L’Afghanistan occupe une position unique dans l’histoire mondiale : carrefour entre l’Asie centrale, le sous-continent indien et le monde perse, elle a vu passer d’innombrables armées, marchands, missionnaires… et empires. Depuis l’Antiquité, des puissances parmi les plus redoutées – des Grecs d’Alexandre jusqu’aux Etats-Unis au XXIème siècle en passant par l’Union soviétique – ont tenté d’y imposer leur influence. Et presque toutes s’y sont heurtées, souvent brutalement.
Aujourd’hui, nous allons parcourir plus de deux mille ans d’histoire pour comprendre pourquoi l’Afghanistan est régulièrement qualifié de "tombeau des empires". Un qualificatif qui résume à la fois sa géographie complexe, sa structure sociale fragmentée, et la difficulté, pour des puissances extérieures, à y établir un contrôle durable. Une permanence que nous allons explorer, avec Antoine de Lacoste.
Aujourd’hui, nous allons parcourir plus de deux mille ans d’histoire pour comprendre pourquoi l’Afghanistan est régulièrement qualifié de "tombeau des empires". Un qualificatif qui résume à la fois sa géographie complexe, sa structure sociale fragmentée, et la difficulté, pour des puissances extérieures, à y établir un contrôle durable. Une permanence que nous allons explorer, avec Antoine de Lacoste.
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00:00Générique
00:01Bonjour à tous.
00:22L'Afghanistan occupe une position unique dans l'histoire mondiale.
00:25Carrefour entre l'Asie centrale, le sous-coutinant indien et le monde perse,
00:29il a vu passer d'innombrables armées, marchands, missionnaires et empires.
00:34Depuis l'Antiquité, des puissances parmi les plus redoutées des Grecs d'Alexandre
00:38jusqu'aux Etats-Unis au XXIe siècle, en passant par l'Union soviétique,
00:41ont tenté d'y imposer leur influence.
00:44Et presque toutes s'y sont heurtées, souvent brutalement.
00:47Aujourd'hui, nous allons parcourir plus de 2000 ans d'histoire
00:50pour comprendre pourquoi l'Afghanistan est régulièrement qualifié de « tombeau des empires ».
00:55Un qualificatif qui résume à la fois sa géographie complexe,
00:58sa structure sociale fragmentée et la difficulté pour des puissances extérieures
01:03à y établir un contrôle durable.
01:05Une permanence que nous allons explorer ensemble avec Antoine Delacoste.
01:09Antoine Delacoste, bonjour.
01:11Bonjour.
01:12Alors, ravi de vous recevoir à nouveau.
01:14Les téléspectateurs de TVL vous connaissent bien maintenant.
01:17Vous êtes analyste en géopolitique, conférencier,
01:20et vous intervenez régulièrement dans notre émission.
01:22Mais vous publiez également des papiers chez Politique Magazine
01:26ou bien la revue d'histoire européenne sur des sujets d'actualité internationale,
01:31tout en animant un site consacré à la géopolitique
01:34qui s'appelle géochronique, chronique au pluriel, .fr.
01:38Et comme vous êtes également amateur de littérature,
01:40vous obtenez un blog sur la littérature qui s'appelle « Livres d'Antoine ».
01:43« Livres d'Antoine ».
01:44Mais alors, venons-en à l'Afghanistan, ce fameux tombeau des empires.
01:49D'où vient cette expression ?
01:51Alors, on ne sait pas très bien.
01:52Elle est employée partout, régulièrement.
01:56Certains analystes la combattent en disant que c'est très exagéré.
01:59Et c'est vrai que c'est un petit peu exagéré dans la mesure
02:02où si les empires se sont cassés les dents, généralement, en Afghanistan,
02:07on ne peut pas dire que ça a été le tombeau non plus des empires.
02:10Même si, pour l'Union soviétique, on y reviendra, c'est peut-être une cause lointaine de l'effondrement.
02:15Mais l'Amérique ne s'est pas effondrée à la suite de l'échec afghan,
02:19comme l'Angleterre ne s'est pas effondrée à la suite de l'échec.
02:23Par contre, il est sûr que l'Afghanistan a acquis une réputation de pays,
02:29en quelque sorte, inexpugnable.
02:31Donc, ce n'est pas une image exagérée, c'est une réalité historique.
02:34C'est une réalité historique, c'est le mot tombeau qui est peut-être un petit peu exagéré.
02:37– Mais cette réputation date de quand ? De l'époque moderne ou de l'Antiquité ?
02:41– De l'époque moderne. En fait, c'est né au XIXe siècle,
02:44quand les Anglais, au sommet de leur puissance, à la fin du XIXe siècle,
02:48ont connu une défaite cuisante, la défaite de Gandamak,
02:52où ils ont perdu des milliers d'hommes, indiens et anglais, un régiment broyé.
02:57Et pour l'Angleterre, ça a été une immense humiliation.
02:59Et il a suffi, évidemment, que les soviétiques, 100 ans plus tard,
03:04interviennent et eux aussi se cassent les dents,
03:07pour que certains commentateurs, à ce moment-là, se disent
03:09décidément, c'est le tombeau des empires.
03:10– Alors, est-ce qu'on observe, on parlait d'Angleterre, de l'Union soviétique,
03:16est-ce qu'on observe des constances historiques dans ces échecs ?
03:19– Oui, c'est-à-dire que l'Afghanistan, c'est un pays très particulier,
03:23c'est un pays récent.
03:24Il est devenu indépendant au lendemain de la Première Guerre mondiale.
03:27Et puis, c'est surtout sa géographie physique qui fait qu'il peut être utilisé
03:32de façon stratégique comme zone tampon, ce qu'ont fait les Anglais
03:35pour repousser les Russes quand les Russes commençaient à descendre
03:38du Caucase, d'Asie centrale.
03:39Ils se rapprochaient trop de l'Inde au gré des Anglais.
03:42L'Inde, c'était la perle de l'Empire.
03:44Et donc, il n'était pas question que les Russes se rapprochent de ça.
03:47Et l'Afghanistan a été utilisé comme pays tampon à ce moment-là.
03:51Le problème de l'Afghanistan, c'est que sa géographie physique,
03:53très montagneuse, très difficile, fait que c'est un pays
03:56très compliqué et unifié.
03:58Et donc, on peut croire qu'on dirige l'Afghanistan
04:01parce qu'on a un roi ou un président à Kaboul.
04:04Et puis, en réalité, une partie des vallées échappent totalement
04:06au contrôle de Kaboul.
04:07– Et ce sont des vallées toutes parallèles les unes aux autres,
04:10avec peu de communication.
04:10Avec en plus des tribus, des ethnies très différentes, rivales entre elles.
04:15Même quelquefois, la même tribu, la même ethnie subit beaucoup de divisions
04:21en son sein.
04:22Et donc, tenir tout ce pays de façon centralisée, c'est une gageure.
04:28Et c'est pour cela que les Anglais, les Soviétiques, puis les Américains
04:33se sont cassés les dents parce qu'ils n'ont pas assez analysé au départ
04:37par le fonctionnement très particulier de l'Afghanistan.
04:40– D'ailleurs, au niveau des ethnies, les ethnies principales sont…
04:43– Alors, le plus important, c'est les Pashtuns.
04:45Pashtuns qui représentent pas loin de la moitié de la population.
04:49Donc, des musulmans sunnites très convaincus, très traditionnels.
04:54C'est bien souvent là que les talibans, enfin même quasiment exclusivement là,
04:58que les talibans recrutent.
05:00Donc, très portés vers l'islamisme.
05:02Et puis, vous avez d'autres ethnies.
05:04La plus importante, ce sont les Tadjiks, qui sont les plus importants
05:09devant les Ouzbèques et les Turcmènes, c'est-à-dire ces pays d'Asie centrale
05:12qui sont situés au nord de l'Afghanistan et qui forcément débordent
05:15un petit peu sur les frontières, surtout que le nord de l'Afghanistan,
05:18c'est la partie des plaines.
05:20Et donc, c'est là où il y a le plus de population
05:21et le plus de brassage de population.
05:24Et alors, toutes ces ethnies sont également musulmanes et sunnites.
05:29Et puis, vous avez une grande ethnie qui représente peut-être 10% de la population.
