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Avec Jean-Marie Besset, auteur de pièce de théâtre.

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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2025-01-30##

Catégorie

Personnes
Transcription
00:00Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:04Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité,
00:06l'auteur de théâtre que vous êtes à la scène,
00:09a vécu à la ville la réalité de la comédie humaine.
00:12Vous signez aujourd'hui une fantaisie politique
00:15inspirée par le plus illustre de nos contemporains,
00:18avec qui, hasard ou destin, vous avez en commun le jour de naissance.
00:21Bonjour Jean-Marie Besset.
00:23Bonjour Jacques Pessis.
00:25Alors, on connaît votre parcours de théâtre, on va l'évoquer
00:27parce que c'est quand même un parcours assez exceptionnel.
00:29A l'occasion de cette pièce, De Gaulle apparaît en songe à Emmanuel Macron,
00:33que vous créez dans quelques jours au Dejazet,
00:36qui est un événement aussi, et qui est assez insolite.
00:39Mais le principe des clés d'une vie, c'est d'évoquer votre parcours
00:42à travers ces dates clés.
00:43Et la première que j'ai trouvée, je crois que c'est le plus beau jour de votre vie,
00:46le 1er avril 1988.
00:48Oui, c'est vrai.
00:50C'est-à-dire, oui c'est bizarre de recevoir une lettre
00:53qui vous fait tant plaisir, datée d'un 1er avril.
00:58Ça pourrait avoir l'air d'une blague,
01:01mais en 1988, en effet, j'habitais New York à l'époque,
01:05et j'ai reçu dans ma boîte aux lettres,
01:08dans mon appartement Brownstone, au 4ème étage,
01:12un petit appartement,
01:14à l'époque c'était encore possible d'avoir des appartements dans Manhattan,
01:18mais voilà, c'était 74ème rue.
01:20Et donc, dans ma boîte aux lettres, je trouve une lettre de Jacques Lassalle,
01:24qui dirigeait à l'époque le Théâtre National de Strasbourg,
01:28et qui m'informe qu'il avait, il confirmait en fait,
01:32ce qu'il m'avait déjà laissé entendre,
01:34mais il confirmait qu'il allait monter ma première pièce,
01:38Villa Luco.
01:40Alors il se trouve, on peut croire à un canular un 1er avril, même à New York.
01:43Oui, surtout que c'était quand même une nouvelle importante
01:46qui arrivait par lettres.
01:48Aujourd'hui, ça n'a plus cours, ça.
01:51Je me suis un peu renseigné, effectivement le canular du 1er avril,
01:54ça remonte à l'Antiquité.
01:56Les Grecs célébraient Momos, le dieu du rire et de la raillerie,
01:59et ils faisaient des farces.
02:01Et les Romains ont poursuivi la tradition en célébrant les Hilaria le 25 mars.
02:05Et le Poisson d'Avril, ça date du Moyen-Âge,
02:08où il y a un poète du 15ème siècle, Pierre Michaud,
02:11qui parle du Poisson d'Avril pour désigner un jeune garçon
02:14chargé de porter des billets d'eau à son maître.
02:17C'est assez drôle.
02:19Et le Dialogo, c'est une rencontre imaginaire
02:21entre le général de Gaulle et Pétain.
02:24Et le maréchal Pétain, en la présence d'un jeune lieutenant,
02:27saint-syrien comme les deux autres,
02:30qui lui, travaillait dans les services de renseignement
02:33et d'information à Londres, pour la France Libre,
02:36et qui, suite à, on peut imaginer, une dépression,
02:41pendant Londres, pendant les bombardements,
02:45pendant le blitz et tout,
02:47se retrouve un peu à la libération,
02:49mis sur la touche,
02:51puisque le général, devant lequel il est en admiration absolue,
02:54l'envoie garder le maréchal Pétain
02:57dans sa cellule du fort de l'île-dieu.
03:00Il se trouve que cette pièce, elle a une histoire.
03:02Vous avez commencé à l'écrire,
03:04et ça a été trois ans de démarches incroyables.
03:07Oui, parce que moi, je suis originaire de Limoux,
03:10dans l'eau, d'une petite ville,
03:12et d'un milieu très éloigné du monde du théâtre.
03:16Donc, ma trajectoire, elle était, si vous voulez, balsacienne,
03:20puisqu'il fallait monter à Paris,
03:22comme les jeunes gens du 19ème siècle.
03:24Et en fait, à Paris, j'étais passionné de théâtre,
03:29je voulais être acteur à l'époque,
03:31mais j'avais commencé à écrire des pièces de théâtre.
03:33Je faisais mes études à Sciences Po,
03:35et donc, j'écrivais des pièces.
03:40Enfin, j'avais écrit une première pièce,
03:42une deuxième pièce, une troisième pièce, etc.
03:44Et puis, petit à petit,
03:46ça finit par...
03:50J'envoyais mes pièces par la poste,
03:53à des théâtres, je n'avais pas de réponse.
03:55Encore que c'était moins...
03:57Franchement, c'était moins pire qu'aujourd'hui.
03:59C'est-à-dire, à l'époque, il y avait des directeurs au théâtre privé qui répondaient,
04:02qui, en général, vous répondaient qu'ils n'aimaient pas votre pièce
04:06et qu'ils ne la prendraient pas,
04:07mais qui, parfois, vous recevaient, même, pour en parler,
04:10pour vous dire que ça les avait quand même intéressés.
04:13Mais voilà, aujourd'hui, c'est presque impossible.
04:16Non, c'est impossible.
04:17Aujourd'hui, c'est des secrétaires qui répondent,
04:18sans même avoir ouvert le courrier, d'ailleurs.
04:20Voilà. En général, voilà.
04:22Et je crois que Strasbourg, c'est venu parce qu'un soir,
04:24vous avez rencontré quelqu'un qui connaissait quelqu'un à Strasbourg.
04:27Voilà. C'est-à-dire, je dînais dans un restaurant
04:33à côté de la rue des écoles, là,
04:36avec Alain Marcel, que j'avais rencontré,
04:40qui était devenu un ami,
04:44qui avait, à l'époque, un spectacle qui triomphait
04:47qui s'appelait « Essayez-donc nos pédalos »
04:49ou « À la cour des miracles »,
04:51qui est un cabaret-théâtre qui a disparu depuis.
04:54Spectacle très, très important, à l'époque,
04:57qui avait beaucoup fait parler.
04:59Enfin, c'était en 1819, ça.
05:01Et donc, j'avais rencontré Alain Marcel, Jean-Paul Muel.
05:04Alain, malheureusement, nous a quittés.
05:07Jean-Paul Muel est toujours parmi nous.
05:09Il m'avait présenté un de leurs amis
05:11qui était dans ce restaurant et qui m'avait dit
05:13« Ah, mais si vous écrivez du théâtre,
05:15vous devriez les envoyer au comité de lecture
05:17du Théâtre National de Strasbourg. »
05:19Et résultat, il y a une lecture à Strasbourg
05:21où il y a vraiment très peu de gens dans la salle.
05:23Voilà. Très peu de gens dans la salle,
05:25mais il y avait des gens importants.
05:27C'est-à-dire qu'il y avait mes parents
05:29qui m'avaient accompagné très gentiment,
05:31qui étaient ravis.
05:33Voilà. Mon père plaisantait gentiment
05:35quand on voyait passer les gens,
05:37qu'on voyait passer avant sur le trottoir.
05:39Et alors il disait « Ah bah ceux-là, ils y vont. »
05:41Parce que c'était, je sais plus quoi,
05:43un vendredi ou un samedi soir.
05:45Et on voyait passer les gens qui sortaient du travail.
05:47Vous voyez, alors mon père plaisantait en me disant
05:49« Bah ceux-là, ils y vont, c'est sûr. »
05:51Et en fait, il y avait très peu de monde dans la salle.
05:53Mais il y avait Antoine Wicker,
05:56le grand critique des dernières nouvelles d'Alsace.
06:00C'était l'époque où la presse régionale
06:02avait des grands critiques dramatiques,
06:04notamment à Strasbourg.
06:06Et il y avait Jacques Lassalle
06:08qui dirigeait le Théâtre National de Strasbourg.
06:10Et à la fin de ma lecture,
06:12parce que leur principe, c'était Bernard Dort,
06:14qui dirigeait le comité de lecture à l'époque,
06:16qui était un des grands universitaires
06:20et spécialistes de théâtre,
06:22qui a beaucoup parlé de Brecht notamment.
