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Bénédicte Jeannerod, directrice du bureau de Paris de Human Rights Watch, était l'invitée de Mathilde Munos ce mercredi, alors que cinq pays européens ont fait part de leur souhait de quitter le traité international interdisant les mines antipersonnel. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-mercredi-09-avril-2025-6044364

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Transcription
00:00C'est une menace silencieuse qui continue de tuer bien après la fin des conflits.
00:05Les mines antipersonnelles mettent en danger 100 millions de personnes dans le monde, selon l'ONU,
00:09qui ouvre aujourd'hui à Genève une réunion de trois jours sur le sujet.
00:12Et ce, alors que cinq pays européens ont l'intention de revenir en arrière,
00:16de se retirer de la convention internationale qui interdit les mines.
00:20La Finlande, la Pologne et les Pays baltes, ils veulent réutiliser les mines terrestres
00:25pour sécuriser leurs frontières avec la Russie.
00:27Bonjour Bénédicte Jeannereau.
00:28Bonjour.
00:29Vous dirigez le bureau de Paris de Human Rights Watch.
00:31Votre ONG sera représentée d'ailleurs dans cette réunion internationale.
00:35Vous pensez qu'il est encore possible de faire changer d'avis ces cinq pays européens ?
00:38Alors pour le moment, en fait, les cinq pays ont annoncé leur intention de se retirer
00:44par la voix de leur ministère de la Défense pour ce qui est de la Pologne et des Pays baltes.
00:51La Finlande, la semaine dernière, a aussi annoncé son intention de se retirer,
00:54de se traiter d'interdiction par la voix du Président.
00:57Donc c'est extrêmement inquiétant, mais on considère que c'est une première étape qui est réversible.
01:05Et donc là, la dynamique qui doit se mettre en place, c'est de faire entendre que les pays
01:13qui adhèrent à ce traité d'interdiction qui s'appelle le traité d'Ottawa,
01:16fassent entendre leur voix, affirment leur attachement à l'interdiction des mines
01:21et convainquent ces cinq États européens de ne pas se retirer de ce traité
01:25qui a fait évoluer dans le bon sens les normes internationales de protection des civils.
01:30Ce sera un sacré retour en arrière et pourtant ça ne suscite pas franchement de réaction.
01:34Il n'y a pas d'indignation planétaire.
01:36Ça vous surprend cette indifférence ?
01:37Alors, elle nous choque en fait, parce que le traité d'Ottawa, c'est une convention internationale
01:46qui était bien installée.
01:47Elle a été adoptée il y a une trentaine d'années.
01:50Elle a fait évoluer les normes du droit international humanitaire,
01:54la protection des civils dans les conflits, etc.
01:56Et donc, on s'attendait effectivement à ce que ce retrait de cinq pays de l'Union européenne
02:01provoque beaucoup plus d'indignation, ce qui n'a pas été le cas.
02:06La France a rappelé son attachement à la convention,
02:11mais elle ne l'a pas fait de manière publique.
02:13Et c'est ça que nous demandons maintenant au gouvernement européen,
02:16en particulier à la France, en particulier,
02:20de protester beaucoup plus fortement contre cette intention de retrait des cinq pays européens.
02:26et de réaffirmer l'importance de normes humanitaires
02:30qui protègent les civils dans les conflits.
02:32Alors, ce traité, il n'a pas été signé par l'ensemble des pays sur la planète,
02:36ce qui veut dire qu'il y a des pays qui produisent encore des mines antipersonnelles
02:39et d'autres qui en utilisent.
02:41Où est-ce qu'on en utilise le plus aujourd'hui ?
02:43Alors, il y a des pays qui sont très massivement contaminés
02:46et sans doute une situation qui a eu un point de bascule
02:50sur la question des mines, c'est l'Ukraine,
02:52où la Russie utilise de manière très répandue
02:56les mines antipersonnelles.
02:57Et les Ukrainiens aussi.
02:58Les Ukrainiens ont reçu des mines antipersonnelles
03:01de la part des Etats-Unis en fin d'année 2024,
03:03ce qui a provoqué une indignation, là pour le coup, assez générale,
03:08le fait que les Etats-Unis transfèrent des armes interdites à l'Ukraine.
03:14Donc l'Ukraine est très largement contaminée.
