« Ces idées qui gouvernent le monde » s'intéresse aux grands débats et idées qui traversent la société.
Dans ce numéro les intervenants émettent des réserves quant à une évolution de la loi existante sur la fin de vie. Lors d'une seconde émission complémentaire, Emile Malet donnera la parole à des experts qui se prononcent en faveur d'un nouveau texte législatif portant sur l'aide active à mourir.
La fin de vie de chacune et chacun d'entre nous est une affaire individuelle, intime, subjective mais concerne tout autant la collectivité : les médecins, les familles, l'accompagnement social et psychologique... et la loi. Il faut dire que notre regard sur la mort a profondément changé depuis les agonies cruelles avec les atroces souffrances qui allaient avec jusqu'aux militances sociologiques prônant l'aide active à mourir et le suicide assisté. Sans compter l'aspect politique qui interfère par le biais législatif avec une nouvelle loi avortée du fait de la dissolution de juin 2023 et qui refait débat depuis l'avis du Comité consultatif national éthique proposant « une voie pour une application éthique d'une aide active à mourir ». Va-t'on poursuivre dans cette voie vers une rupture anthropologique comme le suggèrent ceux qui s'opposent à une nouvelle loi qui viendrait légaliser l'euthanasie et le suicide assisté ou alors s'en tenir à un simple toilettage de la loi Clays-Leonetti prônant une adaptation moins intrusive, solidaire et d'accompagnement d'une population en situation de précarité et de souffrance. A mi-chemin de ces positions,le Premier ministre François Bayrou propose de légiférer en séparant les soins palliatifs de l'aide active à mourir et du suicide assisté.
Émile Malet reçoit :
- Didier Sicard, professeur de médecine, ancien président du Comité Consultatif National d'éthique,
- Haim Korsia,grand rabbin de France,
- Bruno Dallaporta, médecin, président du GREFF, docteur en sciences et philosophie,
- Catherine Caleca, psychologue, psychanalyste,
- Claire Fourcade, médecin de soins palliatifs, présidente de la société française d'accompagnement et de soins (SFAP).
Présenté par Emile MALET
L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.
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Dans ce numéro les intervenants émettent des réserves quant à une évolution de la loi existante sur la fin de vie. Lors d'une seconde émission complémentaire, Emile Malet donnera la parole à des experts qui se prononcent en faveur d'un nouveau texte législatif portant sur l'aide active à mourir.
La fin de vie de chacune et chacun d'entre nous est une affaire individuelle, intime, subjective mais concerne tout autant la collectivité : les médecins, les familles, l'accompagnement social et psychologique... et la loi. Il faut dire que notre regard sur la mort a profondément changé depuis les agonies cruelles avec les atroces souffrances qui allaient avec jusqu'aux militances sociologiques prônant l'aide active à mourir et le suicide assisté. Sans compter l'aspect politique qui interfère par le biais législatif avec une nouvelle loi avortée du fait de la dissolution de juin 2023 et qui refait débat depuis l'avis du Comité consultatif national éthique proposant « une voie pour une application éthique d'une aide active à mourir ». Va-t'on poursuivre dans cette voie vers une rupture anthropologique comme le suggèrent ceux qui s'opposent à une nouvelle loi qui viendrait légaliser l'euthanasie et le suicide assisté ou alors s'en tenir à un simple toilettage de la loi Clays-Leonetti prônant une adaptation moins intrusive, solidaire et d'accompagnement d'une population en situation de précarité et de souffrance. A mi-chemin de ces positions,le Premier ministre François Bayrou propose de légiférer en séparant les soins palliatifs de l'aide active à mourir et du suicide assisté.
Émile Malet reçoit :
- Didier Sicard, professeur de médecine, ancien président du Comité Consultatif National d'éthique,
- Haim Korsia,grand rabbin de France,
- Bruno Dallaporta, médecin, président du GREFF, docteur en sciences et philosophie,
- Catherine Caleca, psychologue, psychanalyste,
- Claire Fourcade, médecin de soins palliatifs, présidente de la société française d'accompagnement et de soins (SFAP).
Présenté par Emile MALET
L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.
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NewsTranscription
00:00Générique
00:02...
00:23Bienvenue dans ces idées qui gouvernent le monde.
00:27l'aide active à mourir face à la loi.
