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Clément Duret, responsable du service de pathologies professionnelles de l’hôpital Raymond Poincaré de Garches (APHP) était l'invité éco de franceinfo à l'occasion de la journée mondiale de la santé au travail.

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Transcription
00:00L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:04Bonsoir à toutes et à tous, comment nous sentons-nous, comment nous portons-nous sur notre lieu de travail ?
00:09La question est régulièrement sur la table et notamment aujourd'hui en cette journée mondiale pour la santé et la sécurité au travail.
00:17Bonsoir Clément Duré.
00:18Bonsoir.
00:18Vous êtes médecin du travail, responsable du service de pathologie professionnelle de l'hôpital Raymond Poincaré de Garches.
00:25Quel est votre retour d'expérience ?
00:26Est-ce qu'aujourd'hui les Français sont en meilleure santé au travail qu'avant ?
00:30Alors je dirais que c'est assez variable et hétérogène en fonction des secteurs d'activité et des métiers bien sûr.
00:35Il y a eu des avancées flagrantes et vraiment massives sur certaines conditions de travail, notamment par exemple dans les usines, les mines, l'agriculture.
00:43Et il y a encore des secteurs d'activité où il reste encore beaucoup à faire.
00:46Et notamment ?
00:47Et notamment. On a, si vous voulez, une variété de risques.
00:50Les risques physiques sont bien connus. On va parler aujourd'hui des TMS.
00:53Des troubles musculosquelétiques.
00:55Exactement.
00:55Qui sont les risques professionnels le plus indemnisés aujourd'hui.
00:59Mais qui restent encore bien connus et pour autant encore beaucoup de choses à faire.
01:03Après on a d'autres risques comme les risques chimiques, les risques psychologiques, les risques biologiques.
01:07Et chacun a un degré, je dirais, de maturité variable en fonction du secteur d'activité et de l'ancienneté des métiers aussi.
01:14Alors justement, la CGT aujourd'hui organise des rassemblements devant les hôpitaux à Nantes, à Angers, à Paris, au Mans, pour rendre visibles les métiers de la santé qui sont selon le syndicat particulièrement pénibles et accidentogènes.
01:26Est-ce que vous êtes d'accord avec ce constat ? Est-ce que les métiers de la santé sont particulièrement exposés, particulièrement à risque ?
01:32Oui, tout à fait, puisqu'on va combiner les risques.
01:34On va avoir une exposition physique assez importante.
01:36On estime qu'une aide soignante fait à peu près 20 heures de manutention par semaine sur un temps plein.
01:42Donc c'est l'équivalent pour nous au niveau de risque physique.
01:44Puis on va conditionner aussi, additionner des risques biologiques.
01:47L'exposition au sang et aux maladies.
01:49Les expositions psychosociales, bien sûr, ça en parle beaucoup.
01:52Et quand vous cumulez les risques, vous entraînez forcément plus d'absences, plus de maladies, plus de souffrances.
01:57Est-ce qu'il y a d'autres métiers particulièrement à risque ?
02:00Oui, l'ensemble des métiers peuvent être considérés comme un risque en fonction, bien sûr, du risque attendu.
02:06On va avoir tous les métiers, finalement, peu qualifiés qui vont combiner des actions, le lien avec le public, l'organisation de travail, le travail de nuit et les risques physiques, par exemple, vont cocher plusieurs cases et donc avec un risque afférent.
02:18D'autres métiers sont plus spécifiques, un seul risque, par exemple, le psychosocial, mais beaucoup plus intense.
02:23Ça va être très variable et c'est toute l'importance de bien connaître le risque pour bien le prévenir.
02:27Est-ce qu'il y a des métiers en particulier auxquels vous pensez ?
02:30Oui, par exemple, vous allez avoir des métiers qui sont sujets au contact avec le public.
02:34Donc on a un contact permanent avec les gens et parfois des gens en grande souffrance.
02:38Donc les métiers de l'aide sociale, par exemple, qui vont avoir une fibre émotionnelle très développée.
02:42D'autres métiers de la sécurité qui sont en rapport avec la violence toute la journée.
02:45D'autres métiers où on est plutôt en rapport avec des choses plus positives.
02:49Voilà, tout ça, c'est très variable et ça implique de bien connaître les métiers et pour ça, de bien évaluer les risques.
02:54Et c'est toute la dimension aussi de cette journée.
02:56Alors, la première maladie professionnelle reconnue, vous l'avez dit, c'est les troubles musculosquelettiques.
03:01Et vous le savez, c'était un critère de pénibilité qui permettait d'accumuler des points, de partir à la retraite plus tôt.
03:07Un critère qui a été enlevé, les syndicats voudraient le réintroduire.
03:12Ça fait partie des sujets du conclave sur les retraites qui a lieu en ce moment.