06:25Bref, donc Bernard Dort avait retenu la pièce en lecture.
06:29Et à la fin, alors leur principe,
06:31c'était que l'auteur allait lui-même lire sa pièce.
06:34Donc j'ai lu ma pièce dans un silence recueilli,
06:37devant une vingtaine de personnes.
06:39Et à la fin, Jacques Lassalle est venu me voir
06:42et il m'a dit, écoutez,
06:44je suis directeur de ce Théâtre National.
06:47Et donc chaque année, je monte deux classiques
06:49et un auteur contemporain.
06:51Je pensais monter une pièce de Thomas Bernard.
06:54Et à la place, je vais monter votre pièce,
06:56Villa-Luco.
06:57Alors ça a été vraiment un succès.
06:59Le problème, c'est qu'au milieu des premiers spectateurs,
07:02vous avez des huissiers envoyés par la famille du général de Gaulle.
07:05Oui, oui.
07:06Le jour pratiquement de la première,
07:08enfin en mai 89,
07:11je vois débarquer devant moi,
07:14alors que je jouais dans la pièce ce jeune lieutenant
07:16qui fait les frais de la rencontre entre de Gaulle et Pétain.
07:19Je vois débarquer un huissier
07:21qui me donne, qui me remet,
07:23une assignation à comparaître
07:26en référé au tribunal de grande instance de Strasbourg.
07:31Et voilà, la famille de Gaulle,
07:33c'est-à-dire Philippe de Gaulle, l'amiral,
07:36et sa sœur, madame de Boissieux,
07:39me faisaient un procès pour...
07:42En fait, s'il vous plaît,
07:45il n'y avait pas eu de précédent.
07:47C'est-à-dire que c'est la première fois que le général de Gaulle
07:49était un personnage de théâtre,
07:51c'est-à-dire était incarné sur la scène par un acteur.
07:55Et en fait,
07:57ensuite c'est maître Kieschmann et son cabinet
07:59qui m'a défendu,
08:01ainsi que le théâtre national de Strasbourg.
08:03Enfin, l'affaire était suivie partout à l'époque.
08:06Bref, il y a eu des articles dans le Spiegel,
08:09enfin partout, en Allemagne,
08:12dans le Herald Tribune, etc.
08:14Et donc,
08:17il n'y avait pas de jurisprudence.
08:20Sauf, je crois, pour...
08:22Il y avait eu un film
08:24où on représentait Ferdinand de Lesseps,
08:27dans un film sur le canal de Suez, je crois.
08:29Mais dans la jurisprudence française,
08:31c'était le seul précédent d'un acteur
08:33qui incarnait un contemporain célèbre.
08:36– Résultat, ça s'est bien passé.
08:38– Résultat, ça s'est bien passé.
08:40Et donc, ils ont été déboutés,
08:42puisqu'au terme de la cour,
08:44il n'y avait pas de représentation
08:46du général ridicule ou honteuse.
08:48Il n'y avait pas d'atteinte à sa vie privée.
08:50Et l'argument de la famille de Gaulle,
08:53à l'époque, c'était qu'ils invoquaient
08:55des droits d'auteur sur la vie du général de Gaulle.
08:58Et donc, la cour avait répondu
09:01de façon un peu cinglante en disant
09:03attendu que la vie et l'action du général de Gaulle
09:08n'appartiennent pas à sa famille,
09:10mais à l'histoire.
09:12Donc, elle était évidemment libre.
09:14– Alors curieusement, ça c'est une pièce classique,
09:16mais la base de la découverte du spectacle,
09:19pour vous, c'est votre grand-mère,
09:21notamment avec cette opérette.
09:23– La bonne auberge du cheval blanc,
09:27ses jours aimables et troublants.
09:30– L'auberge du cheval blanc qui a été créée en France en 1948,
09:35au Châtelet, et qui a totalisé plus de 1700 représentations.
09:39Et ça, ça a été un déclic pour vous, un premier déclic.
09:41– Oui c'est ça, je connaissais les interprètes par cœur,
09:46façon d'interprétation surtout.
09:48C'était Colette Ridinger, je me souviens, qui jouait Josépha,
09:50la patronne de l'auberge du cheval blanc.
09:52Et Luc Barnet, qui jouait Léopold, le maître d'hôtel,
09:55qui se mourait d'amour pour la dite Josépha.
09:58Alors c'est vrai que c'était une chose assez curieuse,
10:01parce que ça se passait quand même en Bavière,
10:04et l'Allemagne avait été certes défaite,
10:09mais l'occupation allemande n'était pas très loin.
10:11Donc c'était quand même étonnant.
10:13C'était une œuvre autrichienne, je crois,
10:15et qui avait été excellemment traduite et adaptée en français.
10:20– Et il y a eu un autre déclic, je crois que c'est votre mère
10:24qui vous a emmené voir l'annonce faite à Marie de Paul Claudel, à Carcassonne.
10:28– D'où mon grand éclectisme en matière de théâtre, si vous voulez.
10:32Parce que pour moi le théâtre…
10:34Donc j'ai grandi dans cette petite ville de Limoux,
10:38qui est la sous-préfecture de l'Aude,
10:40et en fait le théâtre c'était soit Carcassonne,
10:43il y avait le festival de la cité qu'avait créé
10:45l'extraordinaire Jean Deschamps à l'époque,
10:48et puis de l'autre côté il y avait le théâtre du Capitole à Toulouse.
10:52Alors ma grand-mère c'était plutôt, si vous voulez,
10:56les opérettes et Louis Mariano,
10:58et on a vu pas mal de choses comme ça.
11:01Et puis ma mère c'était un théâtre plus sérieux,
11:05déjà un théâtre peut-être chrétien, puisqu'on parle de Paul Claudel,
11:09et ça a été donc cette révélation de l'annonce faite à Marie.
11:13– Voilà, ça c'était justement un théâtre de festival,
11:16et un festival est important aussi dans votre vie,
11:18on va l'évoquer à travers une autre date, le 20 juillet 2000.
11:22A tout de suite sur Sud Radio avec Jean-Marie Besset.
11:26– Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
11:29– Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Jean-Marie Besset,
11:32nous parlerons tout à l'heure de cette pièce,
11:34De Gaulle apparaît en songe à Emmanuel Macron,
11:37qui est une fantaisie politique,
11:39on en revient à votre parcours, on a évoqué au début votre première pièce,
11:42mais le 20 juillet 2000, il y a un événement,
11:45une légende vient dans un festival écouter sa voix.
11:50– Au début c'est un titre de film par exemple.
11:53– Annie Girardot, car Annie Girardot a relevé un défi un jour que vous lui avez lancé,
11:58lire ou raconter un monologue d'un auteur anglais,
12:01Alan Bennett, qui s'appelait Boulin à parole.
12:04– Voilà, ça s'appelait, en fait c'est une série de monologues
12:08qu'Alan Bennett, immense auteur britannique toujours en vie,
12:13a écrit à l'époque pour la BBC,
12:16et puis c'est Maggie Smith qui a interprété certains de ses monologues,
12:20et là, lorsque j'ai eu l'idée de, enfin à l'initiative,
12:26le maire de Limoux s'il voulait m'a dit,
12:29c'est l'année où j'avais eu mon Molière pour l'adaptation de la pièce Copenhague,
12:33il m'a dit, mais est-ce que tu ne pourrais pas réfléchir
12:36à une façon d'animer Limoux en été,
12:38parce qu'il n'y avait plus de théâtre à Limoux du tout,
12:41c'était une région, une petite ville dans un milieu rural,
12:45très éloignée du théâtre là aussi,
12:48et donc j'ai eu l'idée de mettre sur pied ce festival de théâtre
12:52qui était à l'époque, comme on n'avait pas beaucoup de moyens,
12:55pas des spectacles totalement montés,
12:57mais des lectures-spectacles de pièces,
12:59c'était à l'époque très peu, très peu,
13:02depuis ça a fait école si vous voulez,
13:04on est 26 ans plus tard, donc évidemment,
13:06là maintenant tout le monde fait des lectures-spectacles,
13:08mais à l'époque c'était nouveau,
13:10et donc Annie Girardot est venue interpréter ce monologue
13:13avec Maya Simon qui jouait un autre monologue d'Alain Bennett.
