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Avec Jean-Claude Grumberg, auteur de théâtre et de livres.

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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2025-01-21##

Catégorie

Personnes
Transcription
00:00Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité.
00:06Vous auriez dû être tailleur.
00:08Vous avez consacré votre vie à d'autres pièces que celles des vêtements.
00:11Des pièces qui vous ont permis de devenir dans le monde entier
00:14l'un des plus grands auteurs dramatiques.
00:16Un parcours que nous allons évoquer avec des dates que j'ai choisies, je l'espère sur mesure.
00:21Bonjour Jean-Claude Grevert.
00:22Bonjour.
00:23Alors c'est vrai que vous publiez un nouveau livre,
00:25« Quand la terre était plate au seuil », on va en parler.
00:28Mais vous avez un parcours exceptionnel,
00:30et les clés d'une vie permettent de se parler de ce parcours exceptionnel
00:33à travers des dates clés, c'est le principe.
00:35Et la première que j'ai trouvée, c'est le 5 décembre 1964,
00:39d'après les archives de l'INA, c'est votre première télé comme comédien
00:42dans « Le Commandant Vatrin ».
00:44Oui.
00:45Vous en souvenez ?
00:46Oui.
00:47C'était l'adaptation d'un roman d'Armand Lanoue
00:49qui est l'histoire d'un commandant en 40 au début de la guerre
00:52qui s'empathise avec un lieutenant pacifiste.
00:54Et ça a été un tournage catastrophique,
00:59parce que c'était le premier tournage avec le car.
01:04Oui.
01:05Et donc il y a eu des grèves, il y a tout eu.
01:13Tous les comédiens qui jouaient dedans se sont achetés des voitures après
01:17parce qu'ils étaient payés en supplément et tout.
01:20Et moi, par extraordinaire, je jouais chez Jacques Fabry au théâtre
01:26et je devais rentrer le soir.
01:28Oui.
01:29Donc je ne pouvais pas être le matin, même quand je ne tournais pas, pour signer.
01:34Et donc ça a été…
01:37Et ce « Vatrin », j'ai connu Jean Yann qui était dessus.
01:43Oui, il y avait Jean Yann, il y avait Jacques Balutin,
01:45il y avait Jacques François, Paul Franqueur, des gens tout à fait…
01:48Paul Franqueur, très impressionnant, très gentil.
01:51Des gens très différents du univers que vous avez fréquenté ensuite.
01:55Oui.
01:56Comme comédien, si je suis devenu auteur, c'est que comme comédien, ça ne marchait pas très fort.
02:01Je crois qu'on vous voit dans un épisode des « Cinq dernières minutes »
02:04qui s'appelle « La Rose de Fer ».
02:06Oui.
02:07Mais comment vous arriviez là-dedans, Jean-Claude Granbert ?
02:10J'ai été comédien.
02:12Donc c'était le casting, c'était le début de Chaumont, c'était…
02:15Il nous envoyait des petits télégrammes, des petits pneus.
02:19Oui.
02:20« Présentez-vous à tel endroit en se présentant ».
02:23Puis j'avais fini par connaître l'un des réalisateurs qui faisait les « Cinq dernières minutes ».
02:30Claude Lourcet ?
02:31Voilà. Lui, non.
02:33Oui.
02:34Mais…
02:35Un réalisateur.
02:36Et c'est…
02:40On tournait en province, je ne sais plus quelle émission,
02:43j'avais un petit rôle dedans,
02:45et le metteur en scène, qui s'appelait Ricard,
02:50qui est mort très jeune,
02:52il m'avait pris en sympathie parce qu'il voyait que je ne mentirais pas,
02:55et il savait que j'écrivais.
02:57Mais surtout, au départ, ce n'était pas du tout votre métier,
03:00car dans votre famille, on était tailleur,
03:02et vous auriez dû être tailleur, Jean-Claude Granbert.
03:07Oui.
03:08C'était la vocation familiale au départ.
03:11Oui.
03:12Car votre père, Zachary, venait de Roumanie, de Galatsie, je crois.
03:17Galats.
03:18Voilà, qui est un port sur la rive gauche du Danube.
03:20Oui.
03:21Et il est venu en France un peu avant le début de la guerre.
03:24Ah non, bien avant.
03:26Il est venu, je pense, avant la guerre 14.
03:31Oui, au début, avant la guerre 14.
03:33Oui.
03:34Mais pendant la guerre de 40, ce qui est extraordinaire,
03:36c'est qu'il a passé deux ans dans un camp à Compiègne,
03:39il aurait dû aller en zone libre, et il ne l'a pas fait.
03:42Oui.
03:43Qu'est-ce qui s'est passé ?
03:46Quand il est sorti de Compiègne, il était très...
03:51très diminué, d'après ce qu'on m'a dit.
03:54Moi, je n'ai aucun souvenir de lui.
03:57Oui.
03:58Ni physique, ni sa voix, ni rien.
04:01Et donc...
04:05son père était aveugle,
04:08sa mère était malade,
04:11son épouse avait deux enfants, dont un en bas âge.
04:15Celui en bas âge, c'était moi.
04:18Et puis, sortant d'un camp, je pense...
04:22je pense qu'il a dû se dire...
04:25« J'ai été à Compiègne et à Drancy.
04:30Ils me renvoient à la maison pour des raisons médicales. »
04:35Et il s'est dit, « Ce n'est pas si terrible que ça. »
04:38Et résultat, il a été arrêté par des policiers,
04:41et il est parti à Drancy.
04:43Je crois qu'il est mort à Drancy avant d'aller à Auschwitz.
04:46Non, non, il est parti...
04:49On a eu des morts à Drancy
04:54comme actes de décès.
04:57Oui.
04:58Mais c'était pour cacher...
05:01Auschwitz.
05:02Auschwitz.
05:03Jusqu'en 1943, personne ne savait qu'Auschwitz existait.
05:06Et au micro de Radio Londres,
05:08il y a un prisonnier qui sort d'Auschwitz,
05:10qui écrit une lettre,
05:11et cette lettre va être le déclencheur d'Auschwitz.
05:14C'est absolument fou.
05:17Pendant la guerre, vous avez trois ans.
05:20D'ailleurs, un policier va écrire sur une feuille
05:22en arrêtant votre père
05:24qu'il y a un enfant de trois ans dans la maison.
05:26Oui.
05:27Et vous allez vous retrouver à Mossack.
05:29Alors, Mossack, c'était un endroit
05:32qui a été créé par les...
05:39les scouts israélites de France.
05:43Et c'était des jeunes hommes,
05:45j'en ai connu certains après,
05:49qui, au lieu de penser à se planquer eux,
05:52pensaient à sauver les enfants.
05:54Il n'y a pas eu d'enfants de déportés.
05:57500 enfants sont passés par Mossack,
05:59il n'y a pas eu de déportés.
06:01C'est fou.
06:02Mais on a été dispersés.
06:04C'est-à-dire qu'ils ont compris
06:06qu'il ne fallait pas laisser des enfants,
06:0950 ou 100 enfants juifs au même endroit,
06:13parce que c'était trop facile à ramasser.
06:15Alors que, distribués dans des familles,
06:18si on trouvait des familles,
06:20on était à moitié sauvés.
06:23Oui.
06:24Et en plus, là-bas, vous n'étiez pas Jean-Claude Grimbert,
06:26mais Jean-Claude Guichard.
06:27Voilà.
06:28Vous savez tout, alors.
06:30Oui, je me suis un peu renseigné.
