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Et si la Révolution française n’était pas seulement un événement, mais une fabrique de mythes ? Dans cet essai magistral, "Il nous fallait des mythes - La Révolution et ses imaginaires de 1789 à nos jours", Emmanuel de Waresquiel démonte les grands récits de 1789 à aujourd’hui : Marianne, le Peuple souverain, la République une et indivisible... autant de fictions politiques qui ont structuré l’imaginaire français. Il révèle comment la Révolution a créé des légendes fondatrices, recyclées sans fin par les régimes successifs. Derrière l’histoire officielle, il traque les émotions collectives, les héros mythifiés. La République n’a jamais cessé de rejouer sa propre naissance, entre grandeur et mensonge. Ce livre dérange, car il montre que la mémoire révolutionnaire est un écran de fumée. Il ne s’agit pas de vérité, mais de croyance. On a glorifié le serment du Jeu de paume alors qu’il avait été prêté sous l’emprise de la peur. On a fait de la prise de la Bastille la première grande victoire du peuple quand la Bastille s’est rendue aux insurgés, on a célébré Valmy et Valmy était à peine une bataille. On a chanté la liberté et la fraternité sur tous les tons et on les a oubliées, on a sanctifié la guillotine avant d’en mesurer toute l’horreur. Que nous dit la Révolution d’elle et de nous-mêmes, dans l’épaisseur de ses mémoires ? Réponses dans cet entretien avec l’historien couronné de nombreux prix littéraires et qui s’apprête à publier (chez Tallandier) "Rien ne passe, tout s’oublie". Des chroniques joyeuses mais aussi teintées de mélancolie.

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Transcription
00:00Il est invité de ce Zoom, Emmanuel de Varesquiel.
00:08Bonjour, monsieur.
00:09Bonjour.
00:09Et vous êtes venu présenter cet ouvrage « Il nous fallait des mythes, la révolution et ses imaginaires »
00:14de 1789 à nos jours.
00:17C'est aux éditions Taillandier, mais c'est surtout en vente sur le site tvl.fr.
00:21Vous allez dans la boutique de tvl.fr.
00:25Emmanuel de Varesquiel, votre ouvrage s'ouvre avec cette très jolie phrase de Victor Hugo,
00:28« Laissons à l'Histoire ses mensonges sublimes ».
00:31Quelques mots qui résument d'ailleurs assez bien la philosophie de votre regard sur la révolution
00:36et ses imaginaires de 1789 à nos jours.
00:40Oui, en réalité, je prends la révolution du côté de ses mémoires.
00:43Elle est beaucoup plus importante du côté de ses mémoires que dans la consistance assez peu importante.
00:51D'ailleurs, des sources contemporaines des événements qui ont été écrites à chaud,
00:55qui sont au front assez peu nombreuses.
00:57Par contre, elle a éprouvé le besoin de s'inventer, de se construire des événements fondateurs,
01:04des mythes, des lieux, des symboles, qui ont servi à la légitimité d'un système politique
01:11qui naît en septembre 1792 et qui est absolument inouï,
01:16compte tenu des mille années de monarchie que vit la France, qui s'appelle la République.
01:20Donc, pour donner une base légitimante politique et sociale à la Révolution,
01:29la République, la Révolution puis la République, construisent, ce sont des constructions volontaires,
01:37construisent à coup, pour certains événements de déformation, voire de transformation,
01:45construisent des événements fondateurs qui sont les événements légitimants de ce nouveau régime de la République,
01:53qui vont évoluer sans cesse dans le temps à travers les différents régimes.
01:57Et Dieu sait qu'ils seront nombreux du 19e et du 20e siècle.
02:02Et que l'on retrouve encore aujourd'hui, dans ce livre, il est question des héritages de la Révolution.
02:07On parle souvent, à propos de ces héritages, des murs de la maison, on les connaît.
02:13Ce sont les constitutions, ce sont les codes qui commencent, dont le travail commence sous la Convention nationale,
02:23avant le Code civil du consulat.
02:26Et puis, ce sont l'organisation administrative, à commencer par les départements,
02:31créés par l'Assemblée nationale en 1790.
02:33Mais on pense moins, et quelquefois on fait de la Révolution sans le savoir,
02:38comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir,
02:40on pense moins à l'esprit qui est dans la maison.
02:43Il y a ces héritages multiples qui tiennent, on en parlera peut-être,
02:47qui tiennent aux grands principes révolutionnaires après lesquels nous courons encore,
02:51à commencer par celui de l'égalité,
02:54qui tiennent aussi à notre appétence très particulière pour les principes abstraits,
02:58et pour les mots, pour les discours, qui tiennent souvent lieu et place des actes,
03:06et aussi peut-être à ce conflit ou ces conflits de légitimité
03:11qui sont vraiment très particuliers et propres à la France,
03:15entre différents types de légitimité qui naissent sous la Révolution française.