05:35Ce sont les chiites, ceux-là, les azaris.
05:37Et petit clin d'œil de l'histoire, les azaris se sont engagés en nombre
05:42aux côtés des Iraniens et des Irakiens au moment de la guerre en Syrie,
05:46aux côtés de l'armée de Bachar el-Assad.
05:47C'était des milices chiites qui partaient combattre la révolution islamiste sunnite
05:52qui a fini par emporter la Syrie d'ailleurs.
05:54Donc, il y a en Afghanistan, là aussi, cette confrontation sunnite-chiite
06:00que l'on retrouve, même si les sunnites représentent 90% de la population.
06:04– Alors, je disais qu'on va remonter 2000 ans d'histoire.
06:08Donc, dans l'Antiquité, quels grands empires ont tenté de conquérir l'Afghanistan ?
06:14– Alors, les Perses, les premiers, là, on remonte 2500 ans d'histoire,
06:17même si on est en 500 avant Jésus-Christ, Darius et quelques autres,
06:22ont mis la main sur l'Afghanistan, sur une partie de l'Afghanistan,
06:25la partie qu'ils pouvaient contrôler, mais elle a été intégrée à l'Empire perse.
06:29Et puis ensuite, après, il y a eu l'aventure, évidemment, d'Alexandre le Grand.
06:35– Oui, quand on parle de Perse, on parle forcément d'Alexandre.
06:37– Voilà, qui a battu les Perses et qui est allé, qui a traversé l'Afghanistan
06:43et qui est allé jusqu'en Inde, comme chacun sait.
06:45Benoît Méchain raconte ça remarquablement dans sa biographie d'Alexandre,
06:49qui se lit comme un roman.
06:50Et les Afghans, à ce moment-là, on ne parlait pas d'Afghans,
06:53d'ailleurs, on ne parlait pas d'Afghanistan non plus, ont conquis ce territoire.
06:57Mais l'Empire d'Alexandre a été éphémère, comme chacun sait.
07:01Et donc ensuite, il y a eu une succession d'invasions,
07:05soit des Tadjiks, soit des Pashtuns, des tentatives de prendre le contrôle.
07:10Et jusqu'à l'invasion arabe du VIIe siècle, qui va islamiser le pays,
07:16qui jusqu'à présent n'était pas islamisé,
07:18eh bien l'Afghanistan va connaître une espèce d'anarchie
07:23qui venait d'un petit peu partout.
07:26C'était un pays qui n'était absolument pas unifié.
07:28Et donc ce sont les Arabes qui vont…
07:29– Ce n'étaient que des tribus par vallée.
07:31– Ce n'étaient que des tribus par vallée, en réalité.
07:32C'était plus la plaine du Nord, contre l'Asie centrale,
07:37d'où déjà la présence des Tadjiks, des Ouzbèques et tous les autres.
07:41– Donc les Arabes remontant, passant par l'Iran…
07:44– C'est ça, les Arabes quittent les sables d'Arabie,
07:47après la mort de Mahomet en 632.
07:50Ils conquièrent la Terre Sainte et puis ensuite,
07:55la Perse, ils ne vont pas vraiment la conquérir.
07:57Ils vont l'islamiser, mais conquérir la Perse,
08:00c'était quand même très compliqué.
08:01Les Arabes n'étaient pas assez nombreux.
08:03Ils vont donc passer sans s'arrêter,
08:06juste en s'assurant que les Perses s'islamisent.
08:09Et puis après, ils vont s'intéresser de près à l'Afghanistan,
08:12qu'ils vont également islamiser.
08:14Mais tout comme en Perse, ils ne vont faire que passer.
08:16Ils vont islamiser par la terreur et ensuite, ils vont repartir.
08:20Ils ne vont pas faire souche.
08:22Vous n'avez pas d'ethnie arabe conséquente en Afghanistan.
08:26Ils ont toujours été considérés comme des envahisseurs.
08:28La répression contre ceux qui n'étaient pas musulmans a été très rude.
08:33Il n'y avait quasiment pas de chrétiens à ce moment-là.
08:35Mais il y avait des bouddhistes, il y avait des polythéistes en nombre.
08:40Il y avait même des oro-astriens qui venaient être perses.
08:43Et tout ça a été réprimé de façon assez sévère.
08:46Donc ils ont islamisé de force, selon la tradition quand même.
08:51Et puis ensuite, ils ont tenté de tenir le pays.
08:56Et tout ça a volé au néclat au moment des invasions de Gengiskan.
09:00Et là, ils n'étaient pas assez nombreux pour tenir le pays.
09:03Pays qui ne tenait que partiellement.
09:05Mais ils ont quand même réussi cette islamisation assez générale de l'Afghanistan.
09:09Et donc Gengiskan est venu jusqu'en Afghanistan ?
09:12Alors oui, il a ravagé l'Afghanistan.
09:14Enfin, ce qu'il pouvait ravager, c'est-à-dire pas toutes les montagnes, pas toutes les vallées.
09:17Ça, c'était compliqué.
09:18Mais il a ravagé Kaboul, il a ravagé le Nord.
09:21Et puis, il a poursuivi sa route.
09:23Même s'il y a des descendants de turco-mongols qui se trouvent en Afghanistan,
09:27ils sont quand même assez peu restés dans l'ensemble.
09:31Et donc, il y a eu quelques Mongols qui sont restés,
09:33qui ont fait souche après avec des Turkmen.
09:35Donc, ça a donné cette ethnie turco-mongole,
09:37dont d'ailleurs les Tadjiks sont plus ou moins issus.
09:39C'est assez compliqué, tous ces brassages.
09:41– Vous dites ravager Kaboul.
09:43Est-ce qu'on peut dire que c'était une belle ville, Kaboul ?
09:46– Non, ce n'était pas une belle ville.
09:47– Ce n'est pas une civilisation florissante.
09:50– Non, contrairement à Delhi, la ville de Delhi en Inde,
09:53qui deviendra mieux Delhi après,
09:55qui, elle, était beaucoup plus belle.
09:57Elle, il n'est pas resté pierre sur pierre.
09:59Et ensuite, ils ont poursuivi jusqu'en Perse,
10:01où ils ont absolument tout ravagé
10:03et ils vont finalement se fixer dans la Russie actuelle
10:05avec un très grand territoire qu'on appellera la Horde d'Or,
10:09que les Russes vont reconquérir petit à petit.
10:12Mais ça va être long et fastidieux.
10:14C'était quand même, c'était des sauvages.
10:17Ils n'ont pas bâti grand-chose,
10:20même si aujourd'hui, des historiens essayent de réhabiliter
10:22cette Horde d'Or.
10:24Mais enfin, dans l'ensemble, les destructions,
10:27tout le système hydraulique iranien a été détruit.
10:30C'était un système hydraulique absolument magnifique,
10:33somptueux.
10:34Il n'en est pas resté une pierre.
10:35On n'a jamais su le reconstruire.
10:37Ils ont fait des dégâts irrémédiables,
10:39ces Mongols de Gingiskan.
10:41Et ils ont peu construit quand même.
10:42Donc, ils n'ont rien laissé derrière eux.
10:44Ben non, c'était des nomades.
10:46Alors, ne pas confondre avec les Mongols, les Mogols.
10:48Donc là, on arrive à quelle époque ?
10:51Alors, avec les Mongols, c'est...
10:53L'Empire Mogol, qui sont-ils ?
10:55Avant d'être colonisé par les Anglais,
10:59l'Inde a été conquise, en fait,
11:04par des familles qu'on appellera
11:05Empire Moghol, M-O-G-H-O-L.
11:09Et cet Empire Moghol,
11:10à partir du moment où il va conquérir
11:11une partie de l'Inde, seulement une partie,
11:13le nord de l'Inde, le sud de l'Inde,
11:15a été unifié avec le nord beaucoup plus tardivement.
11:18Parce qu'il y a une barrière naturelle,
11:20une barrière montagneuse entre les deux,
11:22qui font qu'il y avait une partie de l'Inde
11:24qui était dirigée par les uns,
11:26une partie de l'Inde, l'autre partie, le sud,
11:28dirigée par d'autres.
11:29Donc, avant qu'on réussisse à unifier,
11:30il va se passer quelques siècles.
