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À 7h50, Philippe Baptiste, ministre chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, est l’invité de Sonia Devillers, alors que la recherche mondiale est déstabilisée par l'exil en cours d'universitaires américains, poussés dehors par l'administration Trump. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-jeudi-03-avril-2025-1609319

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00:007h48, Sonia Devillers, votre invitée ce matin est Ministre de l'Enseignement et de la Recherche.
00:06De l'enseignement supérieur, bonjour Philippe Baptiste.
00:09Bonjour Madame Devillers.
00:10Quelques 980 000 adolescents ont bouclé vœux, dossiers de candidature et lettres de motivation
00:17hier soir à minuit, date fatidique sur la plateforme Parcoursup.
00:21Première question, est-ce qu'il y a eu bug, surchauffe ? Est-ce que ça s'est bien passé ?
00:26Non, non, je vous rassure, tout s'est bien passé, effectivement 980 000 jeunes ont bouclé
00:34leurs dossiers hier soir.
00:35Combien à la dernière minute ? Combien à 23h52 ?
00:37Alors, il y a eu de gros pics de connexion, de l'ordre de 100 000 connexions dans les
00:42dernières heures ou dernières minutes.
00:45Voilà, mais ça veut dire que les dossiers ont été peaufinés jusqu'à la dernière
00:49seconde.
00:50C'est ça.
00:51Bon, vous parlez sous surveillance parce que dans ce studio, il y a trois journalistes
00:55ici présents dont les enfants sont en terminale et se sont inscrits sur la plateforme.
01:01Voilà.
01:02Je serai attentif.
01:0324 000 formations sont recensées sur la plateforme d'admission, le sujet qui écrase tout cette
01:09année, monsieur le ministre.
01:10Ce n'est pas le nombre de places à l'université, pour une fois, mais les dérives, voire les
01:14abus de l'enseignement supérieur privé à but lucratif.
01:17Ces écoles d'art, de commerce, de tourisme, de mode, d'informatique, aux tarifs parfois
01:22exorbitants, aux contenus pédagogiques invérifiables et aux diplômes, parfois également de pacotille.
01:29Alors d'abord, je lis que vous avez fait retirer plusieurs formations de la plateforme.
01:33Pourquoi et sur quels critères ?
01:35Alors déjà, les formations dont… Il existe des formations, effectivement, dans l'enseignement
01:41supérieur privé qui peuvent être discutables sur les contenus et qui… On a constaté
01:46des dérives.
01:47Ces formations, elles ne sont pas sur Parcoursup parce que sur Parcoursup, on a une charte
01:53et les formations privées qui sont sur Parcoursup, elles s'engagent au travers de cette charte.
01:57Et donc, on ne constate pas ce type de dérive sur la plateforme.
02:00Ça veut dire que tout ce que les parents et les élèves retrouvent sur Parcoursup
02:05est de confiance, est labellisé ?
02:06Est labellisé et confiance.
02:08Ils ont signé cette charte.
02:09Les formations sont sur Parcoursup, vous êtes en confiance.
02:13Par contre, évidemment, à côté de Parcoursup, il y a aussi des formations qui proposent
02:20de nombreuses formations.
02:21Je voudrais d'abord dire une première chose, c'est qu'effectivement, elles se sont développées
02:24très très rapidement, avec en particulier les financements de l'apprentissage, mais
02:28elles correspondent à un besoin et un souhait à la fois des entreprises et des familles
02:33parce qu'elles proposent des formations qui sont très très proches des métiers,
02:36qui ont souvent des contenus très opérationnels, très concrets.
02:40Et donc, ça correspond aussi à une réalité, à un besoin et à une envie, on ne peut pas
02:44l'écarter comme ça.
02:45Après, effectivement, il existe des formations qui, effectivement, semblent très discutables.
02:52Vous avez tous vu dans le métro des affiches qui vous ont peut-être fait frémir.
02:56Devenez photographe en ligne avec une formation 100% en ligne pendant trois ans.
03:01Et puis, on a lu par ailleurs l'enquête de Claire Marchal qui est parue chez Flammarion
03:05sur le groupe Galiléo, le cube, et qui vous a fait réagir quand même au ministère.
03:10Mais bien sûr, c'est normal, parce que c'est un livre qui porte des allégations
03:15qui sont assez graves.
03:18Mais ce ne sont que des allégations, je voudrais quand même le rappeler.
03:20Mais sur la façon dont les familles sont essorées financièrement pour à la fin…
03:24Il y a évidemment un sujet autour de ça et moi, je voudrais rappeler tout simplement
03:27et très simplement que la qualité d'une formation ne se mesure pas à l'aune de
03:31ce que vous payez.
03:32En tout cas, pas en France.
03:33Pas en France.
03:34Alors, reprenons…
03:35Et ça fait partie du modèle français.
03:36Je vous demande de répondre à mes questions, Monsieur le Ministre.