06:32Et le seul moment heureux,
06:33je crois que c'était les vendanges pour vous.
06:37Non.
06:38Ça, c'était quand on était...
06:40Ce n'était pas à Mossack.
06:42C'est quand on était dans une famille.
06:45Ça n'a pas été un moment très heureux.
06:51J'ai eu une diarrhée.
06:53Et la dame chez qui on était
06:55a mis mon slip bien en évidence.
06:57Oui, ce n'était pas des moments heureux.
06:59Et je crois que c'est une éclaireuse de France
07:01qui vous a ramené à Paris
07:03et qui vous a permis de retrouver votre mère
07:05à la libération, Jean-Claude Grimbert.
07:06Oui.
07:07Bien après la libération.
07:09C'est-à-dire qu'il fallait attendre
07:11que la guerre soit finie.
07:14Elle est venue nous chercher à Mossack,
07:16mais on n'était plus à Mossack.
07:18Et donc, on lui a dit de rentrer
07:21et qu'on allait lui ramener les enfants.
07:23Et ça a été un grand moment d'émotion.
07:25Oui.
07:27Et finalement, il y a eu l'école.
07:29L'école, vous n'aimiez pas tellement ça
07:31parce que vous étiez le petit juif avec ses lunettes.
07:35Le petit juif, on était beaucoup.
07:40Les quelques antisémites qu'il y avait,
07:42les quelques instits antisémites
07:44qu'il pouvait y avoir,
07:46on les tenait à distance.
07:48Mais j'avais des lunettes énormes.
07:52Je ne pouvais pas descendre à la récré
07:54avec mes lunettes.
07:56Je ne pouvais pas me battre.
07:58Je ne pouvais pas faire du vélo.
08:00Je ne voyais rien.
08:02J'étais le bigleu.
08:04Et à 14 ans, vous quittez l'école
08:06pour devenir apprenti tailleur.
08:08Je crois qu'à part balayer la pièce,
08:10vous ne savez rien faire.
08:12C'est ce qui m'a sauvé.
08:14J'étais nul comme tailleur.
08:16Il y en a quelqu'un d'autre qui a commencé
08:18comme tailleur.
08:20C'était une catastrophe.
08:22Ça fait peur aux canaries du directeur.
08:26Vous rêvez à l'époque
08:28de devenir avocat, je crois.
08:30Oui, mais c'est quand j'étais gosse,
08:32devant la glace.
08:34J'avais vu Jean-Richard
08:36dans un film qui disait
08:38« Si vous voulez des têtes, prenez-en,
08:40mais pas celles de mon client. »
08:42Je gueulais ça toute la journée.
08:46Ce qui rendait ma mère assez furieuse.
08:48Elle me disait
08:50« Mais tais-toi ! »
08:52Finalement, le déclic s'est produit
08:54quand par hasard, vous vous êtes retrouvé
08:56dans une troupe de théâtre.
08:58Une fois apprenti, j'ai vu
09:00qu'il n'y avait que des adultes autour de moi.
09:02Je voulais voir des gosses
09:04de mon âge.
09:06On m'a dit « Tu peux entrer
09:08à l'UJRF. »
09:10C'était le fauné
09:12des jeunesses communistes.
09:14Je suis entré
09:16et ils montaient
09:18une pièce de Tristan Bernard.
09:20Je ne savais pas que Tristan Bernard
09:22avait été à Drancy.
09:28Je me suis retrouvé
09:30avec le rôle principal.
09:32À peine arrivé dans cette troupe,
09:34ils m'ont dit « Tu vas jouer le rôle principal. »
09:36Et puis là, il y a deux types
09:38d'une vraie troupe amateur
09:40qui sont passés et qui cherchaient un môme
09:42pour jouer dans Georges Dandin
09:44le rôle de Colin.
09:48Ils m'ont demandé si je voulais.
09:50J'ai dit oui.
09:52Vous avez fait de l'urtiqueur.
09:54Oui, l'urtiqueur.
09:56Qu'est-ce que c'était ?
09:58Un jour, ils m'ont demandé
10:00de faire un filage le soir.
10:02Je ne pouvais pas prévenir
10:04ma mère que je ne revenais pas.
10:06Que je ne rentrais pas pour manger.
10:08Ça m'a filé
10:10une crise d'urtiqueur
10:12phénoménale.
10:14Ils m'ont envoyé à la maison.
10:16Je suis arrivé.
10:18Je n'avais plus d'urtiqueur.
10:20J'ai vu que ma mère
10:22se rongeait les seins.
10:24Parce que vous n'étiez pas là.
10:26Parce que j'avais du retard.
10:28Je pense qu'elle devait être
10:30assez soucieuse
10:32de rester deux ans
10:34sans nouvelles.
10:36Il ne fallait pas que les parents
10:38sachent où étaient les enfants.
10:40Si on enrafflait les parents,
10:42il ne fallait pas qu'ils puissent dire
10:44où étaient leurs enfants.
10:46Je crois ensuite
10:48que le second déclic, c'est Jacques Fabry.
10:50Vous êtes rentré dans sa troupe.
10:52Oui, parce que
10:54j'avais été tailleur.
10:56Ils cherchaient quelqu'un
10:58pour s'occuper des costumes
11:00d'une pièce de Shakespeare
11:02qu'ils avaient montée.
11:04Et je faisais...
11:06J'étais soi-disant...
11:08Je m'occupais des costumes.
11:10Je jouais un petit rôle.
11:12Un jour,
11:14l'un des grands rôles a eu la grippe.
11:16Je suis arrivé
11:18cinq minutes avant.
11:20Il m'a dit que j'arrivais tard.
11:22Je lui ai dit que pour ce que j'ai à faire,
11:24j'arrive assez tôt.
11:26Il m'a dit que ce soir, je jouais.
11:28Il m'a dit le nom du rôle.
11:30J'ai dit comment je jouais.
11:32Il m'a dit que je devais venir plus tôt.
11:34Vous avez commencé à écrire.
11:36Les premières pièces n'ont pas été montées.
11:38Je crois que tout a commencé avec cette pièce.
11:40Une pièce nouvelle
11:42d'un auteur nouveau.
11:44Demain, une fenêtre sur rue
11:46de Jean-Pierre Grimbert.
11:48C'est Max Favelelli
11:50qu'on connaît
11:52à travers le mot le plus long
11:54et ses mots croisés,
11:56qui, à l'époque, était critique de théâtre,
11:58avait une émission de télévision.
12:00Votre première interview comme auteur,
12:02c'est Max Favelelli
12:04qui s'appelait Demain, fenêtre sur rue.
12:06C'est votre première pièce montée.
12:10Je l'avais avec moi
12:12justement sur un tournage
12:14à Biscarosse.
12:18Il y avait 50 comédiens.
12:22Ce n'était pas
12:24le commandant Vatrin.
12:26C'était un autre truc,
12:28mais ça se passait
12:30devant le premier ordinateur.
12:32L'ordinateur,
12:34il était sur 100 m2.
12:36C'était un truc énorme.
12:40Le texte
12:42était imbitable.
12:44Ce n'était que des trucs techniques.
12:46Les comédiens n'arrivaient pas.
12:48Il y avait des tas de comédiens prestigieux.
12:50Ils n'arrivaient pas à prendre...
12:52Le réalisateur m'a dit
12:54« Toi qui écris, est-ce que tu ne peux pas
12:56arranger une réplique ou deux ? »
12:58J'ai dit « Non, on n'a pas le droit. »
13:00Et là, il y a un monsieur
13:02qui est venu le lendemain matin.
