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Le réalisateur Olivier Bonnard avait déjà dévoilé les coulisses de "Retour vers le futur", autre film devenu culte. Avec ce nouveau volet, il dévoile la genèse de l’œuvre qui révéla Steven Spielberg au grand public et qui ouvrit la voie aux franchises cinématographiques.

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Transcription
00:00Et Céline Baïd-Arcourt nous rejoint avec l'invité média de France Info, auteure d'un documentaire
00:08diffusé sur Arte, sur les coulisses du premier blockbuster de l'histoire du cinéma.
00:12Le premier film a rapporté plus de 100 millions de dollars, les dents de la mer.
00:17Oui, on est avec son réalisateur. Bonjour Olivier Bonnard.
00:19Bonjour Céline.
00:20C'est l'histoire d'un succès mondial, mais qui a failli tourner au naufrage.
00:23C'est ce qu'on va voir. Votre film est truffé d'archives, d'extraits et de témoignages.
00:28Recueillis aujourd'hui, donc 50 ans après la sortie des dents de la mer.
00:32Où en était la carrière de Steven Spielberg à cette époque ?
00:35Alors Spielberg, c'était un tout jeune réalisateur de 26 ans à peine.
00:38C'est ça qu'il faut se figurer aussi, c'est qu'on ne se rend pas forcément compte.
00:41Et qui était vraiment, qui se cherchait encore.
00:43Il n'avait pas du tout trouvé encore. Spielberg n'était pas encore Spielberg en réalité.
00:46Il sortait d'un succès critique qui était Sugarland Express.
00:50Et le succès critique, ça lui allait bien.
00:52Mais il cherchait surtout en fait un gros succès public.
00:54Et vraiment ça, il le voulait.
00:56Et donc il est allé dans cette direction, un peu hésitant quand même.
01:00Parce qu'il, voilà, comme je disais, il se cherchait.
01:03Il appartient à cette génération qui est la génération du nouvel Hollywood.
01:06Dont font partie Scorsese, De Palma, Coppola, etc.
01:10Mais lui est très différent de cette génération de cinéastes, on va dire,
01:15de cinéastes indépendants, engagés, contestataires.
01:18Spielberg est peut-être déjà à l'époque le plus commercial.
01:21Et donc il va chercher vraiment un sujet qui lui permet de faire un énorme succès
01:26et ensuite de lui donner l'indépendance de faire ce qu'il veut.
01:29C'est un livre au départ.
01:31Les dents de la mer, c'est de Jaws.
01:32Mâchoire.
01:32Exactement, mâchoire, ce titre étrange qui claque, comme une mâchoire d'ailleurs,
01:37et qui est une espèce de signe.
01:39C'est-à-dire que j'ai l'impression que Spielberg, qui est un cinéaste très instinctif,
01:42il est attiré comme ça déjà dès le départ par ce titre qui lui rappelle Duel.
01:46Autre titre en quatre lettres qu'il a fait quelques années avant.
01:49Autre histoire de monstre fou qui s'en prend à des gens ordinaires.
01:52Donc Duel, c'est ce camion fou qui poursuit un automobiliste sans raison apparente.
01:57Là, c'est un peu la même histoire avec un requin fou qui s'en prend aussi à des gens ordinaires.
02:02Il n'y a pas de héros dans les dents de la mer, c'est plutôt les anti-héros.
02:04Même le flic est un flic qui a peur de l'eau, un flic fragile.
02:07Spielberg aussi avait peur de l'eau d'ailleurs.
02:08Absolument, exactement.
02:10Il n'y a pas de héros, mais il n'y a pas de star non plus.
02:12Il va chercher des acteurs pas très connus pour quelles raisons ?
02:14En ça, pour le coup, il s'inscrit vraiment, je trouve, dans sa génération du nouvel Hollywood.
02:20Donc c'est le côté un peu indépendant, presque documentaire par moment,
02:23on est dans de la mer, où il va chercher, il ne se laisse pas imposer d'ailleurs,
02:27des têtes d'affiches du type Charlton Heston, Clint Eastwood.
02:31Lui, ce qu'il cherche, c'est plutôt des acteurs à gueule,
02:35comme De Niro, comme Gene Hackman, Al Pacino,
02:41tous ces gens qui émergent à ce moment-là.