03:19On va évoquer cette Révolution française,
03:22avec à chaque fois quelques singularités que vous avez relevées.
03:24Tout d'abord, un premier constat qui figure tout de suite en introduction de votre ouvrage,
03:29la Révolution a été en France, comme nulle part ailleurs,
03:34et les mots ont leur importance à la fois politique, sociale,
03:36mais vous ajoutez unilatérale, égalitaire, amnésique, ombrageuse, totalisante.
03:44Oui, le renversement de souveraineté,
03:47la Révolution française ne tombe pas d'un nuage,
03:49elle s'inscrit dans un cycle révolutionnaire
03:51qui commence avec les insurgents américains
03:55et la Révolution américaine des années 1770,
03:58qui se prolonge en Irlande,
04:00puis dans le Brabant,
04:01puis la Révolution genevoise dans les années 1780.
04:05Donc, elle appartient,
04:07et avec des influences croisées et multiples
04:11entre les États-Unis, l'Europe,
04:13et au sein même de l'Europe,
04:14beaucoup de réfugiés genevois
04:16vont participer, sans parler de certains Américains,
04:21comme Payne, par exemple,
04:23beaucoup de réfugiés genevois vont participer
04:25au début de la Révolution française,
04:28autour de Mirabeau, entre autres.
04:30Donc, elle s'inscrit dans un cycle,
04:32mais en même temps,
04:33elle ne ressemble absolument pas
04:35à ses sœurs, si j'ose dire,
04:38ou à ses cousines germaines,
04:40dans la mesure où, en France,
04:41le renversement de souveraineté
04:43se perd de façon extrêmement brutale,
04:45dans un contexte particulier
04:48qui est celui de l'absolutisme monarchique,
04:51et donc, c'est un renversement d'absolutisme.
04:53On passe d'un absolutisme à l'autre,
04:55qui est peut-être plus absolutiste encore
04:57que celui de la royauté,
04:59d'avant 1789,
05:01rebaptisé très vite Ancien Régime,
05:03ce qui pour ouvre à quel point,
05:05d'ailleurs, ne serait-ce que par cette expression,
05:08à quel point la Révolution
05:09se construit sur un principe,
05:12pour reprendre l'expression à François Furet,
05:14de table rase,
05:15c'est-à-dire de disparition
05:18de tout ce qui pouvait exister avant.
05:23Donc, c'est en ce sens,
05:25et par le décret qui est pris
05:27par les députés du tiers-État
05:29au sein des États généraux
05:30sur la proposition de la BCIS,
05:33le 17 juin 1789,
05:35de se constituer en Assemblée nationale,
05:37donc l'un des trois ordres du royaume,
05:40des États généraux,
05:40le clergé, la noblesse
05:42et le tiers-État,
05:43sans demander son avis au roi,
05:45ni demander leur avis
05:47aux deux autres ordres du royaume,
05:49que sont l'ordre de la noblesse
05:51et du clergé,
05:52se constitue unilatéralement
05:54Assemblée nationale,
05:56c'est-à-dire, au fond,
05:57décide, en une journée,
06:00et sur un seul décret,
06:01qu'ils représenteront à eux seuls,
06:04désormais la nation
06:05et sa souveraineté.
06:07C'est le terme amnésique.
06:07Il dépossède le roi
06:09de son principe d'incarnation
06:11de la nation.
06:12Amnésique et totalisante,
06:13ce sont les deux termes qui me...
06:15Amnésique en quoi ?
06:16Parce qu'elle fait table rase du passé.
06:18Amnésique dans la mesure même
06:20où cette constitution,
06:22cette recherche
06:22d'une nouvelle sacralité
06:24qui deviendra
06:25cette sacralité républicaine
06:27après laquelle nous courons
06:28encore aujourd'hui,
06:29et ces principes
06:33d'indivisibilité,
06:34d'égalité,
06:35de liberté,
06:36supposent une négation,
06:40sinon un oubli,
06:41c'est le principe
06:42de la damnation
06:43au memoriae
06:44qui est repris des Romains,
06:46suppose un oubli
06:47de ce qui est arrivé avant,
06:49y compris dans le domaine
06:51et du point de vue
06:52de la sacralité,
06:54s'agissant de l'ancienne sacralité
06:56et de cette alliance
06:57du trône et de l'autel
06:58qui préexistait
06:59et qui constituait
07:02le socle
07:02de l'absolutisme monarchique.