13:17Elle était à l'époque assez fatiguée,
13:19elle ne s'était jamais remise de cette revue
13:21qu'elle avait montée, revue et corrigée
13:23qui était au Casino de Paris,
13:24elle voulait sauver le Casino de Paris,
13:26et ça lui a coûté sa fortune et beaucoup de choses,
13:28et elle jouait encore Madame Marguerite,
13:30mais on sentait que c'était plus la Girardot
13:32qu'on avait connue, hélas.
13:34Alors, il se trouve que ce festival,
13:36c'était aussi pour découvrir des comédiens,
13:38il y a Jacques Rossner qui est venu,
13:40il y a Jean-Pierre Daroussin, il y a Marianne Bastler,
13:42et vous avez même accueilli un jour un prix Nobel,
13:44Zhao Jingzhong.
13:46Oui, ça c'était une pièce qui était formidable,
13:49qui s'appelait 4 Quatuors pour un Week-end,
13:51où il y avait aussi d'ailleurs mon ami Maya Simon.
13:55Mais avoir un prix Nobel,
13:57en plus je crois qu'il vit toujours en France aujourd'hui,
14:00il a eu quelques soucis avec la Chine,
14:02et c'est lui qui a traduit en mandarin
14:04Ionesco, Prévert et quelques autres.
14:06Voilà, quelques-uns comme ça,
14:08c'est un auteur tout à fait passionnant,
14:10comme sont souvent les Chinois.
14:12Et donc pour vous Jean-Marie Besset,
14:14c'est une façon de faire découvrir un certain théâtre
14:16à un public qui ne le connaît pas forcément,
14:18et qui n'a pas accès.
14:19Si vous voulez, à Limoux,
14:21on a eu un académicien français au 19ème siècle,
14:24moi-même j'ai échoué pour le moment à l'académie,
14:26mais enfin, je n'ai pas dit peut-être mon dernier mot,
14:29et en tout cas, nous avions un académicien français
14:31qui s'appelait Alexandre Guirault,
14:33qui a été élu dans les années 1830
14:35à l'académie française,
14:37contre la Martine d'ailleurs.
14:39Et en fait, Alexandre Guirault
14:42a fait venir à Limoux,
14:44notamment dans le théâtre de Limoux,
14:46il y avait un théâtre à l'époque,
14:48et il a fait venir la grande Rachel,
14:50qui a joué Phèdre à Limoux.
14:52Donc il y avait quand même une tradition
14:54qu'avait inaugurée en tout cas
14:56cet Alexandre Guirault à Limoux,
14:58qui a perduré jusqu'au début du 20ème siècle,
15:03et puis ensuite, la guerre venant,
15:08l'heure n'était plus au théâtre,
15:10on croyait au cinéma,
15:12si bien que le dernier théâtre de Limoux
15:14a été transformé en cinéma en 1971.
15:16Alors aujourd'hui, on le regrette,
15:18et on est en train de construire de nouveau
15:20un théâtre à Limoux.
15:22Il se trouve que Villa-Lucaux vous a permis
15:24d'être découvert par le public, par les critiques,
15:26on vous a ouvert les portes du théâtre,
15:28et finalement, il y a des grandes actrices
15:30comme Marie-France Pizier, Sabine Audepin
15:32ou Daniel Delorme qui sont venues jouer vos pièces.
15:34Daniel Delorme, ce n'était pas évident.
15:36J'ai eu la chance d'avoir de grandes interprètes.
15:38J'ai eu Pierre Vanec, qui jouait dans ma pièce
15:40La Fonction, un grand acteur.
15:42J'ai eu Christophe Malavoie,
15:46Samuel Labarque, plus récemment,
15:48Robert Plagnol,
15:50il y a eu Guillaume Canet,
15:54qui jouait dans mes premières pièces,
15:56Romain Duris...
15:58Mais à chaque fois, il faut convaincre le comédien
16:00de venir au théâtre,
16:02ce n'est pas toujours évident, Jean-Marie Bessé.
16:04Non, c'est même très peu évident
16:06aujourd'hui, parce que
16:08il n'y a pas beaucoup de...
16:12Il y a eu une époque
16:14où il y avait des jeunes acteurs
16:16qui étaient moteurs
16:18et qui faisaient du théâtre.
16:20Aujourd'hui, les jeunes acteurs qui seraient moteurs,
16:22que les gens ont envie de voir quand ils viennent au théâtre,
16:24il y en a très peu.
16:26Il y avait Gaspar Ulliel qui avait joué une pièce
16:28avec Michel Faux,
16:30une pièce de Joe Horton,
16:32Entertainer Mr. Sloan...
16:34Mais à part ça,
16:36aujourd'hui, si vous essayez d'avoir
16:38Pierre Ninet,
16:40Louis Garrel,
16:42des gens qui captivent tout le monde,
16:46c'est assez difficile
16:48de les amener au théâtre,
16:50qui font beaucoup de cinéma, évidemment.
16:52Alors que jadis,
16:54on pouvait venir trois ans au théâtre avec une pièce
16:56et aujourd'hui, sans représentation,
16:58c'est un maximum pour les acteurs.
17:00Parce que le théâtre, il n'est pas question...
17:02Le théâtre, si vous voulez, restera toujours
17:04un art noble
17:06parce que, finalement,
17:08ce n'est pas une affaire d'argent.
17:10Il y a eu la France avec vos pièces
17:12et il y a eu les Etats-Unis, parce qu'au départ,
17:14votre but, c'était de travailler à New York,
17:16Jean-Marie Bessé.
17:18Eh bien, si vous voulez,
17:20je suis allé au départ à New York.
17:22New York a été un éblouissement.
17:24Quand je suis arrivé à New York
17:26en 1980,
17:28la première fois,
17:30je faisais mon stage
17:32pour l'école de commerce, l'ESSEC,
17:34un stage à l'ambassade de France.
17:36Oui, car vous avez fait des études
17:38pour rassurer vos parents.
17:40Oui, j'ai fait des études pour rassurer mes parents.
17:42J'ai fait l'ESSEC et Sciences Po.
17:44Mais, tout le temps,
17:46je voulais être acteur.
17:48J'ai passé le conservatoire d'arts dramatiques.
17:50J'ai eu le premier tour.
17:52A l'époque, il n'y avait que deux tours.
17:54On prenait 100 personnes au premier tour
17:56sur 2000 et ensuite, au deuxième tour,
17:58on en prenait 20 sur 100.
18:00Mais je n'ai pas eu le deuxième tour
18:02parce qu'il n'y avait pas Michel Bouquet
18:04dans le jury du deuxième tour.
18:06Michel Bouquet vous a aidé au départ
18:08lorsque vous avez tenté d'entrer au conservatoire.
18:10Eh bien, j'ai appris que c'est grâce à lui
18:12que j'avais été reçu au premier tour du conservatoire.
18:14C'était le monologue du Chant de Lié.
18:16On ne peut pas imaginer plus sérieux,
18:18plus précis que Michel Bouquet.
18:20Il m'a un jour raconté que quand il n'arrivait pas
18:22à se mettre un personnage dans la tête,
18:24il pouvait tout casser autour de lui
18:26tellement il s'énervait.
18:28C'est quelqu'un qui a beaucoup compté dans ma vie
18:30et malheureusement, c'est lui qui devait jouer
18:32Pétain dans ma première pièce Villa-Luco
18:34et puis ça ne s'est pas fait.
18:36Jacques Rossner devait le faire
18:38puis il ne l'a pas fait.
18:40Le temps a passé.
18:42Il se trouve aussi qu'à l'époque,
18:44vous preniez des cours chez Jean-Laurent Cachet
18:46et vous avez caché à Cochet
18:48que vous alliez au conservatoire.
18:50Oui, parce qu'à l'époque, il avait claqué
18:52la porte du conservatoire avec Persez-Fracas
18:54et si on n'osait s'inscrire
18:56au concours du conservatoire,
18:58on était immédiatement viré de son cours.
19:00Donc en fait, si vous voulez,
19:02j'ai usé un stratagème,
19:04j'ai pris un anagramme de mon nom.
19:06Jean-Marie Bessé, c'est devenu Sébastien Gemaert
19:08et en fait, il m'a connu
19:10sous le nom de Sébastien Gemaert
19:12et il m'aimait beaucoup dans son cours.
19:14Et ensuite, quand j'ai réussi,
19:16quand on a commencé à parler de moi
19:18parce que mes premières pièces étaient jouées,
19:20alors qu'elle n'a pas été son étonnement
19:22un jour de s'apercevoir que Sébastien
19:24était en fait Jean-Marie.