11:32Donc, ça s'orientait surtout vers le nord
11:34et vers le nord-ouest, vers Delhi,
11:37et ensuite vers l'Afghanistan actuel.
11:40Et c'est là où la famille Durani,
11:44eh bien, prendra le pouvoir au XVIIIe siècle,
11:47en quelque sorte sortant de l'Empire moghol,
11:53pour essayer de donner à l'Afghanistan
11:55sa première unité,
11:57et c'est la partie de Kaboul qui va...
11:59– Donc, ces moghols viennent du nord de l'Inde ?
12:02– Viennent du nord de l'Inde, absolument.
12:04C'est la première...
12:06C'est une ethnie, en fait, c'est une ethnie de l'Inde.
12:09C'est la première qui va réussir à faire un empire de l'Inde.
12:15– D'accord, parce que Durani vient...
12:16Durani est un moghol ?
12:18– Oui, à l'origine, oui, tout à fait.
12:19– Donc là, on peut dire que c'est la naissance de l'État afghan ?
12:22– Non, pas tout à fait.
12:23La naissance de l'État afghan,
12:25il faudra attendre un petit peu plus longtemps,
12:26mais enfin, en tout cas, c'est le début
12:28d'un semblant d'unité afghane.
12:32Mais c'est géographiquement quand même assez limité.
12:35– Est-ce qu'il y a un pouvoir central ?
12:37C'est-à-dire qu'est-ce qu'on lève un impôt ?
12:39Est-ce qu'on lève une armée ?
12:40– Oui, mais partiel, parce qu'aller chercher l'impôt
12:43au fin fond des vallées, entre des montagnes
12:47qui font 4 000, 5 000 mètres d'altitude, c'est très compliqué.
12:50Les tribus sont extrêmement jalouses de leur indépendance,
12:53même s'il y a des liens religieux entre elles,
12:56puisqu'elles sont toutes plus ou moins musulmanes,
12:58il y a des différences ethniques fortes.
12:59Et même dans la même ethnie, l'ethnie Pachtoun,
13:02dont on parlait tout à l'heure, qui est largement majoritaire,
13:04il y a des divisions considérables.
13:06Donc les Durannis vont quand même moderniser l'Afghanistan,
13:09commencer à lui donner un semblant de structure stable,
13:14mais seulement sur une partie du territoire.
13:17– D'accord, donc finalement, c'est qu'une façade
13:18sur un tissu tribal ?
13:21– Alors une façade, quand même pas complètement.
13:23C'est la première fois qu'il y a un pouvoir central à Kaboul
13:26qui essaye de donner des ordres sur l'ensemble des territoires afghans.
13:30Et même si ça n'est pas répercuté sur l'ensemble des territoires afghans,
13:34c'est la première fois qu'on va aussi loin, en quelque sorte,
13:37dans la centralisation afghane.
13:38Même si cette centralisation ne sera de toute façon jamais complète.
13:41– Oui, alors au XIXe siècle, les puissances occidentales
13:44vont commencer à s'intéresser à l'Afghanistan,
13:47en particulier les Britanniques.
13:49Alors pourquoi l'Afghanistan devient-il un enjeu stratégique majeur au XIXe siècle ?
13:54– À cause des Russes.
13:56– La confrontation russo-anglaise qu'on observe aujourd'hui en Ukraine,
14:00c'est assez intéressant de constater d'ailleurs que les plus déchaînés
14:03parmi les occidentaux, par les Polonais et les Baltes, ce sont les Anglais.
14:07On a l'impression de revivre un petit peu le grand jeu,
14:10cette expression inventée par Rudyard Kipling,
14:13pour qualifier cette opposition entre les Russes qui descendent
14:16donc du Caucase et de l'Asie centrale,
14:19et les Anglais qui veulent à tout prix préserver l'Inde.
14:22Donc ils vont vouloir envahir l'Afghanistan,
14:24mettre fin à la dynastie des Durani et faire de l'Afghanistan un état tampon
14:29qui va leur permettre de mettre une barrière quand même très importante.
14:34L'Afghanistan, c'est un pays conséquent,
14:36et avec en plus des montagnes très difficiles, compliquées à franchir,
14:40et donc de mettre cet obstacle face aux Russes
14:42pour empêcher les Russes de lornier vers l'Inde.
14:45Ce n'est pas d'ailleurs complètement certain que les Russes
14:47aient envie de lornier vers l'Inde.
14:49Eux, ils cherchent les mers du Sud, essentiellement.
14:51L'Inde n'était pas le chemin le plus court.
14:53À ce moment-là, passer par le Pakistan actuel,
14:55vous me direz, c'était l'Inde à l'époque.
14:57Mais sans entamer complètement l'Afghanistan,
14:59descendre directement vers le Sud, ça pouvait aussi être une solution.
15:03Donc les Anglais ont agi de façon préventive, en quelque sorte,
15:08pour empêcher toute velléité.
15:10Et donc ils se sont pour ça appuyés sur le pays afghan.
15:14Et donc ils déposent les durations ?
15:17Alors ils envahissent Kaboul, et c'est la première guerre.
15:21On veut dire que qui tient Kaboul tient l'Afghanistan ?
15:24Alors, il tient quand même une partie de l'Afghanistan.
15:26C'est une partie qui est quand même accessible,
15:29elle est située tout près de l'Inde.
15:30On gère avec ça au moins, au minimum, toute la partie nord-est de l'Afghanistan.
15:36Et les plaines côtières du nord-ouest ne sont pas si loin.
15:39Et donc on règne aussi sur les plaines du nord-ouest.
15:42Évidemment, les vallées, c'est compliqué.
15:44Et puis le sud-ouest, c'est du désert.
15:47Donc ça, l'intérêt stratégique est moindre,
15:48parce que c'est impossible à tenir.
15:50C'est d'ailleurs pas là que les habitants sont.
15:51Ils sont essentiellement dans les plaines côtières du nord-ouest.
15:54Donc ils vont envahir Kaboul.
15:56Simplement, là, ils vont se heurter aux successeurs,
16:00des Durani.
16:01Il y a une autre famille qui a pris la suite,
16:03qui s'appelle la famille des Barakzaï.
16:05Et ce sont eux qui vont se lancer dans la guerre contre les Anglais.
16:10Il y a un chef qui s'appelle Dost Mohamed.
16:13Et c'est un peu aussi contre lui que les Anglais ont envahi l'Afghanistan,
16:17pas seulement contre les Russes,
16:18parce que ce Dost Mohamed voulait l'indépendance de l'Afghanistan
16:21sans aucune influence anglaise.
16:24Et donc les Anglais ne pouvaient pas le tolérer.
16:25Il fallait contrôler l'Afghanistan pour empêcher les Russes d'y pénétrer.
16:29Donc il va y avoir une guerre qui va durer trois ans.
16:32– Pour pouvoir faire une guerre, là, il faut une certaine unité.
16:35Il faut pouvoir rassembler.
16:36Donc il a réussi à rassembler les tribus ?
16:38– L'Afghan, oui.
16:39– Contre les Anglais.
16:40– Oui, absolument.
16:41Il a rassemblé des Pashtuns.
16:43Essentiellement, les Tadjiks ne sont pas trop dans l'histoire.
16:46Les Ouzbèques et les Turquemènes non plus.
16:48Et c'est une grande partie des Pashtuns qui vont être intéressés
16:51par le fait de confisquer le pouvoir aux Anglais.
16:56Et de toute façon, pour eux, il n'était pas question,
16:59même en dépit de leur division, il n'était pas question pour eux
17:03de laisser les Anglais mettre la main sur Kaboul.
17:07Symbole, à ce moment-là, quand même, du début de pouvoir central
17:09qui existe en Afghanistan.
17:11– Les Anglais s'installent à Kaboul.
17:12Est-ce qu'il y a des postes avancés également dans les montagnes,
17:16dans le désert ?
17:16– Alors, entre Kaboul et l'Inde, oui, ça, c'est complètement conquis.
17:20Par contre, ils ne vont pas tellement plus loin.
17:23Un peu dans les plaines côtières, mais c'est quand même un peu compliqué.
17:26Donc, ils tiennent, pour l'instant, essentiellement,
17:28cette partie nord-est, mais considérée comme la partie utile.
17:32Est-nord-est, considérée comme la partie utile de l'Afghanistan.