00:30La fin de vie de chacune et chacun d'entre nous
00:33est une affaire individuelle,
00:35intime, subjective,
00:38mais concerne tout autant la collectivité,
00:41les médecins, les familles,
00:43l'accompagnement social et psychologique
00:45et la loi.
00:47Il faut dire que notre regard sur la mort
00:49a profondément changé,
00:51depuis les agonies cruelles
00:53avec les atroces souffrances
00:55qui allaient avec jusqu'aux militances sociologiques
00:59prônant l'aide active à mourir
01:02et le suicide assisté.
01:04Sans compter l'aspect politique
01:06qui interfère par le biais législatif
01:09avec une nouvelle loi avortée
01:12du fait de la dissolution de juin 2023
01:15et qui refait débat
01:17depuis l'avis du Comité consultatif national d'éthique,
01:21proposant une voie
01:23pour une application éthique
01:25d'une aide active à mourir.
01:28Va-t-on poursuivre dans cette voie
01:30vers une rupture anthropologique,
01:32comme le suggèrent ceux qui s'opposent
01:34à une nouvelle loi
01:36qui viendrait légaliser l'aide active
01:38et le suicide assisté,
01:40ou alors s'en tenir à un simple toilettage
01:44de la loi Clays-Leonetti
01:46prônant une adaptation moins intrusive,
01:49plus solidaire
01:50et d'un accompagnement social
01:53d'une population en situation
01:55de précarité et de souffrance ?
01:58À mi-chemin de ces positions,
02:00le Premier ministre François Bayrou
02:02propose de légiférer
02:05en séparant les soins palliatifs
02:07de l'aide à mourir et du suicide assisté.
02:10C'est ce que nous allons voir
02:12avec mes invités que je vous présente.
02:14Didier Sicard, vous êtes professeur de médecine,
02:17ancien président
02:19du Comité consultatif national d'éthique.
02:22Raïm Korsia, vous êtes grand rabbin de France.
02:25Bruno Dallaporta, vous êtes médecin,
02:27président du GREF, docteur en sciences
02:30et en philosophie.
02:32Catherine Kaléka, que nous avons en visioconférence,
02:35est psychologue et psychanalyste.
02:38Et vous, Claire Fourcade,
02:39vous êtes médecin de soins palliatifs
02:42et présidente de la Société française
02:45d'accompagnement et de soins.
02:47Avant d'amorcer notre débat proprement dit,
02:50rendons-nous à l'Assemblée nationale
02:51avec le député Alain Cleysse,
02:54évoquer les nouveaux droits des personnes en fin de vie.
02:57Je rappelle qu'il était co-rapporteur
02:59de la Commission des affaires sociales.
03:02Il s'exprimait le 10 mars 2015.
03:05Notre proposition de loi part du plus près
03:08de la demande de nos concitoyens,
03:10celle d'avoir une fin de vie sans souffrance
03:14et de pouvoir la maîtriser jusqu'au bout.
03:17Le Comité consultatif national d'éthique le dit.
03:20Il existe une expression forte et unanimement partagée
03:24par les personnes d'une volonté d'être entendues,
03:27respectées et de voir leur autonomie reconnue.
03:31C'est pourquoi nous avons souhaité
03:33que les directives anticipées s'imposent désormais aux médecins
03:37et que la personne de confiance bénéficie d'un véritable statut.
03:43À la demande du patient de bénéficier d'une fin de vie apaisée,
03:47nous avons ouvert un nouveau droit à la sédation
03:50pour des malades atteints d'une infection grave et incurable
03:53dont le pronostic vital est engagé à court terme.
03:57Celle-ci sera accompagnée d'un arrêt de tout traitement,
04:01y compris hydratation et nutrition artificielle,
04:04qui, comme l'a rappelé le Conseil d'Etat,
04:07constitue des traitements.
04:09Dans le cadre des auditions que nous avons menées
04:12avec Jean Leonetti pour préparer la présente proposition de loi,
04:16cet avis a d'ailleurs été partagé par Axel Kahn,
04:20président du Comité d'éthique et cancer.
04:24Selon lui, la nutrition par sondes gastriques
04:28et l'hydratation par perfusion de personnes plongées
04:31dans un sommeil profond correspond à une forme de réalimation
04:35assimilable à de l'acharnement thérapeutique.
04:38Claire Fourcade, vous venez d'écouter Alain Cleize.