02:43Il choisit Roy Scheider, qu'on a vu avant dans French Connection,
02:46et qui a un peu cette gueule comme ça, un peu de boxeur, un peu nez cassé.
02:50Il recrute également, son nom échappe.
02:58Je ne vais pas vous aider parce que je n'ai pas le nom du casting.
03:02Son double, son alter ego, Richard Dreyfus, qui joue un petit peu l'intello de la bande,
03:06et qui est vraiment, pratiquement, le petit frère de Spielberg, on pourrait dire.
03:09Il lui ressemble même physiquement.
03:10Donc c'est intéressant, il ne prend pas des acteurs connus, c'est vraiment à dessein.
03:16Je pense que ça fait partie de cette immersion.
03:18Il vise vraiment à nous immerger, c'est le cas de le dire, dans cette histoire,
03:22et à nous faire croire que tout est vrai.
03:23Alors, sauf que, évidemment, le requin, il n'est pas vrai,
03:28et ça a fait partie des nombreux problèmes rencontrés pendant le tournage.
03:32La météo, elle est horrible, la mer, elle est glaciale,
03:35et donc, même les requins ne marchent pas, les requins mécaniques.
03:38C'est exactement ça.
03:39Les requins qui ont à peine eu le temps, en fait, ils sont partis tourner le film à Martha's Vineyard.
03:44Le requin n'était même pas terminé, il était toujours en fabrication à Hollywood.
03:47Donc, c'était un peu, enfin, tout était en flux tendu,
03:50parce qu'il voulait absolument démarrer le tournage au plus vite,
03:54de façon à créer une synergie avec la sortie du bouquin,
03:57qui était en passe de devenir un best-seller.
03:59Bref, donc, il commence à tourner avec un script non fini,
04:02un requin en cours de fabrication,
04:03qui se font livrer ensuite à Martha's Vineyard,
04:05sauf que dans l'eau salée, en fait, il marche beaucoup moins bien
04:07que dans l'eau douce où il avait été testé.
04:09Les circuits se corrodent, enfin, le requin, en fait, mécanique,
04:13c'est une espèce de poupée animatronique.
04:16Donc, les circuits électroniques à l'intérieur font assez mauvais ménage
04:19avec l'eau salée, quoi.
04:20Il y a le premier requin qui coule, carrément.
04:22Oui, exactement.
04:23C'est bien qu'on le raconte, d'ailleurs, de façon très drôle,
04:25on a cet archive dans le doc, le requin coule,
04:29mais en fait, c'est une bénédiction, c'est ça qui est...
04:30C'est comme ça qu'il va rebondir, mais ça, j'aurais voulu en parler un petit peu plus tard,
04:34parce que je voudrais qu'on entende l'un des témoins de votre film,
04:36qui est le scénariste des Dents de la Mer, il s'appelle Karl Gottlieb.
04:40Il raconte que le tournage a pris un retard considérable,
04:43à tel point qu'il a failli être arrêté.
04:45À ce moment-là, nous étions déjà hors budget.
04:49Steven était sur un siège éjectable.
04:52Les dirigeants sont venus voir comment ça se passait.
04:54Ils étaient prêts à arrêter le tournage,
04:56envoyer tout le monde à Los Angeles,
04:58finir le film sur un lac,
05:00le sortir tel quel et tenter de récupérer leur argent.
05:04Alors finalement, les producteurs vont sur place,
05:06ils remettent de l'argent dedans de manière assez inattendue.
05:10Et alors, le coup de génie de Spielberg,
05:13faute de requin, c'est de ne pas en montrer un
05:16et de le suggérer, en tout cas, dans les trois quarts du film.
05:20On ne le voit pas.
05:20Oui, c'est exactement ça.
05:22Alors, je pense qu'il avait déjà quand même bien compris,
05:24parce qu'il avait déjà bien digéré tout le cinéma classique hollywoodien.
05:28Il avait bien compris, en fait,
05:29que moins on voit le monstre et mieux c'est.
05:32Mais là, c'est vrai que le fait qu'il soit en panne,
05:34finalement, se révèle être une bénédiction.
05:36Parce qu'effectivement, ils sont obligés de ruser,
05:38de trouver des astuces
05:39et de montrer, finalement, plutôt que le requin lui-même,
05:41les effets du requin.
