Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Jeudi 24 avril 2025 : le batteur et fondateur du groupe Motörhead Lucas Fox. Il publie une autobiographie, "Motörhead in and out : entre autres histoires d'une vie exubérante", aux éditions Hors Collection.
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00:00Bonjour Lucas Fox. Bonjour Elodie. Vous êtes le batteur originel et le cofondateur du groupe britannique de heavy metal devenu culte Motorhead.
00:07Pour beaucoup, ce groupe reste le plus grand groupe de hard rock et le Swinging London des années psychédéliques.
00:13Alors pour avoir un ordre d'idée, ce que vous représentez dans l'histoire de la musique, il suffit d'écouter Metallica et Iron Maiden, vous classer influence indépassable.
00:23Je crois que tout est dit. Vous aviez 22 ans quand vous avez créé Motorhead, à 23 ans quand vous l'avez quitté, avec notamment ce besoin de faire de la production, de la direction artistique, de la programmation, notamment pour le festival Midem à Cannes.
00:37Mais ce groupe est la rencontre avec Lémy Clémister, un soir plus que bien arrosé dans un petit club à Londres.
00:43Et comme vous l'écrivez, gravez au plus profond de votre peau, vous terminez d'ailleurs cet ouvrage là-dessus.
00:48Aujourd'hui, vous publiez Motorhead, entre autres histoires d'une vie exubérante, in and out, chez Hors Collection.
00:55Vous nous prenez par la main, vous nous plongez au cœur du Swinging London, estampillé effectivement psychédélique, lieu tout aussi culte et indissociable de la mode, de l'art, de la musique.
01:07Un endroit libre où toutes les substances illicites ont été sans doute consommées, avec à la clé une créativité jamais égalée.
01:14Alors, ce n'est pas une ode aux drogues, loin s'en faut, Lucas Fox, cet ouvrage est aux substances, mais une ode à la vie, cette autobiographie.
01:23Ah oui, vraiment, passion, passion. Pour moi, ça a commencé à l'âge de neuf ans.
01:30Et d'ailleurs, je raconte, même pas dans le livre, je raconte rarement pourquoi la batterie.
01:35C'est quoi la réponse ?
01:39Ma grand-mère. Grand-mère, on l'appelait camel comme chameau. Elle avait ça le caractère, mais adorable.
01:46Toute petite, rousse, flamboyante.
01:49Et mon grand-père était vicaire, donc c'était presbytère à la campagne où on allait tout le temps.
01:56Moi, je suis très, très malade comme enfant, donc on me casait dans la cuisine, parce que c'était le seul endroit qui était vraiment chauffé.
02:03Donc, je cuisine avec un genre de Ray-Ban et en face, il y avait un piano, une piano.
02:08Donc, j'étais là, sans aucune éducation, comme ça, pling, pling, pling, pling, pling, et j'adorais ça.
02:13Et ma grand-mère voit ça et tout de suite, elle me dit, alors, vous allez apprendre solfège, tout le...
02:18C'était pas mon truc du tout. Déjà, l'éducation, c'était pas vraiment mon truc, à cet âge-là.
02:25Et donc, règles...
02:28Sur les doigts ?
02:29Sur les doigts.
02:31Et quelque part, ça me déplaisait beaucoup.
02:34Et je me suis dit, tiens, les baguettes.
02:37Et ça a commencé là.
02:38Et donc, j'ai commencé à taper dans tous les pots and pans, tout ce qui était à la cuisine, devenait un champ de jeu.
02:47Vous démarrez ce livre avec un souvenir d'un concert qui a eu lieu aux Zéniths de Paris.
02:51C'était le 18 novembre 2024.
02:53Vous n'étiez pas sur scène, mais invité, justement, par l'émis Klimister, que vous assimilez, finalement, à votre grand frère.
03:01Et vous citez cette phrase lancée par l'émis à chaque début de concert depuis le 28 mai 1975,
03:07date à laquelle Motorhead, finalement, est vraiment né sur scène.
03:10We are motorhead and we play rock'n'roll.
03:13Ça signifie quoi pour vous, cette phrase, Lucas ?
03:17Quelque part, la première fois que ça a été dit, c'était au Carlton Pub, juste à côté du bureau de management de Hawkwind.
03:31Et ça faisait, ça fait quoi, 14, 15, 16 jours depuis qu'il s'est viré de Hawkwind.
03:40Donc, après ça, j'ai un coup de fil comme d'hab.
03:43OK, meet me at the Carlton.
03:45Et j'arrive au Carlton.