04:41C'était le 10 mars 2015.
04:44Ca a beaucoup changé.
04:46Qu'est-ce que vous pensez de ce que vient de dire le député ?
04:49Je travaille depuis 25 ans en soins palliatifs.
04:52J'accompagne des patients et on vit au quotidien
04:54avec la loi Leonetti et avec la loi Cleize Leonetti.
04:57C'est deux lois qui portent la même philosophie.
04:59C'est des lois pour nous, de tous les jours,
05:01dans toutes les chambres.
05:03C'est pour moi incroyable comme cette loi est concrète
05:06et comme elle accompagne notre action
05:08et notre réflexion pour chaque patient.
05:11C'est vraiment une loi qui porte pour chaque patient
05:14un message collectif et qui, pour nous soignants,
05:17est un guide pour accompagner.
05:19J'ai vraiment le coutume de dire que cette loi est un vrai trésor,
05:22extrêmement subtile, mais extrêmement importante pour nous.
05:25C'est votre avis, Raïm Korsia ?
05:28Je pense qu'il y a eu un chemin,
05:30avec des étapes qui ont marqué notre pensée collective,
05:33depuis, globalement, les lois qu'il y avait
05:37sur la reconnaissance de la souffrance,
05:39qui n'étaient pas évidentes.
05:41Il a fallu une loi pour dire qu'il y a de la souffrance.
05:44Et puis, après, les droits du patient,
05:47et enfin, ce qu'on a mis comme plan,
05:49en disant qu'il faut développer les soins palliatifs.
05:52Mais on a fait des lois, et on a fait d'autres lois,
05:55en 2005 et en 2016, mais on n'a pas encore réalisé
05:58ce qu'on avait prévu dans les soins palliatifs.
06:00Je voudrais juste qu'on réalise ce qu'on avait dit
06:03sur les soins palliatifs, pour faire en sorte
06:05qu'il y ait une homogénéité du territoire
06:08et plutôt que de réfléchir
06:10sur tel ou tel cas hyper, ultra, absolument minoritaire,
06:14voyons comment on peut permettre à chacun et à chacune
06:17d'être égal devant le fait
06:21que personne n'a plus à souffrir en France.
06:24Une fois qu'on a dit ça,
06:26il faut faire en sorte que ce soit partout la même chose.
06:29Vous pensez que les choses ont changé en 15 ans ?
06:35Oui, je pense...
06:36Par rapport à ce que vous venez d'écouter ?
06:39Oui, je pense que les choses ont changé
06:42et en même temps, des problèmes supplémentaires
06:44sont apparus, notamment du fait
06:48de l'insistance actuelle
06:50de proposer des soins à domicile.
06:55Je trouve qu'autant les centres de soins palliatifs
07:00eux-mêmes sont, j'allais dire, équipés
07:02pour faire référence à la loi,
07:04autant un certain nombre d'institutions
07:08et les soins à domicile sont beaucoup plus en difficulté
07:12face à déjà cette loi qui est difficile à appliquer,
07:15dans la mesure où je pense que l'appropriation de cette loi,
07:20elle nécessite vraiment une réflexion
07:22et une formation importante
07:23qui ne sont pas toujours effectuées dans ces endroits-là.
07:26Merci. Alors, Didier Sika,
07:28en rentrant dans le vif du sujet,
07:32je voudrais avoir votre avis sur le dispositif législatif.
07:36Est-ce qu'il faut une nouvelle loi
07:38au regard des souffrances et de l'isolement
07:41enduré par les patients en fin de vie ?
07:44Doit-on s'en tenir à la loi Claes Leonetti de 2016,
07:49dont on vient de parler ?
07:51Est-ce qu'il faut légiférer en séparant
07:53les soins palliatifs et les autres aides à mourir ?
07:58A votre avis, quelle est la solution optimale,
08:03s'il en existe, d'ailleurs,
08:05par rapport à la demande sociale
08:09telle qu'elle se prononce aujourd'hui
08:12à travers les réseaux sociaux, les médias,
08:16les spiritualités, les politiques, etc.
08:20Parce qu'il faut bien en sortir.
08:22L'intérêt de la loi 2015, c'est d'être opératoire.
08:26C'est-à-dire qu'elle s'approche des personnes
08:30et donne des possibilités.
