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00:00France Infossoir, l'invité, Agathe Lambret.
00:05Vous êtes député ensemble pour la République des Français d'Amérique du Nord,
00:09vice-président de l'Assemblée nationale et ancien ministre chargé de l'Industrie notamment.
00:14Donald Trump a fait volte-face et suspendu pour 90 jours ses droits de douane contre le reste du monde, sauf pour la Chine.
00:21La planète a poussé un ouf de soulagement.
00:24Est-ce qu'on en vient à se réjouir qu'un président totalement irrationnel, incontrôlable, imprévisible ait changé d'avis,
00:31quand on voit les dégâts que cela a causés et quand on sait que potentiellement, dans trois mois, il recommence ?
00:37Non, on ne se réjouit pas.
00:40Je vais le dire comme ça, je pense qu'aujourd'hui est moins pire qu'hier, mais sans doute mieux que demain.
00:44Ça change tous les jours.
00:46Il change d'avis pour des raisons d'ailleurs sans doute presque plus psychiatriques qu'économiques.
00:53Hier, il a commencé sa journée en disant, c'est le moment d'acheter des actions.
00:58Et puis quelques heures après, il a donné une nouvelle qui a permis aux actions de monter.
01:03Ce qui lui a plu hier, c'est que je pense qu'il s'est dit, j'ai le pouvoir moi de faire monter ou baisser la bourse,
01:08de dire à mes amis milliardaires qui m'ont financé, en fait votre avenir dépend de moi.
01:14On est dans un gigantesque power trip.
01:16Une sorte de dieu de l'argent ?
01:18Mais pas seulement de l'argent.
01:20Il a, je pense, collectionné le plus grand nombre de une mondiale depuis trois mois que quiconque dans l'humanité.
01:29Il se réveille, je pense, en disant, aujourd'hui, je vais fixer l'agenda du monde
01:34et raconter une station balnéaire à Gaza, la paix en 24 heures en Ukraine
01:40ou pourquoi pas un krach boursier ou un rebond historique
01:43dont on voit, vous l'avez dit, il y a une seconde qui n'a pas duré puisqu'aujourd'hui ça baisse.
01:47En fait, on est rentré dans un monde complètement imprévisible.
01:51Mais il est fou Donald Trump ou pas ? Parce que vous avez parlé de raison psychiatrique.
01:55Moi, je pense qu'en tout cas, il y a une partie de son comportement qui est liée à un dysfonctionnement personnel, c'est sûr.
02:01Il faut regarder The Apprentice, qui est le biopic du début de Donald Trump, le making of de Donald Trump.
02:09Et on voit bien que c'est quelqu'un, effectivement, qui a un rapport au monde extrêmement complexe,
02:14qui a un égo surdimensionné et qui aujourd'hui se retrouve dans une situation de pouvoir
02:20dont il a besoin de faire usage tous les jours par des tweets insensés,
02:27par une volonté de montrer au monde que lui seul est capable d'impacter notre vie à tous.
02:35Donc, évidemment, il faut passer à travers le bruit et se rendre compte que la situation économique, par exemple, est incertaine et donc risquée,
02:44mais qu'on ne sait pas si, in fine, les droits de douane sont à 10, 25 ou 30.
02:48C'est sûr. C'est que quand vous êtes une entreprise aujourd'hui, par exemple, vous avez une incertitude nouvelle à intégrer.
02:53Il faut l'intégrer dans votre gestion d'entreprise. Il faut intégrer le risque géopolitique comme jamais auparavant.
02:59C'est terrifiant et on va en parler, mais juste parce que certains disent qu'il y a une stratégie aussi derrière tout ça.
03:04Est-ce que ce qui s'est passé avec le cours des bourses, c'est une manipulation boursière ?
03:09Est-ce qu'on vient d'assister au braquage du siècle ? Vous pensez que Donald Trump a fait exprès ?
03:14Écoutez, il l'a fait exprès. Je pense avant tout pour affirmer son pouvoir à la face du monde et accessoirement aux milliardaires qui l'ont soutenu, qui commençaient à le critiquer.
03:23Je peux vous faire et vous défaire en quelques heures. Est-ce qu'en plus, il y a eu ce qu'on appelle un délit d'initié ?
03:29Est-ce qu'il a appelé quelques copains pour leur dire, allez-y, je vais annoncer un truc ?