05:43Je pense à cette scène, ne serait-ce que la scène d'ouverture,
05:46la toute première scène du film,
05:48avec ce couple-là de jeunes hippies
05:51qui vont faire un petit bain de minuit tranquille.
05:54Et le requin arrive.
05:56Il est annoncé par la musique.
05:57On est dans son point de vue, d'ailleurs,
05:58caméra subjective, on ne le voit pas.
06:00On est dans son regard.
06:02Et donc, la fille se fait happer.
06:04Donc, elle disparaît du plan.
06:06Et le coup de génie Spielberg, là, par exemple,
06:07c'est de ne surtout pas plonger avec le requin.
06:11Il reste à la surface du lot.
06:12Et c'est atroce.
06:13On nous laisse imaginer.
06:14Bien sûr.
06:14Et c'est encore plus terrifiant.
06:16Exactement.
06:16Même chose avec le ponton,
06:17que le requin arrache.
06:18Il y a les pêcheurs, là,
06:20qui décident de partir à la chasse au requin.
06:22Et le requin arrache le ponton.
06:23Donc là, on comprend la puissance extraordinaire du squal.
06:26On n'a pas besoin de le voir, en réalité.
06:28La puissance aussi de la musique.
06:29L'angoisse, vous venez de ça ?
06:31Bien sûr.
06:31Bien sûr.
06:35Deux petites notes, seulement.
06:37Ça a fait rire Spielberg, au départ.
06:39Il n'y croyait pas trop.
06:40Mais il a cru à une blague.
06:41Il a cru à une blague.
06:42C'est-à-dire que John Williams, son compositeur,
06:44qui va devenir son compositeur attitré,
06:47lui joue ça au piano.
06:48C'est ça qu'il faut s'imaginer aussi.
06:50C'est clair, on entend ses deux notes.
06:51Voilà, on entend vraiment l'orchestre qui joue.
06:54Quand il joue ses deux notes au piano,
06:56Spielberg éclate de rire.
06:57Il dit, bon, très drôle.
06:58Ok, elle est où la musique ?
06:59Non, mais c'est la musique.
07:00Tu ne comprends pas, Steven.
07:01C'est exactement ça.
07:02Ton film, tu as fait un film,
07:03vraiment, qui fonctionne à un niveau viscéral,
07:06un film primitif.
07:07Et cette musique, ce n'est pas de la musique.
07:10C'est une sirène, un signal d'alarme.
07:13Chaque fois qu'on va l'entendre,
07:15on va conditionner le spectateur.
07:17Et dès qu'on va l'entendre,
07:18le spectateur va être conditionné à avoir peur.
07:19La musique a été récompensée aux Oscars.
07:22Il y en a eu deux autres pour le son et le montage.
07:24Mais alors, ni pour le film,
07:26ni pour Spielberg en tant que réalisateur.
07:29Il y a une archive très intéressante,
07:30en quelques mots, Olivier Bonnat,
07:31où on voit Spielberg apprendre qu'il n'est pas nommé.
07:34Il est très déçu.
07:34Oui, il avait tellement confiance en lui, Spielberg,
07:36qu'il était persuadé qu'en plus du succès public,
07:40il aurait également la reconnaissance de ses pairs.
07:42Pour ça, il va falloir attendre un tout petit peu
07:44avec la liste de Schindler.
07:45Je dis un tout petit peu, c'est ironique,
07:46parce que la liste de Schindler,
07:47on est quand même dans les années 90.
07:48Oui, 20 ans plus tard.
07:49Mais effectivement, il y a ce truc incroyable
07:50où il se filme tellement il est persuadé
07:52que le film va faire une radia.
07:54Et puis, en fait, il n'en est rien.
07:55On attend votre prochain film à vous,
07:58parce que je vous avais reçu pour Retour vers le futur.
08:00C'est vrai.
08:00On était dans les coulisses,
08:01maintenant Les Dents de la mer.
08:02Vous démarrez une collection sur les films cultes.
08:04J'espère.
08:05J'espère aussi.
08:06J'espère.
08:07Merci beaucoup, Olivier Bonnat.
08:07Avec plaisir.
08:08Olivier Bonnat qui signe donc avec Antoine Coursa,
08:10Les Dents de la mer, un succès monstre.
08:12Un documentaire disponible à partir de dimanche
08:14sur la plateforme Arte TV
08:15et à la télé sur Arte le 4 mai.
08:18Merci Céline.

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