08:34Elle n'est pas une entrave aux soins,
08:37elle est, au contraire, le sentiment
08:40que la personne en fin de vie
08:44est dans une situation non pas d'autonomie,
08:47mais d'hétéronomie, c'est-à-dire en demande de soins
08:51et comme n'importe quelle personne,
08:54au moment de notre mort,
08:56notre autonomie, elle vole en éclats.
08:58Elle est très présente dans chacun des citoyens
09:01à 30 ou 40 ans dans le futur.
09:03Autrement dit, cette loi de 2015 est une bonne loi.
09:06J'étais très frappé de voir que c'est une des rares lois françaises
09:10admirées dans le monde entier,
09:13en particulier en Amérique du Sud.
09:15Cette loi, quand j'étais là-bas,
09:17était très représentative, au fond, de l'esprit français,
09:21de la clarté et de l'efficacité.
09:26Deuxième point, c'est que quand on commence à faire une loi
09:30qui légalise la transgression,
09:33c'est pas simplement une transgression unique
09:36et que toute l'expérience des Belges, des Hollandais, des Canadiens,
09:41c'est que dès qu'une loi a ouvert la transgression,
09:45c'est sans fin.
09:47On élargit sans cesse le terrain et le spectre
09:51des personnes disponibles et, au fond, c'est terminé.
09:56Il n'y a plus, au fond, ça change totalement
10:00le rapport de la médecine à l'humain.
10:04Et qu'à partir du moment où la médecine devient victime
10:10d'une sorte, d'abord, d'élit d'entrave,
10:12c'est-à-dire que, comme si un médecin
10:15qui accompagnait une personne,
10:17on lui reprochait cet accompagnement
10:19au lieu de donner la mort,
10:21que le délit d'entrave soit inscrit dans une loi,
10:25c'est-à-dire qu'au fond, c'est comme si on...
10:28Le délit d'entrave, d'aider une personne.
10:30Il y a quelque chose qui est philosophiquement
10:33absolument effrayant.
10:34Oui, mais là, il est prévu de légiférer.
10:38Il est prévu de légiférer et de faire un article.
10:41Quand j'en avais parlé avec la ministre,
10:43elle m'a dit que c'est le coeur de la loi.
10:45Vous parlez de quel ministre ?
10:47De l'entrave.
10:48De quel ministre ?
10:50Madame...
10:51Pierre-Main Le Baudot.
10:52Pierre-Main Le Baudot, qui n'est plus ministre.
10:55Quand je lui ai dit que le délit d'entrave
10:57était extrêmement grave, elle m'a dit que c'était le coeur de la loi.
11:02Je lui ai dit qu'il faudrait qu'en retour,
11:04il y ait un délit d'usage immodéré.
11:07A nous, il n'en est pas question.
11:09Autrement dit, cette loi
11:12est une loi proactive,
11:14est une loi qui répond à des militants,
11:17qui sont à peu près 2 % de la population,
11:21et qui sont désireux, non pas forcément pour eux-mêmes,
11:24mais d'inscrire cette espèce de...
11:28d'épée de Damoclès sur le dos des médecins,
11:33comme si c'était une nouvelle façon de soigner.
11:38Chaim Korsia, toutes les lois...
11:42sont considérées par des avancées par certains
11:45et des régressions par d'autres.
11:47Attendez.
11:48Si je peux me permettre, réécoutons ce qu'a dit le professeur Sikard.
11:54Et d'abord, dans le fait de me permettre,
11:57vous-même, quand vous dites aide à mourir,
11:59vous validez ce concept,
12:01qui est un concept, pardon, marketing.
12:03Aide à mourir, mais moi, je veux qu'on m'aide à vivre.
12:06Aide à mourir, c'est...
12:08Je fais ça... J'aide à vivre, j'aide à mourir,
12:10c'est mon métier depuis 25 ans.
12:12Le professeur nous dit quelque chose de très juste,
12:152 %, c'est-à-dire que les 2 % ne seront jamais contentés par la loi
12:19tant qu'on leur dira pas qu'on peut faire de l'euthanasie,
12:22tuer les gens.
12:23Le professeur a été un peu méchant avec votre serviteur.
12:27Il a dit, à 30, 40 ans, je pense qu'à 60 ans,
12:29on peut encore avoir toutes ces possibilités,
12:32si c'est vous le médecin, pas moi,
12:34mais il y a un moment où on ne peut plus faire les choses
12:37comme on les faisait à 20, 30, 40 ou 60 ans.