07:05Donc,
07:06cette brutalité
07:08du renversement
07:09de souveraineté
07:10et de sacralité
07:11suppose
07:12une négation
07:13de l'ancienne sacralité.
07:15Ça se passe comme ça.
07:17– Ce qui ne fait aucun doute
07:18dans votre esprit
07:19à la lecture de l'ouvrage,
07:20c'est que la révolution
07:21continue d'être vécue
07:23plus ou moins consciemment
07:24jusqu'à aujourd'hui,
07:25jusqu'à nos jours.
07:27Je prends au moins
07:28un premier aspect.
07:29Par exemple,
07:29il y a deux légitimités
07:31qui s'affrontent
07:31sur la révolution,
07:32celle de l'élection
07:33et celle de la rue.
07:34On se dit qu'en 2025,
07:35la question reste la même
07:37et assez patente
07:37dans l'esprit de quelques-uns.
07:39– Oui,
07:39ce sont deux légitimités
07:40qui s'appuient
07:41sur deux événements fondateurs
07:43qui sont presque contradictoires
07:45dans leur essence.
07:46Le premier,
07:46c'est le serment
07:47du jeu de paume.
07:48On oublie d'ailleurs
07:49cette journée du 17 juin
07:50que je viens d'évoquer.
07:51Pourquoi ?
07:52Parce qu'elle n'a pas été unanime.
07:54Une très forte minorité
07:55des députés du tiers-État
07:56se sont opposés
07:58à cette proposition
07:59de Sieyès
08:00de se constituer
08:00en Assemblée nationale.
08:02Par contre,
08:02le 20 juin,
08:03à une voix près,
08:04celle de Martin Dauche
08:05qui était un obscur député
08:07de Castel-Nodary
08:08qui vote opposant
08:09et qui signe opposant,
08:11la totalité
08:12des quelques 400
08:13ou 450 députés
08:14du tiers-État
08:15présents
08:16dans cette salle
08:16du jeu de paume
08:17ont se réunis
08:18au jeu de paume
08:18parce que le roi
08:19a fait fermer
08:20la grande salle
08:21des menus plaisir
08:22dans la perspective
08:23d'une séance royale
08:24qui aura d'ailleurs lieu
08:25le 23 juin,
08:26quelques jours plus tard,
08:27sur proposition
08:28du docteur Guillotin,
08:30l'inventeur
08:31non pas de la guillotine
08:32mais du principe
08:33d'une égalitarisation
08:34de la mort
08:35dans le code criminel,
08:38ont se réunis
08:39au jeu de paume
08:40et ont jure
08:41de ne jamais se séparer
08:42avant d'avoir donné
08:44une constitution
08:44au royaume.
08:46C'est cette journée
08:47du 20 juin
08:48qui va être retenue
08:49dans la mémoire révolutionnaire
08:50sur le principe
08:52de l'unanimisme
08:54des voix,
08:56des votes
08:57des députés,
08:58sur le principe aussi
08:59d'un serment
09:00qui est tout à fait inédit,
09:02qui est prêté
09:02à la Romaine
09:03et qui est le premier
09:04serment laïque politique
09:05qui ait jamais été prêté
09:07en France,
09:08c'est-à-dire
09:08bras levés
09:10tel que David
09:12le représente
09:12en le sublimant
09:13dans son fameux dessin
09:16devenu le tableau
09:18du serment
09:19du jeu de paume
09:19et donc
09:21c'est sur cet événement-là
09:23que repose
09:23la légitimité
09:24par l'élection,
09:25par les urnes,
09:26une légitimité
09:27théorisée par Chayès,
09:29par médiation,
09:30par assemblée
09:31représentative
09:32et parlementaire
09:33et c'est une légitimité
09:34sur laquelle
09:35nous vivons encore
09:36et puis quelques jours
09:37plus tard
09:38vous avez un autre événement
09:39également en partie
09:41sublimée
09:42sinon réinventée
09:43qui est celui
09:44de la prise
09:45de la Bastille
09:46à Paris
09:46le 14 juillet 1789
09:48qui lui
09:49va être
09:50je dirais
09:52interprété
09:54comme la première
09:56manifestation
09:57de la souveraineté
09:58du peuple.
09:58On a d'un côté
09:59la souveraineté
10:00de la nation
10:00le 20 juin 1789
10:02et on a de l'autre
10:03le 14 juillet 1789
10:05par cette prise
10:05de la Bastille
10:06qui n'en est pas une
10:07véritablement
10:08la souveraineté
10:09du peuple
10:09et aussi
10:10un principe
10:11absolument essentiel
10:12qui est celui
10:13de la violence légitime
10:14du peuple
10:15que l'on retrouve
10:15dans les premières
10:16constitutions françaises
10:17celles de 1791
10:19et celles de 1793
10:21dites de l'an 1
10:22qui ne sera jamais
10:23appliquée.
