Lundi 18 novembre 2024, 4GOOD reçoit Thomas Breuzard (Directeur permaentreprise, norsys & Coprésident, B Lab France)
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00:00Et on commence cette émission avec ton édito Thomas, pourquoi devons-nous oeuvrer ensemble ?
00:12Bien déjà parce que ces dernières années, on voit que le monde de l'entreprise se porte
00:15moyennement bien, en tout cas en France. Je vais commencer par un chiffre qui l'illustre très bien.
00:18En mars 2023, dans un article de La Tribune, on découvrait que plus de 43 000 défaillances
00:23d'entreprises avaient été déclarées dans les douze derniers mois. C'est 50% de plus que l'année
00:27précédente. Cela montre bien que globalement, la résilience des entreprises semble bien mise
00:32à mal par des contextes qui peuvent être géopolitiques, sanitaires comme on l'a vu ces
00:36dernières années. Dans le même temps, plus personne ne semble ignorer les risques à court et à moyen
00:40terme du non-respect du vivant, de la prédation des ressources qui font que les chaînes de valeur
00:45sont de plus en plus tendues. Face à ces différents constats, il est bien évident désormais qu'il
00:50faut opérer et coopérer différemment dans le monde de l'entreprise pour réussir à rester pérenne,
00:55à basculer dans une approche où le profit devient un moyen de contribuer à la réponse aux enjeux
00:59sociétaux plutôt qu'une fin qui justifie tous les moyens. Alors, il y a des bonnes nouvelles,
01:03heureusement, et il en faut. Il faut savoir nous en nourrir. Plein de solutions existent, d'ores et
01:08déjà, partout, dans les secteurs d'activité que nous voyons. Les exemples se multiplient et qu'il
01:14s'agisse d'entreprises sociales et solidaires, par exemple, qui redéfinissent l'utilité de
01:18l'entreprise, des coopératives qui redessinent les modalités de fonctionnement ou des entreprises
01:23labellisées Bicorp, par exemple, qui réinventent leur modèle économique pour les mettre au service
01:26d'une société plus juste, plus équitable et compatible avec les limites planétaires,
01:30tout semble indiquer que cette nouvelle ère est d'ores et déjà ouverte. Leur stabilité,
01:34d'ailleurs, leur donne raison, si je fais écho au démarrage de cet édito. Prenons là aussi quelques
01:38exemples. En 2022, on a interrogé un certain nombre de Bicorp sur leur sentiment de résilience face
01:43au contexte très mouvant de ces dernières années. 84% d'entre elles déclaraient avoir été résilientes
01:48face à ce contexte, mais plus intéressant encore, 40% déclaraient avoir été plus résilientes que
01:52leurs concurrents. Et donc, pour y parvenir, la coopération est nécessaire. Et oui, parce qu'une
01:57immense majorité du monde économique n'a pas encore entamé une vue suffisante. Pourquoi ? Parce
02:01que les facteurs multiples des freins nombreux sont à la fois culturels sur les modalités de
02:07coopération, sur la culture et le culte du PIB, de la croissance, entre urgence de résultats et
02:13besoin de planification. Face à cette inertie, de fait, on constate une forme de polarisation dans
02:18les écosystèmes, y compris de l'impact. D'un côté, une envie d'exigence des pionniers de l'impact
02:24qui voudraient pérenniser des modalités historiques et, en même temps, le besoin de pouvoir accueillir
02:28des acteurs de plus grande dimension pour changer d'échelle. Provoquer une bascule du monde économique,
02:33d'ailleurs, ne se fera que si on parvient à renforcer les coopérations entre ces pionniers,
02:37qui bien souvent sont des entreprises d'une taille assez modeste, et les plus grands acteurs qui
02:41peuvent être, eux, des vrais locomotifs sectoriels pour transformer le monde économique. Pour cela,
02:46il va falloir donc revoir nos modèles de coopération au sein des écosystèmes de l'impact et au-delà.
02:51C'est à cette condition que nous pourrons ambitionner un changement d'échelle où pionniers
02:54et grands donneurs d'ordre parviendront enfin à œuvrer pour rediriger l'utilité du monde économique.
02:59Merci Thomas. Et donc, je m'adresse à nos invités désormais. Est-ce que vous remarquez
03:04une augmentation de la demande des grandes entreprises pour collaborer avec vous ?
03:10Alors, en tout cas, on remarque une nécessité absolue des entreprises de se transformer,
03:15se transformer pour leur impact, mais aussi pour attirer et retenir des talents. Et nous,
03:21on voit, parce qu'on accompagne des groupes pour plus de mixité, pour plus d'égalité
03:25professionnelle, soit des entreprises, des ETI ou des collectivités, et on se rend compte que
03:30celles qui ne se transforment pas, elles perdent leurs talents féminins et jeunes. Et moi,
03:35je les vois arriver après dans l'association Femmes des Territoires pour créer son entreprise.
03:40Je vois les femmes qui s'en vont par recherche de sens, parce que la notion de pouvoir ou de
03:45hiérarchie telle qu'elle est aujourd'hui, ça ne leur convient pas, parce qu'elles ont envie
03:49d'être utiles et d'être en lien avec les différents enjeux que nous devons affronter,
03:55donc enjeux sociaux, sociétaux, environnementaux. Et on voit les femmes qui partent, notamment. Moi,
04:00je m'occupe plus des femmes. On voit les femmes qui partent et qui créent des entreprises pour
04:04le sens. Donc, si les grands groupes ne se transforment pas, ça va être compliqué
04:08d'attirer et de retenir notamment des talents féminins. Ça, c'est un premier point.