03:48Allume, comme souvent, avec son époux, deux clopes, la passe une.
03:51Et à travers un nuage de fumée, il dit, we are motorhead, we're gonna play rock'n'roll.
03:56Et c'est la première fois que je lui ai dit.
03:58Et quasiment tous les concerts après, il l'a dit comme ouverture.
04:01Votre histoire, c'est un conte de fées quand même, Lucas Fox.
04:05C'est-à-dire que quand on regarde bien, il y a effectivement, dans votre classe, du jour au lendemain,
04:08vous vous rendez compte que vous avez un ami, dont le père est producteur,
04:11qui produit effectivement le deuxième film des Beatles, Elle, puis vous invite sur le tournage.
04:15Là, vous êtes quand même, vous passez une journée entière avec les Beatles,
04:18ce qui est extraordinaire, ce qui n'arrive quasiment jamais à personne.
04:22Ensuite, il y a aussi, quand on remonte un peu plus, il y a ce besoin d'avoir cette batterie.
04:27Vos parents finissent par céder, ils vous offrent une caisse claire.
04:30Et votre père vous dit, voilà, si tu veux le reste de la batterie, c'est à toi de te battre.
04:34Tu trouveras les moyens si vraiment tu veux faire ça.
04:36Oui, mais mon père était super hard, parce qu'il était né dans la dèche,
04:40parce que son père, à lui, est parti à l'âge...
04:44Mon père avait 4 ans, il est parti en hospice parce qu'il avait tuberculose, maladie des pauvres.
04:49Alors, ma mère, genre Aristo sans un rond, mais vraiment sans un rond,
04:55fille de missionnaire, on n'avait pas d'argent.
04:59Mais, quelque part, mon père gagnait bien sa vie jusqu'après la guerre,
05:03il a créé sa propre boîte et ça marchait bien.
05:06Donc au début, ça va bien, après ça, la chute.
05:10On l'a déménagé à Tchizik, qui est maintenant super huppé,
05:12mais à l'époque, c'était la grande banlieue.
05:15Tant mieux, parce que ce n'était pas cher.
05:17Et en plus, c'était relativement bien sonorisé.
05:20Donc j'avais ma batterie dans le dining room.
05:24Donc tout ça, c'est lié.
05:27Mais pour moi, comme tous les mômes,
05:30on suppose que ce qui nous entoure, c'est complètement normal.
05:34Donc, puisqu'on voyait The Who dans la rue à Tchizikari Road,
05:38où les Stones, d'ailleurs, Dickie, ma mère,
05:42elle adorait Bill Wyman.
05:44Sur Ready, Steady, Go, sur Thank You, Lucky Stars.
05:46Elle adore.
05:48Elle avait un peu la même gueule que Bill Wyman.
05:50Donc, comme ça.
05:51Et Dickie, ma mère, elle est dans la rue,
05:55elle rencontre Jagger, Wyman, Charlie.
05:58Donc les Stones, quoi.
05:59Et elle, dans sa confusion, devant Bill Wyman,
06:03elle fait, vous êtes des Beatles, c'est ça.
06:05Je crois qu'on parle de votre départ.
06:08C'est-à-dire que le groupe naît, vous jouez.
06:11Enfin, il se passe des choses extraordinaires.
06:12Et vous décidez d'enregistrer, effectivement,
06:15avec un son, dès le départ, très autodestructeur.
06:18C'est-à-dire qu'il y a un côté destructeur, lourd, trash,
06:22très rentre-dedans.
06:24C'était une façon aussi de montrer que vous étiez contraint
06:26à une forme de système.
06:27Oh, complètement.
06:29Déjà, l'ami, si on regarde son histoire,
06:32on a Rocking Vickers.
06:35Avec des cols de prêtres, etc.,
06:39pour faire outrage, provocation de l'époque.
06:43Après ça, Hendrix.
06:44Il était le redit de Hendrix.
06:45Donc Hendrix, outrageux,
06:47parce que tellement sexuel sur scène
06:50et son jeu complètement différent,
06:53et on est en plein acide et tout ça.
06:55Et après ça, Hawkwind,
06:57complètement anti-establishment.
06:59Et il faisait, jusqu'à Silver Machine,
07:01il faisait des concerts gratuites,
07:04en off, des festivals et tout ça.
07:06Donc, quelque part, toujours anti-establishment,
07:09toujours en contre-courant,
07:12et toujours quelque part anti ce côté figé,
07:15typiquement britannique, comme partout,
07:18mais typiquement britannique de l'époque.