10:24Et au fond
10:24ces deux légitimités
10:26qui vont s'affronter
10:27constituent
10:29ce qu'on pourrait appeler
10:30le combustible même
10:31de la révolution
10:32jusqu'à la terreur.
10:33C'est-à-dire que
10:34toute l'histoire
10:35de la terreur
10:36est celle
10:36d'un affrontement
10:37entre la rue
10:38d'un côté
10:39incarnée à Paris
10:40par les sans-culottes
10:41des 48 sections
10:42parisiennes
10:43par les membres
10:44de la commune
10:45de Paris
10:45qui marche
10:46avec du canon
10:47sur la convention nationale
10:49qui est l'assemblée
10:50représentative
10:51de la terreur
10:51pour obtenir
10:52des décrets
10:53de plus en plus
10:53radicaux
10:54et éventuellement
10:55pour épurer
10:55cette dite assemblée
10:56je pense en particulier
10:58aux journées
10:58des 29 mai
11:00et 2 juin
11:001793
11:01à l'issue
11:02desquelles
11:03les députés girondins
11:05sont exclus
11:05à décrétés
11:07d'accusation
11:08et vont monter
11:09à l'échafaud
11:10en octobre
11:101793.
11:12Cet affrontement
11:14de légitimité
11:15traverse tout le 19e siècle
11:17et tout le 20e siècle
11:18jusqu'à
11:18quasiment
11:20jusqu'à ce mouvement
11:21que nous avons connu
11:22en 2009
11:24et 2010
11:25si mes souvenirs sont bons
11:27qui est le mouvement
11:27des gilets jaunes
11:28et cette revendication
11:30du référendum
11:32d'initiative citoyenne
11:33qui est
11:34un héritage direct
11:36de cette légitimité
11:38de la rue
11:39qui serait plus forte
11:40que la légalité
11:41parlementaire.
11:42Et
11:42pour aller un peu plus loin
11:44je dirais que
11:45de la révolution
11:48nous avons hérité
11:49du côté
11:49de cette légitimité
11:50de la rue
11:51qu'on pourrait appeler
11:52de démocratie directe
11:53nous avons hérité
11:54d'une sorte de méfiance
11:56vis-à-vis des assemblées
11:57parlementaires.
11:58Nous sommes tout de même
11:59les champions du monde
12:00des envahissements
12:01des enceintes parlementaires
12:02sous la révolution
12:03à trois reprises
12:04puis en juin
12:051848
12:06puis le 4 septembre
12:081870
12:09puis on marche
12:10sur le palais Bourbon
12:11le 6 février 1934
12:13des deux côtés
12:15du spectre politique
12:16vous avez à chaque fois
12:18cette espèce
12:19de méfiance
12:22quasi consubstantielle
12:23d'une partie
12:24du peuple français
12:25vis-à-vis de cette
12:27représentation parlementaire
12:28accusée
12:29d'être
12:30sinon
12:31corrompue
12:32tout du moins
12:33manipulée.
12:34Quand on a un député
12:35de la France insoumise
12:37on va pas le citer
12:37Antoine Léaumont
12:38député
12:38de l'Essonne
12:40qui se revendique
12:41de Robespierre
12:42dans sa philosophie politique
12:43et ses actes
12:45vous vous dites
12:45que la révolution
12:46nous habite encore
12:48ou que l'on est
12:49dans un mauvais folklore ?