03:38Avec plaisir.
03:40Comment vous avez retiré de formation de la plateforme Parcoursup ?
03:42En fait, très très peu, quelques dizaines, parce que de manière très pratique, tout
03:47ça a été fait en amont, c'est-à-dire qu'il y a un travail d'accompagnement
03:49qui est en amont.
03:50Pourquoi ne pas les avoir…
03:51Comment dire ?
03:52Pourquoi ne pas avoir publié le nom de ces écoles ?
03:54Pourquoi ne pas utiliser, comme le font les anglo-saxons, le name and shame ?
03:58C'est-à-dire pointer publiquement des écoles qui, en réalité, présentent des anomalies
04:03ou ne sont pas en règle ?
04:04Mais parce qu'en fait, la plupart du temps, c'était des anomalies et qui n'étaient
04:06pas forcément sur Parcoursup.
04:07Je parle de celles qui sont sur Parcoursup, des anomalies.
04:09Et que ce n'étaient pas forcément des choses qui étaient volontairement des choses
04:11qui étaient absolument horribles.
04:12C'était plus des corrections qu'il fallait amener et qui sont en train d'être amenées.
04:16Votre prédécesseur, Monsieur le Ministre, avait promis un label.
04:19Un label pour attester de la qualité des formations.
04:22Est-ce qu'il va voir le jour, ce label ?
04:24Alors, c'est un label en fait.
04:25Ce label, il existe.
04:26C'est Calliope.
04:27C'est un label qui permet à la fois de déclencher des financements, en particulier
04:30sur l'apprentissage.
04:31C'est un label qui est fait conjointement avec le ministère du Travail.
04:34Mais c'est aussi un label qui doit, et c'est là qu'il y a une évolution majeure à faire,
04:38qui doit aussi prendre en compte la qualité pédagogique des formations.
04:42Et donc, c'est bien ce sur quoi on travaille.
04:44Et ça veut dire quoi ?
04:45Ça veut dire qu'on va réguler.
04:46Donc, il n'y aura pas de nouveau label ?
04:47Non.
04:48C'est un label, parce que le paysage est déjà suffisamment complet.
04:50C'est un label qui s'appelle Calliope, qui va s'enrichir.
04:53Et le but du jeu, simplement, en fait, c'est très simple, c'est de dire aujourd'hui,
04:57il y a beaucoup de formations qui sont des formations privées.
04:59Beaucoup d'entre elles sont de bonne qualité, voire de très bonne qualité.
05:02Et bien, malgré tout, à côté de ça, il faut quand même réguler ce système.
05:05Et chasser le mouton noir.
05:06Et chasser le mouton noir.
05:07Et le réguler plus qu'on ne le fait aujourd'hui.
05:09Et c'est bien la logique du gouvernement aujourd'hui.
05:11L'autre dossier brûlant sur votre bureau, Philippe Baptiste,
05:15c'est l'offensif spectaculaire de l'administration Trump
05:18contre la recherche et le monde universitaire.
05:20On en parle particulièrement aujourd'hui, parce qu'il y a aujourd'hui même,
05:24à Lyon, à Grenoble, à Paris ou encore à Clermont-Ferrand,
05:27dans beaucoup d'universités en France,
05:29une mobilisation au nom du collectif Stand Up for Science.
05:33Pour les auditeurs qui ne vous connaissent pas,
05:35je précise que vous n'êtes pas un haut fonctionnaire,
05:37que vous êtes vous-même un scientifique, ingénieur des mines,
05:40diplômé d'une grande université britannique également,
05:43puis titulaire d'un doctorat à l'université de Compiègne,
05:45que vous avez dirigé le CNRS, que vous avez enseigné à Polytechnique,
05:49et puis que vous avez présidé le CNES, le Centre National d'Études Spatiales.
05:56Ma première question c'est, quand Trump s'en prend à la recherche américaine,
06:00il s'en prend à la recherche mondiale.
06:02Quelles sont les conséquences pour la recherche française ?
06:05En fait, le sujet clé est bien celui-là,
06:08c'est-à-dire que la recherche aujourd'hui dans le monde,
06:11ce n'est pas une recherche que vous faites dans votre coin, dans votre laboratoire,
06:14c'est une recherche qu'on fait toujours en réseau,
06:16et ce sont des réseaux mondiaux.
06:18Et les États-Unis, historiquement, ont joué un point,
06:22ont tenu une place considérable dans à peu près tous les secteurs de la recherche,
06:26certains plus que d'autres, etc.
06:28Et donc, quand brutalement les États-Unis arrêtent des programmes de manière unilatérale,
06:32sans discuter avec les partenaires, de manière extraordinairement brutale,
06:35mais derrière, en fait, ils mettent en danger non seulement la science qui se fait aux États-Unis,
06:40mais parfois la science qui se fait dans le monde.
