Mercredi 7 mai 2025, retrouvez Pauline Girerd (Membre de la commission Formation professionnelle et Exercice du droit du CNB), Florian Savonitto (Maître de conférences en Droit public, Université de Montpellier Paul Valéry) et Louise Peugny (Avocate associée, Voltaire Avocats) dans LEX INSIDE, une émission présentée par Arnaud Dumourier.
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00:00Générique
00:30Bonjour, je suis ravi de vous retrouver pour un nouveau numéro de Lex Inside,
00:34l'émission qui donne du sens à l'actualité juridique du droit, du droit et rien que du droit.
00:40Au programme de ce numéro, on va s'intéresser à la réforme du statut de l'élève avocat
00:46avec la mise en place de l'apprentissage, ce sera dans quelques instants,
00:50avec Pauline Girère, membre de la commission formation professionnelle et exercice du droit
00:56au sein du Conseil national des barreaux.
00:58On parlera ensuite des addictions sur le lieu de travail avec Louise Peuny,
01:03avocate associée au sein du cabinet Voltaire, avocat.
01:07Et enfin, on parlera de chartes de l'environnement, quel bilan 20 ans après son adoption
01:12avec Florian Savonito, maître de conférence en droit public à l'université de Montpellier, Paul Valéry.
01:19Voilà pour les titres Lex Inside, c'est parti !
01:28On commence tout de suite ce Lex Inside, on va parler de la réforme du statut de l'élève avocat
01:37avec la mise en place de l'apprentissage avec mon invité Pauline Girère,
01:42membre de la commission formation professionnelle et exercice du droit au sein du CNB.
01:47Pauline Girère, bonjour.
01:48Bonjour Arnaud.
01:49Le Conseil national des barreaux, lors de son assemblée générale du 11 avril dernier,
01:54a voté la réforme du statut de l'élève avocat avec la mise en place de l'apprentissage.
02:01Concrètement, pourquoi le CNB a-t-il décidé d'adopter cette réforme du statut de l'élève avocat
02:09avec cette donc mise en place de l'apprentissage ?
02:13Alors ce qu'il faut savoir, c'est que c'est une réflexion qui n'est pas du tout récente au sein du CNB.
02:17En réalité, c'est une voie qui avait été ouverte par l'inscription dans la loi de 71
02:22de la possibilité de recourir au contrat d'apprentissage depuis maintenant un peu plus de 10 ans.
02:27Et donc le CNB avait beaucoup travaillé, notamment sous la mandature précédente,
02:31pour commencer à mettre en place ou en tout cas envisager cette réforme.
02:35Et c'est ainsi qu'en octobre 2023, la mandature précédente avait voté une résolution
02:39invitant donc notre mandature à continuer à travailler sur ce sujet,
02:44à commencer les démarches pratiques de mise en application et notamment l'inscription au RNCP.
02:49Et c'est donc la commission formation sous cette nouvelle mandature depuis le 1er janvier 2024.
02:54Nous avons commencé et continué ces travaux et finalement, effectivement,
02:59nous avons pu aboutir au vote dont vous venez de parler.
03:01C'était quelque chose de très important parce qu'en réalité, la précarité des élèves avocats,
03:05nous la constatons depuis de nombreuses années avec des élèves avocats
03:09qui à la fois n'ont pas de statut social reconnu et donc ne peuvent pas bénéficier d'aucune aide
03:14et d'autre part qui ont une rémunération en tant que stagiaire qui n'est malheureusement pas suffisante
03:19outre des périodes de formation durant lesquelles ils ne sont pas du tout rémunérés.
03:23Nous avions aussi constaté une perte d'attractivité de la profession
03:26et enfin des difficultés de financement pour les écoles d'avocats
03:30et le recours aux contrats d'apprentissage nous permettait d'envisager d'apporter quelques solutions à l'ensemble de ces problèmes.
03:35Pour bien comprendre, quels étaient les principaux freins pour adopter justement ce nouveau statut ?
03:42Qu'est-ce qui bloquait jusqu'à présent ?
03:43Alors en réalité, il y avait plusieurs types de difficultés.