12:51Non, non
12:51je ne dis
12:51ni l'un ni l'autre
12:53je dis que
12:54ce qui m'intéresse
12:55moi comme historien
12:56c'est d'essayer
12:57de comprendre
12:58la révolution
12:59en l'occurrence
12:59à travers ses mémoires
13:00de l'extérieur
13:01c'est-à-dire
13:02de ne pas continuer
13:04à la vivre
13:04de l'intérieur
13:05que ce soit d'ailleurs
13:06du point de vue
13:07de la révolution
13:07ou du point de vue
13:08de la contre-révolution
13:09et c'est que
13:10ce que je constate
13:11d'un point de vue politique
13:13très contemporain
13:14et à gauche
13:16du spectre politique
13:17d'aujourd'hui
13:18c'est qu'un certain
13:19nombre d'hommes politiques
13:21continuent à vivre
13:22la révolution
13:23de l'intérieur
13:24sans chercher
13:25à la comprendre
13:25mais en la continuant
13:27et quelquefois
13:29d'ailleurs souvent
13:30en la sublimant
13:31à travers un certain
13:32nombre de figures
13:33en particulier
13:35Robespierre
13:36Robespierre
13:36tout de même
13:37connaît
13:38une sorte
13:38de
13:39jusqu'à la révolution
13:42soviétique
13:43de 1917
13:44une sorte
13:48d'oubli
13:49et puis ressuscite
13:51à partir de 1917
13:52où comme vous le savez
13:53on chantait
13:53la Marseillaise
13:54dans les rues
13:55de Saint-Pétersbourg
13:56et à la place
13:58peut-être plus encore
14:00et mieux encore
14:00que Danton
14:01alors qu'on sait
14:03que les historiens
14:03se sont beaucoup
14:04révolutionnaires
14:06se sont beaucoup
14:06opposés
14:07entre les partisans
14:09de Danton
14:09d'un côté
14:10et les partisans
14:10de Robespierre
14:11de l'autre
14:11Robespierre
14:13est devenu
14:14véritablement
14:14la figure
14:15tutélaire
14:16de la révolution
14:17française
14:17encore aujourd'hui
14:18je vais vous citer
14:19une petite anecdote
14:20que je ne devrais pas citer
14:22mais j'avais été convié
14:23il y a quelques années
14:25à l'hôtel de ville
14:26dans la grande salle
14:27des libérations
14:28de l'hôtel de ville
14:30à participer
14:32à un jury
14:32sur la question
14:33de savoir
14:34s'il valait voter
14:35ou ne pas voter
14:36la mort de Robespierre
14:37et j'étais le seul
14:38historien
14:39en présence
14:39en jury
14:39un certain nombre
14:40de députés
14:41de la France insoumise
14:42je ne les citerai pas
14:43avaient été invités
14:44et ils sont tous
14:45arrivés
14:45habillés en costume
14:47de conventionnel
14:47en mission
14:48donc ça prouve
14:50je n'aimais pas
14:52de jugement
14:52de valeur
14:53mais ça prouve
14:54simplement
14:54qu'ils vivaient
14:56la révolution
14:56de l'intérieur
14:57alors il y a
14:58une autre singularité
14:59on va passer
15:00sur les mensonges
15:01mais peut-être
15:02un peu plus rapidement
15:02encore que ça
15:03construit
15:04le mythe
15:05et l'idée
15:05d'inventer
15:06mais j'ai vu
15:07une singularité
15:08qui peut surprendre
15:08voire même choquée
15:10c'est cette sentence
15:11je vous dis
15:12alors je l'ai noté
15:13page 37
15:14comme ça c'est plus simple
15:15la révolution
15:16n'aurait pas été
15:17celle
15:17n'aurait pas été
15:19ce qu'elle est
15:19sans le poids
15:20du catholicisme
15:22oui
15:22oui
15:22parce que la révolution
15:25c'est une guerre civile
15:26et c'est une guerre
15:27de religion
15:28mais c'est une guerre
15:29de religion
15:30qui comporte
15:31un certain nombre
15:32d'ambiguïtés
15:33la part catholique
15:37de la révolution
15:39est tout à fait
15:40essentielle
15:41si on veut la comprendre
15:42c'est-à-dire au fond
15:43au-delà même
15:45des lumières
15:46et du déisme
15:48des lumières
15:48et du dieu
15:50grand horloger
15:51de Voltaire
15:52ce catholicisme
15:54des catacombes
15:55ce retour
15:56à une sorte
15:57de pureté évangélique
15:59égalitaire
15:59est porté
16:00par un certain
16:01nombre de révolutionnaires
16:02vous savez que
16:03un conventionnel
16:04sur sept
16:05sont d'origine cléricale
16:07soit les ordres réguliers
16:09soit
16:10soit prêtres
16:11et
16:13on le constate
16:15ce poids
16:16et ce rôle
16:17du catholicisme
16:18et un catholicisme
16:19je dirais
16:21réinventé
16:22tel que j'ai essayé
16:23de vous le décrire