03:16Est-ce qu'ils ont raison d'insister, les syndicats, sur ce point, à votre avis ?
03:19Ce qui est important, et je pense que la question des retraites sous-jacentes, c'est vraiment d'adapter peut-être un modèle législatif global à des spécificités de métier et de risque.
03:29Et effectivement, la prise en compte du risque physique devrait, en tout cas médicalement, devrait être prise en compte dans l'impact que ça a sur le vieillissement individuel et donc son accès à la retraite.
03:38Et le patronat, lui, dans le cadre toujours de ce conclave, pose pour l'introduction d'une visite médicale obligatoire, à mi-carrière.
03:47Est-ce que c'est une piste intéressante aussi ?
03:49Oui, tout à fait, puisqu'on a en France un gros retard sur la prévention et la détection précoce des affections de santé générale, pas forcément liées au travail, mais qu'on peut et qu'on découvre souvent à l'occasion d'une visite de santé au travail.
04:00Et ce n'est pas obligatoire aujourd'hui ?
04:01Alors, la mi-carrière est en train de rentrer dans l'obligation. La visite périodique, elle, est obligatoire pour tous les salariés, mais tous ceux qui ne sont pas salariés ne sont pas couverts par la médecine au travail.
04:12Et cet enjeu, c'est de favoriser justement la détection sur des visites un peu plus longues, des visites de dépistage où on pourra faire aussi des examens par la clinique.
04:19Et l'idée étant à la fois d'informer sur les risques professionnels, de repérer des expositions antérieures avec peut-être des examens à faire, et aussi de faire du dépistage global en santé publique,
04:28puisqu'on sait qu'à mi-arrière 45 ans, on a beaucoup de pathologies qui commencent à émerger.
04:33Et vous avez l'impression qu'aujourd'hui, ça fait partie des sujets, la santé au travail, de santé publique qui commence à émerger ?
04:40Oui, on sent que ça commence à émerger, mais qu'on part de très loin.
04:42En France ?
04:43On a une certaine image dégradée aussi dans la population générale des médecins du travail pour des aspects historiques.
04:48Et l'idée est de reconquérir ce terrain-là pour aller sur plus un engagement de la population envers son médecin du travail.
04:56Tous les intérêts qu'il peut donner aussi pour eux, notamment sur cet aspect global.
05:00Le médecin du travail a l'intérêt d'être le seul médecin à accéder au travail et aussi à faire des visites préventives, ce qui n'est pas le cas pour la médecine.
05:07Et c'est particulièrement important. Vous êtes aussi le directeur médical de Licaire, entreprise de l'économie sociale et solidaire, qui est spécialisée dans la détection des burn-out.
05:16Donc les burn-out, pour vous, c'est un peu le tabou, l'éléphant dans la pièce ?
05:20Oui, l'éléphant dans la pièce, puisqu'il grossit de plus en plus. Il peut concerner toutes les équipes.
05:24Et c'est là qu'on va avoir vraiment cette notion un peu de découverte d'un poteau rose, alors que finalement, c'était vraiment...
05:29On en parle tout le temps, quand même.
05:31On en parle tout le temps. Et à la fois, on le connaît assez mal, en tout cas, on le définit encore assez mal.
05:34C'est devenu un sujet un peu social, donc ça peut aussi être galvaudé à certaines occasions, qu'on en parle de trop.
05:39C'est-à-dire qu'on va attribuer le burn-out à des choses qui n'en sont pas.
05:43Et pour autant, il y a une spécificité intéressante.
05:45Et tous les acteurs auraient intérêt à qu'on le prenne bien en charge, l'individu lui-même, pour limiter sa souffrance.
05:50Le collectif, pour ne pas avoir à subir son absence et les coûts afférents.
05:53Et l'entreprise, puisque les personnes touchées par le burn-out sont les personnes les plus productives et les plus engagées.
05:57Et donc, tout le collectif, et bien sûr, santé publique, auraient intérêt.
06:01Et donc, ce que vous dites, Clément Duré, c'est qu'il y a une façon de détecter le burn-out et que ça permet de faire notamment des économies pour la sécurité sociale.
06:11Oui, tout à fait. Tous les acteurs ont à y gagner.
06:13On peut le détecter en croisant un certain nombre d'informations médicales, d'expositions, professionnelles.
06:19Et ensuite, le prendre en charge précocement, c'est le plus efficace et le moins coûteux en termes de santé et de souffrance pour la personne et en termes économiques.
06:26Et ce serait un outil qui pourrait être généralisé à toutes les entreprises, sachant que la Cour des comptes a préconisé un 20 milliards d'économies sur l'assurance maladie à dégager d'ici 2029.
06:38Merci beaucoup Clément Duré, responsable du service de pathologie professionnelle de l'hôpital Raymond Poincaré de Garches.
06:45Vous étiez l'invité éco de France Info ce soir.

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