13:04Non, tout de suite,
13:06il y a un type qui m'a dit « Tu écris ? »
13:08Alors j'ai dit « Oui. » « Mais tu écris quoi ? »
13:10Alors j'ai dit « Du théâtre. »
13:12« Tu n'as pas quelque chose à me donner à lire ?
13:14On s'ennuie tellement ici. »
13:16Et donc, j'avais emmené,
13:18bien que j'ai que deux jours
13:20de tournage, j'avais emmené mes deux pièces.
13:22Et je lui ai donné les deux pièces.
13:24Il les a lues dans la nuit.
13:26C'était Marcel Cuvelier,
13:28l'un des premiers qui avait monté Ionesco.
13:30Et il m'a dit « Je vais monter
13:32demain une fenêtre sur rue. »
13:34Et après, avec trois francs six sous,
13:36il a monté et ça a été comme
13:38au cinéma, les gens hurlaient
13:40« L'auteur, l'auteur, l'auteur. »
13:42Et c'était le point de départ de votre carrière.
13:44Et il y a une autre date importante
13:46qu'on va évoquer dans quelques instants.
13:48C'est le 3 mai 1999.
13:50A tout de suite sur Sud Radio avec Jean-Claude Grimbert.
13:52Sud Radio, les clés d'une vie.
13:54Jacques Pessis.
13:56Sud Radio, les clés d'une vie.
13:58Mon invité Jean-Claude Grimbert.
14:00On parle de votre parcours.
14:02On va évoquer « Quand la terre était plate »
14:04votre nouveau livre aux éditions du Seuil
14:06où vous parlez de votre maman.
14:08Mais votre parcours qui était au départ
14:10pas destiné au théâtre a évolué.
14:12Et il a bien évolué.
14:14Et le 3 mai 1999, j'ai choisi cette date
14:16parce que vous recevez le Molière
14:18de la meilleure pièce du répertoire
14:20au Théâtre des Champs-Élysées
14:22pour une pièce qui s'appelle « L'Atelier »
14:24dix années plus tôt.
14:26C'est une reprise à Héberteau.
14:28Vous vous souvenez de ce soir-là ?
14:30Oui. Alors il y avait six nominations
14:32pour « L'Atelier »
14:34et six nominations pour « Rêver peut-être ».
14:36Et donc j'avais deux pièces
14:38en chantier.
14:40Donc si je l'avais pour « L'Atelier »
14:42je n'avais pas le Molière pour « Rêver peut-être ».
14:44Et « L'Atelier » au départ,
14:46on est en 1999, elle a été créée
14:48dix ans plus tôt à l'Odéon.
14:50En 1979, le 18 avril.
14:52En un temps où le Molière n'existait pas.
14:54Comment est née cette pièce « L'Atelier » ?
15:00Je pense que c'était déjà
15:02le parcours
15:04de ma mère.
15:06C'était d'évoquer
15:08ce...
15:12J'avais toujours vécu
15:14dans un atelier. Je suis né dans l'atelier
15:16de mon père.
15:18Après guerre, j'ai retrouvé l'atelier
15:20« Désert ».
15:22Ensuite, l'atelier où ma mère
15:24travaillait, qui était
15:26à trois numéros dans la même rue,
15:28la rue de Chabrol.
15:30Et j'allais la chercher souvent.
15:32Et puis...
15:36Ensuite,
15:38mon épouse avait un atelier.
15:42Et j'ai toujours vécu dans un atelier.
15:44Et cette pièce,
15:46c'est un atelier de confection où on rit,
15:48on pleure dans les années
15:50d'après-guerre, et vous évoquez
15:52des personnalités que vous avez connues.
15:54Et cette pièce est créée à l'Odéon.
15:56C'est pas évident, l'Odéon, au départ ?
15:58J'avais déjà eu trois pièces à l'Odéon.
16:00Oui, mais celle-là a cartonné
16:02de façon incroyable.
16:04Dreyfus, quelques années avant,
16:06avait marché aussi d'une manière extraordinaire.
16:08C'était grâce à Pierre Dux.
16:10Pierre Dux,
16:12il avait lu une de mes pièces
16:14qui s'appelait « Amorphes d'Ottenburg ».
16:16Il l'avait choisie pour rouvrir
16:18l'Odéon.
16:20Après la fermeture,
16:22après 68 et tout.
16:24Donc en 71, quand il rouvre
16:26l'Odéon,
16:28avec la troupe du Français, il joue
16:30« Amorphes d'Ottenburg ».
16:32J'avais 30 ans.
16:34Je n'en reviens toujours pas.
16:36Voilà.
16:38Dans la vie, il faut écrire, c'est vrai,
16:40mais il faut avoir énormément de chance
16:42et rencontrer des gens comme Cuvelier
16:44ou comme Pierre Dux,
16:46qui étaient des hommes
16:48qui lisaient.
16:50Quand ils aimaient ça, ils faisaient
16:52tout ce qu'ils pouvaient faire
16:54pour que ça se fasse.
16:56En plus, dans l'atelier,
16:58ce qui était particulier,
17:00j'ai joué.
17:02J'ai réalisé le rêve
17:04que j'avais,
17:06que j'avais attrapé par hasard,
17:08puisque quand je commence
17:10à faire du théâtre, je n'ai jamais été au théâtre.
17:12– Jamais ? – Jamais.
17:14Et donc,
17:16j'attrape
17:18le virus.
17:20Et donc, je joue enfin
17:22un rôle important,
17:24mais c'est parce que je connais
17:26l'auteur.
17:28– Et cette pièce, l'atelier, a été
17:30un succès mondial, Jean-Pierre Granbert.
17:32– Oui.
17:34Je suis devenu l'auteur de l'atelier.
17:36– Mais ça vous a surpris ?
17:38Comment expliquer ce succès international ?
17:42– Je pense que
17:44ça parlait des
17:46pauvres gens,
17:48de la guerre,
17:50de ce qu'on n'appelait pas
17:52encore la Shoah,
17:54et de
17:56comment gagner sa vie,
17:58comment élever ses enfants.
18:00Je pense qu'il y avait...
18:02Et puis,
18:04j'ai eu la chance, avec Maurice Benichoux,
18:06de tomber sur
18:08un metteur en scène exceptionnel,
18:10de...
18:12Il y avait la pièce, mais il y avait la qualité
18:14du spectacle.
18:16Et la distribution,
18:18les femmes qui jouaient là-dedans étaient formidables.
18:20Geneviève Niche,
18:22qui était formidable.
18:24Donc, vous savez,
18:26une pièce, quand c'est mal joué,
18:28c'est une mauvaise pièce.
18:30Quand c'est bien joué,
18:32c'est une...
18:34Et alors, après,
18:36ça s'est joué
18:38dans énormément de pays,
18:40sauf les pays de l'Est.
18:42C'est-à-dire que...
18:44C'était très drôle,
18:46parce que tout le monde était communiste.
18:48Seulement,
18:50on constatait que
18:52dans les pays communistes,
18:54on n'était jamais joué.
18:56Par contre, toutes les pièces de boulevard étaient jouées
18:58dans les pays communistes.
19:00Et je crois que l'atelier, aussi,
19:02c'était un devoir de mémoire,
19:04en un temps où l'on ne parlait pas de la guerre,
19:06aujourd'hui, elle est entrée dans l'histoire.
19:08Ce n'était pas le cas, quand vous avez créé l'atelier Jean-Paul Grimbert.
19:10Oui, c'est ce qu'Anna Dvivorka
19:12me dit souvent.