16:24on le retrouve
16:25dans la récupération
16:26du vocabulaire catholique
16:28à l'usage
16:29de la révolution
16:29et même
16:30de la terreur
16:30on parle de
16:31sainte guillotine
16:32on parle
16:34de
16:34de catéchisme
16:36révolutionnaire
16:36on parle
16:37des missionnaires
16:38de la liberté
16:39et donc
16:40vous avez
16:41une récupération
16:42du
16:42je pense que
16:43l'athéisme radical
16:45porté par la terreur
16:46n'est porté que
16:47par une faction révolutionnaire
16:49par une minorité
16:49de révolutionnaires
16:50Robespierre
16:51ne l'était pas
16:52pensez
16:54et souvenez-vous
16:55de ce décret
16:55le peuple français
16:58reconnaît
16:59l'immortalité
17:01de l'âme
17:01et l'existence
17:02de l'être suprême
17:03il est porté
17:04par une faction
17:04extrémiste
17:05dite hébertiste
17:06qui est donc
17:08dirigée
17:09par
17:10Hébert
17:11qui est à la tête
17:12à la suite
17:13de Marat
17:13de l'organe de presse
17:15le plus radical
17:15le père Duchesne
17:18de la révolution
17:18et de la terreur
17:19mais c'est
17:20c'est une
17:22c'est une
17:22c'est une faction
17:24minoritaire
17:26de la révolution française
17:27et
17:28les actes
17:29la mort est un sommeil
17:30éternel
17:31à poser
17:32à l'entrée
17:33des cimetières
17:33par Fouché
17:34dans le centre
17:35de la France
17:36les actions
17:38iconoclastes
17:39d'autodafé
17:40de symboles
17:42et de signes
17:43religieux
17:43et royaux
17:44c'est
17:45c'est un phénomène
17:47absolument évident
17:49et important
17:50dans le courant
17:52ou dans le
17:53dans l'organisation
17:55de la terreur
17:55mais ce n'est pas
17:56probablement
17:57de mon point de vue
17:58sans parler du martyre
18:00des prêtres
18:01bien entendu
18:01le phénomène
18:03majoritaire
18:03pardon
18:06je termine ça
18:07mais dans
18:07l'expression
18:08dans la réinvention
18:09des églises
18:10en temple de la raison
18:11ou en temple
18:12de l'être suprême
18:13on retrouve
18:14dans le vocabulaire
18:15des discours
18:16inauguraux
18:16à ces nouveaux temples
18:18cette absolument
18:19cette absolue
18:21ambiguïté
18:22entre
18:22un christianisme
18:24soit des origines
18:25et des catacombes
18:26ou un christianisme
18:27passé à la moulinette
18:29des lumières
18:29et du grand horloger
18:32on retrouve ces ambiguïtés
18:33à travers tous les discours
18:36de la terreur
18:38autour de
18:39cette tentative
18:40de trouver
18:41un nouveau culte
18:43qui s'est toujours
18:44soldé par des échecs
18:45au fond
18:46et pour aller
18:47un peu plus loin
18:48je dirais que
18:48ces tentatives
18:50désespérées
18:50d'invention
18:51d'une sacralité laïque
18:52on les retrouve
18:53encore aujourd'hui
18:54dans les divergences
18:56que nous avons
18:57sur la notion
18:57de laïcité
18:58après laquelle
19:00nous courons toujours
19:00de quelle laïcité
19:02parlons-nous aujourd'hui
19:03d'une laïcité
19:04qui serait élevée
19:06à l'état de dogme
19:07qui serait une sorte
19:08de théocratie
19:10à l'envers
19:11pour reprendre
19:11une expression
19:12de Victor Hugo
19:13ou d'une laïcité
19:15qui ne serait
19:15qu'une simple règle
19:17du jeu
19:18à la liberté
19:19à l'expression
19:20libre
19:21des consciences
19:21et de la foi
19:22on en est encore là
19:24aujourd'hui
19:24alors vous dites
19:26il nous fallait des mythes
19:27le mot mythe
19:28la révolution
19:28a créé ces mythes
19:29et aussi ces démons
19:30bien sûr
19:30alors vous avez dit
19:32on a glorifié
19:34le serment
19:34du jeu de paume
19:36alors qu'il avait été pris
19:37sous l'emprise
19:37de la peur
19:38on a fait la prise
19:39de la Bastille
19:40la première victoire
19:41alors qu'on le sait
19:42la Bastille s'est rendue
19:43le marquis de l'aunei
19:44ouvre les portes
19:45de la Bastille
19:46à paniquer
19:47vous connaissez
19:48le mot cruel
19:49de Rivarol
19:51monsieur de l'aunei
19:53avait perdu la tête
19:54bien avant
19:54qu'on ne la lui coupe
19:55il était isolé
19:56dans cette forteresse
19:57à la tête
19:58de quelques
19:59cinquante
20:00invalides
20:01des gardes suisses
20:02et à la suite
20:03d'un certain nombre