06:42Et derrière, je voudrais donner des exemples très concrets,
06:44parce que c'est des exemples autour de la science, autour de la santé,
06:48et donc c'est des programmes du NIH, qui est l'INSERM américain,
06:52qui s'occupe des problématiques qui vont des sciences de la vie jusqu'à la santé.
06:56Mais c'est du suivi des zoonoses, c'est du suivi des infections,
07:00qui brutalement ne pourront plus être faites demain dans le monde,
07:03ou vont être faites de manière extrêmement dégradée.
07:05Mais concrètement, c'est un risque majeur pour la santé humaine mondiale.
07:10Derrière, c'est des programmes autour du suivi du climat,
07:14de la compréhension du système Terre, de l'observation de la Terre,
07:17qui sont arrêtés unilatéralement.
07:19C'est des programmes qui engagent des milliards d'euros de coopération,
07:22dans le spatial par exemple, pour l'observation de la Terre,
07:25qui demain sont... on ne sait pas,
07:27mais je ne sais même pas vous dire ce qui va se passer demain.
07:29Je vais vous donner un exemple.
07:31Elon Musk a annoncé unilatéralement qu'il allait arrêter,
07:35qu'il voulait désorbiter la Station Spatiale Internationale en 2027.
07:39Station Spatiale Internationale dans laquelle, vous savez,
07:41nos astronautes volent, etc.
07:43Et dans laquelle il y a énormément de manips scientifiques.
07:46Décision unilatérale, la Station Spatiale elle fait l'objet d'un traité international.
07:50Moi j'apprends ça par voix de presse.
07:52Je suis ravi de l'entendre.
07:54Mais qu'est-ce que ça veut dire concrètement ?
07:56Qui est en train de parler ? Est-ce que c'est le patron de SpaceX ?
07:58Ou est-ce que c'est l'administration américaine ?
08:00Est-ce que la France a les moyens d'accueillir
08:03un nombre considérable de chercheurs américains ?
08:06Puisque nous lisons un sondage publié par la revue Nature
08:09disant que 3 chercheurs américains sur 4, oui c'est incroyable,
08:13réfléchissent à quitter le pays.
08:15Non mais effectivement, j'ai lu comme vous ce sondage.
08:18Effectivement, 3 chercheurs sur 4 aux Etats-Unis
08:22qui envisagent de quitter le pays.
08:24Qui aurait pu imaginer dans le monde aujourd'hui
08:28avoir à entendre ça ?
08:30Donc effectivement, c'est un bouleversement systémique.
08:33Il y a un changement, il y a un tournant majeur.
08:35Moi je pense que c'est très grave pour la qualité de la recherche
08:39et la qualité de la science dans le monde.
08:41On doit faire notre part.
08:42On doit être fiers à la fois de ce qu'on fait,
08:44de notre traitement scientifique,
08:45on a des équipements,
08:46mais fiers de nos valeurs.
08:47Est-ce que la France a les moyens ?
08:48Oui, je vais y venir.
08:49Mais on doit être aussi fiers de nos valeurs
08:51et de la recherche qu'on porte.
08:53Et les valeurs c'est quoi ?
08:54C'est des valeurs qu'on porte depuis des siècles,
08:56c'est la liberté académique,
08:57c'est la capacité de développer, de pousser des recherches.
09:00Est-ce que ces chercheurs peuvent venir en France ?
09:01Oui, oui.
09:02Tous ?
09:03Mais tous, bien sûr que non.
09:05Et après, attendons de voir,
09:07c'est très prudent.
09:08Mais en tout cas, oui, bien sûr,
09:09on accueillera des chercheurs.
09:10Combien ?
09:11Je ne sais pas combien de chercheurs seront candidats.
09:13Ce que je peux vous dire aujourd'hui,
09:14c'est que par exemple,
09:15l'Université d'Aix-Marseille,
09:16qui a été très en pointe sur le sujet,
09:17ils ont lancé un programme pour accueillir des chercheurs
09:20avec des candidatures qui ont été ouvertes il y a quelques semaines.
09:22Et en quelques semaines,
09:23ils ont eu des centaines de candidatures.
09:25Moi j'ai des centaines,
09:26enfin peut-être pas,
09:27j'ai beaucoup de collègues.
09:28Est-ce qu'un budget particulier sera dégagé pour recevoir ces chercheurs ?
09:31Nous mettrons les moyens nécessaires additionnels,
09:33nous mettrons les moyens additionnels
09:35pour pouvoir effectivement accueillir dans de bonnes conditions les chercheurs.
09:39Ces annonces seront faites dans quelques jours
09:41ou dans quelques semaines.
09:42Mais bien sûr,
09:43on accompagnera les établissements.
09:44C'est aussi un travail que je mène
09:46avec les autres ministres de la recherche en Europe
09:48parce que c'est un enjeu majeur pour nous,
09:50pour nos valeurs,
09:51pour notre recherche
09:52et pour la science dans le monde.
09:53Philippe Baptiste, merci.

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