19:26Il se trouve aussi qu'à New York,
19:28vous êtes là-bas parce que vous adorez Broadway
19:30et vous rêvez d'être monté à Broadway,
19:32Jean-Marie Bessé, et pour un Français,
19:34c'est pas évident.
19:36C'était pas évident, mais s'il voulait,
19:38d'une part, pour parler
19:40de ma vie personnelle,
19:42disons, j'étais tombé amoureux
19:44d'un jeune Américain,
19:46enfin de mon âge,
19:48et donc, s'il voulait,
19:50il y avait un niveau de liberté
19:52là-dessus à New York qui n'existait pas
19:54à Paris.
19:56C'était encore, c'était juste
19:58avant que François Mitterrand
20:00soit élu, que Robert Badinter
20:02fasse passer sa loi
20:04qui décriminalisait finalement
20:06les relations homosexuelles,
20:08pour la première fois,
20:10depuis la Révolution,
20:12depuis que ça avait été recriminalisé
20:14sous Vichy.
20:16Et en fait,
20:18s'il voulait, on pouvait
20:20à New York,
20:22un garçon pouvait se promener
20:24main dans la main avec un autre garçon,
20:26une fille avec une autre fille,
20:28à New York, ça ne posait pas de problème.
20:30À Paris, ça n'était pas possible en 1980.
20:32On pouvait être arrêté
20:34encore pour homosexualité à Paris
20:36en 1980. Les gens ne se rendent pas compte
20:38parce qu'aujourd'hui, je parle à des jeunes gens
20:40qui, évidemment,
20:42ont profité des combats
20:44de leurs aînés, de notre génération à nous.
20:46Mais, s'il voulait, à l'époque,
20:48je suis allé à New York, d'une part
20:50parce que j'ai suivi là-bas
20:52un Américain que j'avais rencontré
20:54et avec qui j'ai vécu,
20:56voilà, on est toujours
20:58amis,
21:00à l'heure où je vous parle,
21:02ça s'est passé
21:04en 1980.
21:06Et d'autre part, alors, d'un point de vue
21:08de l'art du théâtre,
21:10j'étais un peu comme
21:12les exilés de Coblence au moment de la Révolution,
21:14parce que le théâtre français
21:16divaguait
21:18complètement. A l'époque, ça déraillait total.
21:20Il y en a encore
21:22aujourd'hui des séquelles,
21:24mais à l'époque, les
21:26grands metteurs en scène,
21:28le théâtre
21:30était devenu un art du metteur en scène,
21:32c'est-à-dire le comédien
21:34et l'auteur passaient vraiment au
21:36second plan, au troisième plan.
21:38Et, si vous voulez,
21:40les metteurs en scène passaient leur
21:42temps soit à
21:44relire Shakespeare,
21:46soit à monter
21:48des textes qui n'avaient rien de théâtral,
21:50c'est-à-dire des
21:52minutes de procès,
21:54des compte-rendus de conseils
21:56de classe, des choses
21:58qui étaient... Ça faisait l'essentiel
22:00des spectacles.
22:02On parle aujourd'hui d'écriture de plateau,
22:04si vous voulez.
22:06Tout ça parce que, moi, dans mon esprit,
22:0868 était passé par là
22:10et
22:12l'auteur de théâtre,
22:14le mot auteur a sûrement la même racine
22:16que le mot autorité.
22:18Mais 68
22:20ayant voulu jeter à bas
22:22en France toute autorité,
22:24l'auteur
22:26dramatique était suspect.
22:28Et les mots
22:30même de théâtre,
22:32d'auteur dramatique, de dramature,
22:34j'étais devenu tout à fait
22:36suspect.
22:38Si bien qu'aujourd'hui, si vous voulez,
22:40dans toute une presse de gauche,
22:42on ne parle plus de théâtre, on parle des arts
22:44de la scène. J'ai bien vu, même
22:46récemment,
22:48on parlait du renouveau
22:50de l'émission Le Masque et la Plume
22:52et il n'y a plus marqué théâtre.
22:54Il y a une émission consacrée
22:56à la littérature, une autre
22:58aux arts de la scène et une troisième
23:00au cinéma, c'est-à-dire
23:02le cinéma et les lettres ont gardé leur mot
23:04mais le théâtre, lui,
23:06a disparu de la circulation.
23:08Mais pour vous, il n'a pas disparu. On va évoquer une autre
23:10date importante dans votre vie, le 4 novembre
23:122009. A tout de suite sur Sud Radio
23:14avec Jean-Marie Besset.
23:16Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessis.
23:18Sud Radio, les clés d'une vie.
23:20Mon invité Jean-Marie Besset. Tout à l'heure,
23:22nous évoquerons De Gaulle à Paris-en-son,
23:24Jean-Emmanuel Macron qui débute le 4 février
23:26au Dejazet. On revient à votre
23:28parcours, on a évoqué vos
23:30premières pièces et le 4
23:32novembre 2009, c'est
23:34une nomination qui fait du bruit, il n'y a pas
23:36d'autre mot pour ça. Vous êtes nommé
23:38à la tête du Théâtre des Treize Vents,
23:40le centre dramatique de Montpellier et ça
23:42a fait effectivement beaucoup parler.
23:44Eh oui.
23:46En fait, vous êtes nommé
23:48et il y a un déchaînement contre
23:50vous que vous n'imaginiez pas.
23:52Ah oui, ça a été incroyable.
23:54Ça a été invraisemblable.
23:56C'est-à-dire que les gens ne voulaient pas de vous.
23:58Voilà, dans le théâtre public.
24:00Parce que si vous voulez...
24:02J'ai compris
24:04un peu tard,
24:06déjà,
24:08vous savez, en France, il y a la guerre
24:10des...
24:12une guerre tribale entre le public
24:14et le privé.
24:16Savary avait une bonne formule, il disait
24:18entre le public et le privé. Dans le théâtre privé,
24:20les spectateurs connaissent
24:22les noms de tous les comédiens. Dans le public, c'est l'inverse.
24:24Voilà. Ceux qui sont sur la scène,
24:26dans le public, c'est l'inverse.
24:28Mais au-delà de ça, si vous voulez,
24:30il y a une question...
24:32Ça regroupe
24:34grosso modo, ça recoupe
24:36grosso modo le distinguo droite-gauche
24:38qui existait
24:40très vivement dans notre pays.
24:42Et puis,
24:44c'était d'un côté l'art
24:46du metteur en scène, comme je vous disais
24:48tout à l'heure, et
24:50de l'autre côté, plutôt
24:52les auteurs. Les auteurs
24:54et les comédiens, vedettes.
24:56Et donc,
24:58ils oubliaient. Alors du coup,
25:00si vous voulez, c'est très bizarre parce que
25:02ce théâtre public,
25:04il en a oublié
25:06d'être
25:08le contemporain de lui-même. C'est-à-dire
25:10qu'il a oublié
25:12de faire
25:14vivre les auteurs d'aujourd'hui.
25:16C'est-à-dire les auteurs d'aujourd'hui,
25:18par exemple, les auteurs,
25:20les grands auteurs
25:22que sont... Enfin, pour moi, c'est les plus grands
25:24auteurs de la seconde moitié du XXe siècle,
25:26si vous voulez, c'est Edward Albee
25:28en Amérique, Harold Pinter
25:30en Angleterre. Voilà deux auteurs
25:32qui ont été joués dans le théâtre privé
25:34à Paris. C'est Claude Régis qui les a
25:36montés, d'ailleurs, avec Jean Rochefort, Delphine Serig,
25:38enfin, des gens comme ça, ou
25:40Françoise Fabian, enfin...
25:42Ça a été Annie Gerardo.
25:44Enfin, il y a eu...
25:46Mais c'était dans le théâtre privé.
25:48Alors que l'État public, lui, était incapable
25:50de faire vivre ses auteurs et
25:52passer son temps, comme je vous disais tout à l'heure,
25:54aussi à remonter Shakespeare.
25:56Pas vraiment Shakespeare, Shakespeare en traduction
25:58contemporaine. Bien sûr. Là, cette fois-ci,
26:00c'est grâce à Frédéric Mitterrand, qui est alors
26:02ministre de la Culture, qui aime le théâtre,
26:04qui a pris des risques au cinéma. Il ne faut pas oublier
26:06qu'il a été
26:08acteur, lui, au début.