20:04de négociations
20:05brouillonnes
20:06il fait ouvrir
20:08abaisser le pont-levis
20:09et ouvrir
20:11les portes
20:11de la Bastille
20:12et on marche
20:12sur la Bastille
20:13non pas parce que
20:14c'est l'antre du tyran
20:15comme on la présentera
20:16par la suite
20:17mais tout simplement
20:19parce qu'elle contient
20:20des poudres
20:20que les insurgés
20:23du Faubourg Saint-Antoine
20:25s'étaient emparés
20:25des fusils
20:26des invalides
20:27et qu'ils avaient besoin
20:28de poudre
20:29et on marche sur la Bastille
20:30pour des raisons militaires
20:31et tactiques
20:32pas pour des raisons symboliques
20:34comme on le fera
20:34par la suite
20:35Vous avez évoqué aussi
20:37Paul Serment
20:38de Jeanne-Poum
20:38la personnalité
20:40assez obscure
20:41mais que vous révélez
20:42de M. Martin Doche
20:43qui est le premier
20:44à s'opposer
20:45C'est le premier dissident
20:47de la révolution
20:48et alors
20:49ce qu'il vous dit
20:49en incident
20:50ça m'a amusé
20:51c'est qu'il est immortelisé
20:52par David
20:52le peintre bien connu
20:53dont on découvre
20:54alors la capacité
20:55de créer picturellement
20:57des fake news
20:58Oui
20:58alors j'aime pas
20:59beaucoup cette expression
21:01parce que je la trouve
21:02anachronique
21:02par rapport
21:03aux périodes
21:05sur lesquelles je travaille
21:06mais je reprendrai
21:07une expression de Michelet
21:08qui dit quelque part
21:09je ne sais plus
21:10que la véritable peinture d'histoire
21:13est incapable
21:14de représenter l'histoire
21:15à chaque fois
21:16qu'on a affaire
21:17à un très grand tableau
21:18je pense au serment
21:19du jeu de paume
21:19de David
21:20mais à l'évocation
21:22de la Marseillaise
21:23de Rouget de Lille
21:23chantant la Marseillaise
21:25par Isidore Pils
21:26ou à la liberté
21:29de Delacroix
21:30à chaque fois
21:31on a affaire
21:32à des allégories
21:34de l'histoire
21:34donc à la réinvention
21:37partielle ou totale
21:39d'une scène historique
21:41telle qu'elle s'est déroulée
21:43sur le moment
21:44et telle qu'elle a été décrite
21:46par ses protagonistes
21:48à chaud
21:48et sur le moment
21:49dans le tableau de David
21:51il y a d'abord
21:53la composition
21:54et la mise en scène
21:55est une invention
21:56propre à David
21:57cette espèce
21:58de trilogie
21:58sainte
22:00que l'on voit
22:00au premier plan
22:01à côté de Bailly
22:02qui tourne le dos
22:03aux députés
22:04et d'ailleurs
22:04qui nous regardent
22:06qui est le premier président
22:07de l'Assemblée Nationale
22:08où on voit
22:09ces trois ecclésiastiques
22:11que sont
22:11Rabot Saint-Etienne
22:12le protestant
22:13l'abbé Grégoire
22:14le catholique
22:15et Donguerle
22:15un moine bénédictin
22:18d'une abbaye
22:19située en Auvergne
22:21qui n'était pas présent
22:22le 20 juin 1789
22:24et qui n'empêche pas
22:26David de l'incarner
22:27dans cette sainte trilogie
22:29du premier plan
22:29de son tableau
22:30et puis Marat
22:31que David
22:32fait figurer
22:33dans les tribunes
22:34du jeu de paume
22:36n'était pas plus présent
22:37ce 20 juin 1789
22:40de même
22:40que David
22:41invente
22:42une sorte
22:43d'orage allégorique
22:44qui signifierait
22:47cet extraordinaire
22:49événement
22:49du 20 juin
22:50en faisant tomber
22:52un éclair
22:53sur le dôme
22:54de la chapelle
22:55de Versailles
22:55que l'on entreaperçoit
22:57par l'une des fenêtres
22:58de la salle
22:59du jeu de paume
23:00alors que j'ai été vérifié
23:01dans les archives
23:02de l'observatoire
23:03de Paris
23:03le temps qu'il faisait
23:05le 20 juin 1789
23:06et il n'y avait pas
23:07un pouce de vent
23:09un peu pluvieux
23:12dans la matinée
23:12en s'élayer
23:13dans l'après-midi
23:14mais c'était
23:14le calme plan
23:15donc voilà
23:16le travail de l'historien
23:17encore une fois
23:18c'est une peinture
23:19alors
23:20c'est une peinture
23:20de propagande
23:21oui
23:21le tableau a été réclamé
23:24à l'issue
23:24dans le cadre
23:26d'un concours
23:27à l'issue
23:28d'une demande
23:29formulée
23:29à la tribune
23:30des Jacobins
23:31en 1791
23:32par l'un des participants
23:33d'ailleurs