03:46La première, c'est une obligation administrative, donc l'inscription au RNCP dont je parlais tout à l'heure.
03:51Là-dessus, la mandature 2023 nous avait donné une résolution claire.
03:55Donc nous avons commencé ces démarches-là.
03:57Ce sont les démarches qui permettent en fait en pratique à la fin de voir à ce que le CAPA qui serait obtenu par la voie de l'apprentissage
04:03et la valeur du CAPA tel que nous le connaissons aujourd'hui.
04:06Donc ces travaux-là ont commencé et nous sommes en lien régulièrement avec les administrations pour aboutir sur ce point-là.
04:12Les autres réserves, en réalité, elles étaient remontées des écoles et des barreaux lorsqu'il y avait eu un appel à la concertation en 2023,
04:20outre certains syndicats qui avaient également répondu.
04:22Et ça venait plus de la profession pour protéger aussi ce qui sont nos particularités.
04:29Nous avions une crainte sur la possibilité de pouvoir valider le CAPA par l'expérience,
04:35mais nous savons aujourd'hui que c'est quelque chose qui peut être exclu pour d'autres professions, notamment les notaires.
04:40Donc nous sommes là-dessus confiants. Nous travaillons sur cette question.
04:43Nous avions une autre difficulté qui était celle de la compétence en cas de litige, qui là aussi inquiétait les bâtonniers et les avocats.
04:51Nous travaillons là aussi sur ce point-là.
04:53Les dernières réserves qui pouvaient être soulevées touchaient à la question des élèves avocats eux-mêmes.
04:59On pouvait s'interroger sur notamment leur volonté de conserver un exercice libéral lors de leur entrée dans la profession,
05:05alors que le contrat d'alternance est un contrat de travail salarié et sur aussi le rythme de ces différentes périodes
05:13pour être sûrs que les cabinets puissent aussi avoir les élèves avocats en stage suffisamment régulièrement.
05:18Sur ces points, les élèves avocats et leurs différents représentants sur les dernières années ont toujours été très clairs
05:24sur la volonté de l'exercice libéral qui leur tenait à cœur et qu'ils souhaitaient pouvoir mettre en place
05:31dès qu'ils entreraient réellement dans la profession et sur le rythme, c'est un travail qui se fera dans la mise en œuvre avec les écoles
05:37pour que l'ensemble des besoins soient respectés.
05:39Enfin, et c'est un des éléments qui a été principal aussi dans notre réflexion et dans la résolution votée le mois dernier,
05:46la question de l'optionalité qui vient toujours permettre aux élèves avocats de continuer de valider leur CAPA
05:53en procédant comme jusqu'à maintenant par une convention de stage classique.
05:56On va s'intéresser aux conséquences concrètes de cette réforme et aux avantages notamment pour les élèves avocats.
06:03Quelles sont les conséquences de la réforme tant pour les élèves avocats mais aussi pour les écoles d'avocats
06:09et pour les cabinets d'avocats qui pourront recourir au contrat d'apprentissage ?
06:14Alors, dans un premier temps, c'est aux élèves qu'il va devoir porter cette réforme en réalité
06:19puisque c'est eux qui devront aller négocier et obtenir des contrats d'apprentissage auprès des cabinets
06:25pour pouvoir exercer de cette façon.
06:28Maintenant, ce qu'il faut comprendre, c'est que c'est une autre façon de voir la formation
06:31qui bénéficiera tant effectivement aux élèves avocats qu'aux cabinets qui les accueillent.
06:36Pour l'élève avocat, principalement, et c'était notre préoccupation première,
06:40nous leur permettons d'accéder à un véritable statut social qui est reconnu,
06:43qui leur permet d'avoir une rémunération sur l'ensemble de leur période de formation,
06:47qui leur permet d'avoir un statut reconnu, qui peut, selon leur situation,
06:51leur ouvrir des droits à différentes aides, qui leur permet de cotiser à la retraite, etc.
06:56Donc c'est la première protection qui était indispensable au regard de leur situation actuelle.
07:00Mais au-delà de ça, ils vont passer plus de temps dans les cabinets d'avocats
07:04avec cette alternance qui va leur permettre de confronter très vite ce qu'ils apprennent à l'école
07:09et ce à quoi ils sont formés concrètement en la matière.