12:39A ce moment-là, il faut arrêter.
12:41Ce que le professeur nous dit, c'est frapper du bon sens.
12:44En plus, si je me permets, je me rappelle votre étude de 2012.
12:48Il tourne partout en France et partout dans le monde,
12:51il n'entend jamais cette demande, vous-même, dans vos services,
12:54et quand on voit Jeanne Garnier à Paris,
12:56mais vous, à Narbonne, on n'entend pas cette demande.
12:59Je veux mourir, arrêter de souffrir.
13:01C'est pas la même chose.
13:03Claire Fourcade, j'entends bien ce point de vue,
13:07mais aujourd'hui, vous entendez aussi
13:11le point de vue des personnes en grande souffrance
13:16et qui disent qu'on ne veut pas rester
13:19avec cette grande souffrance au moment du départ.
13:23Par ailleurs, vous savez que les soins palliatifs
13:25ne sont pas partout, donc est-ce qu'on ne peut pas
13:28entendre ces personnes et les aider à mourir ?
13:32C'est fondamental d'entendre.
13:34La demande de mort, elle fait partie...
13:36Elle est plus rare que ce qu'on imagine,
13:38mais elle fait partie de notre quotidien.
13:40Entendre cette demande, c'est notre métier.
13:43Avec chaque patient, essayer de voir comment on répond.
13:46Ce qui est important pour nous, c'est que,
13:48quand un patient me fait cette demande,
13:51je m'assoie et je demande pourquoi.
13:53Je demande pas quand ou comment vous voulez mourir,
13:56mais pourquoi.
13:57C'est la recherche de ce pourquoi qui nous permet,
14:00dans l'immense majorité des cas, de trouver des solutions.
14:03L'équipe où je travaille, on a accompagné 15 000 patients,
14:06trois demandes persistantes d'euthanasie en 25 ans.
14:09Ca veut dire qu'avec ces patients, on trouve des chemins.
14:12Vous parlez des patients que vous avez à Jeanne-Garnier.
14:15Je travaille à Narbonne, dans un département rural, pauvre,
14:18où on accompagne des patients
14:20avec des pathologies très diverses,
14:24y compris beaucoup de maladies neurodégénératives.
14:26Et ces patients-là, ce qu'ils nous disent,
14:29c'est que je veux plus souffrir.
14:31Comment expliquez-vous que dans les sondages,
14:33comment expliquez-vous que dans les sondages,
14:36les personnes qui demandent une aide à mourir
14:38soient plus nombreuses que ceux...
14:40Il y a deux raisons.
14:42Je vous en prie.
14:43Je vais repartir sur la piste de l'aide à mourir
14:45comme slogan marketing.
14:47En réalité, aide à mourir, c'est un terme
14:50qui est un enfumage, qui crée un grand bouillard.
14:53Tout le monde veut être aidé à mourir.
14:55Quand vous faites le sondage, 90 % des personnes
14:58sont favorables à l'aide à mourir.
14:59C'est bien normal.
15:01100 %.
15:02Mais en fait, le terme est un terme qui enfume.
15:05Pourquoi ?
15:06Parce qu'il y a cinq situations qui relient
15:09le médecin et la mort, ou l'acte médical et la mort.
15:12Laissez-moi aller jusqu'au bout, sinon on est dans la confusion.
15:15Premièrement, vous avez l'abstention.
15:18On ne transfère pas une personne de 90 ans en réanimation
15:21si elle a le Covid, au risque de hâter la mort,
15:23car on sait qu'elle ne supportera pas.
15:25Deuxièmement, vous avez l'analgésie.
15:28Vous pouvez prescrire des analgésies puissantes
15:30ou des sédatifs puissants à une personne
15:32qui a des métastases hyperalgiques.
15:34Deux, analgésie.
15:35Troisièmement, les limitations et arrêts de traitement.
15:38Je suis néphrologue, je connais bien la dialyse,
15:41la greffe.
15:42On peut arrêter un traitement vital, la dialyse,
15:45disproportionné, au risque d'accélérer la mort.
15:48Quatrièmement, le suicide assisté.
15:50Vous remettez à la personne un poison qu'elle va absorber
15:53ou une perfusion qu'elle déclenche.