23:34de ce serment
23:35du jeu de paume
23:35il a été mis
23:37sous la garde
23:38et la protection
23:38de la nation
23:39très rapidement
23:40même si David
23:40n'arrivera
23:41et ne parviendra
23:42jamais à l'achever
23:43dans la mesure même
23:45que précisément
23:46l'allégorie de l'histoire
23:48ne correspond pas
23:49au tumulte de l'histoire
23:51qui élimine à mesure
23:52les protagonistes
23:54du 20 juin
23:55qui vont finir
23:56pour un certain nombre
23:56d'entre eux
23:57sur la guillotine
23:58en 1793
23:59à commencer par Bailly
24:01le premier président
24:02de l'Assemblée nationale
24:03on ne se lasse pas
24:05des informations
24:05qui figurent dans le livre
24:06moi j'ai appris
24:07par exemple
24:08le génie de la Bastille
24:09ça devait être
24:10un éléphant
24:11monumental
24:12j'ai appris aussi
24:13que le trigo blanc-rouge
24:14devait être vert
24:14initialement
24:16ce n'est plus
24:16à Sandrine Rousseau
24:17je pense
24:17mais ça je laisserai
24:19les téléspectateurs
24:20le découvrir dans le vent
24:21il y a vraiment
24:22mille petites informations
24:23sur ces mythes
24:24je vous laisse juste
24:25sur ce dernier point
24:26pendant le petit temps
24:27qui nous reste
24:28revenir sur un dernier événement
24:29sur un dernier point
24:30et cet événement
24:31il est pour vous
24:32particulièrement marquant
24:33c'est le procès
24:34et la condamnation à mort
24:35de la reine de France
24:36Marie-Antoinette
24:37vous dites même
24:38que cet événement
24:39est essentiel
24:40pour qui veut comprendre
24:41la révolution
24:41pourquoi cela ?
24:43oui alors je poursuis
24:44la réflexion
24:45que j'avais eue
24:46dans un livre précédent
24:47qui s'appelait
24:48juger la reine
24:49sur le procès
24:49de Marie-Antoinette
24:50dès 14 au 16 octobre 1793
24:53il est à mon avis
24:54du point de vue
24:55de l'histoire
24:55de la terreur
24:56plus intéressant
24:57que le procès
24:58de Louis XVI
24:58qui marchait
25:01un peu
25:01sur deux pieds
25:02le pied droit
25:03était le pied
25:04du droit divin
25:05d'avant 1789
25:06et le pied gauche
25:07était le pied
25:08du roi constitutionnel
25:09de 1791
25:11alors que Marie-Antoinette
25:13se produit
25:14dans la salle
25:15de la liberté
25:16du tribunal révolutionnaire
25:17le 14 octobre
25:1993
25:20comme une sorte
25:20de passionnariat
25:22des droits
25:23de son fils
25:23et du droit divin
25:25et ce procès-là
25:26c'est vraiment
25:27l'opposition frontale
25:28de deux mondes
25:30qui se regardent
25:31qui se parlent
25:32qui se touchent
25:33mais qui se haïssent
25:34profondément
25:34et qui veulent
25:36s'éliminer
25:36l'un l'autre
25:37et c'est en cela
25:38que le procès
25:39de Marie-Antoinette
25:40nous en dit
25:41plus que d'autres
25:42du processus terroriste
25:44et je dirais
25:45du contenu
25:46même
25:47de la terreur
25:48et c'est en cela
25:49par les mémoires
25:52conservées
25:52de ce procès
25:53qui sont également
25:54extrêmement clivantes
25:56d'un côté
25:56la sainte et martyre
25:58de l'autre
25:59la complotiste
26:00et celle
26:01qui aurait
26:01plus que d'autres
26:03trahi la république
26:04et on a encore
26:06ce clivage
26:07on l'a retrouvé
26:07dans certaines cérémonies
26:09inaugurales
26:10ou jeux olympiques
26:10par exemple
26:11on retrouve encore
26:12ce clivage
26:13autour de la figure
26:14de Marie-Antoinette
26:15et en cela
26:16elle m'a intéressé
26:17ne serait-ce que
26:18du point de vue
26:18des mémoires
26:19de la révolution
26:19la révolution
26:20qui aura eu
26:21donc ses mythes
26:22ses inventions
26:23et aussi bien évidemment
26:24ses démons
26:24merci beaucoup
26:26Emmanuel de Varesquiel
26:27de nous avoir présenté
26:28très rapidement
26:29parce qu'on pourrait
26:30évoquer encore
26:31pendant des heures
26:32les sujets
26:33qui sont dans cette ouvrage
26:34et bien au final
26:36voilà ce que dit
26:37la révolution
26:38d'elle
26:38et puis de nous-mêmes
26:39aussi à travers
26:40cet ouvrage
26:41merci à vous
26:41merci beaucoup
26:42merci à vous
26:46merci à vous
26:48merci à vous

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