17:34– On tient les points de passage entre les vallées, les cols, les passes.
17:36– Le reste est trop coûteux, en fait, à tenir.
17:38Déjà, entre Kaboul et l'Inde, il y a des vallées, il y a des montagnes.
17:42Et d'ailleurs, les Anglais subiront de terribles embuscades par des Pashtuns.
17:46– Quel type de guerre va être menée contre les Britanniques ?
17:50– Alors, il y a une guerre de guérillas.
17:52Ça, c'est la base.
17:53Une guerre de guérillas extrêmement compliquée à contrer,
17:55parce qu'évidemment, les Anglais sont épaulés par des Indiens,
17:59mais pas par des Afghans, pas par des Pashtuns.
18:02Donc, qui connaît le terrain ? Les Pashtuns, les Afghans.
18:04Et donc, ce sont eux qui vont, par leur connaissance du terrain,
18:09créer d'énormes ennuis aux Anglais et à leurs alliés indiens,
18:12enfin, à leurs alliés supplétifs indiens, en quelque sorte.
18:15Et donc, cette configuration de géographie physique
18:20va leur faciliter la tâche.
18:24Mais tout de même, quand les Anglais occupent Kaboul,
18:28avec des effectifs insuffisants, quelques milliers d'hommes,
18:32il aurait fallu quelques dizaines de milliers d'hommes,
18:34eh bien, quelques milliers d'hommes, là, les Afghans se disent
18:37que c'est l'occasion de mettre le siège devant Kaboul.
18:40Et ils vont mettre le siège…
18:41– Donc là, on est en quelle année ?
18:42– On est en 1842.
18:45C'est l'hiver.
18:47Kaboul se ravitaille avec difficulté.
18:49En plus, tous les officiers anglais, tous les soldats anglais,
18:52tous les sous-officiers anglais qui sont là, ont leur famille avec eux,
18:55bien souvent, leurs femmes, leurs enfants.
18:58Et donc, tout ça commence à, pas mourir, mais à souffrir beaucoup
19:01de la faim et du froid.
19:03Il fait extrêmement froid en hiver dans cette région-là.
19:07Et au bout d'un moment, les Anglais décident de tenter une sortie.
19:11On sort.
19:12On tente une sortie plein-est pour essayer de rejoindre l'est de l'Afghanistan,
19:18de l'époque, qui n'est pas encore complètement dessiné.
19:20et retrouver des renforts qui viendraient, eux, d'Inde.
19:25Donc, ils sortent et ça va être l'enfer.
19:27Ça va être l'enfer.
19:28Ils vont subir des embuscades incessantes.
19:32Et sur les, mettons, 15 000 hommes à peu près qui sortent,
19:35plus les femmes et les enfants.
19:36Eh bien, certaines femmes et certains enfants arriveront jusqu'en Inde.
19:42Il y aura même une charge à cheval de plusieurs épouses d'officiers anglais
19:48extrêmement courageuses qui disent, on va être les premiers encouragés par leur mari
19:52en disant, après, le piège va se refermer.
19:55Foncez.
19:55Foncez plein-est vers l'Inde.
19:57Elles vont foncer courageusement.
19:58Et dans l'ensemble, elles vont passer.
20:00Donc, il y aura quand même des survivants.
20:01Mais ensuite, une fois que le piège s'est refermé,
20:04eh bien, les Anglais, comme leurs alliés indiens,
20:08vont mourir les uns après les autres.
20:10En buscade répétée.
20:12Et puis, finalement, la grande bataille de Gondamag.
20:14– Gondamag, en 1942.
20:15– En 1942.
20:16Enfin, grande bataille.
20:17Il ne reste plus grand-chose.
20:18Des Anglais, à ce moment-là, quelques centaines d'hommes
20:21qui vont mourir très courageusement.
20:23D'ailleurs, comme ça va le faire les Anglais à l'époque.
20:25Ils vont mourir très courageusement.
20:27Et il y aura un survivant, un seul, qui arrivera à rejoindre
20:32l'extrémité Est, qui était l'objectif, qui s'appelait Jalabad.
20:38– Là, on est dans le mythe, presque.
20:40Il y a un tableau célèbre.
20:41– Il y a un tableau célèbre.
20:42– Docteur Brydon, c'est ça ?
20:43– Voilà, exactement.
20:43C'est le chirurgien du régiment.
20:45Le chirurgien du régiment, qui est le seul à avoir réussi à passer,
20:49qui est arrivé, mourant de faim et de soif,
20:51sous les murailles de Jalabad.
20:54Et pour les Anglais, ça a été un choc.
20:56Ça a été un choc.
20:57On ne parlait que de ça en Angleterre.
20:59La grande armée anglaise, humiliée par des Pashtuns,
21:02considérées comme des tribus à peine civilisées,
21:07que tu n'ailleur pas…
21:08– Mais en revanche, des guerriers redoutables.
21:10– Mais des guerriers redoutables.
21:11Et qui connaissaient par cœur le terrain.
21:13C'est ça aussi qui a fait la différence.
21:14Effectif insuffisant, certainement sous estimation de l'adversaire
21:18et connaissance du terrain insuffisante.
21:20Ça a engendré cette grande défaite de Gandama
21:24qui va faire que les Anglais ne vont se retirer
21:29et ne remettront pas les pieds en Afghanistan avant plusieurs décennies.
21:34– Oui, donc exitent les Anglais.
21:36– Exitent les Anglais.
21:36– Et donc, que devient l'Afghanistan ?
21:38On retourne à un système…
21:39– Eh bien, ce Doste Mohamed va s'installer au pouvoir.
21:46Les Russes ne vont pas arriver jusque-là,
21:48contrairement à ce que pouvaient craindre les Anglais.
21:50Et puis aussi, ils avaient vu le désastre de Gandama,
21:53qu'ils n'avaient aucune envie.
21:54Ils venaient quand même de conquérir, de descendre du Caucase,
21:57d'Asie centrale.
21:58Ils avaient perdu beaucoup d'hommes.
21:59Tout ça était quand même compliqué.
22:01Ils n'avaient aucune envie de se lancer.
22:03Dans l'aventure afghane, ils ont été, de ce point de vue-là,
22:05mieux avisé que leurs successeurs soviétiques au XXe siècle.
22:10– N'empêche, ils reviennent en 1878.
22:13– C'est ça, c'est ça.
22:14Les Anglais reviennent en 1878.
22:16– Sous quel prétexte à ce moment-là ?
22:17– Toujours la même chose.
22:19Les Russes sont toujours quand même dans le coin.
22:21Il faut recréer cet état tampon.
22:23Le traumatisme de la défaite de Gandama s'est estompé avec le temps,
22:27même si ça reste dans l'histoire quand même.
22:30Et on a battu les Russes en Crimée
22:33avec cette stupide guerre de Crimée
22:35où on a aidé les Turcs à battre les Russes.
22:37En repassant, c'est un autre débat.
22:40Mais les Russes sont toujours là
22:42et les Anglais ne veulent absolument pas risquer
22:44en quoi que ce soit une intervention russe
22:46proche des frontières de l'Inde.
22:48L'Inde, c'est le joyau de l'Empire.
22:49Pas question de risquer quoi que ce soit.
22:51Donc, ils reviennent pour refaire de l'Afghanistan
22:54un état tampon.
22:56C'est leur obsession à ce moment-là.
22:57– Et là, comment ça se passe ?
22:58– Ça se passe beaucoup mieux.
22:59Ça se passe beaucoup mieux.
23:00Ils ont appris, ils viennent beaucoup plus nombreux cette fois.
23:05Les Pachtounes sont toujours divisées entre eux
23:06et cette attaque est réussie.
23:09Et deux ans après, en 1880,
23:11il y a un traité qui est symboliquement signé à Gandamak,
23:15le lieu de la grande défaite anglaise
23:17pour laver, comme les Allemands,
23:19avec le wagon de Rotonde en 1940.
23:22– On lave l'humiliation.
23:23– Voilà, on lave l'humiliation.
23:24Et donc, il y a ce traité de Gandamak
23:26qui va permettre, en réalité,
23:28non pas d'installer un gouverneur,
23:31non pas d'empêcher les Afghans
23:33de continuer à régner sur l'Afghanistan,
23:36mais on leur confisque la politique extérieure.