07:12Donc nécessairement, on aura une meilleure formation et une meilleure praticité de la formation
07:16qui est quelque chose que les élèves avocats demandent depuis très longtemps.
07:19Et pour les cabinets, à l'inverse, cette meilleure praticité, ce temps plus long au sein du cabinet
07:25permettra d'avoir un élève avocat qui sera plus rapidement opérationnel
07:29et dans l'idée d'une construction sur le temps, d'avoir ensuite potentiellement un jeune avocat collaborateur
07:36qui sera formé depuis le début par le cabinet.
07:39Et c'est là où les cabinets vont pouvoir réellement créer quelque chose,
07:44peut-être embaucher plus facilement aussi.
07:46Et nous pensons vraiment que, notamment pour les cabinets d'avocats qui sont dans des barreaux
07:51un petit peu plus loin du barreau au sein duquel l'école se trouve,
07:55ça leur permet aussi de créer sur un an les possibilités à la fois financières
07:59mais aussi d'investissement sur le long terme pour qu'un élève avocat puisse plus facilement
08:03faire ce déplacement et s'investir dans un territoire un petit peu plus éloigné de l'école.
08:07Donc pour vous, ça favorise l'insertion professionnelle ?
08:10Pleinement. Pleinement parce que tant les cabinets pour lesquels ce sera un investissement,
08:14bien évidemment, et nous en avons conscience, surtout parce qu'aujourd'hui des aides existent
08:18mais on ne peut pas savoir si elles seront pérennes ou non,
08:21mais aussi pour l'élève avocat, on aura une plus grande praticité de la formation
08:25et donc un élève avocat qui une fois qu'il aura prêté serment sera opérationnel plus rapidement
08:30et une relation qui se sera construite un petit peu sous la forme d'un compagnonnage
08:34et qui permet d'envisager une relation aussi à plus long terme
08:37et donc une collaboration qui sera peut-être plus épanouissante derrière.
08:41Ça veut dire une formation plus professionnalisante aussi, c'est ça ?
08:44C'est l'idée et c'est à cela que, notamment dans l'inscription RNCP,
08:48la profession doit justifier du fait qu'elle forme à une profession
08:52avec un côté pratique et quelque chose que les cabinets doivent pouvoir aussi,
08:57de leur côté, vérifier en participant à la formation,
08:59parce qu'ils participent effectivement à cette formation,
09:02mais aussi en pouvant voir plus rapidement la praticité
09:06de ce que les élèves avocats auront appris sur leur temps d'école.
09:09Vous l'avez dit aussi, l'ambition c'est de rendre la profession d'avocat plus attractive.
09:14Est-ce que vous avez déjà des réactions par rapport à cette réforme d'élèves avocats,
09:18de futurs avocats ?
09:20Alors très clairement, les élèves avocats ont salué le vote que nous avons eu au mois d'avril.
09:26Je tiens à souligner que c'est un vote qui était à l'unanimité lors de l'Assemblée Générale du CNB.
09:32Donc c'est effectivement une belle victoire pour la commission formation,
09:35pour la profession et pour les élèves avocats qui ont des retours,
09:38qui ont été très bons.
09:39Nous avons eu des retours aussi très bons de l'ensemble des acteurs de la profession,
09:44que ce soit les syndicats, les diverses composantes, les barreaux et les écoles
09:48qui étaient elles-mêmes en demande aussi de l'avènement de cette réforme.
09:53Donc aujourd'hui, il y a encore beaucoup de travail à faire pour la commission formation
09:56et pour les écoles parce que c'est quand même beaucoup concrètement
09:58sur la mise en pratique de démarches administratives
10:01et de repenser complètement la façon dont les écoles fonctionnent.
10:05Mais c'est un travail que nous sommes tous prêts à faire
10:08pour permettre ce changement en pratique que nous espérons dans le courant de l'année 2026.
10:13On va conclure là-dessus.
10:14Merci Pauline Girard d'être venue sur notre plateau.
10:17Je rappelle que vous êtes membre de la commission formation professionnelle
10:20et exercice du droit au sein du CNB.