03:32L'enquête le montra. C'est-à-dire que le Sénat a déjà indiqué, il y a un sénateur qui a déjà indiqué, qui souhaitait enquêter sur l'évolution des cours de bourse hier.
03:44Thierry Breton, ex-commissaire européen, ce matin s'interrogeait sur le fait que Donald Trump n'avait pas attendu la fermeture des marchés pour faire son annonce de la suspension des droits de l'homme.
03:52Il aurait pu le faire, mais il ne l'a pas fait.
03:54Mais il aurait dû le faire. C'est-à-dire que normalement, ce type d'annonce se fait soit avant l'ouverture, soit après la clôture, de manière à ce que les analystes puissent intégrer ça dans leurs analyses et ensuite prendre des positions le lendemain.
04:06C'est d'ailleurs pour ça que les bourses ont une heure de fermeture, une heure de clôture. Il n'y a pas une bourse dans le monde qui est ouverte 24h sur 24 pour que les entreprises, par exemple, quand elles annoncent leurs résultats,
04:16elles le font avant l'ouverture ou après la clôture.
04:19Ils jouent avec les règles. Mais s'il y avait que cette règle-là, ils jouent avec toutes les règles. Ils jouent avec les règles de la diplomatie, ils jouent avec les règles de l'économie, ils jouent avec les règles de la finance.
04:30Et comment on fait quand on est en français de l'Amérique du Nord ? Parce que vous, vous êtes leur député.
04:34Je peux vous dire qu'on s'inquiète. J'ai fait une enquête auprès d'eux, ils ont répondu à près de 10 000. Il y a 20% des Français des Etats-Unis qui envisagent sérieusement d'entrer en France.
04:42Là au Canada, c'est 5%. Ils ont rejoint les Etats-Unis. Vous savez, l'hymne américain, c'est « The land of the free and the home of the brave », le pays de la liberté et le foyer des courageux.
04:53Et ils se retrouvent inquiets dans leur liberté individuelle propre. Des chercheurs qui n'ont plus le droit de prononcer des mots, des chercheurs qui voient leur budget coupé.
05:03C'est une forme de terreur que vous faisiez demain.
05:05Mais bien sûr, on est dans un régime. Moi, ça me rappelle, malheureusement, ce qui a été écrit au sujet du début du régime de Vladimir Poutine.
05:13Alors lui, il gouvernait vraiment par la terreur, avec des gens qui ont été tués, des gens qui ont été menacés, des gens qui ont été ruinés, de manière directe,
05:22par un homme qui les effrayait, qui les menaçait. Mais au fond, on est en train aujourd'hui d'instaurer un régime de crainte aux Etats-Unis.
05:30Mais vraiment, moi, j'ai des Français qui vont aux Etats-Unis, qui vident leur téléphone avant d'y aller, qui regardent leur beau WhatsApp, qui regardent leurs réseaux sociaux.
05:38Parce que, et qu'est-ce qu'ils font que dans la vie, c'est ce personnel ?
05:39De peur que, face à un douanier, vous savez, quand vous arrivez à la douane américaine, vous n'êtes pas encore aux Etats-Unis.
05:44Et le douanier qui est en face de vous, sauf si vous êtes américain. Si vous êtes américain, on ne peut pas vous interdire de rentrer au pays.
05:50On peut vous ennuyer un peu, vous pouvez y passer quelques heures.
05:52Mais si vous n'êtes pas américain, si vous avez une résidence permanente, un permis de travail, ou si pire, vous avez un permis de travail,
05:59votre conjoint est américain, vos enfants sont américains, on peut vous dire, ben, monsieur, les enfants y rentrent, et vous, vous restez.
06:05Vous ne partez pas, vous rentrez chez vous.
06:07Donc, évidemment, pour des gens qui ont fait leur vie là-bas, c'est à la fois très inquiétant à court terme.
06:11Si je rentre pour l'anniversaire de ma mère en France et que je ne peux pas rentrer aux Etats-Unis, ben, je vais peut-être ne pas aller à l'anniversaire de ma mère.
06:18Mais plus généralement, c'est une remise en cause fondamentale d'un choix de vie qui a été fait.
06:23Et évidemment, ce qu'on dit d'expatriés français qui ne sont en général pas les plus mal lotis, imaginez ce que c'est pour des Mexicains
06:31qui sont aux Etats-Unis depuis dix ans, qui travaillent, qui payent des impôts, et qui risquent d'être expulsés du jour au lendemain,
06:37alors que leurs enfants eux-mêmes sont américains parce qu'on est sur le sol.