23:39Et à ce moment-là,
23:40les Anglais deviennent maîtres de la politique extérieure.
23:42Sur le plan intérieur,
23:43c'était assez habile d'ailleurs comme idée,
23:44sur le plan intérieur,
23:45les Afghans restent maîtres de leur destin.
23:48De toute façon, c'était impossible
23:49de mettre un Anglais.
23:50Ils auraient mis tout le pays à feu à sang
23:52et ils auraient unifié,
23:53alors peut-être, toutes les tribus.
23:54Il n'était pas question que ce soit les Anglais en direct.
23:57On ne peut pas gouverner ce pays en direct.
23:58Il faut que ce soit indirect.
24:00Donc, ils ont fait ça assez habilement
24:01et pendant, jusqu'à la Première Guerre mondiale,
24:05ça va tenir de cette façon-là.
24:07Et puis, après la Première Guerre mondiale,
24:09nouvelle révolte afghane.
24:12Et cette fois, les Anglais se disent
24:14c'est trop coûteux,
24:15de toute façon, la Russie est en pleine guerre civile.
24:20Il n'y a plus de danger russe.
24:21Et donc, assez sagement,
24:23ils vont signer un traité
24:25donnant la dépendance à l'Afghanistan.
24:27– Mais en restant quand même
24:28dans les parages, diplomatiquement ?
24:31– Ah ben, ils ont toujours l'Inde,
24:32à ce moment-là.
24:32Mais par contre, diplomatiquement, c'est fini.
24:34L'Afghanistan a conquis, à ce moment-là,
24:37la possibilité…
24:37– Mais est-ce qu'on reste quand même
24:38dans la zone d'influence britannique ?
24:40– Les Anglais sont à côté.
24:41Les Anglais sont à compter
24:42et ils regardent ça jalousement.
24:44Ils savent très bien qu'en Inde,
24:46en 1919-1920,
24:48ça commence à bouger.
24:49Il y a quand même des mouvements indépendantistes.
24:51Donc, ils sont extrêmement vigilants.
24:52Donc, ils surveillent l'Afghanistan de près.
24:55Mais l'Afghanistan est finalement,
24:57dans ce domaine-là,
24:58assez contente de son sort
24:59et s'organise sans gêner les Anglais,
25:04sans s'intéresser à l'Inde
25:05qui, de toute façon,
25:05ne les a jamais intéressés.
25:07Les Russes devenus soviétiques sont loin.
25:10Les Anglais sont relativement tranquilles
25:11de ce côté-là.
25:12– Et donc là, qui est au pouvoir ?
25:14– Alors, c'est une famille
25:16qui s'appelle maintenant Shah.
25:19Pas gouverneur, mais roi, en quelque sorte.
25:23Et il va y avoir une famille
25:26qui va s'installer.
25:26Le premier, c'est le Shah Amunala.
25:28Puis ensuite, le grand roi Zahir Shah
25:30qui va régner pendant 40 ans,
25:32de 1933 à 1973.
25:36Et ce roi aura du mal.
25:39Il aura beaucoup de mal
25:40parce qu'il va essayer de moderniser l'Afghanistan.
25:42– Vaste entreprise, dangereuse.
25:45– Enfin, à l'image de ce qui a pu être fait
25:46en Turquie, en Iran.
25:47– Oui, c'est ça.
25:48Il s'inspirait beaucoup de Mustafa Kemal, d'ailleurs.
25:51Mais la religion afghane était beaucoup plus ancrée
25:55que la religion turque.
25:57– La religion ou la tradition également ?
25:59– Alors, c'est très lié.
26:00Il y a les deux.
26:01Vous avez les traditions tribales,
26:03les traditions familiales
26:05où les femmes sont vraiment moins que rien.
26:08Et lui, ce roi Zahir Shah,
26:10qui quand même avait le souci
26:13d'améliorer la situation des Afghans,
26:17s'est heurté à un mur,
26:18à un conservatisme terrible.
26:19Et le pouvoir lui a été confisqué
26:21par des premiers ministres afghans,
26:23issus de ces tribus traditionnelles
26:25qui ne voulaient pas que ça bouge.
26:27Et donc, il faisait le doron quelques années.
26:29Il réussissait à prendre le dessus.
26:31Vous avez eu là un jeu de chat et la souris
26:33entre la modernité du roi
26:34et les traditions très conservatrices
26:39et très musulmanes,
26:41très islamistes, on peut le dire,
26:43de toute une partie des tribus.
26:45Donc, il va y avoir cette confrontation
26:47qui va se terminer par un coup d'État.
26:50– En 73.
26:51– En 73.
26:52Le roi est là depuis 40 ans,
26:53commence à être affaibli.
26:55– Il n'a pas de successeur ?
26:57– Il avait un successeur potentiel,
26:59mais profitant d'un de ses voyages à l'étranger,
27:01un membre de la famille princière, d'ailleurs,
27:03Mohamed Daoud, va faire un coup d'État,
27:06un coup d'État pas trop violent,
27:09un coup d'État politique plutôt en douceur.
27:11Et à ce moment-là, il va proclamer la République.
27:14Et lui aussi va essayer de moderniser l'Afghanistan.
27:18Et c'est très intéressant de voir
27:19comment l'essai de modernisation de l'Afghanistan
27:21viendra toujours de Kaboul, de la capitale,
27:24et se perdra dans les vallées, les tribus,
27:26les ethnies concurrentes,
27:28et n'arrivera jamais jusqu'au fond des vallées.
27:30– C'est vrai, on a des images, par exemple,
27:31de jeunes filles en mini-jupe dans les années 70,
27:33dans les rues de Kaboul.
27:34– Exactement.
27:35Ils ont essayé l'un et l'autre,
27:37donc de libérer la femme.
27:40Dans les années 70, dont vous parlez,
27:42à la faculté de médecine de Kaboul,
27:43il y a 40% d'étudiantes filles.
27:46Aujourd'hui, quasiment zéro.
27:49Et elles peuvent se promener en mini-jupe, tête nue.
27:52Et donc ça faisait éructer
27:54les tribus traditionnelles afghanes
27:56qui considéraient que c'était un symbole
27:57de décadence occidentale
28:00et qu'il n'était pas question de rentrer là-dedans.
28:02Simplement, on est peut-être passé d'un extrême à l'autre
28:04parce que le retour de bâton a été terrible.
28:09Mais je pense que et le roi et Mohamed Daoud
28:11ont été imprudents d'aller aussi vite.
28:15Ils n'étaient pas obligés d'aller jusqu'à la mini-jupe.
28:17L'absence de foulard, c'était trop dur.
28:19C'était trop violent.
28:21Le contraste était trop rapide.
28:25Et en réalité, ça n'a jamais pénétré David-les-Vallées.
28:29Et donc, après, ça a été pire, d'une certaine façon.
28:32Parce que ce qui aurait pu être assoupli très progressivement,
28:35notamment par des créations d'écoles pour les filles
28:38et notamment par la possibilité pour les jeunes filles
28:40de faire des études supérieures,
28:42ne devait pas s'alimenter d'une liberté de mœurs
28:48et d'habillement total.
28:49Ça ne pouvait que braquer,
28:51j'espère que je ne choque pas les téléspectateurs en disant ça,
28:53mais ça ne pouvait que braquer les tribus
28:56qui, après, ont pris prétexte de ça
28:59pour ne jamais, jamais se soumettre au pouvoir central
29:03qui est considéré comme trop influencé
29:04par la décadence occidentale.
29:05– Donc là, c'est 73.
29:08Alors, pourquoi est-ce que, six ans plus tard,
29:09l'URSS décide-t-elle d'envahir Afghanistan ?
29:13– Alors, parce que, cinq ans plus tard,
29:15il y a eu un coup d'État communiste.
29:17– 78.
29:17– 78.
29:18Et un coup d'État communiste
29:19qui n'a pas du tout été commandité par l'Union soviétique,
29:22contrairement à ce qu'on croit souvent.
29:24L'Union soviétique n'était pour rien dans ce coup d'État.
29:26Il se satisfaisait de bonnes relations avec Mohamed Daoud,
29:29qui, comme le roi, était assez habile
29:31pour avoir de bonnes relations et avec l'Union soviétique
29:33et avec les États-Unis.