26:10A 12 ans, il a joué dans Fortuna, avec
26:12Michel Morgan et Bourville, et il a découvert
26:14un univers qu'il n'a plus jamais quitté.
26:16Et là, il vous a défendu et vous avez pu,
26:18pendant 3 ans, travailler
26:20alors qu'au départ, personne ne voulait de vous, Jean-Marie Bessé.
26:22Moi, je trouve que
26:24si vous voulez, Frédéric Mitterrand,
26:26en effet,
26:28c'était un grand ministre
26:30de la Culture, parce qu'il savait de quoi
26:32il parlait. Il allait au théâtre.
26:34Moi, il m'a reçu à la radio pour plusieurs
26:36de mes pièces. C'est comme ça qu'on se connaissait.
26:38Les gens ont insinué que j'étais
26:40son ami ou son compagnon, je ne sais pas quoi,
26:42jamais de la vie. On se connaissait tout juste,
26:44mais on se connaissait parce qu'ils
26:46connaissaient mes pièces, en fait.
26:48Parce que moi, je ne devais être jugé
26:50que sur mes pièces.
26:52En fait, si j'ose dire,
26:54parce que les gens
26:56qui étaient, par exemple, hostiles à mon arrivée à Montpellier
26:58ne me connaissaient pas du tout.
27:00Ils ont occupé le théâtre de Montpellier
27:02en décembre
27:042009
27:06pour protester contre ma nomination.
27:08Vous vous rendez compte ?
27:10Alors, ils étaient rassemblés,
27:12parlementés, voilà.
27:14Ils étaient 200 peut-être, dans le hall
27:16du théâtre de Montpellier.
27:18Et moi, je déjeunais avec le drac.
27:20Et je lui ai dit « Mais je vais y aller, les voir, les rencontrer,
27:22ces gens qui sont hostiles. »
27:24Alors, je lui ai dit « Vous venez avec moi ? »
27:26Non, le drac, il m'a dit « Non, non, monsieur Bessé,
27:28allez-y. Enfin, n'y allez pas,
27:30c'est dangereux, etc. »
27:32Je me suis dit « Mais qu'est-ce qu'ils ne vont pas, quand même,
27:34me tuer, si j'y vais ? »
27:36Donc, j'y suis allé, et ils ne me connaissaient pas.
27:38Je suis entré dans le hall, et puis, j'ai pris la parole.
27:40Je leur ai dit « Écoutez, excusez-moi, mais Jean-Marie Bessé,
27:42c'est moi, donc je voudrais savoir.
27:44Je suis là pour m'expliquer, mais je voudrais savoir
27:46ce que vous pouvez me reprocher.
27:48Et est-ce que vous avez lu mes pièces ? Est-ce que vous me connaissez ?
27:50Est-ce que vous connaissez mon travail ?
27:52Est-ce que vous savez ce que je fais depuis 30 ans ? »
27:54Parce que, si vous voulez, c'était très étrange,
27:56cette histoire-là.
27:58Parce que j'avais été nommé par Georges Frech
28:00et Frédéric Mitterrand.
28:02Et donc, je me suis aperçu par la suite
28:04que, si vous voulez, les CDN,
28:06les 40 CDN qui existent en France,
28:08les centres dramatiques nationaux,
28:10et puis les 80 scènes nationales,
28:12c'était en fait des fromages,
28:14si vous voulez.
28:16Des fromages que se répartissaient
28:18les gens du SINDEAC,
28:20le syndicat d'entreprises publiques.
28:22Voilà.
28:24Et d'ailleurs,
28:26quand j'ai été nommé à Montpellier,
28:28je suis allé à une réunion du SINDEAC,
28:30et j'étais très surpris,
28:32parce que, si vous voulez,
28:34à l'époque, Frédéric Mitterrand était
28:36ministre de la Culture.
28:38Et au lieu de discuter des mesures
28:40que prenait Frédéric Mitterrand
28:42pour la culture,
28:44à l'époque, toute la réunion,
28:46qui durait 3 heures ou 4 heures,
28:48était consacrée aux propositions de Martine Aubry,
28:50dont on imaginait à l'époque
28:52qu'elle allait être la candidate
28:54du Parti socialiste
28:56au présidentiel, je sais pas quoi,
28:58qui allait être
29:00ministre de la Culture, qui devait venir à Avignon.
29:02Et donc, moi, j'avais pris la parole,
29:04au bout de 2 heures, je leur avais dit
29:06« Mais vous croyez pas qu'au lieu de discuter
29:08des propositions de Martine Aubry,
29:10qui peut-être ne sera jamais en poste,
29:12vous feriez mieux de parler de celles
29:14qui nous occupent actuellement ? »
29:16Alors ça avait été, là aussi, un tollé.
29:18Je mettais les pieds dans le plat.
29:20En tout cas, vous avez tenu 3 ans,
29:22vous avez monté des pièces qui étaient des succès.
29:244 ans.
29:26Vous avez monté Oscar Wilde, qui a ensuite été repris
29:28à Paris, ce qui n'était pas si fréquent.
29:30Car Oscar Wilde, à l'époque, on n'en parlait plus guère.
29:32Non, non.
29:34J'ai monté « L'importance d'être sérieux »,
29:36puisque je suis revenu au titre
29:38original de la pièce.
29:40Et en fait, Myriam de Colombie
29:42m'a gentiment invitée
29:44à présenter le spectacle, ensuite,
29:46au Théâtre Montparnasse,
29:48où ça a été un beau succès.
29:50Et on a un peu oublié qu'Oscar Wilde
29:52est mort dans la misère à Paris,
29:54dans une chambre d'hôtel à Saint-Germain-des-Prés.
29:56Et il disait « Mon papier peint et moi,
29:58nous livrons un duel à la mort.
30:00L'un ou l'autre va devoir s'en aller. »
30:02Voilà, ce sera lui ou moi.
30:04Et c'est vrai que vous avez aussi,
30:06vous êtes revenu à votre métier d'auteur,
30:08mais vous avez eu aussi l'expérience du théâtre privé
30:10en dirigeant le Théâtre de l'Atelier
30:12pendant quelque temps.
30:14Voilà, j'ai succédé à Frédéric Franck,
30:16c'est-à-dire Laura Pelz,
30:18qui nous a quittés,
30:20elle aussi, malheureusement.
30:22Laura Pelz avait acheté le Théâtre de l'Atelier
30:24à Barsac
30:26et a fait du théâtre à l'atelier.
30:28Et elle était justement
30:30dans cette espèce de troisième voie
30:32du théâtre français,
30:34qui était certes dans le théâtre privé,
30:36mais avec un goût
30:38de la littérature dramatique
30:40et un vrai sens du théâtre.
30:42Elle a fait venir Jacques Lassalle,
30:44elle a fait venir Jean-Claude Carrière,
30:46elle a fait venir...
30:48Des gens qui aiment le théâtre.
30:50Jean-Pierre Mariel,
30:52des grands acteurs
30:54au service de grands textes de théâtre.
30:56Il y a justement le côté acteur
30:58que vous avez aussi, Jean-Marie Besset.
31:00Je crois que ça a commencé comme figurant
31:02à la comédie française.
31:04Oui, parce que quand j'étais
31:06en cours chez Jean-Laurent Cochet,
31:08comme je faisais des études à côté,
31:10pour gagner de l'argent de poche,
31:12j'avais été engagé comme figurant
31:14à la comédie française.
31:16A l'époque, il y avait tout un département de figurants,
31:18je ne sais pas si ça existe toujours,
31:20mais à l'époque, c'était formidable.
31:22Jean-Luc Boutet m'avait
31:24remarqué et m'avait choisi
31:26pour jouer un des quatre
31:28gardes noirs dans sa
31:30mise en scène de Marie Tudor,
31:32avec Christine Fersen,
31:34Marcel Tristani,
31:36des gens formidables, Richard Fontana.
31:38Et vous êtes revenu à la comédie française
31:40comme auteur, comme adaptateur.
31:42Voilà, avec Arcadia.
31:44Il ne me reste plus qu'à être un jour
31:46acteur dans cette maison.
31:48Et puis, le côté acteur,
31:50je ne sais pas si vous vous en souvenez,
31:52il a débuté à la télévision par un tout petit rôle
31:54dans cette série.
32:00Vos débuts d'acteur, Jean-Marie Besset,
32:02c'est dans les cinq dernières minutes, un client
32:04dans un épisode qui s'appelle
32:06La Chine à Paris.