06:40Donc oui, c'est une certaine forme de régime de terreur.
06:43Les gens n'osent plus critiquer Donald Trump de manière ouverte.
06:46Les chefs d'entreprise, en tout cas, les chercheurs, moi j'en ai vu qui m'en disent,
06:50dans l'email qu'on envoie à Elon Musk toutes les semaines avec les cinq choses qu'on a faites dans la semaine,
06:55on s'interdit de prononcer des mots génétiques.
06:57Parce que si on prononce tel ou tel mot, on se fait adirer, on n'a plus de crédit.
06:59L'intelligence artificielle qui va analyser les milliers d'emails qui sont envoyés toute la semaine,
07:05va flaguer un petit drapeau rouge, et on va dire celui-là, il va peut-être être licencié demain par un email envoyé aussi de manière rapide.
07:13C'est terrifiant pour ceux-là-bas, et à court terme, pour les Français, pour nos entreprises,
07:17parce que Donald Trump a suspendu les droits de douane de 20%, mais il reste quand même 10% des droits de douane,
07:23et puis on ne sait pas ce qui va se passer ensuite.
07:25Est-ce que cela vous inquiète ?
07:28Mais oui, c'est inquiétant.
07:29Après, on est homme politique, on est chef d'entreprise, on doit réagir face à l'incertitude.
07:34Mais la première chose à réaliser, c'est que ce qui se passe est grave et inquiétant.
07:37Et ensuite, il faut réagir.
07:39D'abord, quand vous êtes chef d'entreprise, il faut regarder vos marchés.
07:43Il y a aujourd'hui un marché, j'allais dire, où il fait bon vivre, c'est le marché européen.
07:46Donc peut-être qu'il y a une partie de vos activités, de vos investissements futurs,
07:50qui vont être dirigés vers des zones où l'état de droit est une réalité,
07:53où on peut circuler de manière plus libre.
07:56Et donc, je pense que l'Europe, et c'est important, a une carte à jouer face à un monde dans lequel une espèce de nouvelle...
08:02On pourrait récupérer les investisseurs déçus par Donald Trump ?
08:05C'est une opportunité pour l'Union européenne ?
08:07En tout cas, il y a un certain nombre d'investisseurs aujourd'hui qui regardent ce qui se passe en France.
08:12Regardez les bourses.
08:13La bourse européenne surperforme le marché américain depuis le début de l'année.
08:16Ça n'arrive jamais.
08:19Et on a aujourd'hui des investisseurs qui choisissent d'investir plutôt en Europe, plutôt dans le CAC 40,
08:25qu'aux États-Unis, dans le Nasdaq ou dans le Dow Jones.
08:26Oui, c'est déjà en train de se faire.
08:29Il ne faut pas oublier que Donald Trump, il a au fond, si on cherche un peu de raison dans tout ça,
08:33il a un agenda très fort, c'est de faire baisser massivement le dollar américain.
08:38Ça aussi, le dollar est la devise de réserve internationale depuis des décennies.
08:43En 1971, le secrétaire d'État au Trésor américain a dit au G7
08:48« Le dollar, c'est ma monnaie, c'est votre problème. »
08:52Et aujourd'hui, le président américain est en train de faire baisser massivement le dollar.
08:57Il a baissé depuis 10% depuis le début de l'année.
08:59Là aussi, c'est une opportunité pour l'Europe.
09:00On a une devise, l'euro, heureusement qu'on l'a faite en passant.
09:03Certains étaient contre.
09:04Il faut que cette devise devienne la nouvelle devise de réserve internationale.
09:08Parce que c'est la devise d'une zone dans laquelle la liberté, c'est une valeur qui existe.
09:13Le nouveau dollar.
09:14Le nouveau dollar, l'euro.
09:15Peut-être.
09:16On verra si les faits vous donnent raison sur ce point.
09:20On parlait de Donald Trump à l'instant.
09:22Laurent Wauquiez propose d'enfermer les personnes dangereuses sous obligation de quitter le territoire à Saint-Pierre-et-Miquelon.
09:28Qu'est-ce que vous pensez de sa proposition ?
09:30Est-ce que ça aussi, c'est du trumpisme ?
09:32C'est du mauvais Trump.