19:14C'est que ça a été
19:16le départ de...
19:18Pas le départ de quelque chose,
19:20mais...
19:22J'ai ouvert une porte.
19:24C'est-à-dire qu'on pouvait en parler
19:26hors
19:28de l'exactitude historique,
19:30hors de...
19:32Heu...
19:34C'est un peu comme
19:36Nuit et Brouillard au cinéma.
19:38C'est la même chose au théâtre.
19:40Et vous ne pensiez pas, en écrivant cette pièce,
19:42que ce serait ça ?
19:44Non. J'aurais pas osé.
19:46Il se trouve que vous devenez
19:48l'un des auteurs vivants
19:50les plus vus dans le monde.
19:52Est-ce qu'il change votre vie ?
19:54Non, c'est surtout les scolaires.
19:56C'est-à-dire que l'atelier
19:58a servi
20:00pour les troupes amateurs,
20:02dans les écoles,
20:04dans les...
20:06C'est quelque chose
20:08qui est entré
20:10dans le public,
20:12mais au-delà du public de théâtre.
20:14C'est-à-dire que
20:16ça permettait de parler
20:18de ce dont on n'arrivait pas
20:20à parler.
20:22Et surtout, vous l'avez créée en 79,
20:24et quand vous avez le Molière,
20:26c'est 20 ans plus tard,
20:28c'est la même version,
20:30mais les temps avaient changé.
20:32Et c'est pour ça qu'elle était
20:34peut-être encore plus d'actualité
20:36que 20 ans plus tôt.
20:38Mais là, c'est encore une pièce
20:40que les amateurs jouent beaucoup,
20:42parce qu'il y a beaucoup de femmes.
20:44Il faut tenir compte de ça aussi.
20:46Il y a beaucoup de rôles de femmes,
20:48donc chez les amateurs,
20:50il y a beaucoup de femmes,
20:52donc c'est joué souvent.
20:54Il se trouve aussi,
20:56il y a beaucoup de voyageurs,
20:58« Zone libre » en 91,
21:00« Une histoire d'amour » en 95,
21:02« Adam et Eve » en 98,
21:04« Conversation avec mon père »
21:06en 2002,
21:08« Vers toi, terre promise » en 2009,
21:10et « Molière francophone »
21:12et « Molière en 22 »
21:14pour l'auteur francophone le plus joué.
21:16C'est étonnant, ça.
21:18Le plus joué,
21:20c'est ce qu'on dit.
21:22Et c'était aussi pour la plus précieuse
21:24Vous avez eu ce Molière
21:26pour cette pièce.
21:28Non, je n'ai pas eu de Molière pour la pièce.
21:30Nomination Molière de l'auteur francophone
21:32vivant pour la plus précieuse des marchandises.
21:34Ah bon ?
21:36C'est rare d'avoir autant de Molières ?
21:40Oui, mais enfin...
21:42Non, il y en a un,
21:44je ne sais plus son nom.
21:46Alexis Michalik.
21:48Oui, mais c'est lui
21:50qui les fabrique.
21:52Et ces Molières,
21:54vous les avez gardés précieusement ?
21:56J'en ai mis trois dans la cuisine,
21:58et puis les autres,
22:00je les ai rangés.
22:02En même temps, ce n'est pas quelque chose
22:04qui a changé votre vie.
22:06Les Molières, ceux qui comptent,
22:08c'est plutôt ce que vous avez écrit.
22:10Oui, on ne l'écrit pas pour avoir des Molières.
22:12La preuve, c'est que par exemple,
22:14Dreyfus, ce n'était pas inventé,
22:16donc il n'y avait pas de Molière.
22:18Et en même temps,
22:20il y avait des personnages
22:22qui parlaient Yiddish.
22:24Oui, c'est-à-dire que c'était
22:26la première pièce
22:28écrite,
22:30traduite du Yiddish,
22:32par un type
22:34qui ne connaît
22:36ni le français, ni le Yiddish.
22:38Donc il fallait le faire.
22:40Tout ça, ce sont des pièces très particulières,
22:42mais il y en a une très différente
22:44qui pourrait être expliquée
22:46par cette chanson.
22:50Gaston Ouvrard,
22:52qui était le symbole des comiques troupiers,
22:54son père, Éloi Ouvrard,
22:56avait inventé le genre,
22:58et il a fini sa vie sur la scène de l'Olympia,
23:00Ouvrard, en première partie,
23:02Michel Sardou qui débutait.
23:04Et c'est vrai que vous avez écrit une pièce
23:06en revenant de l'Expo.
23:08Ça n'a rien à voir avec le reste.
23:10Si, quand même,
23:12parce que ça se termine
23:14par la guerre 14.
23:16Et c'est une vision aussi de la Belle Époque.
23:18Et puis,
23:20de la pauvreté aussi,
23:22des gens...
23:28C'est-à-dire que je venais
23:30d'écrire Dreyfus,
23:32ça venait de se jouer,
23:34et donc j'avais fait beaucoup de documentation
23:36sur le tournant du siècle,
23:38sur l'antisémitisme,
23:40après l'affaire Dreyfus,
23:42et tout,
23:44et pendant l'affaire Dreyfus, et après.
23:46Et donc, en revenant de l'Expo,
23:48c'était comme une suite de Dreyfus.
23:50Et voilà,
23:52c'est comme ça que c'est né,
23:54et justement, l'antisémitisme,
23:56on va en parler avec une autre date importante dans votre vie,
23:58le 4 juin 2009.
24:00A tout de suite sur Sud Radio,
24:02avec Jean-Claude Grimbert.
24:04Sud Radio, les clés d'une vie,
24:06mon invité Jean-Claude Grimbert,
24:08on a évoqué vos débuts
24:10dans votre atelier de confection,
24:12et puis les pièces qui ont fait le tour du monde
24:14par l'atelier, tous ces Molières,
24:16et puis il y a une date importante,
24:18le 4 juin 2009, que j'ai trouvée,
24:20car vous recevez un prix symbolique qui vous touche,
24:22la Fondation France-Israël
24:24vous remet un prix dans le cadre
24:26des représentations croisées franco-israéliennes
24:28d'une de vos pièces,
24:30« Vers toi, terre promise ».
24:32Ça, ça a été important pour vous aussi.
24:34Oui, mais...
24:38ça m'a...
24:40disons que ça m'a fait plaisir,
24:42mais c'était...
24:44c'est surtout la réussite de la pièce,
24:46voilà, qui était
24:48plus difficile que les autres,
24:50et qui était...
24:52quand...
24:54je me souviens que mon beau-frère l'avait lue,
24:56il m'a dit « ça ne se jouera jamais,
24:58c'est trop triste ».
25:00Et c'est ça la magie du théâtre,
25:02c'est très triste,
25:04mais les gens riaient.
25:06Parce que vous avez mélangé le rire et...
25:08Je pense que c'est indispensable.
25:10Que si on...
25:12si on ne fait que dire le malheur,
25:18voilà,
25:20on ne peut pas supporter
25:22ce...
25:24la vision
25:26ou l'évocation du malheur
25:28absolu.
25:30Donc il faut trouver comment
25:32on parle de ce malheur,
25:34c'est exactement comme si vous allez manger
25:36chez des amis et vous avez un cancer
25:38et vous n'écrivez que le truc,
25:40il faut qu'il y ait des gags
25:42dans votre opération,
25:44sinon ils ne vous réinvitent plus.
25:46Donc,
25:48c'est une pièce
25:50qui...