10:21Merci à vous.
10:22Tout de suite, l'émission continue.
10:24On va parler d'addictions sur le lieu de travail.
10:26On poursuit ce Lex Inside.
10:38On va parler des addictions sur le lieu de travail
10:41avec mon invité Louise Peny, avocate associée au syndicabinet Voltaire Avocat.
10:46Louise Peny, bonjour.
10:47Bonjour Arnaud.
10:48Nous allons évoquer ensemble les questions juridiques liées aux addictions sur le lieu de travail.
10:52Tout d'abord, quelles sont les obligations légales de l'employeur
10:56pour prévenir les risques liés aux addictions sur le lieu de travail ?
11:01Alors on peut peut-être déjà commencer par rappeler ce qu'on entend par addiction
11:06puisqu'on intuitivement envisage l'alcool et les drogues au travail.
11:12Mais c'est vrai que l'Inserm définit les addictions comme étant des pathologies cérébrales
11:17définies par une dépendance à une activité ou à une substance.
11:22Donc ça peut être aussi des addictions à des jeux d'argent par exemple, aux réseaux sociaux, etc.
11:26Il n'y a pas que l'alcool et la drogue, même si effectivement en pratique
11:29les employeurs sont plus souvent confrontés à des problèmes liés à l'alcool ou à la drogue.
11:35Alors ce qu'il faut également rappeler, c'est que la loi impose à l'employeur une obligation de sécurité.
11:39C'est dans le Code du travail.
11:40L'employeur doit assurer la sécurité de ses salariés et protéger leur santé physique et mentale.
11:46C'est une obligation générale et de par cette généralité, ça peut également couvrir les conduites addictives
11:53qui peuvent mettre en péril la collectivité de travail
11:56puisque le salarié peut se mettre en danger mais aussi mettre en danger ses propres collègues de travail.
12:02À côté de cette obligation générale de sécurité, l'employeur a une autre obligation.
12:06C'est l'établissement de ce que l'on appelle le DUERP, le Document Unique d'Evaluation des Risques Professionnels.
12:13De quoi s'agit-il ?
12:14L'employeur doit recenser tous les risques qui sont liés à son activité
12:18et on a parfois des facteurs de vulnérabilité qui favorisent sur le lieu de travail des conduites addictives.
12:25Alors quelles sont-elles ces situations ?
12:27Ça peut être des situations de travail isolé, le travail de nuit, des horaires atypiques.
12:33Ça peut être également le travail dans des conditions climatiques relativement éprouvantes.
12:40Et donc ces facteurs de risque peuvent en fait générer des conduites addictives.
12:45Et si au travers de cette analyse, l'employeur effectivement recense des facteurs de vulnérabilité
12:50qui peuvent faire émerger des conduites addictives,
12:52il doit consigner ces risques dans ce document unique d'évaluation des risques
12:57et y associer en fait des mesures de prévention appropriées, adoptées, pertinentes.
13:03Ensuite, c'est le règlement intérieur qui est primordial en la matière.
13:07L'entreprise de plus de 50 salariés doit établir un règlement intérieur.
13:11Et sur en fait la problématique de l'alcool,
13:15le Code du travail est alors peut-être un peu contradictoire si je puis dire.
13:20Pourquoi ?
13:20C'est que d'un côté, il nous dit qu'il est interdit de laisser rentrer sur les lieux de travail
13:26et de laisser séjourner sur le lieu de travail des personnes en état d'ivresse.
13:29Mais vous avez un autre article qui vous dit qu'aucune autre boisson alcoolisée
13:33autre que vin, bière, cidre et poirée, c'est toujours le fameux poirée dans le Code du travail,
13:39et bien ces boissons-là sont autorisées en fait sur le lieu de travail.
13:43D'accord.
13:43Et cet article vous dit également que si en fait la consommation d'alcool peut compromettre la santé
13:50et la sécurité des salariés sur le lieu de travail,
13:52alors l'employeur doit prendre des mesures dans le règlement intérieur
13:55qui peuvent aller jusqu'à une interdiction totale d'alcool,
13:58mais il faut que ces mesures dans le règlement intérieur soient proportionnées au but recherché.