32:08J'étais au puce de
32:10Clignancourt et je marchandais,
32:12je ne sais quoi,
32:14d'un chiffonnier,
32:16enfin pas d'un chiffonnier, d'un brocanteur.
32:18Et vous étiez,
32:20on vous avait appelé, c'était vraiment au tout début.
32:22Et résultat d'auteur
32:24et d'acteur, vous êtes passé à la réalisation
32:26avec un film qui a été
32:28un événement, un film qui s'appelle
32:30La fille et le garçon, avec notamment
32:32Ariel Domballe. Ça aussi, c'était une autre aventure.
32:34Oui, c'est ça.
32:36Plus je vieillis
32:38et plus je me retrouve
32:40dans une admiration
32:42pour Marguerite Duras,
32:44dont je trouve qu'elle a eu
32:46une grande liberté de création.
32:48Elle est passée
32:50de...
32:52C'était...
32:54Elle a finalement
32:56compris très vite
32:58qu'on pouvait faire du cinéma aussi
33:00et du cinéma autrement.
33:02Et moi, j'ai eu une passion
33:04pour le cinéma de Marguerite Duras, vraiment.
33:06C'est-à-dire India Song, c'est un film
33:08que j'ai peut-être vu cinquante fois,
33:10qui a été même mon film de chevet
33:12quand j'ai écrit certaines pièces, notamment la pièce
33:14Le banquet d'Auteuil. Curieusement,
33:16peut-être qu'on n'y pense pas quand on voit Le banquet d'Auteuil,
33:18mais India Song, c'est le film
33:20qui a été mon film de chevet
33:22que je regardais en boucle, comme ça.
33:24J'ai tous les DVD des films de Marguerite Duras.
33:26Et elle a fait un cinéma littéraire.
33:28Je crois que c'est Godard,
33:30d'ailleurs, Jean-Luc Godard, qui avait dit
33:32mais aujourd'hui, le cinéma avec les caméras
33:34Super 8, tout le monde peut en faire, etc.
33:36Vous avez de la chance, les jeunes gens,
33:38parce que tout le monde peut faire du cinéma.
33:40Et aujourd'hui, en effet, je peux affirmer
33:42qu'en 2025,
33:44on peut faire du cinéma n'importe où.
33:46Moi, je vis à Limoux, j'ai réalisé
33:48deux films à Limoux,
33:50parce qu'aujourd'hui, le montage,
33:52les caméras, tout ça, c'est numérisé,
33:54donc on peut en faire n'importe où.
33:56Ça coûte beaucoup moins cher.
33:58C'est possible de faire un film.
34:00Sans famille, certaines scènes
34:02de ce film ont été tournées aussi à Limoux
34:04voici quelques années.
34:06Il se trouve aussi que vous avez appelé
34:08l'œuvre de votre vie une pièce
34:10que vous avez mis 30 ans, vraiment,
34:12à écrire, qui est
34:14autour de Jean Moulin.
34:16Oui, alors ça, c'est
34:18vrai que j'ai commencé
34:20donc on va parler tout à l'heure de
34:22De Gaulle et Macron, mais pour le moment,
34:24si vous voulez, ma première pièce était autour de
34:26De Gaulle, c'était
34:28De Gaulle, et ensuite, donc c'était
34:30De Gaulle-Pétain, ensuite j'ai écrit
34:32une seconde pièce, De Gaulle-Moulin,
34:34j'en ai écrit une troisième,
34:36De Gaulle-Macron, et
34:38je viens d'en terminer une quatrième,
34:40qui est De Gaulle-Paul Reynaud, parce que
34:42voilà, c'est un personnage
34:44comme ça. Mais De Gaulle,
34:46alors pourquoi De Gaulle, si vous voulez, parce que
34:48finalement, De Gaulle
34:50et Moulin,
34:52alors Moulin,
34:54parce que je me suis un peu identifié à Moulin,
34:56pour ne rien vous cacher, c'est-à-dire,
34:58parce que Moulin est de Béziers,
35:00d'une petite ville d'Occitanie, moi je suis
35:02de Limoux, donc on a
35:04en commun un milieu
35:06de la bourgeoisie modeste,
35:08enfin de la petite bourgeoisie, si vous voulez,
35:10des gens qui étaient, enfin son père
35:12était enseignant,
35:14mon père avait fait
35:16Subdeco Toulouse, il était directeur de
35:18cave coopérative, ma mère était
35:20pharmacien, la mère de Jean Moulin était
35:22femme au foyer, certes,
35:24mais enfin sa soeur est devenue
35:26professeure d'anglais,
35:28donc même milieu,
35:30etc, comme ça, les parents de Jean Moulin
35:32sont venus à Limoux d'ailleurs,
35:34et ont acheté de la blanquette pour servir
35:36au mariage de Jean Moulin,
35:38puisqu'il est resté marié qu'un an,
35:40mais enfin, il y a eu un mariage quand même
35:42qui a eu lieu, et puis ensuite,
35:44il est allé à Londres, moi j'ai fait mon service
35:46national à Londres,
35:48et chaque fois que je parlais,
35:50marchais à Londres sur le mall, et que je passais
35:52devant Carlton Gardens,
35:54je me disais, mais quand même, un jour, il faudra écrire
35:56la rencontre de De Gaulle
35:58et de Moulin, parce qu'on ne sait pas
36:00ce qu'ils se sont dit, il n'y a aucun,
36:02enfin les historiens
36:04sont, voilà,
36:06sans réponse,
36:08puisque
36:10on n'a aucun échange de De Gaulle
36:12et de Moulin, et lui-même
36:14n'a rien dit,
36:16révélé de leurs échanges réels,
36:18donc c'est un matériau
36:20extraordinaire pour un dramaturge,
36:22puisque moi j'avais une prof d'art dramatique à New York,
36:24Stella Adler,
36:26qui disait, les pièces sont
36:28là où la vie a besoin d'aide,
36:30et voilà, et alors en fait,
36:32j'ai écrit cette pièce, parce que
36:34j'ai imaginé
36:36la rencontre de De Gaulle,
36:38plusieurs rencontres entre De Gaulle et Jean Moulin.
36:40Et donc il y a l'autre rencontre De Gaulle-Macron,
36:42elle débute le 4 février 2025,
36:44on en parle dans quelques instants sur Sud Radio,
36:46avec Jean-Marie Bessé.
36:48Sud Radio, les clés d'une vie,
36:50Jacques Pessis. Sud Radio, les clés d'une vie,
36:52mon invité Jean-Marie Bessé,
36:54on a évoqué votre parcours,
36:56on a évoqué justement De Gaulle avec Jean Moulin,
36:58et puis à vos débuts, et le 4 février
37:002025, dans quelques jours,
37:02débute au Théâtre de Jazé
37:04une pièce intitulée
37:06« De Gaulle apparaît en songe à Emmanuel Macron ».
37:08Et c'est vraiment quelque chose,
37:10le titre correspond vraiment à la réalité,
37:12vous avez imaginé une histoire
37:14où Macron, à l'Élysée,
37:16voit le fantôme du général De Gaulle.
37:18Oui, parce que, si vous voulez,
37:20mais enfin je voudrais quand même
37:22préciser que si j'ai écrit déjà
37:244 pièces autour du général
37:26De Gaulle, c'est pas juste
37:28pour faire des
37:30pièces sur l'histoire, ou sur un personnage
37:32historique. C'est pour parler de nous
37:34aujourd'hui que je parle de ça,
37:36si vous voulez. Je pensais à ça en écoutant
37:38le président Trump
37:40prononcer son discours
37:42inaugural, et j'étais, comme beaucoup de gens,
37:44je pense sidéré
37:46d'entendre vibrer
37:48la foi chrétienne de cet homme
37:50dans le destin de son pays.
37:52Voilà. Chose qu'on n'a pas
37:54entendu
37:56depuis peut-être le général De Gaulle, justement.
37:58Parce que, si vous voulez, le général De Gaulle
38:00avait quand même une idée
38:02du destin de la France, et du destin
38:04christique de la France, je veux dire.
38:06Oui, et en même temps, vous avez un point
38:08commun avec le général De Gaulle, vous êtes
38:10né le même jour à quelques décennies de différence.
38:12Voilà, nous avons 69 ans
38:14d'écart, puisque je suis né en 1959
38:16et lui en 1890.