25:52que j'ai eu plus de mal que d'habitude
25:54à écrire, parce qu'effectivement
25:56c'est un drame terrible.
25:58Voilà.
26:00C'est une tragédie dentaire.
26:02C'est-à-dire
26:04la dérision
26:06existe même dans les tragédies.
26:08C'est-à-dire que c'est une histoire
26:10qui se passe chez un dentiste
26:12et ce couple de dentistes a eu un grave problème.
26:14Voilà.
26:16L'une des filles a été déportée
26:18et l'autre a été
26:20et est devenue bonne sœur
26:22en étant...
26:24et une bonne sœur en plus qui a fait une carrière
26:26qui a été proche du pape
26:28de l'époque, qui a été...
26:30Et vous vous êtes inspiré
26:32de Fait Authentique pour écrire cette pièce ?
26:34Mais
26:36j'ai refusé de voir la sœur
26:38survivante devenue bonne sœur
26:40pour ne pas me mettre au service de
26:42l'histoire.
26:44C'est-à-dire qu'un auteur dramatique, c'est pas un historien.
26:46Je pars d'une histoire
26:48comme je m'en souvenais
26:50comme client du dentiste.
26:52Et c'est l'enfant
26:54qui raconte l'histoire.
26:56C'est pas...
26:58C'est-à-dire que
27:00c'est ça la différence entre
27:02l'historien
27:04et l'auteur, que ce soit de roman
27:06ou de...
27:08Il faut qu'on se sente libre
27:10de ne pas respecter le détail
27:12de l'histoire. Donc on n'est pas là
27:14pour dire le vrai. On est là
27:16pour faire croire au vrai.
27:18Et puis c'était aussi une façon
27:20de parler d'antisémitisme à un moment
27:22où on n'en parlait pas autant qu'aujourd'hui, Jean-Claude Brunberg.
27:24Oui, on pensait
27:26qu'on allait manquer d'antisémite,
27:28mais voilà, on est...
27:30Comme dirait Pierre Dacques,
27:32il faut avoir confiance.
27:34Et puis, il y a eu une autre carrière
27:36que celle d'auteur dramatique au théâtre.
27:38Il y a quelqu'un qui a compté dans votre vie
27:40pour cette autre carrière.
27:42Écoutez, il m'est difficile de vous en parler
27:44parce que je n'ai pas encore eu entre les mains
27:46le découpage définitif. Simone Signoret.
27:48Simone Signoret à qui vous devez
27:50votre carrière télévisuelle.
27:52Je crois que ça a commencé
27:54avec Thérèse Imbert qui était une histoire
27:56d'escroquerie incroyable. Oui, oui.
27:58Elle voulait absolument...
28:00Alors, je l'avais connue
28:02parce qu'elle avait lu
28:04un personnage dans Dreyfus
28:06quand François Perrier
28:08voulait monter Dreyfus.
28:10Puis elle avait dit non.
28:12Elle aimait mieux
28:14se lever tôt le matin
28:16et moi, après l'atelier,
28:18j'ai eu une dépression terrible.
28:20Je disais non.
28:22La France entière me demandait
28:24des trucs.
28:26Les réalisateurs et tout.
28:28Simone Signoret m'a demandé
28:30et je lui ai dit non.
28:32Elle a insisté.
28:34J'ai compris
28:36que si je disais non
28:38à Simone Signoret,
28:40il fallait que j'arrête ce boulot.
28:42La dépression,
28:44c'était une chose.
28:46Je pensais que j'allais m'en tirer un jour.
28:48Donc, j'ai accepté.
28:50Elle m'a protégé parce que
28:52les producteurs
28:54disaient mes répliques
28:56et disaient qu'ils ne savent pas écrire
28:58pour la télévision.
29:00Toutes ces répliques sont trop longues.
29:02Ils ne savent faire que du théâtre.
29:04Elle disait oui, c'est vrai.
29:06Alors, qu'est-ce qu'on va faire, Madame ?
29:08On va tourner ce qu'il écrit
29:10puisque c'est l'auteur.
29:12Ça, c'est Bluval qui me l'a raconté.
29:14Elle m'a protégé tout le long.
29:16Sinon, les producteurs
29:18voulaient tout virer.
29:20Et ça a été un succès inouï.
29:22J'ai découvert
29:24une femme formidable.
29:26En tout cas,
29:28avec moi, d'une générosité
29:30extraordinaire
29:32et puis d'un talent.
29:36Je suis quand même venu
29:38à tout ça à travers le métier
29:40de comédien et c'était un plaisir
29:42de la voir.
29:44La deuxième chose que j'ai écrite pour elle
29:46qu'on a fait avec Bluval
29:48qui s'appelait Musical,
29:50c'est qu'elle était aveugle.
29:52Elle répétait ses déplacements
29:54et elle jouait comme si elle le voyait.
29:56Et moi qui suis
29:58très diminué de ce côté-là,
30:00j'ai admiré aussi
30:02comment
30:04elle cachait
30:08ça s'est cité,
30:10et comment elle arrivait à jouer comme si elle le voyait.
30:12Mais elle cachait tout.
30:14Moi, quand je l'ai rencontrée, même plusieurs fois,
30:16à la roulotte, elle ne parlait jamais
30:18des drames de sa vie, mais on sentait
30:20notamment que l'affaire de Marilyn l'avait marquée à vie.
30:22Oui.
30:24Elle en a parlé immédiatement
30:26quand elle a rencontré mon épouse.
30:28Et...
30:30Elle lui a dit cette phrase terrible,
30:32elle lui a dit, être cocu c'est rien,
30:34mais quand c'était sur
30:36toutes les premières pages des journaux du monde,
30:38ça fait chier quand même.
30:40Oui. Et elle a tourné ça
30:42en dérision avec la presse
30:44en disant, c'était
30:46Marilyn, on peut rien refuser.
30:48Mais c'était un numéro.
30:50Il se trouve aussi que Marcel Bluval, on ne le sait pas assez,
30:52c'est un des pionniers de la télévision,
30:54il a créé le premier feuilleton télé,
30:56je ne sais pas si vous le savez, l'Inspecteur Leclerc,
30:58qui était passé le dimanche après-midi
31:00avec Philippe Nico, et tous les feuilletons
31:02sont nés de ce feuilleton de
31:04Marcel Bluval.
31:06Il y a eu effectivement
31:08d'autres propositions de cinéma et de télévision,
31:10mais la télévision, vous n'aimez pas tellement
31:12ça parce que vous faites le scénario
31:14et après, l'histoire vous échappe.
31:18Ce n'est pas que je n'aimais pas ça,
31:20c'est que
31:24il y a vingt ans que je n'ai pas eu
31:26un coup de fil de quelqu'un de la télé.
31:28Oui, mais remarquez, ça a beaucoup changé depuis.
31:30Voilà, ça veut dire que
31:32j'aurais volontiers,
31:34j'ai fait des tas de propositions
31:36parce qu'il y avait des choses
31:38que je ne pouvais traiter qu'à la télévision
31:40et ça ne...
31:42Voilà, c'est quand même
31:44le formatage que je détestais.
31:46Mais la liberté
31:48que Signoret m'avait procurée
31:50et après, j'ai fait avec
31:52Jacques Fanstein
31:54un...
31:56J'ai des problèmes avec les noms propres.
32:00J'ai fait
32:02« Les lendemains qui chantent ».
32:04En toute liberté, aujourd'hui,
32:06on ne nous laisserait pas faire ça.
32:08Et il y a eu le cinéma quand même où ça a débuté,
32:10je crois, avec Pierre Boutron.