29:35Donc, les États-Unis ne cherchaient pas
29:37à déstabiliser le pouvoir afghan,
29:39parce que ça leur convenait comme ça.
29:41Et les Soviétiques, tout près, surveillaient.
29:44Mais finalement, ça leur allait bien.
29:46Il n'y avait rien de stratégiquement contre l'Union soviétique.
29:49Et donc, ce coup d'État communiste les a pris de court.
29:52D'abord, ils ont été très vexés de ne pas être au courant.
29:54Et puis, indépendamment de ça, ils se sont dit
29:56que ça va tout déstabiliser.
29:59En plus de ça, ce coup d'État est violent.
30:00Mohamed Daoud est assassiné.
30:01Plusieurs de ses proches sont assassinés.
30:04Ce coup d'État est sanglant, en réalité,
30:07contrairement au coup d'État de Mohamed Daoud
30:08qui lui avait été fait en douceur.
30:11Et puis, un an après, ça va très mal.
30:12La révolte gronde partout.
30:16Et les Soviétiques se disent, à cause de cet idiot,
30:18de ces idiots de communistes, on va être balayés.
30:22On va être balayés.
30:23Et donc, il faut intervenir avant l'effondrement
30:26du régime pro-soviétique.
30:30Et à ce moment-là, ils se sentent obligés
30:33d'intervenir en 1979.
30:36Et ils ont oublié la leçon du XIXe siècle,
30:39la défaite des Anglais et la prudence
30:40de la Russie de Sariste de l'époque.
30:44Donc, ils arrivent un beau matin du côté de Noël 1979
30:48avec des milliers de chars, des dizaines de milliers d'hommes.
30:52Ils font ça en grand, pensant que ça valait assez bien.
30:56Simplement, simplement, il y a les tribus,
30:59il y a le conservatisme religieux, il y a les vallées
31:02et puis il y a la CIA.
31:04– Oui, c'est-à-dire que là, c'est le dernier
31:06affrontement chaud de la guerre froide.
31:07– Exactement. Et c'est très, très chaud.
31:09Parce que, dans un premier temps,
31:11les soviétiques gagnent. D'accord ?
31:12Ça, ce n'était pas difficile.
31:13Donc, ils prennent Kaboul.
31:15Il y a une répression relativement modérée, finalement.
31:20Mais la révolte va éclater dans toute l'Afghanistan.
31:24Et là, les soviétiques vont faire, dans un premier temps,
31:27une contre-guérilla très efficace, à coups d'hélicoptères.
31:31– Oui, voilà.
31:31Ils vont envoyer les hélicoptères dans toute l'année.
31:33– Par rapport aux Britanniques, il y a les hélicos, ça change la donne.
31:35– Ça change tout. Et alors, dans un premier temps,
31:38la guérilla est vaincue, vallée par vallée,
31:41avec des commandos aéroportés soviétiques de haut niveau,
31:44très bien entraînés, et des hélicoptères partout.
31:47Les Américains, voyant ça, hésitent pendant quelques mois.
31:51Et voyant qu'il y a une poussée islamiste de plus en plus forte,
31:56qu'il commence à y avoir des guérillas qui viennent du monde entier,
31:59financées par le Qatar, par l'Arabie saoudite.
32:03Et c'est là, évidemment, que Oussama Ben Laden va faire ses premières armes,
32:08ce Saoudien très riche et très fanatique islamiste.
32:12Et les Américains se disent, il ne faut pas rater le train de l'histoire.
32:15Ils n'ont pas encore pris la mesure de ce qu'était l'islamisme.
32:18Et on va livrer des missiles Stinger, les fameux Stinger de l'époque,
32:22qui ont abattu des centaines d'hélicoptères soviétiques,
32:25pour ne pas dire des milliers.
32:26Et donc, à chaque fois, l'hélicoptère abattu, l'équipage évidemment tué.
32:32Et là, les soviétiques vont connaître, on l'a appelé ça,
32:34le Vietnam afghan, le Vietnam de l'Union soviétique.
32:36Les Américains prennent leur revanche, parce que les Américains,
32:39s'ils ont perdu le Vietnam, c'est aussi parce que les soviétiques
32:41et les Chinois avaient donné beaucoup d'armes au Vietnam.
32:45Donc, à ce moment-là…
32:46– Mais en même temps, ils favorisent l'islamisme.
32:48– Complètement, complètement.
32:50Les agents de la CIA rencontrent tous les camps islamistes,
32:53y compris Ben Laden, à qui ils livrent des armes, des missiles Stinger,
32:57des instructeurs pour leur apprendre à s'en servir,
33:00des munitions en pagaille et des dollars, des dollars, des dollars.
33:03Donc, la première grande guérilla islamiste de l'histoire, c'est celle-là.
33:08Et c'est pour ça que c'est quand même très important,
33:10ce qui s'est passé en Afghanistan à cette époque-là.
33:13On retrouvera les mêmes en Bosnie, en 1995, peu d'années après,
33:18Ben Laden également, la CIA également,
33:20des armes et des dollars pour les islamistes.
33:23– Alors, on commence aussi à voir les premières oppositions,
33:26enfin, ce n'est pas encore Al-Qaïda,
33:28mais avec les hommes du commandant Bassoud,
33:30il y a déjà des… qui sont eux aussi soutenus par les Américains.
33:33– Oui, alors, les soviétiques finissent par s'en aller au bout de 10 ans.
33:37Ils s'en vont en 1900, en 1989.
33:40Ils ont eu des dizaines de milliers d'or.
33:41– On peut dire que ça a participé, enfin, là, je fais une petite incise,
33:44mais ça a participé à la fin de l'Union soviétique ?
33:46– Oui, ils en sont sortis traumatisés.
33:49Il y a eu les premières grandes manifestations des babouchkas,
33:54des mamans, des épouses, des sœurs de soldats soviétiques
33:58dont on était sans nouvelles, qui avaient été faits prisonniers.
34:01On ne les retrouvera jamais.
34:01Ils ont été coupés en morceaux dans des conditions abominables.
34:05Et il y a les premières grandes manifestations qu'on n'ose pas réprimer
34:07parce que le traumatisme est immense à l'échelle de l'Union soviétique.
34:10Ça fait un peu bouger l'Asie centrale, les Kyrgyz, les Ouzbèques,
34:15toutes ces républiques socialistes soviétiques commencent à bouger
34:19parce que les soviétiques ont tué beaucoup de musulmans.
34:21Donc, tous ces pays-là sont très musulmans.
34:24Donc, ça commence à craquer un petit peu.
34:28Hélène Carrière-Dankos racontera ça dans l'Empire éclaté.
34:32Et ce n'est peut-être pas ça qui a provoqué directement la chute de l'Union soviétique.
34:37La chute de l'Union soviétique est provoquée directement par Mikhaïd Gorbatchev
34:40et par sa péristroïda, il fera tout exploser.
34:43Mais ça a participé, ça a coûté très cher à l'Union soviétique,
34:46ça a participé à son effondrement, à ses difficultés financières.
34:49Elle n'arrivera plus à suivre notamment Ronald Reagan
34:52pour sa course à la guerre des étoiles.
34:55Et donc, elle est en grande difficulté et politique,
34:58et géostratégique et financière.
35:00– Alors, je vais revenir à mes talibans, à Massoud, à Ben Laden et Al-Qaïda,
35:04parce qu'après le départ des soviétiques, c'est le chaos.
35:07– Alors, c'est la grande anarchie.
35:08– Donc là, il n'y a plus de gouvernement central, il n'y a plus rien.
35:12Et effectivement, chacun a sa vallée, c'est là où Massoud, en effet, très musulman.
35:16Contrairement à ce qu'on a dit, il ne faut pas trop s'imaginer
35:19que Massoud était autre chose qu'un musulman très convaincu,
35:23mais évidemment moins fanatique,
35:25que le chef suprême des talibans, qui était le Mola Omar,
35:28alors qu'il, lui, futur Daesh, enfin c'est le fou furieux,
35:33tout à fait sur la ligne Ben Laden.
35:35D'ailleurs, il aura sa fille, il va épouser un fils de Ben Laden,
35:40donc les liens sont extrêmement étroits.