04:12Et Joséphine, Caroline ? Oui, je pense que c'est sur trois points,
04:16finalement, qu'aujourd'hui, je vois des collaborations qui se développent. Le premier
04:20point, c'est un peu la base. C'est vraiment les achats, tout simplement parce qu'aujourd'hui,
04:27avec les réglementations aussi européennes, il y a une incitation à la transformation des grands
04:32groupes. Et donc, elles vont aller regarder beaucoup plus le niveau d'engagement de leurs
04:39partenaires et donc de leurs sous-traitants, de leurs partenaires. Et il y a une exigence
04:45aujourd'hui qui est renforcée et qui touche les entreprises à impact, qui sont du coup plus
04:51sollicitées, mieux sollicitées. Et il y a, par exemple, des dispositifs aujourd'hui, comme ce
04:55qui se passe avec les JO à Paris, qui sont vraiment des dispositifs transformateurs,
05:01parce qu'il y a vraiment des collaborations de grande échelle entre grands groupes et
05:05entreprises à impact. Mais il y a aussi l'exigence de transformation globale des PME,
05:11avec les alliés travail, et pour qu'elles aient quand même un minimum d'engagement,
05:15notamment sur des enjeux d'inclusion et des enjeux écologiques. Après, il y a un deuxième volet qui
05:20est celui de l'open innovation, on va dire, de comment est-ce que tu disais, Marie, comment on
05:25se transforme ? Et est-ce qu'on arrive à se transformer en se créant nous-mêmes nos équipes
05:31de R&D ? Ou est-ce que finalement, c'est aller chercher des startups, une expertise nouvelle,
05:37une nouvelle manière de fonctionner, une nouvelle manière de voir, et puis des innovations assez
05:41disruptives, qui va permettre de bouger ? Voilà, on voit que ça se consolide. Et par exemple,
05:49comme signe, on a les grandes entreprises qui créent des fonds d'investissement corporate.
05:55Pourquoi elles le font ? Parce qu'elles investissent comme ça dans des startups qui
06:00sont dans leur champ d'intérêt, on va dire, avec peut-être des enjeux de rentabilité un peu
06:07moindres et un vrai regard sur les enjeux d'impact, et avec la volonté que ça les inspire,
06:14potentiellement qu'elles puissent développer des young ventures après avec elles. Et ça,
06:21c'est intéressant, même si ces dernières années, ça avait été plutôt mollo, je veux dire,
06:27sur l'open innovation. Et là, on voit que ça repart avec ce système d'investissement. Puis après,
06:32il y a la troisième volet qui est, encore une fois, très traditionnellement le mécénat,
06:37mais avec une manière de réinventer quand même en ce moment la philanthropie, et donc de pousser
06:45les curseurs pour réfléchir à des stratégies de philanthropie. Et on voit le dividende sociétal,
06:50le dividende social, du crédit mutuel, de la Maïf, qui réinventent cette manière d'investir dans
06:57les organismes d'intérêt général. Donc sur ces trois volets, on voit que le partenariat PME-grand
07:04groupe sur l'impact se réinvente, se consolide. Après, il reste quand même une dissociation
07:12forte avec des grands groupes qui sont extrêmement puissants et des, on va dire, plus des PME,
07:18PME-impact, PME qui se transforment, qui sont quand même plus fragiles, qui sont quand même
07:24plus dans leurs mains, qui sont dans des capacités de développement, de scale économique, qui restent
07:33quand même fragiles, difficiles. Donc, il y a cette distorsion finalement de force qui reste
07:40quand même très présente en France et qui sûrement handicape ces capacités à réellement
07:47se mutualiser les expériences, s'influencer les uns les autres, quand il y a de tels rapports
07:56de force, finalement des distorsions de rapports de force. Et dans les systèmes allemands où on a
08:03plus d'ETI, finalement avec des niveaux beaucoup plus homogènes, très certainement leur manière
08:12de s'influencer les uns les autres est finalement plus forte. Donc, ça, c'est un enjeu de l'économie
08:17française en général, mais qui, je pense, limite notre capacité à avancer plus vite.
08:22Joséphine, c'est quoi vos observations chez Ticket for Change ?
08:26Je rejoins ce qui a été dit, nous, dans les programmes d'accompagnement à la transformation
08:31justement des organisations pour qu'elles aillent vers des modèles plus résilients,
08:35plus durables, plus justes. On voit vraiment cette envie et cette compréhension de la
08:41nécessité maintenant de coopérer avec des startups, avec des assos, avec des acteurs de territoire.
08:49Donc, on voit vraiment ça et de plus en plus, oui, on voit la nécessité, la prise de conscience
08:57en fait qu'il y a à collaborer pour justement adresser ces enjeux sociaux ou environnementaux
09:02qui nous dépassent et pour lesquels on va avoir besoin d'être alliés et d'y aller ensemble
09:08pour essayer d'apporter des solutions face à ces défis. Par contre, ce que je trouve difficile,
09:15enfin encore difficile, c'est que travailler avec des acteurs qui ne nous ressemblent pas,
09:19c'est bien là la force des collaborations, ça prend du temps, ça prend du temps pour se
09:26comprendre, pour apprendre à travailler ensemble, pour aligner des façons de faire, pour se mettre
09:31d'accord sur des objectifs communs. Justement, ces questions de coopération, elles ne marchent
09:35que si le collectif est solide autour d'un objectif commun, même s'il y a des façons
09:41de faire qui sont partagées. Et ça, ce temps-là, c'est ce qu'il y a de plus précieux. Et donc,
09:45comment est-ce qu'on réussit à trouver aussi des modèles qui permettent d'investir du temps
09:49dans de la collaboration pour que ça crée vraiment un impact, ça je trouve que c'est
09:53encore un défi. On pourra y revenir plus en détail dans le débat, mais pour l'heure,
09:57c'est l'heure du top et du flop.