07:22Et donc, c'était ça qui était inévitablement
07:25ancré au sang de Motorhead,
07:28la provocation.
07:30Franchement, ce duo, Lucas,
07:32il était basé aussi sur ce qu'on appelait la défonce,
07:35c'est-à-dire 16 drugs and rock'n'roll.
07:38Vous étiez sous amphétamine en permanence.
07:42C'était quand même très compliqué.
07:44Vous auriez pu y laisser votre peau, en fait.
07:46J'ai failli.
07:48C'était à ça.
07:49Parce qu'en même temps, avec tout ça,
07:52avec toutes ces substances que vous avez ingurgitées,
07:54vous rajoutiez du bourbon de très mauvaise qualité,
07:57d'ailleurs,
07:58ce qui faisait un cocktail détonnant.
08:00Quand Lémy vous a viré,
08:02est-ce qu'il ne vous a pas un peu sauvé la vie ?
08:05Oui, on peut dire ça.
08:07Et inversement aussi,
08:09il aurait pu sauver ma vie plus tôt.
08:11C'est-à-dire ?
08:12Pour Lémy, dormir, c'était un gâchis de temps.
08:17Donc, il voulait que tout le monde autour de lui
08:19reste tous les heures,
08:21voir les jours, voir les nuits entières,
08:24debout avec lui, faire la fête, quoi.
08:26S'il n'était pas en tournée.
08:28Parce que sa passion, c'était en tournée.
08:31Moi, j'adore le studio.
08:34Studio de répète, studio d'enregistrement
08:36et la tournée.
08:37Tous les trois.
08:38J'étais passionné par ça.
08:39D'où ma passion après d'enregistrer les autres.
08:45Mais voilà.
08:47Donc, pour lui, c'était évident.
08:49Et en plus, pour se remettre dans le bain,
08:52à l'époque, Notting Hill, Darboch Grove,
08:55tous on buvait tout le temps.
08:56Mais pas seulement nous.
08:58Ça vient d'avant.
09:00Le binge drinking des Anglais,
09:01ça vient d'avant.
09:03Moi, je me souviens,
09:04à l'école,
09:05il y avait un petit copain
09:07qui s'appelait Justin Waters.
09:08J'avais sept ans.
09:09Il était végétarien.
09:11Et ses parents sont venus à la maison
09:13leur chercher et tout ça.
09:15Et après, je me souviens toujours.
09:16Dikki, elle me dit,
09:18ils sont super bizarres.
09:19They don't drink, they don't smoke.
09:22And they're vegetarian.
09:23C'est super bizarre.
09:25Et pourtant, maintenant,
09:26on a tout ça.
09:27Mais tout le monde fumait à l'époque.
09:28Donc, à l'âge de 11 heures,
09:30c'était les 11's.
09:32Donc, l'apéro de 11 heures
09:33avec du gin tonic,
09:35normalement triple gin tonic.
09:37Avant le déjeuner,
09:39tout le monde buvait tout le temps.
09:41Tout le monde fumait
09:42comme des pompiers
09:43dans la voiture.
09:45Dès qu'on entrait dans la voiture
09:46pour aller à la campagne
09:47à la présbytère,
09:48la première chose
09:49que ma mère faisait,
09:51amener les deux clopes
09:51et fumer.
09:53Oh, pardon, excuse-moi.
09:54Excusez-moi.
09:56Tout le long du trajet
09:57jusqu'à Willstead.
09:59Donc, tout le monde fumait.
10:01Tout le monde buvait tout le temps.
10:03Donc, comme des trous.
10:04Et donc, quelque part,
10:05c'était continuation de ça.
10:07Plus acide, plus chit,
10:08plus herbe et plus amphétamine.
10:11Finalement, très peu ont survécu, Lucas.
10:14Vous êtes un peu un survivant.
10:16Même Lémy, il a laissé sa peau.
10:18Il est parti d'un cancer foudroyant.
10:21Vous êtes un survivant dans ce monde.
10:23J'ai arrêté tout.
10:26J'ai arrêté tout.
10:28J'ai quasiment arrêté tout
10:30à 22 ans.
10:31Après ça,
10:31petite rechute
10:32avec Grosso Pacte.
10:35Oblige.
10:36Mais, grosso modo,
10:38j'ai tout arrêté.
10:41Maintenant,
10:42je bois comme une nonne
10:45un joint de temps en temps.
10:46mais je suis trop passionné
10:48par la vie.
10:49I love my life.
10:50You know ?
10:52Je sais.
10:52Je suis trop passionné,
10:56tout ça.
10:59Donc.
11:02이야.