35:44Et finalement, après plusieurs années de guérilla,
35:49les talibans gagnent cette première guerre et prennent le pouvoir en 1996.
35:53– Voilà, c'est ça.
35:54C'est que c'est juste avant le départ des soviétiques.
35:59– Non, juste après.
35:59Les soviétiques sont partis en 89.
36:01– 89, pardon.
36:01– Ensuite, c'est le chaos.
36:03Il y a une concurrence générale, donc il y a Massoud, il y a des Tadjiks.
36:08– Mais entre Ben Laden et Mola Omar, il y a une alliance objective.
36:12– Ah, complètement.
36:12– C'est un couteau tiré quand même.
36:13– Ah non, pas trop.
36:14– Pas trop ?
36:14– Pas trop.
36:15Ils finiront par se séparer un petit peu, mais ils ont des liens familiaux.
36:19Le mariage du fils Ben Laden avec la fille du Mola Omar
36:22avait une pensée symbolique assez forte.
36:23– Même ligne politique ?
36:24– Tout à fait, quand après on demandera au Mola Omar
36:27de livrer le gendre de Ben Laden pour lui-même avoir la vie sauve,
36:31il refusera au nom du code d'honneur de la famille.
36:35Donc, ils étaient en désaccord sur un certain nombre de points stratégiques,
36:39mais en réalité, il n'y aura jamais de guerre entre eux.
36:42– Donc les talibans prennent le pouvoir ?
36:44– Les talibans prennent le pouvoir en 1996, ils ne réussissent pas à vaincre Massoud,
36:48qui garde sa vallée du Panjshir, où les talibans donneront plusieurs assauts infructueux,
36:53ils auront beaucoup de pertes pour rien, et finalement, il y a plusieurs vallées
36:57qui échappent à leur contrôle.
36:58Mais quand même, comme d'habitude, ils prennent Kaboul, là il y a une répression
37:02assez violente, ce sont des talibans beaucoup plus durs que ceux d'aujourd'hui.
37:05– Alors, qu'est-ce qu'un taliban ?
37:07– Un taliban, au sens vrai du terme, c'est un étudiant en théologie, la bonne blague.
37:14La moitié ne savait dire ni écrire, donc ils n'étaient étudiants en rien du tout.
37:17C'est comme ça que se sont appelés les islamistes,
37:19parce que les premiers manifestants venaient de la faculté de théologie musulmane de Kaboul,
37:25les premiers qui ont fondé le mouvement.
37:26Après, ce mot ne veut plus rien dire, parce qu'en réalité,
37:29ils sont loin d'être tous étudiants en théologie musulmane.
37:32Donc, ça vient de là, le mouvement est très religieux,
37:35très islamiste dès le début.
37:36On rhabille les femmes, on ferme les écoles,
37:39on chasse les jeunes filles des universités,
37:42les 40% d'étudiantes en médecine, c'est terminé pour toujours.
37:46De toute façon, il est indécent qu'une femme s'occupe des corps,
37:48donc ce n'est pas possible.
37:50Donc, tout ça s'arrête.
37:51Tout ça s'arrête, et jusqu'en 2001, les talibans sont au pouvoir.
37:56– Et 2001 ?
37:57– Et puis 2001, il y a le 11 septembre,
37:59on a tué Massoud deux jours avant.
38:00Ils ont réussi cet exploit-là pour avoir les mains libres de ce côté-là.
38:04Il y a le 11 septembre, les Américains se vengent,
38:09et le premier objectif, c'est l'Afghanistan,
38:12parce que l'Afghanistan est devenu,
38:16sous la houlette de Ben Laden et du Mullah Omar,
38:19finalement un refuge d'Al-Qaïda.
38:22Alors, en réalité, ce pouvoir central taliban était loin de contrôler tout.
38:26Il y avait des cellules d'Al-Qaïda
38:27qui n'étaient absolument pas sous le contrôle des talibans.
38:31Beaucoup étaient sous le contrôle des Pakistanais,
38:34des services secrets pakistanais,
38:36parce que la ligne de séparation, la frontière qu'on a appelée la ligne Durand
38:40à la fin du 19e siècle, du nom d'un officier anglais, pas français,
38:43il faudrait dire Durand peut-être,
38:45eh bien cette frontière coupait le pays Pashtun en deux.
38:49Et donc, il y a des Pashtun qui sont trouvés en Afghanistan,
38:51et des Pashtun au Pakistan.
38:53Et donc, pour eux, il n'y avait pas de frontière.
38:54Et donc, ça a été la grande erreur de cette ligne Durand,
38:58c'est qu'on a coupé les plus grands effectifs des tribus Pashtun en deux.
39:03À partir de ce moment-là, les Pakistanais, évidemment, se sont beaucoup occupés.
39:08C'est le pays musulman, donc, issu de la séparation avec l'Inde,
39:11entre les hindouistes et musulmans.
39:12Et donc, ce nouveau pays pakistanais va s'occuper de près des Pashtuns afghans
39:18pour les soutenir.
39:19Et comme les Pashtuns, ce sont les principaux pourvoyeurs d'effectifs des islamistes,
39:26eh bien, à ce moment-là, tous les effectifs d'Al-Qaïda
39:29pourront passer facilement d'une frontière à l'autre,
39:32quelquefois sans que les talibans soient au courant.
39:35Donc, les Américains n'en ont cure.
39:36Ils envoient la grosse artillerie pour détruire le régime afghan.
39:39Ce qui, dans un premier temps, est très facile, parce que c'est Kaboul.
39:42– Donc là, ils font comme les soviétiques ?
39:43– Ils font comme les soviétiques.
39:44Ils envoient des commandos, ils prennent le contrôle de l'aéroport,
39:49ils envoient des commandos, tout ce qu'il faut.
39:51Ils renversent le régime taliban qui s'éparpille un petit peu partout.
39:56Et à partir de ce moment-là, ils essayent de prendre le contrôle de l'Afghanistan
40:00et de rester.
40:02La traque contre Ben Laden commence, mais elle est devenue anecdotique
40:04puisque Ben Laden n'a plus aucun pouvoir.
40:07Et ils vont faire la même erreur que les soviétiques.
40:08Ils vont essayer de s'accrocher au pouvoir.
40:11Ils vont dépenser des milliers de milliards de dollars
40:13pour pas grand-chose, pour une défaite finale,
40:16avec un pays qu'ils n'auront jamais pu contrôler.
40:19Ils vont mettre un homme à eux, Amit Karzai.
40:21– Ils n'ont jamais tenté de le reconstruire, ni de le sécuriser.
40:24– De toute façon, le sécuriser, c'est impossible.
40:27Et le reconstruire, mais alors rien.
40:29Parce que les Américains veulent le minimum de morts.
40:32Et donc, ils ne vont pas trop faire comme les soviétiques,
40:35des hélicoptères dans les vallées, un peu quand même.
40:37Mais là aussi, il y a des missiles, donc c'est compliqué.
40:40D'ailleurs, quelquefois, des missiles Stinger,
40:42rescapés de la guerre contre les soviétiques.
40:45Donc, ils seront très prudents là-dessus.
40:47Ils enverront des commandos, mais c'est compliqué.
40:49Ils vont perdre quand même dans l'affaire plusieurs milliers d'hommes.
40:51Nous, les Français, on va venir les aider.
40:53Comme on le sait, on va perdre plusieurs dizaines de parachutistes
40:57dans des embuscades.
40:59Et, in fine, ils vont se contenter de bombarder massivement,
41:04tenir Kaboul.
41:05Quand, à un endroit, ils repèrent un camp,
41:07ils bombardent massivement, ils tuent plus de civils
41:10que de militants islamistes, de guerriers héros islamistes.
41:14Et ils vont susciter contre eux une haine complète, totale.
41:17Et donc, quand Trump arrive au pouvoir,
41:20on va dire, mais en 2016, donc la première fois
41:23quand il a gagné les élections,
41:25on va dire, mais qu'est-ce que c'est que cette histoire d'Afghanistan ?
41:27Ça ne coûte des milliers de milliards pour rien.
41:31Il est temps quand même de songer au départ.
41:34Et l'obsession de Trump, comme maintenant,
41:37est déjà chinoise, en réalité.
41:38Donc, tout ce qui peut permettre de perdre de l'énergie
41:42et de l'argent doit être éliminé impitoyablement.