14:04Donc ce qui veut dire que l'employeur doit recenser tous les postes à risque,
14:08donc on envisage notamment les salariés qui conduisent des engins,
14:14qui travaillent en hauteur, qui conduisent des véhicules,
14:17et tous ces postes qui nécessitent un haut degré de vigilance,
14:20et bien pour ces postes l'employeur a tout intérêt à prévoir une clause zéro tolérance alcool
14:25dans son règlement intérieur.
14:27D'accord.
14:27Justement on va évoquer la question de la responsabilité de l'employeur en cas d'accident du travail,
14:33ça peut être le cas pour les postes que vous venez d'évoquer.
14:36Quelle est la portée de la responsabilité civile et pénale de l'employeur en cas d'accident du travail
14:43impliquant un salarié en situation d'addiction ?
14:47Les sanctions peuvent être tout d'abord civiles.
14:49Si l'employeur n'a pas adopté des mesures de prévention en fait pour justement se prémunir de ces risques,
14:56on peut évoquer en tout cas un manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur
15:02qui peut se solder par une indemnisation devant une juridiction prud'homale,
15:05donc concrètement l'employeur qui est condamné à verser des dommages d'intérêt au salarié
15:09pour manquement à son obligation de sécurité.
15:12Le salarié ayant été victime d'un accident du travail, il peut faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur.
15:18Donc la faute inexcusable, c'est l'employeur qui savait que le salarié était exposé à un danger, pour faire simple,
15:24et qui n'a pris aucune mesure pour préserver son salarié du danger.
15:28Et dans ce cas-là, les conséquences en fait pour le salarié, c'est qu'on a une majoration maximale de sa rente,
15:35et une indemnisation complémentaire, donc en général il y a une expertise où l'expert va venir définir les préjudices.
15:41Tout ceci en fait est payé par la caisse primaire d'assurance maladie,
15:44qui ensuite va se retourner par le biais d'une action récursoire contre l'employeur.
15:49Et puis on peut également envisager une responsabilité pénale, ça peut être non-assistance à personne en danger,
15:56voire homicide à volontaire s'il y a décès.
15:59Alors on va s'intéresser maintenant au pouvoir disciplinaire de l'employeur.
16:04Quelles sanctions disciplinaires l'employeur peut-il prendre à l'encontre d'un salarié
16:09dont l'addiction a mis en danger la sécurité au travail d'autres salariés ?
16:13Alors il y a toute une échelle de sanctions à la disponibilité de l'employeur,
16:17de la sanction la moins grave à la plus grave.
16:20Donc ça peut être un avertissement, une mise à pied, un licenciement pour faute simple, pour faute grave,
16:26la faute lourde on l'exclut puisqu'elle nécessite l'intention de nuire à son employeur,
16:30donc on ne résumera pas.
16:31Voilà. Et donc là tout dépend, c'est-à-dire que le seul fait par exemple d'être sur le lieu de travail
16:37sous l'emprise de l'alcool ou d'un produit stupéfiant en soi ne caractérise pas nécessairement une faute grave.
16:41C'est-à-dire que quand on regarde la jurisprudence, on s'aperçoit que les juges vont prendre en compte différents paramètres.
16:47Est-ce que c'est un comportement qui s'est réitéré ?
16:51Est-ce que le salarié est un passif disciplinaire ?
16:53L'ancienneté du salarié et surtout le comportement du salarié.
16:57Par exemple, vous avez de la jurisprudence qui retient une faute grave lorsque le salarié s'est montré violent, agressif,
17:03de par son état d'imprégnation alcoolique.
17:06Donc tout est finalement à faire au cas par cas, en fonction des circonstances de l'espèce.
17:11Mais ça peut justifier effectivement une sanction disciplinaire.
17:14Alors pour éviter la sanction, quelle démarche l'employeur doit-il engager
17:19avant justement de prendre une décision de sanction d'un salarié pour une conduite addictive ?
17:26Alors comme on le disait, en fait, c'est déjà adopter des mesures de prévention,
17:32donc recenser et le consigner dans le document unique d'évaluation des risques.
