement Eliott Ness ou l'amendement Al Capone s'est tapé au portefeuille. Voilà,
20:15il a remis des sanctions contre l'Iran et il sait très bien qu'à court terme, court
20:19et moyen terme, ça va payer.
20:21Grand paradoxe avec l'Iran, il rétablit des négociations alors que quelques années
20:25auparavant, il s'était retiré de l'accord sur le nucléaire.
20:28Oui, parce que pour lui, l'accord sur le nucléaire ne le convenait pas, pour les
20:33Israéliens aussi, c'était juste une parenthèse dans cette confrontation régionale. Mais avant
20:42de négocier, il faut qu'il soit en position de force et sa position de force, c'est de
20:45faire en sorte que l'Iran soit pris à la gorge. C'est ce qui s'était passé en
20:482020 avant qu'il perde les élections et il avait imposé de telles sanctions à l'Iran
20:52que l'Iran ne pouvait même plus payer le Hezbollah ni les milices irakiennes. Dans
20:55l'Iran, ça commençait à même avoir du grabuge au sein du camp chiite. Et certains
21:03analystes avaient même dit, et j'en faisais partie, que s'il avait été réélu en 2020,
21:09avril 2021, l'Iran était tellement pris à la gorge qu'il aurait été obligé de
21:15négocier pour sauver déjà son régime. Parce qu'on le sait, en Iran, ça va très mal
21:20aussi au niveau économique, au niveau social. Donc lui, il veut réintroduire cette stratégie.
21:25Pour lui, ça, ça va marcher. Moi, je pense qu'aussi, il a raison, ça peut marcher. Après,
21:30selon le degré de tension qu'il y aura entre Israël et l'Iran, là encore, rien n'est
21:36écrit. On ne sait pas s'il y aura une frappe américaine couplée à une frappe israélienne
21:42pour l'instant. Bon, moi, je n'y crois pas trop. Mais on verra ce que l'avenir nous dira de cette
21:47situation.
21:48Quand on vous écoute, Donald Trump est en fait un négociateur vraiment hors pair.
21:53Je n'irai pas jusque là, mais en tout cas, lui, il s'est négocié. Voilà, beaucoup le
21:56critiquent, mais à la différence de Donald Trump, n'ont jamais rien entrepris, n'ont jamais rien
22:00créé, n'ont jamais travaillé, fait un travail. Ce sont tous beaucoup de professionnels de la politique.
22:07Lui, il vient de New York quand même, c'est un businessman. Lorsqu'il parle de négociation,
22:10il sait de quoi il parle. Il a évolué dans ce milieu-là. À New York, les hommes d'affaires,
22:15nous, en Europe, on dit que c'est des requets, mais à New York, ce sont des T-Rex. Et lui,
22:18il a évolué, il a grandi dans ce milieu-là. C'est pour ça qu'il ne faut surtout pas le
22:22sous-estimer.
22:23Alors, vous avez déjà critiqué les dirigeants européens, la posture européenne à l'égard
22:27de Donald Trump et en miroir à l'égard de Vladimir Poutine. Les dirigeants européens
22:31semblent pris de panique. Ils ont le sentiment d'être pris en étau, donc, entre Washington
22:36et Moscou. Je ne sais pas si c'est vrai ou si c'est faux. Vous avez l'air de dire que
22:40qu'il faudrait, non pas suivre Donald Trump, mais peut-être limiter. En tout cas,
22:48imiter ses politiques.
22:51Oui, absolument. Vous savez, Trump en veut beaucoup aux dirigeants européens. Il les
22:55méprise parce qu'ils sont méprisables, c'est vrai. Mais pourquoi il leur en veut ? Parce
22:59que, justement, pour revenir dans son premier mandat, lorsqu'il a lancé sa guerre commerciale
23:02contre la Chine, il a demandé aux Européens, notamment à l'Allemagne, parce que c'est les
23:05Allemands qui ont les manettes, à l'époque de les suivre dans cette politique. Ils avaient
23:10refusé. Parce que, exemple frappant, c'est M. Volkswagen qui était venu voir Mme Merkel
23:15pour lui dire, non, non, moi, je ne veux pas de guerre commerciale avec la Chine. J'ai
23:1820 usines en Chine. J'en ai deux en Europe. J'en ai deux en Amérique du Nord. J'en ai
23:24rien à foutre. Des chômeurs américains et même allemands. Donc, moi, je ne veux pas de
23:29guerre commerciale. Donc ça, Trump, il s'en souvient. Il voit que ce scénario est en train
23:32de se reproduire. Il voit que les Européens ne veulent pas suivre sa politique de rétablissement
23:42de cette puissance occidentale et qu'ils sont, au contraire, dans un suicide collectif.
23:47Et oui, il n'y a pas besoin de suivre Trump. Il faudrait simplement appliquer certaines
23:52politiques qui sont applicables chez nous. Un peu de protectionnisme, un peu de radicalisation.
23:56Mais bon, pour cela, il faut des hommes politiques. Bon, je ne dis pas homme d'État parce qu'il
24:01y en a pas. Mais au moins, des hommes politiques qui soient indépendants. Et je n'en vois
24:05pas.
24:06Qu'est-ce que c'est ? C'est l'État profond européen qui nous empêche ?
24:08Ah oui, on peut en dire.
24:10Vous acceptez le concept même ?
24:12Ah oui, oui. Le concept, il existe. Puisque même le président Macron en avait parlé
24:15en 2019. Et puis, on critique Trump, Musk, le nouveau gouvernement américain en disant
24:20que c'est une oligarchie. Mais on oublie que nous, ça fait bien longtemps que nous sommes
24:22des oligarchies aussi.
24:23Une oligarchie européenne ?
24:24Une oligarchie européenne, une oligarchie française. Il ne faut pas se leurrer. On sait très bien
24:29qui c'est qui tient les manettes véritablement dans les pays démocratiques occidentaux.
24:34L'oligarchie européenne tient les manettes. Ce sera le mot de la fin. Roland Lombardi,
24:37merci beaucoup d'avoir répondu présent à l'appel de Choc du Monde. Je rappelle que vous dirigez
24:42le média Le Diplomate. Merci à tous d'avoir suivi ce nouvel épisode de Choc du Monde. Surtout,
24:47surtout, n'oubliez pas de le commenter et de le partager. Merci et bonne soirée à tous.

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