41:47Alors, Trump n'a pas le temps de mener ça à bien,
41:50même s'il commence à y avoir des négociations à Doha,
41:52le Qatar joue les bons offices,
41:54entre les talibans et le pouvoir afghan,
41:59mais que les talibans méprisent totalement,
42:01il est d'ailleurs totalement corrompu,
42:04et les Américains.
42:06Là-dessus, il y a les élections 2020,
42:08Biden est élu,
42:09et lui va prendre la décision,
42:11assez surprenante,
42:12de partir de façon précipitée.
42:14– Il continue la politique de Trump ?
42:17– Alors, il continue,
42:18mais au bout d'un moment, il dit,
42:19c'est bon, d'accord, on s'en va.
42:20– D'accord.
42:21– Donc, ils n'ont rien obtenu, mais rien.
42:24L'armée afghane n'est pas prête.
42:26Les effectifs, c'est d'ailleurs assez drôle de voir le détail,
42:30les effectifs étaient sur le papier.
42:32Il y avait des dizaines de milliers d'hommes qui n'existaient pas,
42:34des régiments entiers qui étaient des régiments fantômes,
42:37des armements qui avaient été vendus, dispersés.
42:40Et le régime afghan va mourir de sa corruption endémique, en réalité.
42:44Et donc, après le départ américain,
42:46le dernier avion qui est dans des conditions épouvantables…
42:49– Oui, on a tous en tête les images de l'aéroport de Kaboul,
42:52recerclés…
42:52– Avec des gens qui s'accrochent aux ailes,
42:54et qui après tomberont, mourront.
42:56Enfin bon, le dernier avion américain…
42:57– Voilà, il y a encore eu, effectivement,
42:58abandon des populations civiles…
43:01– Totalement, et abandon de ses alliés.
43:02En août 2021, il y avait mille moyens de faire ça autrement.
43:07Ils avaient décidé de rendre le pouvoir aux talibans.
43:08Ça ne pouvait pas être quelqu'un d'autre que les talibans.
43:11On a cru, à un moment donné, on a fait semblant de croire
43:14que le régime d'Amin Karnzai pouvait se maintenir.
43:16Mais c'était une gageure, il n'y a plus eu d'armée.
43:18Et en quelques semaines, les talibans ont pris Kaboul.
43:23Et donc, en 2021, dès 2021, les talibans reviennent.
43:30Donc, ils ont été chassés par les Américains en 2001,
43:33et 20 ans après, et 3 000 milliards de dollars plus tard.
43:36Les Américains, on l'a entendu, c'est juste 1 000 milliards de dollars.
43:40Et puis, il n'y a pas de chance, il y a un sénateur américain
43:42qui a fait des calculs précis, qui a dit que c'est 3 000 milliards de dollars
43:45pour, à l'arrivée, rendre le pouvoir aux talibans.
43:49Bravo. Belle opération.
43:52– Et alors, aujourd'hui, les talibans, ce n'est pas Daesh non plus.
43:56– Alors, ce n'est pas Daesh, ce n'est pas drôle non plus.
43:59– Non, non, non, quand je dis ce n'est pas Daesh en termes de politique extérieure,
44:02il n'y a pas de volonté d'expansion.
44:04– Alors, aucune volonté d'expansion, on est afghan ou le reste.
44:07Ce n'est pas Daesh non plus en politique intérieure.
44:10On n'égorge pas tout le monde.
44:11Daesh, c'était quand même effrayant.
44:14Ce niveau de sauvagerie, on a rarement atteint ça par les Turcs
44:17au moment des génocides arméniens ou Assyro-Khaldea,
44:21mais c'est une autre histoire.
44:22Mais ce niveau de sauvagerie, on a rarement vu ça quand même, Daesh.
44:26Les talibans, ce n'est pas ça.
44:27Alors, ils ferment les écoles pour les filles,
44:29plus personne n'a le droit de faire des études.
44:32Les jeunes femmes, ou les femmes de tous âges,
44:35dont on voit une mèche de cheveux, se font taper dessus, fouetter.
44:40– Ils ne peuvent pas s'en faire ça.
44:41– C'est vraiment dur, surtout pour les femmes.
44:44– En revanche, ça n'est pas effectivement l'égorgement général
44:49de l'ensemble de ceux qui ne sont pas complètement d'accord avec eux.
44:53Il y a une certaine tolérance,
44:55mais qui ne va pas au-delà de l'islamisme sunnite.
44:58C'est-à-dire que les chiites, par exemple, sont constamment persécutés.
45:02Régulièrement, vous avez des kamikazes talibans ou de Daesh,
45:05parce que Daesh a toujours quelques points d'appui au sein de l'Afghanistan
45:10que les talibans n'arrivent pas à réduire.
45:11Et c'est d'ailleurs eux qui, au moment de l'évacuation d'août 21,
45:15provoqueront un attentat suicide qui tuera 14 soldats américains.
45:20La photo des 14 casques avec les fusils fichés en terre
45:24est resté pour ça célèbre.
45:27Et donc ces talibans-là sont moins fous que Daesh,
45:30et ils sont plus pragmatiques aussi, ils veulent durer.
45:33Donc ils ont laissé les Chinois qui étaient un peu implantés,
45:36ils les ont laissés tranquilles.
45:37D'ailleurs, c'est facile avec les Chinois,
45:39parce qu'ils sont très pragmatiques, les Chinois.
45:41On travaille avec ceux qui sont au pouvoir,
45:43peu importe leurs idées, peu importe leurs religions,
45:45ça n'a aucune importance.
45:46Ce qu'il faut, c'est commercer.
45:47Ce sont des gens pragmatiques, c'est des commerçants,
45:49des vrais commerçants, de ce point de vue-là.
45:51Donc ils ont continué à laisser les Chinois
45:54tenir une partie du pays sur le plan purement commercial.
45:58C'est la grande sagesse des Chinois,
45:59c'est de ne jamais s'intéresser à la géopolitique locale,
46:02enfin de la comprendre, mais de ne pas aller plus loin.
46:03Et par ailleurs, ils ont essayé de garder de bonnes relations avec la Russie.
46:09La Russie, évidemment, a observé le départ des Américains
46:12avec un petit sourire en coin, évidemment.
46:14– Les Ines.
46:15– Et finalement, au bout d'un moment,
46:16les talibans ont fait des travaux d'approche,
46:18relayés toujours par les Saoudiens et les Qataris.
46:21Saoudiens et Qataris qui avaient joué un rôle,
46:23aujourd'hui, l'Arabie saoudite et un peu le Qatar
46:25ont beaucoup changé de ce point de vue-là.
46:27L'époque où on finançait les révolutions islamistes,
46:29c'est terminé, l'Arabie saoudite ne veut plus de ça.
46:31Donc par l'intermédiaire des Saoudiens et des Qataris,
46:35les talibans ont fait des travaux d'approche envers la Russie,
46:38qui est en train de reconnaître maintenant le régime des talibans.
46:41Donc c'est une défaite géopolitique américaine très importante.
46:45– Et ça va être le mot de la fin, il nous reste 30 secondes.
46:48Est-ce que c'est parti pour durer, les talibans, d'après vous ?
46:50– Alors avec l'Afghanistan, il faut être très très prudent.
46:54Pour l'instant, on ne voit pas ce qui pourrait renverser ce régime.
46:57Il n'y a aucune force importante, même le fils Massoud,
47:00qui s'agite un peu toujours dans le nord, dans le Panjshir,
47:02n'a pas assez d'hommes à sa disposition.
47:05Et donc on ne voit pas quelle est la force aujourd'hui
47:07qui pourrait renverser le régime des talibans,
47:09d'autant qu'aucune force de l'extérieur ne viendra maintenant.
47:12– Non, ils ont tous compris.
47:14– Ça va.
47:15– Antoine Delacos, merci infiniment de cet éclairage,
47:19historique et géopolitique.
47:22Et à bientôt pour une prochaine émission.
47:24On a encore plein de sujets à aborder.
47:26La prochaine fois, ce sera la Géorgie.
47:27– La Géorgie, avec grand plaisir.
47:29– Merci, c'était Passé Présent,
47:32l'émission historique de TVL,
47:35réalisée en partenariat avec la Revue d'Histoire européenne.
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