17:36Donc prévoir la possibilité, mais on y reviendra peut-être tout à l'heure,
17:39de faire des contrôles, des tests salivaires ou des tests d'alcoolémie.
17:45Donc dans ce cas-là, il faut le prévoir dans son règlement intérieur, sinon ce n'est pas d'e-site.
17:49Et puis l'employeur peut aussi se faire aider par des organismes extérieurs.
17:53On pense notamment aux services de santé au travail qui ont un rôle de conseil auprès des employeurs,
17:59des travailleurs, etc. pour justement les conseillers sur les mesures de prévention.
18:03Il y a également le médecin du travail.
18:06Donc on a également tout un panel d'organismes extérieurs et puis également les représentants du personnel.
18:11Bien sûr.
18:12Puisque le comité social-économique participe aussi à l'analyse des risques professionnels
18:17et il est consulté sur le règlement intérieur et sur le document unique d'évaluation des risques.
18:22On va s'intéresser au contrôle d'alcoolémie, aux tests de dépistage.
18:26Dans quelles conditions l'employeur peut-il exercer ses contrôles d'alcoolémie, ses tests de dépistage ?
18:33Alors dans le règlement intérieur, tout d'abord, il faut lister les postes qui nécessitent un haut degré de vigilance.
18:42Donc ce recensement peut se faire utilement justement avec les représentants du personnel.
18:46Donc en général, on va trouver, c'est ce que je disais, le travail en hauteur, conduite de véhicule, conduite d'engin, etc.
18:52Ensuite, on va définir les conditions dans lesquelles ce test est possible.
18:57Est-ce qu'on fait du contrôle inopiné ?
18:59Alors il ne faut pas le faire tous les jours, bien évidemment.
19:01Bien sûr.
19:03Et est-ce qu'on le fait, ou alors est-ce qu'on le fait lorsque manifestement un salarié montre des signes d'ébriété ?
19:09Les deux sont possibles.
19:10On peut prévoir dans le règlement intérieur et du contrôle inopiné et du contrôle sur présomption d'état d'ébriété.
19:16Et ensuite, il faut assortir ce contrôle de garantie.
19:19Donc il faut, en général, ce qu'on prévoit, c'est que le contrôle se fait quand même à l'abri des collègues de travail, dans une pièce, etc.
19:27La possibilité pour le salarié, en fait, de faire appel à un témoin, de se soumettre à une contre-expertise.
19:32Donc tout ceci est cadré quand même par la jurisprudence.
19:36Évidemment, voilà.
19:37Et l'employeur a tout intérêt à respecter scrupuleusement ce qu'il écrit dans son règlement intérieur.
19:42Parce que s'il fonde une sanction sur la base d'un test qui n'a pas été réalisé dans des conditions prévues par le règlement intérieur,
19:48la jurisprudence risque de juger ce contrôle illicite.
19:51On va conclure là-dessus.
19:53Merci Louise Penny d'être venue sur notre plateau.
19:55Je rappelle que vous êtes associée au sein du cabinet.
19:57Voltaire Avocat.
19:58Merci à vous.
19:59Tout de suite, l'émission continue.
20:01On va parler de la charte de l'environnement.
20:02Quel bilan de la charte de l'environnement ?
20:16On en parle tout de suite avec mon invité, Florian Savonito, maître de conférence en droit public à l'Université Montpellier, Paul Valéry.
20:23Florian Savonito, bonjour.
20:25Bonjour Arnaud.
20:26Alors, on va s'intéresser au bilan de la charte de l'environnement.
20:30Mais tout d'abord, pourquoi la rédaction de la charte de l'environnement a été jugée nécessaire pour protéger l'environnement ?
20:39C'est une idée de Jacques Chirac en 2002.
20:43L'idée est de mettre la protection de l'environnement comme un intérêt supérieur aux lois.
20:52Et donc Jacques Chirac veut inscrire une humanité écologique au cœur du pacte républicain.
20:59au supplément des déclarations de 1789 et du préambule de la Constitution de 1946, autrement dit, aux côtés des droits de l'homme et des droits économiques et sociaux.