32:12Avec les années Sandwich.
32:14C'est...
32:16Avant, j'avais fait déjà avec Costa Gavras.
32:18La grande rencontre,
32:20c'est avec Costa.
32:22C'est vrai que Costa a été très important
32:24dans votre vie.
32:26Amen, le fait de faire Amen avec lui,
32:28d'avoir l'occasion
32:30de parler
32:32de ça au cinéma,
32:34de...
32:36On a fait 5 films
32:38ensemble.
32:40Costa, qui est un étonnel jeune homme,
32:42il vient encore de faire un film,
32:44je ne sais pas quel est son secret.
32:46Il a une santé de fer.
32:48Il aime faire,
32:50et il a une santé de fer.
32:52Je ne sais pas si vous le savez,
32:54mais un jour, il vient de se planter sur un film,
32:56il part en Grèce dans sa famille,
32:58et au retour, son frère lui donne un livre
33:00dans l'avion, il regarde le livre,
33:02il dit « Que c'est que ce titre idiot ? C'était Z. »
33:04Il a eu l'avion, on connaît la suite.
33:06Il y a eu aussi Truffaut dans votre vie.
33:08Oui.
33:10Truffaut est arrivé, je crois,
33:12avec Le Dernier Métro.
33:14Oui. Il avait un problème,
33:16parce qu'il avait pris pour jouer le juif
33:18dans la cave,
33:20dans le sous-sol du théâtre.
33:22Il avait pris un acteur
33:24qui était très bien,
33:26mais qui était allemand.
33:28Et qui...
33:30Il ne s'imaginait pas
33:32en juif.
33:34Et Truffaut,
33:36on lui a dit,
33:38il y a un comédien qui joue
33:40un petit juif
33:42dans l'atelier,
33:44il a été voir l'atelier,
33:46et il s'est dit, c'est un spécialiste.
33:48Donc il m'a demandé de réécrire le rôle.
33:50De...
33:52De faire en sorte
33:54que cet acteur allemand
33:56se sente à l'aise
33:58pour jouer ce juif.
34:00Et puis, il y a aussi un autre metteur en scène
34:02qui a compté récemment,
34:04puisqu'il a fait un film
34:06tiré de la plus précieuse des marchandises.
34:08C'est Michel Hazanavicius.
34:10Le livre est sorti, justement,
34:12au Seuil, il y a quelques mois.
34:14Et là aussi, c'est étonnant,
34:16parce qu'il a tourné le film
34:18et réalisé les dessins du film,
34:20les maquettes.
34:22Et moi, je savais qu'il dessinait.
34:24Parce que je le connaissais depuis sa naissance.
34:26Ses parents étaient
34:28nos meilleurs amis, ma femme et moi.
34:30Et donc,
34:32je savais,
34:34j'avais vu des dessins de lui
34:36à 10, 11, 12 ans.
34:38Et puis, un jour,
34:40on avait parlé
34:42d'un dessinateur
34:44qu'il collectionnait et que je collectionnais.
34:46Gus Boffa.
34:48Et donc,
34:50on a parlé,
34:52on a montré nos livres, voilà.
34:54Et quand
34:56il a été question de le faire,
34:58c'est moi qui ai voulu que ce soit un dessin animé.
35:00Voilà.
35:02Et donc, j'ai dit au producteur,
35:04il faut demander
35:06à Michel Azanavicius.
35:08Ils m'ont dit, mais il voudra jamais.
35:10Demandez-lui ! Voilà, bon.
35:12Et ça s'est fait, et le livre est sorti.
35:14Et d'ailleurs, je crois que vous devez, à son père,
35:16le faire, le fait d'avoir compris,
35:18en attendant Godot, qui a été une pièce
35:20très importante pour vous aussi.
35:22Oui. Moi, quand je l'avais lu,
35:24j'étais animateur
35:26du club olympique.
35:28Et lui, je l'avais fait
35:30venir, et il
35:32plaçait les gens à table.
35:34Et on cherchait
35:36qu'est-ce qu'on peut monter
35:38pour le...
35:40pour les clients du club olympique.
35:42Et on avait parlé
35:44de Godot, et je lui ai dit, mais pour moi, c'est pas une pièce
35:46de théâtre, j'y comprends rien, je sais pas ce que c'est.
35:48Et c'est lui qui
35:50faisait pas de théâtre du tout,
35:52qui m'a dit, mais si, il m'a expliqué.
35:54Et quand je l'ai joué,
35:58ben, j'ai compris.
36:00Voilà.
36:02C'était l'ouverture.
36:04C'est comme si ça m'a
36:06ouvert la porte pour écrire
36:08pour le théâtre. C'était pas
36:10une question de
36:12jeu, ou de...
36:14C'était... On sortait
36:16de Monterland,
36:18de Danouille,
36:20de tous ces gens
36:22qui... De Giraudoux...
36:24Voilà. Et brusquement,
36:26on était dans la vie.
36:28Et je crois
36:30que, que ce soit Becket ou Ionesco,
36:32ont beaucoup compté dans votre carrière, Jean-Pierre Weber.
36:34Oui.
36:36Oui, c'est des...
36:38C'est des auteurs qui ont permis
36:40à des ignorants,
36:42alors qu'eux étaient extrêmement
36:44cultivés l'un et l'autre,
36:48ça m'a montré qu'un
36:50ignorant pouvait écrire.
36:52Voilà. Ça m'a autorisé.
36:54C'est-à-dire que c'est des auteurs
36:56qui m'ont dit, c'est pas la peine
36:58d'avoir un style
37:00de...
37:02d'être comme Claudel. Voilà.
37:04C'est-à-dire que...
37:06Ou même de penser que
37:08on doit devenir obligatoirement
37:10Shakespeare. Non. On peut écrire
37:12à sa mesure
37:14avec ses mots à...
37:16Voilà, les mots
37:18des gens de tous les jours.
37:20Et vous l'avez fait. Vous êtes pas devenu
37:22Shakespeare, mais Jean-Claude Grimbert. Et c'est pas
37:24plus mal, au contraire. Et on vous connaît.
37:26Et on va évoquer dans quelques instants
37:28votre carrière nouvelle,
37:30celle de l'écrivain avec un nouveau
37:32livre, Quand la terre était plate, à travers
37:34une date, le 3 janvier 2024.
37:36A tout de suite sur Sud Radio,
37:38avec Jean-Claude Grimbert.
37:40Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessus.
37:42Sud Radio, les clés d'une vie.
37:44Jean-Claude Grimbert, mon invité. On a évoqué votre
37:46carrière exceptionnelle au théâtre.
37:48Et le 3 janvier 2024 est sorti
37:50un livre, Quand la terre était plate,
37:52aux éditions du Seuil, où vous parlez de votre mère.
37:54D'abord, Quand la terre était plate, c'est un titre
37:56très étonnant.
37:58Oui. Mais c'est
38:00parce qu'elle m'avait raconté
38:02une anecdote
38:04
38:06dans son périple
38:08pendant la
38:10guerre 14
38:12en Galicie,
38:14un
38:16instituteur
38:18disons
38:20un melhamed,
38:22c'est une
38:24sorte d'instituteur pour
38:26petits garçons
38:28juifs,
38:30leur avait
38:32expliqué,
38:34alors elle, elle n'avait pas entendu,
38:36les filles n'allaient pas à l'école,
38:38et donc
38:40que la terre était comme
38:42une assiette à dessert.
38:44Et qu'elle était posée sur
38:46des couverts
38:48croisés.