15:55Cinquièmement, l'euthanasie.
15:57Le médecin provoque délibérément la mort.
15:59Et là, vous attendez un, deux, trois, quatre, cinq,
16:03il n'y a plus personne.
16:04C'est très différent.
16:06Ce qu'il faut voir, c'est que dans ces cinq, quatre figures,
16:09il y a un crescendo dans la gravité morale de l'acte.
16:12Le un, abstention, est moins grave qu'euthanasie.
16:14Il faut voir, et c'est là où j'en viens,
16:17qu'il y a une rupture qualitative entre le un, deux, trois,
16:20abstention, analgésie, arrêt de traitement,
16:22et le quatre, cinq, suicide assisté et euthanasie.
16:25Il y a une rupture qualitative
16:27parce que c'est l'interdit de donner la mort
16:29qui se situe là.
16:30Quand on dit elle a mourir, on fait tomber la trappe
16:33et la confusion amalgame.
16:35Je termine juste cette partie-là.
16:37Ce qui est très important, c'est que dans les médias,
16:40tout est confus, il n'y a que des amalgames.
16:43Chez les journalistes, les citoyens, les intellectuels...
16:46Ca, c'est votre propos.
16:47Non, laissez-moi finir. Je ne parle plus pendant une demi-heure.
16:51Je finis.
16:52Macron, quand il fait son article, Libé la croix,
16:55on lui dit, vous êtes sûrs qu'aide à mourir,
16:58ce n'est pas euthanasie, il dit, non, c'est très différent.
17:01Le Conseil d'Etat, la norme supérieure,
17:03dit qu'il se trompe, c'est bien un suicidicide et une autre amourir.
17:07Il faut voir qu'il y a énormément d'amalgames et de confusions.
17:10On ne peut pas clarifier les enjeux.
17:12On est très contents de les clarifier ici
17:15parce que tout se situe dans ces cinq cadres.
17:17La loi de 2005, Léonetti, faisait la grande différence.
17:21La classe Léonetti faisait la grande différence
17:23entre 1, 2, 3 et 4, 5.
17:25On rentre dans les confusions et les amalgames.
17:27Je voudrais avoir votre avis à vous.
17:30Est-ce qu'on considère
17:35qu'il y a les anciens et les modernes ?
17:38Est-ce qu'à votre avis, la demande de ceux qui estiment
17:42qu'ils ont besoin d'une aide à mourir parce qu'ils souffrent
17:47et qu'il y a une inégalité à leur égard,
17:50c'est quelque chose qu'on peut écouter ?
17:53Je verrais deux points dans votre question.
17:58La première,
17:59je crois que c'est la grande différence
18:04entre les centres de soins palliatifs
18:06et les gens qui y exercent et la population générale.
18:10C'est-à-dire qu'on est dans un idéal d'autonomie dans notre société
18:16qui fait que perdre le contrôle est quelque chose d'insupportable.
18:20Une des réponses à cette perte d'autonomie,
18:24ça pourrait être de reprendre la main
18:28en décidant de soi-même de son propre décès.
18:31Il est à noter, en ce qui concerne les personnes âgées,
18:34notamment, que le taux de suicide au grand âge
18:37est très important déjà.
18:40Cette question de l'autonomie,
18:43elle permet d'éviter l'idée de dépendance totale,
18:49qui est d'être totalement dans la main du médecin
18:53avec tous les fantasmes de réanimation,
18:56d'acharnement thérapeutique
18:59et de sorte de chosification, en réalité, de la mort.
19:04Mais ce qui est compliqué dans cette histoire,
19:08c'est qu'il y a une espèce de télescopage,
19:10et je suis d'accord avec le précédent intervenant,
19:14entre l'angoisse que suscite notre finitude
19:19et le désir de la contrôler,
19:21et la question du soin et des soignants.
19:23Je ne suis pas complètement sûre
19:25que le destin des soignants
19:27soit de provoquer la mort des patients.
19:31Et là, je crois qu'on est vraiment dans une contradiction éthique
19:35qui met tout le monde en très grande difficulté,
19:37notamment les soignants.
19:38Pardon ? Pas que éthique.
19:40Parce qu'il y a eu une étude
19:43et une expression des représentants
19:46de plus de 800 000 soignants, ça compte quand même,
19:49qui ont dit qu'on voudrait pas faire cet acte.