21:09Alors, pour bien comprendre ce qu'est cette charte, quel est son contenu et diriez-vous qu'il est innovant ?
21:16Alors, sur le contenu, si on regarde le préambule de la Constitution de 1958, on dit que la charte énonce des droits et des devoirs environnementaux.
21:25Et donc, dans ces droits, on a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.
21:30À l'article 1er, on a le droit d'information du public en matière environnementale, le droit à la participation du public en matière environnementale.
21:38Et puis, on a aussi des devoirs, le devoir de préservation de l'environnement, le devoir de prévention des atteintes à l'environnement,
21:46le devoir de réparation des atteintes à l'environnement, le principe de précaution à l'article 5.
21:52Et les articles 8, 9 et 10, on doute de leur portée normative sur la recherche sur l'éducation, la formation, l'innovation en matière environnementale.
22:07Pour savoir si c'est innovant, alors il faut le comparer avec les autres.
22:12Et bien, il y avait déjà ces droits et ces principes dans le Code de l'environnement.
22:17Certains aussi étaient inscrits dans le droit de l'Union européenne.
22:21Mais il n'empêche qu'ils n'avaient pas ces droits et ces devoirs au niveau constitutionnel.
22:26Et on n'avait pas une déclaration des droits et des devoirs entièrement dédiée à l'environnement.
22:31Et c'est même unique au monde.
22:33Alors, on a vu, on vient de voir son contenu.
22:35On va voir maintenant le statut de la charte.
22:38Quel statut lui est reconnu ?
22:40Et est-ce que c'est légal d'autres déclarations des droits qui sont mentionnées dans le préambule à la Constitution de 1958 ?
22:48Alors, le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État ont fait une lecture égalitariste.
22:52C'est-à-dire que toutes les dispositions de la charte de l'environnement ont valeur constitutionnelle.
22:58Et ils ont valeur constitutionnelle à l'instar des autres dispositions constitutionnelles.
23:02Donc, elle est égale également de la déclaration de 1789 et du préambule de la Constitution de 1946.
23:09Donc, ça veut dire qu'elle fait partie de ce qu'on appelle le bloc de constitutionnalité ?
23:13Exactement.
23:13Mais derrière cette homogénéité, à l'intérieur, il y a une hétérogénéité.
23:19Par exemple, lorsque vous regardez les dispositions de la charte qui peuvent être invocables devant un juge,
23:25par exemple, dans la question prioritaire de constitutionnalité,
23:28vous ne pouvez invoquer que les articles 1, 2, 3, 4 et 7.
23:33Autrement dit, vous ne pouvez pas invoquer le principe de précaution.
23:37Ça, on ne le sait pas.
23:38On ne sait pas non plus si on peut invoquer les articles 9 et 10.
23:42Par contre, on sait qu'on ne peut pas invoquer les 7 alinéas du préambule de la charte de l'environnement.
23:49Et on ne peut pas non plus invoquer l'article 6, le principe de conciliation des politiques publiques,
23:54et l'article 8 de la charte.
23:56Alors, qu'est-ce qu'il faudrait faire pour aller plus loin et pouvoir invoquer les articles que vous venez de mentionner ?
24:02Alors, deux voies, si on veut améliorer cette protection de l'environnement.
24:06Soit le Conseil constitutionnel est amené à renforcer l'intensité de son contrôle.
24:14Ça pourrait être le cas du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.
24:17Ou sinon, une modification de la Constitution.
24:20Ça avait été proposé par la Convention citoyenne pour le climat en 2020,
24:24afin que la conciliation des libertés ne puisse pas compromettre la protection de l'environnement.
24:30Alors, si on s'intéresse à la jurisprudence constitutionnelle,
24:34diriez-vous qu'elle est protectrice de l'environnement ?
24:37Alors, ici, il faut séparer deux aspects.
24:43La charte de l'environnement n'est pas véritablement un glaive contre les législations économiques,
24:49dans la mesure où il y a assez peu de censure, de déclaration d'inconscionnalité
24:54qui est prononcée par le Conseil constitutionnel.
24:56En revanche, la charte de l'environnement sert de bouclier pour protéger les législations environnementales
25:02contre les droits économiques et sociaux.