03:17Human Rights Watch a sorti un rapport hier
03:20sur la contamination qui est très large aussi en Syrie.
03:24On évoque des chiffres de 600 personnes
03:27qui ont été blessées ou tuées
03:29depuis simplement décembre 2024 en Syrie.
03:33Et là encore, ce sont les civils qui sont les premières victimes.
03:37Et ce qui est tragique en Syrie,
03:38c'est que ce sont bien souvent des civils
03:40qui retournent chez eux après dix années de guerre
03:42et qui sont frappés par cette arme
03:46qui est par nature indiscriminée.
03:49Oui, parce qu'une mine, ça ne fait pas la différence
03:51entre un soldat et un civil.
03:52Et ça ne fait pas non plus la différence
03:53entre un adulte et un enfant.
03:55Voilà, et c'est pour ça, c'est pour cette raison...
03:57Ça se déclenche à partir de combien de kilos ?
03:59C'est vraiment très léger ?
04:00Alors il y a beaucoup de produits,
04:03enfin de mines qui sont différentes.
04:05Il y a des mines qui se déclenchent
04:07quand elles sont en contact avec quelqu'un.
04:09Des mines qui peuvent se déclencher à distance aussi
04:11avec des déclencheurs.
04:13Donc il y a toute une série de mines,
04:14mais en tout cas,
04:15elles sont intrinsèquement indiscriminées.
04:17Et c'est pour cette raison
04:18que le traité d'Ottawa les a interdites
04:21il y a une trentaine d'années.
04:21Alors il y a le bilan humain,
04:22mais il y a aussi les conséquences économiques,
04:24humanitaires,
04:24puisque ces mines empêchent aussi le pays,
04:28une fois que la guerre est terminée
04:29ou que le conflit est terminé,
04:31de se développer économiquement,
04:33de dépaysant,
04:33de cultiver des terres
04:34parce qu'elles sont pleines de mines.
04:36Il y a plein d'autres conséquences
04:37auxquelles on ne pense pas.
04:38Oui, en fait, les mines,
04:39elles tuent et elles mutilent
04:43et elles empêchent aussi
04:44la reconstruction dans certains pays,
04:47le retour de population sur leurs terres,
04:50l'acheminement des laides humanitaires.
04:53Donc elles ont vraiment des effets,
04:54parfois pendant des décennies.
04:56On voit encore des pays
04:57qui continuent d'être contaminés
04:59avec des conflits qui se sont terminés
05:01depuis de très nombreuses années.
05:02Par exemple ?
05:03Par exemple, le Laos, le Cambodge,
05:06l'Afghanistan,
05:09des pays qui sont encore très largement contaminés
05:12et qui empêchent un retour à la vie normale
05:15des populations civiles.
05:17Comment on fait pour les enlever ?
05:18Alors là, c'est des spécialistes qui le font.
05:22Alors, c'est un autre problème, en fait,
05:23c'est que quand il y a des spécialistes
05:25avec des plans nationaux de déminage
05:27pour la détection, le déterrage
05:30et l'élimination des mines,
05:35quand le déminage est encadré,
05:38il peut être fait de manière sécurisée.
05:40Ce qu'on démontre aussi dans le rapport
05:42que nous avons sorti hier sur la Syrie,
05:45c'est que quand il n'y a pas
05:46ces plans nationaux de déminage,
05:48c'est souvent des personnes
05:50qui s'improvisent des mineurs
05:51ou qui vont aider leurs voisins à déminer
05:54et qui sont eux aussi exposés
05:57et qui sont blessés.
05:58On a plusieurs exemples dans le rapport
06:00que nous avons sorti hier
06:01de personnes qui, en voulant déminer leur champ
06:04ou aider leurs voisins à déminer leur champ,
06:07ont été mutilées ou même tuées
06:08par des engins explosifs.
06:10Voilà cette convention d'Ottawa,
06:12de laquelle cinq pays européens
06:15veulent se retirer.
06:16Je signale par ailleurs que les Etats-Unis,
06:17la Russie ou la Chine
06:18ne l'ont jamais signée, cette convention.
06:20Merci Bénédicte Jeannereau.
06:22Vous dirigez le bureau de Paris
06:23de Human Rights Watch.
06:24Je vous souhaite une bonne journée.
06:25Merci beaucoup.

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