19:52Quand ils disent...
19:53-"Ca a été pareil pour l'avortement",
19:55Rahim Korsia.
19:56Non, non. Pour l'avortement,
19:58il y avait des morts,
19:59il y avait des situations inadmissibles.
20:02On a, je vous signale que la loi autorise
20:05cette sorte de clause de conscience.
20:07Donc là, les soignants vous disent
20:09qu'on n'est pas là pour ça.
20:11Et moi, j'entends la fois cette idée de dire
20:14que je ne veux pas souffrir,
20:15mais la loi Claes Leonetti prévoit la sédation profonde,
20:19continue, irréversible.
20:22La réalité, c'est qu'il n'y a aucune raison
20:25de transformer une loi...
20:27En plus, le professeur a raison.
20:29Elle est admirée partout
20:31et en plus, elle a été votée à l'unanimité.
20:33C'est quand même assez rare en France pour ça.
20:36Vous n'avez pas donné votre avis sur un point précis,
20:39le Premier ministre, François Bayrou,
20:42a laissé entendre,
20:44ce n'est pas encore définitif,
20:47de séparer la loi en deux.
20:49Est-ce que vous seriez favorable
20:52à ce qu'il divise la loi en deux,
20:55c'est-à-dire deux lois,
20:56une sur les soins palliatifs
20:58et une autre sur les autres aides à mourir ?
21:01Sur ce point précis,
21:02puisque c'est du domaine du politique,
21:05même si vous n'êtes pas des politiques,
21:07mais vous avez un avis de citoyen.
21:09Oui, mais sur ce point...
21:11La réponse est plus compliquée qu'on ne croit.
21:14D'accord, mais quand même...
21:16Simplement, c'est que...
21:18C'est pas parce qu'on va couvrir la France de soins palliatifs
21:21qu'on pourra faire de l'aide à mourir
21:24une sorte de loi permissive.
21:27Les soins palliatifs, le drame,
21:30c'est que l'absence de soins palliatifs
21:32peut aboutir à une espèce de résolution,
21:36de demander la mort, parce qu'on n'a pas d'autre accès.
21:39Mais je pense pas que ce soit un point fondamental.
21:42On pourrait reprocher,
21:45en séparant les deux,
21:47qu'on voudrait à tout prix privilégier
21:50les soins palliatifs et écarter la réflexion.
21:53Je pense que la réflexion, en profondeur,
21:56sur cette aide à mourir, sur les questions qu'elle pose,
21:59sur, au fond, l'écart qu'il y a,
22:01en répondant à des militants
22:04et en mettant en danger une grande partie des Français,
22:07parce que c'est ça, le problème.
22:09Une loi, elle est faite pour protéger,
22:11elle n'est pas faite pour exposer à un risque.
22:14Vous n'êtes pas favorable à ce qu'il y ait de loi ?
22:17Je ne suis pas favorable,
22:18parce qu'on risquerait de considérer
22:21qu'il y a eu un entourloupe de vouloir...
22:23Je préfère qu'il y ait un véritable débat
22:26sur... parlementaire, sur cette question,
22:29plutôt que de trouver une stratégie d'évitement.
22:33Alors...
22:35Avançons quand même dans le débat.
22:38Parmi les défaillances objectives,
22:41et vous êtes bien placée,
22:43madame Fourcade,
22:45pour voir qu'il manque
22:48beaucoup de structures de soins palliatifs,
22:51de maisons d'accompagnement,
22:53de personnel médico-infirmier,
22:56de soins antidouleurs,
22:58et j'oublie aussi de dispositifs d'écoute,
23:01etc.
23:02A votre avis,
23:04est-ce que c'est une urgence de les combler
23:08et comment le faire ?
23:09Ca fait 25 ans que la loi nous dit
23:11que tous les Français doivent pouvoir bénéficier
23:14de soins palliatifs.
23:15Nous, ce qu'on voit au quotidien,
23:17c'est que tous les jours, en France, il meurt 500 personnes,
23:20chaque jour, qui n'ont pas eu accès aux soins.
23:23Ca contribue à la question de la position des Français.
23:26Chaque Français a vu mourir autour de lui
23:28des gens dans des conditions difficiles,
23:31voire inacceptables, et se dit qu'il ne veut pas mourir
23:34dans ces conditions.