38:18Et dans votre famille, le général De Gaulle
38:20était vraiment considéré comme quelqu'un
38:22d'important, voire d'essentiel.
38:24Oui, oui. Alors, je faisais la collection
38:26de timbres. Quand j'étais gosse, à l'époque,
38:28on faisait des collections de timbres. Alors, j'avais
38:30plein de timbres de De Gaulle, évidemment.
38:32Et puis, il y avait dans le grenier
38:34chez ma grand-mère, tout un tas
38:36des piles de lettres,
38:38où il y avait
38:40un timbre, et il y avait un monsieur,
38:42quand j'étais gosse, que je ne connaissais pas.
38:44Et ce monsieur, c'était
38:46le maréchal Pétain. Et toutes les lettres
38:48étaient affranchies à l'effigie
38:50du maréchal Pétain. Donc, j'avais
38:52tous les centimes
38:54du maréchal Pétain
38:56et tous les francs du maréchal Pétain.
38:58Et chaque fois que je disais
39:00« Mais qui c'est celui-là ? », on me disait
39:02« Oh, c'est compliqué, il faudra qu'on
39:04t'explique, etc. ». Et donc, en fait,
39:06psychanalytiquement, dans ma tête, si vous voulez,
39:08ma grand-mère est devenue
39:10le maréchal Pétain
39:12et ma mère est devenue
39:14la générale de Gaulle, si vous voulez. Alors,
39:16c'était très étrange, et c'est pour ça qu'en fait,
39:18j'ai l'air d'écrire sur De Gaulle
39:20et Pétain, ou De Gaulle
39:22et Moulin,
39:24ou De Gaulle et Macron. Mais en fait,
39:26j'écris une histoire qui est
39:28très, très enracinée
39:30dans ce que je suis. Enfin, voilà.
39:32– Tout à fait. Alors, cette fantaisie politique, comme vous
39:34l'a présenté, c'est une façon,
39:36c'est un dialogue imaginaire qui permet
39:38de raconter en même temps la France d'hier et celle
39:40d'aujourd'hui, Jean-Marie Besset.
39:42C'est-à-dire qu'il y a
39:44une phrase
39:46qui définit, peut-être,
39:48une réplique qui définit, peut-être,
39:50la pièce
39:52De Gaulle dit
39:54à Macron
39:56« Vous êtes un homme du changement,
39:58alors que moi, je suis frappé par la permanence
40:00des choses. » Et je crois
40:02que c'est ça, la différence, en fait.
40:04La grande différence entre les deux,
40:06c'est que, et c'est
40:08peut-être aussi la raison
40:10de tous les problèmes que rencontre
40:12la présidence
40:14d'Emmanuel Macron, c'est-à-dire, c'est lié
40:16à sa jeunesse, en fait.
40:18Maintenant, nous avons
40:20M. Bayrou qui est Premier ministre.
40:22Je pense qu'on a pris un vieil
40:24homme après avoir pris un homme jeune
40:26qui était Gabriel Attal. Et je pense que
40:28peut-être ça ira mieux, déjà.
40:30Voilà. Mais
40:32disons que chez
40:34De Gaulle, il y a vraiment
40:36une idée d'où vient
40:38la France, etc.
40:40Chez Macron, curieusement,
40:44le fait qu'il ait pu dire une phrase
40:46comme « Il n'y a pas de culture française »,
40:48si vous voulez, c'est une phrase que je ne
40:50relève pas dans ma pièce, parce que ma pièce...
40:52Enfin, je voulais pas entrer dans des polémiques
40:54ou des... Si vous voulez,
40:56c'est une phrase
40:58terrible. Enfin, moi, j'ai...
41:00Vous imaginez
41:02qu'il aille
41:04dire en Angleterre
41:06« Il n'y a pas de culture anglaise », ou qu'il aille
41:08dire en Allemagne « Il n'y a pas de culture allemande ».
41:10Ce serait impensable.
41:12– Et là, dans cette pièce, il faut bien savoir
41:14que vous êtes basé sur des faits d'actualité
41:16pour Emmanuel Macron et des faits historiques
41:18pour le général De Gaulle. Il y a une comparaison,
41:20il y a un dialogue autour de ce
41:22qu'ils ont vécu chacun à leur façon.
41:24Ça va des Gilets jaunes à la France de 40.
41:26– Voilà, c'est ça. Ça va de...
41:30De Gaulle finit par lui dire
41:32« Écoutez, moi, j'ai traversé une première guerre mondiale.
41:34Ensuite, j'ai traversé une seconde guerre mondiale.
41:36Ensuite, j'ai fait
41:38la décolonisation de nos territoires.
41:40Et vous ? »
41:42Demande-t-il à Macron.
41:44Et Macron répond
41:46« Ah, mais... » en réfléchissant
41:48deux secondes. « J'ai eu
41:50une épidémie d'amplitude mondiale.
41:52Et puis, ensuite, j'ai eu
41:54des Gilets jaunes. » Voilà.
41:56Ça fait rire les gens.
41:58Mais c'est pas très
42:00aimable de dire ça. Mais d'un autre côté,
42:02je pense que, si vous voulez,
42:04des gens de l'ampleur du général
42:06de Gaulle sont des gens
42:08qui ne sont pas faits...
42:10Ils sont comme l'albatros de Baudelaire.
42:12Ils ne sont pas faits pour les temps ordinaires
42:14ou pour le plancher
42:16de l'humanité. Ils sont faits pour
42:18le haut vol
42:20en permanence. – Vous évoquez
42:22aussi, et ça, c'est
42:24très important, c'est-à-dire le côté de Gaulle
42:26pendant la guerre où vous dites...
42:28Vous évoquez sa fureur parce que
42:306 juin 1944, il l'a appris au dernier moment.
42:32– Oui. Il l'a appris au dernier moment.
42:34Et en effet, de Gaulle...
42:36Si vous voulez, moi, c'est ce qui
42:38m'intéressait dans
42:40de Gaulle et Moulin.
42:42C'est-à-dire, par exemple, quand j'ai écrit « La pièce sur de Gaulle et Moulin »,
42:44si vous voulez, c'est que les deux se sont reconnus
42:46comme ayant fait chacun un coup de poker.
42:48C'est-à-dire, il y en a un qui dit, qui arrive
42:50à Londres alors qu'il n'est rien, qu'il
42:52n'est plus rien, qu'il est
42:54un ex ou secrétaire d'État dans un
42:56gouvernement qui n'existe plus.
42:58Il dit aux Anglais « La France, c'est moi ».
43:00Et Moulin arrive
43:02devant de Gaulle et lui dit, alors qu'il
43:04a rencontré à peine... – Macron.
43:06– Non, Moulin, je dis.
43:08À l'époque, il avait rencontré à peine
43:10les dirigeants des mouvements de résistance
43:12de la zone sud. Et il arrive devant de Gaulle
43:14et lui dit « La résistance, c'est moi ».
43:16Donc chacun s'est reconnu comme ayant
43:18fait un coup de poker, si vous voulez.
43:20Et Macron, aussi,
43:22il fait des coups de poker, d'une certaine façon.
43:24C'est un côté joueur.
43:26D'ailleurs, de Gaulle lui dit dans la pièce
43:28« Tenez, vous me rappelez Moulin ? »
43:30Et comme vous, il avait l'air de vouloir
43:32tout réconcilier, des choses impossibles.
43:34Enfin, voilà. – En fait, il y a aussi
43:36l'évocation des successeurs
43:38de Général de Gaulle, que ce soit Giscard,
43:40Mitterrand, Chirac. Et là aussi,
43:42vous imaginez la réaction de Général de Gaulle,
43:44Jean-Marie Besset. – Voilà, un peu, oui.
43:46C'est un peu facile.
43:48Mais disons que voilà.
43:50On n'entre pas dans les détails parce qu'on
43:52est quand même dans une
43:54– comme je dis – une fantaisie politique.
43:56J'ai deux interprètes
43:58exceptionnelles. Stéphane Dos,
44:00qui a déjà joué le Général de Gaulle dans
44:02Jean-Moulin Évangile. Et là, qui reprend
44:04le costume du Général. – Et qui ressemble
44:06au Général. – Et qui ressemble au Général de façon
44:08frappante, si bien que les gens viennent lui demander
44:10son autographe à la sortie,
44:12en étant tout étonné
44:14qu'il ne signe pas Charles de Gaulle.