25:05Concrètement, comment ? Des illustrations ?
25:08Alors, par exemple, c'est le cas lorsque vous avez une législation qui vient protéger l'environnement.
25:15Elle peut alors bénéficier de l'objectif à valeur constitutionnelle de protection de l'environnement.
25:19Et donc, le contrôle qui est fait, par exemple, d'un droit économique dont on a porté atteinte,
25:26est donc d'une intensité plus basse.
25:29Alors, aujourd'hui, 20 ans après l'adoption de cette charte,
25:32quel bilan on peut tirer de la charte de l'environnement ?
25:36Alors, sur le point de vue du contentieux,
25:40il y a 70 décisions aujourd'hui du Conseil constitutionnel qui citent la charte de l'environnement.
25:45C'est assez important.
25:46Alors, ça peut être assez important, mais si on compare à l'ensemble du contentieux constitutionnel,
25:52on a, par exemple, plus de 200 décisions dans le cadre du contrôle de conformité de la loi
25:58et plus de 1000 décisions en question prioritaire de constitutionnalité.
26:01Donc, finalement, la charte de l'environnement, c'est un contentieux assez réduit,
26:05mais qui est amené à soulever, tout de même, de nombreuses questions
26:09et qui est souvent au cœur de l'actualité.
26:12Est-ce que, selon vous, l'avenir de la protection constitutionnelle de l'environnement
26:16passe nécessairement par une interprétation juridictionnelle plus audacieuse de la charte ?
26:22Alors, c'est la voie la plus simple, je dirais,
26:28parce qu'il est difficile aujourd'hui de penser à une révision de la Constitution,
26:31puisque les conditions réclament qu'il y a à la fois une majorité de députés
26:36et une majorité de sénateurs qui soient favorables sur un sujet,
26:40aujourd'hui, assez sensible, qui est l'environnement.
26:44Donc, oui, la voie jurisprudentielle est sûrement celle à privilégier.
26:49Sinon, quelles autres pistes on pourrait suggérer
26:53pour attirer davantage l'attention sur cette charte de l'environnement ?
26:57Il me semble déjà d'en parler, comme vous le faites ici.
27:03Les 20 ans de la charte de l'environnement ont été une occasion, justement,
27:08de mettre un éclairage sur ce texte,
27:11qui est souvent oublié à la fois des environnementalistes et aussi des consignalistes.
27:16Donc, ça veut dire que c'est aussi aux juristes de s'emparer de cette charte
27:19et de faire valoir les principes qui sont en son sein ?
27:23Tout à fait. Et d'ailleurs, c'est les valeurs et les droits que porte cette charte.
27:27Le droit à l'information du public, le droit à l'éducation en matière environnementale
27:31sont au cœur de cette charte de l'environnement.
27:35Aujourd'hui, en matière contentieuse,
27:37quels sont les principes issus de cette charte qui sont le plus régulièrement repris ?
27:42Devant le Conseil d'État, il y a davantage le principe de précaution qui est sollicité.
27:49En revanche, dans le cadre du contentieux constitutionnel,
27:52c'est essentiellement l'article 7,
27:54le principe de participation du public en matière environnementale.
27:57Et surtout, aujourd'hui, on a une véritable montée du droit de vivre
28:01dans un environnement équilibré et respectueux de la santé,
28:03notamment aujourd'hui qui est lu avec la question des générations futures
28:08dont on ne doit pas compromettre les besoins.
28:11Le Conseil d'État avait d'ailleurs fait un rapport là-dessus, il me semble.
28:15Oui, il y a eu des rapports qui ont été établis.
28:20On va conclure là-dessus.
28:22Merci, Florian Savonito.
28:23Je rappelle que vous êtes maître de conférence en droit public
28:26à l'Université de Montpellier, Paul Valéry.
28:28Je vous remercie.
28:29C'est la fin de cette émission.
28:31Merci de votre fidélité.
28:33Restez curieux et informés.
28:35À très bientôt sur Bsmart4Change.
28:36Sous-titrage Société Radio-Canada
28:43Sous-titrage Société Radio-Canada