09:34C'est-à-dire que Laurent Wauquiez n'est pas Donald Trump et la France n'est pas les États-Unis.
09:37D'abord, c'est méprisant pour les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon.
09:41Ils ne sont pas gardiens de bagne.
09:42Ils sont pêcheurs, ils sont ouvriers, ils travaillent.
09:45C'est indécent pour les OQTF en question.
09:49De leur dire, la plupart d'entre eux sont des gens qui ne sont absolument pas des brigands ou des voleurs.
09:54Qui sont des gens qui se retrouvent en France peut-être parce que leur permis de travail est arrivé à échéance.
09:59Et à qui on dit, vous rentrez chez vous.
10:01Non, vous ne rentrez pas chez vous, on vous envoie là-bas.
10:03Et c'est totalement inopérant.
10:05Ce n'est pas réaliste ? Ça ne peut pas se faire ?
10:08Pour aller à Saint-Pierre-et-Miquelon, j'engage M. Wauquiez à y aller, il faut passer par le Canada.
10:12Donc vous allez transformer des OQTF à des obligations de traverser le Canada.
10:16Mais le Canada ne sera peut-être pas d'accord.
10:18Donc si vous voulez, vraiment, enfin, je veux bien qu'on réfléchisse à ce sujet qui est un vrai sujet aujourd'hui.
10:24Oui, beaucoup de Français aimeraient bien aussi qu'on règle cette question des obligations qui étaient le territoire français.
10:28On peut dire aussi, je vais les envoyer sur la Lune. Quitte à faire du Trump, autant faire du vrai Trump. Je vais payer Elon Musk pour envoyer les OQTF sur la Lune.
10:35C'est de ce domaine-là, c'est de ce niveau-là ce qui a été dit.
10:38Donc ça le décrédibilise totalement ?
10:39Je ne sais pas, je ne suis pas adhérent au LR. Donc je ne voterai pas ni pour lui, ni pour Bruno Retailleau.
10:45Mais en tout cas, la campagne le conduit, je pense, franchement à raconter n'importe quoi.
10:52Une dernière question, Roland Lescure. La France pourrait reconnaître l'État palestinien dans les prochains mois, selon Emmanuel Macron.
10:57Il s'est confié à un journaliste de France 5 dans son avion. Est-ce que c'était le moment et la façon d'annoncer cela ?
11:04Alors d'abord, ça fait longtemps que la France y pense et que la France en parle comme un horizon.
11:09L'annoncer à un moment où on envisage de rassembler à Paris des pays, notamment des pays arabes.
11:14Et se dire que collectivement, on est prêt à montrer qu'il y a des pays aujourd'hui qui sont prêts à aller sur le chemin de la paix.
11:21Alors je veux être très clair, parce que j'ai vu que le Hamas s'était félicité de la prise de parole du président.
11:25On ne fait pas la paix avec le Hamas. Si on fait la paix, ce sera malgré le Hamas.
11:30Et néanmoins, vous l'avez dit, effectivement, une des premières réactions à cette annonce, c'est le Hamas qui qualifie le projet de la France d'étape importante.
11:39Encore une fois, Emmanuel Macron n'a-t-il pas donné un point au Hamas en faisant cela aujourd'hui ?
11:44Il faut qu'on fasse la paix malgré ceux qui ne la veulent pas. Le Hamas ne veut pas la paix.
11:49Et malheureusement, et peut-être du fait de l'élection de Donald Trump, on y revient, je ne suis pas sûr que Benjamin Netanyahou la veuille non plus.
11:56Et donc, il faut qu'on arrive à créer, effectivement, un mouvement qui, progressivement, mais sûrement, va nous ramener vers le chemin de la paix.
12:03Mais il faut libérer les otages, c'est indispensable. Il faut aussi arrêter les massacres et arrêter les brides cessez-le-feu qui sont constants aujourd'hui de la part de l'État d'Israël.
12:14Il faut trouver une autre manière d'avoir une autre conversation. Je pense que les pays arabes peuvent y aider, que les démocraties occidentales peuvent y aider aussi.
12:22Et qu'on fasse ça à Paris au mois de juin, en tout cas, j'espère qu'on le fera. Je pense que c'est une bonne perspective.
12:28Merci Roland Lescure, ancien ministre et député des Français d'Amérique du Nord, d'avoir répondu à France Info.
12:34Et merci Agathe Lambret, on se retrouve à 20h pour les informer.