44:16Et puis Nicolas Vial,
44:18qui est le fils de Pierre Vial, grand acteur du français,
44:20et qui est aussi un acteur
44:22remarquable, et qui
44:24endosse malicieusement
44:26le personnage et le costume
44:28d'Emmanuel Macron.
44:30– Il lui ressemble physiquement, d'ailleurs.
44:32– Oui, il lui ressemble aussi.
44:34Donc il y a une ressemblance. C'est quand même
44:36assez nécessaire quand on a des gens aussi
44:38identifiés. – Et derrière les ressemblances
44:40du Général de Gaulle, il y avait un comédien
44:42Adrien Kella-Legrand,
44:44qui jouait tout ce qui était possible et imaginable comme de Gaulle.
44:46On l'appelait « Mon Général » dans la rue,
44:48sinon il ne répondait pas. Et à sa retraite,
44:50on lui a donné une carte à vie permanente
44:52pour déjeuner gratuitement aux Invalides
44:54pour le remercier d'avoir géré le Général.
44:56Et il est arrivé en uniforme.
44:58– Mais en effet,
45:00si vous voulez, je pense que
45:02Emmanuel Macron est en effet
45:04assez obsédé, comme beaucoup d'hommes politiques.
45:06Vous me direz, mais lui particulièrement,
45:08puisqu'il occupe le palais de l'Elysée
45:10qu'a occupé le Général de Gaulle
45:12lui-même. Donc
45:14je pense que Macron est assez obsédé
45:16par le Général de Gaulle. Il y a pas mal de photos
45:18de sa photographe officielle
45:20où il est sous le portrait de De Gaulle,
45:22où il parle de De Gaulle, etc.
45:24Il ne cesse de...
45:26De Gaulle lui reproche, par exemple,
45:28à un moment donné, parce que ça se passe dans un petit salon.
45:30La pièce se passe dans un petit salon
45:32de l'Elysée du rez-de-chaussée,
45:34de l'aile gauche,
45:36où Macron,
45:38n'arrivant pas à dormir,
45:40pour ne pas déranger son épouse,
45:42est allé lire un livre.
45:44Et puis il s'est endormi. Et puis le Général de Gaulle lui apparaît.
45:46Et De Gaulle est très étonné
45:48que ce soit un petit salon,
45:50parce qu'il avait fait aménager une chapelle
45:52dans cet endroit. Donc ça fait partie,
45:54si vous voulez, du christianisme du Général de Gaulle,
45:56qui certes était beaucoup moins
45:58démonstratif et bling-bling
46:00que celui de Donald Trump,
46:02mais cette foi
46:04du Général de Gaulle
46:06l'a guidée.
46:08C'est pas que je veuille absolument
46:10faire un parallèle entre
46:12Donald Trump et Charles de Gaulle, bien sûr,
46:14parce que le style n'a rien à voir.
46:16Les deux hommes sont très différents.
46:18L'un est complètement américain,
46:20l'autre est totalement français du nord de la France,
46:22et catholique, etc.
46:24Et l'autre est plus
46:26un protestant d'Amérique.
46:28Mais c'est le droit
46:30évangéliste. Mais en fait,
46:32ils ont tous les deux chevillés au corps
46:34l'amour de leur pays, bien sûr,
46:36mais
46:38cette idée d'une destinée,
46:40c'est-à-dire d'une destinée divine
46:42de leur pays.
46:44Et de Gaulle,
46:46on ne le sait pas assez,
46:48est infusé de
46:50trois écrivains, de trois grands penseurs
46:52du début du XXe siècle,
46:54c'est-à-dire Bergson,
46:56qui est quand même peut-être le plus grand
46:58philosophe français du XXe siècle,
47:02Péguy, et puis
47:04Barès. C'est-à-dire que c'est
47:06quand même trois
47:08figures de la
47:10chrétienté, puisque Bergson, lui-même,
47:14fait un chemin pour se
47:16convertir au catholicisme, même s'il n'a pas
47:18abouti en fin de compte.
47:20Je trouve aussi que dans cette pièce,
47:22Emmanuel, Macron et
47:24le général de Gaulle évoquent leur vie privée
47:26avec une certaine Brigitte,
47:28et d'ailleurs, il est assez étonné
47:30de Gaulle de savoir qu'il y a une autre Brigitte
47:32que celle qu'il a connue.
47:34Il dit, ah mais elle est blonde,
47:36votre Brigitte. Nous avons une Brigitte,
47:38nous aussi,
47:40blonde aussi, mais oh,
47:42Madame de Gaulle ne l'aimait pas beaucoup.
47:44Elle a été reçue à l'Elysée en 67,
47:46lors d'une soirée
47:48privée. Elle est arrivée avec un
47:50pantalon, alors que tout le monde était en tenue de soirée,
47:52et de Gaulle lui a dit, je vous avais
47:54pris pour un militaire.
47:56Et Madame de Gaulle lui a tendu une main
47:58molle. Voilà, exactement.
48:00Il vous évoquait aussi dans cette pièce,
48:02parce qu'il y a beaucoup de choses
48:04modernes, la technologie d'aujourd'hui,
48:06que le général de Gaulle appelle un charabia.
48:08C'est-à-dire que
48:10de Gaulle
48:12a été un homme...
48:14C'est-à-dire, c'est pas tout à fait
48:16un charabia pour lui,
48:18parce qu'il a quand même mis sur pied
48:20le plan calcul, qui a donné
48:22les ordinateurs, qui a donné la compagnie
48:24Bull, puis Honeywell Bull, puis finalement
48:26tout ça s'est
48:28parti en Amérique,
48:30et puis si bien que... Enfin,
48:32de Gaulle le reproche à Macron,
48:34il lui dit, mais tous ces ordinateurs
48:36qu'on utilise, c'est pas nous
48:38qui les faisons. Non, lui dit
48:40Macron, non, non.
48:42Alors on les achète ailleurs, aux Américains.
48:44Oui, oui,
48:46aux Chinois, à Taïwan, etc.
48:48Donc de Gaulle est absolument furieux.
48:50Il lui dit, mais qu'est-ce que vous avez fait
48:52de ce que je vous avais légué
48:54là-dessus ? Parce que de Gaulle
48:56n'a cessé de...
48:58C'est quand même le plan calcul,
49:00tout...
49:02C'était à la pointe, le nucléaire,
49:04etc. C'est à de Gaulle
49:06qu'on doit quand même
49:08les progrès technologiques
49:10et cette souveraineté que nous avons
49:12perdu en matière...
49:14Voilà, alors on fabrique encore
49:16je crois des composants, on fabrique des armes
49:18bien sûr, mais
49:20on est... C'est quand même
49:22incompréhensible que la France
49:24ne soit pas capable
49:26de fabriquer des téléphones portables.
49:28Puisque si vous voulez,
49:30le slogan, moi, dans lequel j'ai grandi,
49:32dans les années où j'ai grandi, c'était, en France, on n'a pas de pétrole
49:34mais on a des idées. Alors,
49:36le président Trump, il a dit qu'il avait du pétrole
49:38et du gaz plus que tout autre pays au monde.
49:40Mais nous, qui n'avons pas de pétrole
49:42ni de gaz, nous avions des idées.
49:44Où sont-elles passées ?
49:46– Eh bien, moi, l'idée que je vous donne, c'est d'aller au théâtre de Jazé,
49:48à partir du 4 février, aller voir
49:50« De Gaulle apparaît en songe » à Emmanuel Macron
49:52avec Stéphane Dau, c'est Nicolas Viel,
49:54cette pièce de Jean-Marie Besset,
49:56qui, à mon avis, va être
49:58un événement. J'attends peut-être un jour
50:00les réactions de l'Elysée, on ne sait jamais.
50:02– On ne sait pas. Écoutez, j'avais envoyé la pièce à
50:04Madame Macron, qui m'a gentiment répondu
50:06qu'elle se faisait un plaisir de la découvrir.
50:08– Eh bien, celles et ceux qui nous écoutent
50:10vont ainsi la découvrir, parce que c'est un
50:12grand moment de théâtre. Merci Jean-Marie Besset,
50:14continuez à travailler ainsi
50:16votre passion pour le théâtre et pour nous.
50:18– Je vous remercie. – L'écluse d'une vie, c'est terminé.
50:20Pour aujourd'hui, on se retrouve bientôt.
50:22Restez fidèles à l'écoute de Sud Radio.

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