38:50Et donc, c'est
38:52pour cette anecdote
38:54qu'elle m'a raconté plusieurs
38:56fois,
38:58qui a fondé
39:00le désir d'écrire Quand la terre
39:02était plate. Et écrire sur votre mère,
39:04ce qui n'était pas simple, car vous avez eu envie
39:06d'écrire sur votre mère, qui a été très importante
39:08dans votre vie, Jean-Claude Granbert.
39:10Oui, j'avais déjà fait avec
39:12l'atelier, mais là, je l'ai
39:14fait d'une autre manière,
39:16c'est-à-dire qu'en fait,
39:18elle était née en 1907,
39:20pendant
39:22la guerre 14, elle s'est retrouvée
39:24dans un camp en France,
39:26bien que née à Paris,
39:28elle était considérée
39:30comme étrangère,
39:32et comme ennemie.
39:34Et donc, c'est
39:36c'est...
39:38C'est les deux guerres,
39:40elle a traversé deux guerres mondiales,
39:42la première, dans un
39:44camp, puis
39:46sur les routes, pour retourner
39:48dans la ville natale de ses parents,
39:50et la deuxième,
39:52à Paris,
39:56seule,
39:58sans mari, sans nouvelles de son mari,
40:00sans nouvelles de ses enfants,
40:02et nous retrouvant, nous,
40:04par chance.
40:06Vous et votre frère Maxime,
40:08votre frère aîné.
40:10Alors, c'est aussi un livre sur mon frère.
40:12Voilà, c'est-à-dire,
40:14je me suis aperçu que j'écrivais
40:16sur ma mère, mais
40:18l'un des personnages qui ressort
40:20du livre, c'est Maxime.
40:22Alors, le problème,
40:24Jean-Claude Grimbert, c'est que vous avez écrit ce livre
40:26alors que votre mère ne vous a
40:28pratiquement rien raconté sur sa vie.
40:30Ou peut-être qu'elle m'a raconté
40:32que j'ai rien écouté.
40:34Ce qui...
40:36On n'était
40:38ni sur mon père,
40:40ni sur sa vie,
40:42elle racontait des anecdotes.
40:44Voilà, c'est les quelques anecdotes
40:46que j'ai mis et que j'ai
40:48glissé dans le
40:50texte,
40:52c'est ce qui m'a servi
40:54à donner une
40:56assise au
40:58récit. Donc, je partais
41:00pas...
41:02Je savais qu'ils avaient été dans
41:04un camp. J'ai appris
41:06grâce à
41:08un historien, qu'il y avait
41:1070 camps
41:12en 14
41:14où on mettait des étrangers.
41:16Mais c'était pas le traitement
41:18qu'il y a eu ensuite ?
41:20Ils appelaient ça camps de
41:22concentration, mais c'était des camps
41:24de regroupement.
41:26Ce qu'il y a, c'est que
41:28ils n'étaient pas tellement bien nourris
41:30que...
41:32Les femmes étaient dans un endroit
41:34avec les enfants, les hommes dans un autre,
41:36même dans les camps familiaux.
41:38C'est-à-dire, ça n'était
41:40bien sûr, ça n'est pas comparable,
41:42mais c'était pas non plus
41:44une partie
41:46de plaisir, quoi.
41:48Et surtout, elle a pas appris
41:50à lire.
41:52Et surtout, vous évoquez aussi
41:54une phrase qu'elle disait tout le temps
41:56quand elle parlait de son passé, c'est
41:58le gomme.
42:00C'est bizarre ?
42:02Elle était née à Paris
42:04et bien considérée comme étrangère
42:06pendant la guerre 14.
42:08Elle avait l'accent d'Arletti.
42:10Alors, elle parlait,
42:12elle riait. Et quand je suis
42:14revenu
42:16de zone libre,
42:18en 45,
42:20quand je l'ai entendu
42:22parler...
42:24Et j'étais terrorisé parce que
42:26je connaissais pas cette dame.
42:28Et elle me faisait marrer parce qu'elle
42:30parlait comme ça.
42:32Tu me reconnais pas, je suis ta mère.
42:34Il se trouve que l'expression
42:36mystère et boule de gomme,
42:38je sais pas si vous le savez, elle vient des voyantes.
42:40La boule transparente
42:42pour lire l'avenir, si elle est à base
42:44d'un matériau opaque, la voyante ne voit rien.
42:46Donc, c'est mystère et boule de gomme.
42:48Alors,
42:50il y a aussi effectivement
42:52les souvenirs de votre frère
42:54dans cet appartement
42:56au 34 Chabrol.
42:58Car c'est là, finalement, où vous avez
43:00grandi.
43:02Et vous êtes retourné dans
43:04cet appartement à l'escalier C
43:06qui était au départ l'atelier
43:08et que votre mère a transformé,
43:10Jean-Claude Grimbert. Alors, il y avait une
43:12pièce qui servait d'atelier.
43:14C'est-à-dire que c'était deux pièces
43:16et demie
43:18avec cuisine et, chose
43:20extraordinaire, les toilettes
43:22dans
43:24l'appartement, ce qui était rare à l'époque.
43:26Et donc,
43:28cette petite pièce
43:30qui servait d'atelier
43:32a fini par devenir la chambre
43:34pour mon frère et moi.
43:36Voilà. Et Maxime,
43:38votre frère aîné, dont vous parliez peu
43:40jusque-là, a été très important aussi dans votre vie.
43:42Oui, bien sûr.
43:44Non seulement très important, mais
43:46il m'a
43:48servi de
43:50père. Il avait quatre ans de plus
43:52que moi.
43:54Pendant toute cette période,
43:56que ce soit à Moinsac et après
43:58chez cette dame
44:00dans le Vercors,
44:02c'est lui qui avait
44:04tous les soucis du monde.
44:06C'est-à-dire que
44:08qui avait peur,
44:10qui...
44:12Moi, du moment
44:14que j'étais avec mon frère,
44:16j'étais
44:18protégé.
44:20J'ai pas vécu
44:22la peur
44:24et j'ai pas eu les responsabilités
44:26qu'il a eues. Et ça nous a poursuivis
44:28un peu toute notre vie. C'est-à-dire
44:30que je me suis jamais senti responsable
44:32de quoi que ce soit, alors que lui
44:34est responsable de tout. Et vous avez dormi
44:36dans le même lit pendant des années. Oui.
44:38Alors qu'on avait un oncle
44:40marchand de meubles.
44:42Les voisins étaient très durs parce que
44:44vous faisiez beaucoup de bruit, je crois.
44:46Surtout, on criait.
44:48Sans se réveiller, on criait la nuit.
44:50Un gosse, l'un des deux
44:52se mettait à crier
44:54et l'autre suivait.
44:56Et donc c'était des cris
44:58de guerre, des cris de peur,
45:00des cris de...
45:02Et donc les voisins se plaignaient. Il y en a même une
45:04voisine qui a dit
45:06« Dommage qu'ils aient pris votre mari
45:08qui faisait pas de bruit
45:10et qui vous ait laissé
45:12ces deux gueulards. »
45:14C'est pas très sympa ça.
45:16Alors il se trouve que
45:18ça a été très compliqué après la guerre
45:20parce que votre mère s'est retrouvée toute seule.
45:22On lui a même demandé de payer les dégâts
45:24de la porte qui avait été enfoncée.
45:26Ah bah oui. Et on l'a menacée.
45:28Elle recevait des lettres
45:30d'expulsion,
45:32des menaces d'expulsion.
45:34Elle a vécu
45:36tout ça dans la terreur.
45:38Et puis les difficultés aussi,
45:40c'était avec les papiers
45:42qu'il fallait remplir.
45:44Elle ne voulait pas dire
45:46qu'elle savait pas lire.
45:48Elle vivait ça comme une honte.
45:50Et justement,
45:52elle aurait pu être veuve de guerre
45:54mais elle n'a pas été considérée comme veuve de guerre.
45:56Oui parce qu'il n'était pas français.
45:58Votre père, oui.
46:00Donc c'était...
46:02Il aurait eu
46:04droit à la mention mort pour la France
46:06s'il avait été français.
46:08S'il avait été français.
46:10Il était resté 30 ans en France
46:12mais c'était un homme
46:14qui, d'après moi,
46:16n'aimait pas faire des papiers.
46:18Il aimait jouer en revanche.
46:20Oui, c'était un joueur.
46:22Et d'ailleurs ça a failli compromettre votre mariage.
46:24Si votre mère l'avait su plus tôt,
46:26vous ne seriez peut-être pas né aujourd'hui.
46:28Voilà, c'est vrai.
46:30Maintenant tout le monde joue.
46:32Mais à l'époque c'était terrible.
46:34Et votre mère avait si peu de choses
46:36qu'elle a vendu tout de suite la machine singère
46:38à coudre de votre père.
46:40Oui, pour du charbon.
46:42C'est fou.
46:44L'entreprise Singers a été créée
46:46par Isaac Merritt Singers,
46:48c'est-à-dire un juif américain
46:50qui a créé la tour Singers
46:52qui a été la plus grande tour du monde
46:54en 1906.
46:56Vous êtes un puits de science et d'information.
46:58Alors il se trouve aussi que
47:00le destin a voulu
47:02que vous racontiez cette histoire
47:04parce que vous êtes tombé par hasard
47:06avec Claude Grimbert.
47:08Un livre chez un soldeur à 5 euros
47:10et que ça vous a sauvé pour écrire ce livre.
47:12Oui.
47:14C'est
47:16la librairie le dilettante
47:18où il y a des bouquins à 5 euros
47:20dans des boîtes
47:22devant la librairie
47:24et j'ai trouvé
47:28un livre
47:30sur les camps français.
47:32Et ça vous a permis de savoir exactement
47:34comment ça se passait.
47:36En tout cas, j'ai vécu ça
47:38comme si c'était un message
47:40que
47:42Maurice Hollander
47:44mon éditeur
47:46m'envoyait
47:48hélas
47:50il avait lâché la rampe
47:54et c'était comme si c'était lui
47:58alors que je voulais m'arrêter d'écrire
48:00qui m'envoyait ce livre
48:02j'ai mis la main dans la boîte
48:04j'ai tiré
48:06et j'avais le livre
48:08qu'il me fallait
48:10pour pouvoir écrire.
48:12Et votre mère a beaucoup travaillé
48:14pour que vous et Maxime, votre frère,
48:16vous ne manquiez de rien
48:18et il y a une chanson qui symbolise justement tout ce travail.
48:26Par Céline Dion, version
48:28récente d'une chanson
48:30qui était René Lebas
48:32qui était roumaine
48:34qui a introduit cette chanson en France
48:36et elle a aussi été
48:38la première à chanter la mère
48:40la mère de Charles Trenet
48:42on l'appelait la mère de la mère
48:44parce qu'elle avait été la créatrice avant Trenet
48:46On adorait René Lebas.
48:48Cette chanson vous a marqué.
48:50Et cette chanson
48:52est liée à tout le travail
48:54qu'elle faisait
48:56Elle travaillait beaucoup
48:58et le soir avant de vous endormir
49:00elle vous racontait ses histoires.
49:02Non.
49:04Votre mère vous racontait
49:06quelques anecdotes, quelques petites choses.
49:08Oui mais c'était plutôt
49:12le soir
49:14nous on lisait
49:16le problème c'est qu'on passait nos
49:18moi je lisais un livre par jour
49:22grâce à la bibliothèque
49:24la bibliothèque du dixième
49:26c'est ça qui m'a sauvé la vie aussi
49:28c'est qu'on pouvait lire
49:30et je lisais n'importe quoi
49:32je savais pas si c'était un chef d'oeuvre
49:34ou pas un chef d'oeuvre
49:36et c'est peut-être ça
49:38qui a développé
49:40une sorte d'esprit critique
49:42c'était à moi de savoir
49:44ce que j'étais en train de lire, si c'était une connerie ou pas.
49:46Et il y a un livre justement
49:48qui a changé la vie de votre mère
49:50et c'est un film au départ.
49:54Autant on emporte le vent
49:56car ce jour-là vous avez compris
49:58à votre grande surprise que votre mère
50:00qui ne savait ni lire ni écrire, savait lire.
50:02Oui, qu'elle avait
50:04fini par apprendre à lire
50:06sans rien nous dire
50:08et qu'elle m'avait demandé de lui ramener de la bibliothèque
50:10Autant on emporte le vent
50:12elle a mis deux ans à le lire
50:14et moi il fallait que je négocie
50:16avec la bibliothécaire
50:18pour lui expliquer
50:20que je pouvais pas lui rendre
50:22et donc
50:24ça a été une grande surprise
50:26pour moi mais qui s'est pas manifestée
50:28c'est comme si
50:30en écrivant ce livre
50:32je vivais
50:34cette enfance
50:36et cette adolescence
50:38c'est-à-dire qu'en fait
50:40je me suis pas étonné
50:42dans mon souvenir
50:44quand elle m'a dit
50:46que je lui ramène ce bouquin
50:48je me suis pas étonné
50:50je me suis pas étonné
50:52ou j'ai pas
50:54je l'ai pas félicité
50:56d'avoir appris à lire et tout
50:58pour moi c'était
51:00bon bah elle sait lire
51:02alors qu'elle avait appris à lire grâce à quelqu'un qu'elle avait rencontré
51:04et elle voulait la cacher
51:06écrire sur votre mère
51:08aujourd'hui tant d'années après
51:10ça a été un bonheur difficile
51:12Jean-Claude Grimbert ?
51:14ça a été
51:16pour des raisons techniques
51:18un des livres
51:22ça a été le plus difficile
51:24à écrire de tous les bouquins
51:26le théâtre
51:28c'est une chose
51:30j'ai
51:32écrit certaines pièces en deux heures
51:34voilà
51:38un roman
51:42dès que vous vous mettez sur un sujet
51:44il faut deux ans
51:46et là
51:48au bout d'un an j'étais perdu
51:50j'y arrivais pas
51:52et donc c'est vraiment
51:54j'ai passé mon temps
51:56à me demander comment écrire ce livre
51:58voilà comment écrire un livre
52:00sur des événements
52:02des faits
52:04que vous
52:08que vous ne connaissez pas, que vous n'avez pas vécu
52:10et vous avez réussi
52:12parfaitement car quand la terre était plate
52:14et qu'elle était au seuil
52:16c'est un livre très réussi
52:18comme toutes les pièces que vous avez écrites
52:20c'est gentil à vous
52:22merci Jean-Claude Grimbert
52:24merci d'avoir raconté ce parcours exceptionnel
52:26et je recommande ce livre à celles et ceux qui vous connaissent dans le monde entier
52:28et ils sont nombreux
52:30les clés d'une vie c'est terminé pour aujourd'hui
52:32on se retrouve bientôt
52:34restez fidèles à l'écoute de SUL Radio

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