23:35Vous admettez que ça...
23:37Bien sûr. Il y a encore un chemin très important à faire.
23:40Il y a beaucoup de Français qui meurent
23:42dans des conditions inacceptables.
23:44Ce qui est le plus frustrant pour nous soignants,
23:47c'est qu'on sait que c'est évitable.
23:49On sait que ces morts inacceptables sont évitables.
23:52Qu'est-ce qu'il faudrait faire pour avoir un dispositif,
23:55j'allais dire, qui soit à la fois opérationnel,
23:58solidaire, humain, qui coche toutes les cases ?
24:03Il faut une vraie volonté politique.
24:05On ne soigne pas avec des lois.
24:07On soigne avec des gens, avec de l'argent et de la volonté.
24:10Ce que vous avez dit me paraît essentiel.
24:12Il faut un engagement de la société.
24:15Si on attend que ce soit seulement les soignants
24:17qui gèrent la question de la mort, on n'y arrivera jamais.
24:20On a besoin que toute la société s'engage.
24:22C'est important. La loi est un message collectif.
24:25Elle dit à chaque patient et aux soignants
24:27à quel point les patients sont importants pour nous,
24:30pour nous collectivement. Elle dit, vous comptez pour nous.
24:34Si la loi ne dit plus ça, ça perd son sens
24:36pour les patients et pour les soignants.
24:38Mais on a besoin d'une loi qui dit qu'il faut qu'on s'y mette tous.
24:42Si on s'occupe de son voisin, de ses proches,
24:44avec l'aide des soignants, on pourra accompagner correctement.
24:47Cette crainte de mourir seul dans de mauvaises conditions
24:51disparaîtra. C'est pas seulement une question de soignants.
24:54C'est une question d'engagement de l'ensemble de la société
24:57et je crois qu'on a tous envie d'une société qui prend soin
25:00où on prend soin les uns des autres.
25:02L'autonomie, c'est de savoir quand on a besoin des autres
25:05et de trouver à ce moment-là quelqu'un pour nous aider.
25:08C'est vraiment essentiel.
25:10M. Corsia, est-ce que c'est quoi le devoir d'accompagnement
25:14pour vous, qui êtes un dignitaire religieux ?
25:17Votre question est franchement remarquable.
25:21Je me suis souvent battu
25:23pour qu'on arrête d'appeler ces soins des soins palliatifs.
25:26Dans le mot palliatif,
25:28il y a l'idée que je ne peux plus rien faire d'autre,
25:30donc on te met là parce que c'est fini.
25:33Moi, je crois que c'est le coeur du coeur du soin,
25:35du care, disiez-vous, lorsque vous étiez au comité national politique.
25:38Prendre soin de quelqu'un, c'est l'accompagnement.
25:41Donc, en fait, ça se règle avec plus de personnes.
25:44Ça se règle même avec du bénévolat.
25:47Et moi, je sais que, contrairement à ce qu'on dit,
25:50il faut toujours des maisons,
25:51on pourrait couvrir la France de maisons.
25:53Si vous n'avez pas une mobilisation citoyenne,
25:56des braves gens, votre voisin,
25:58vous êtes dépendants, vous ne pouvez pas sortir de chez vous.
26:00C'est un drame.
26:01Mais si vos voisins vous amènent le pain, les légumes, le courrier,
26:06c'est déjà moins grave.
26:07Donc, en fait, si on pallie
26:09par une sorte d'hypersociété de la proximité,
26:15qui s'appelle la fraternité,
26:16eh bien, nous manque,
26:18compensée par les autres, devient insupportable.
26:21Qu'est-ce qui est insupportable ?
26:23C'est cette solitude qu'on peut percevoir,
26:25soit dans le monde hospitalier où on est seul
26:27parce qu'on n'arrive pas à comprendre ce qu'ils nous veulent
26:30et on a l'impression d'être un poids,
26:32soit l'isolement par rapport à la famille,
26:35donc oui, vous avez raison,
26:36moi, j'appellerais ça des soins d'accompagnement.
26:39Et vous, comment vous voyez ça, Didier Sicard,
26:42les soins d'accompagnement ?
26:43Je pense que l'accompagnement,
26:46il est non seulement nécessaire,
26:49mais quelle est la situation
26:52dans laquelle chacun d'entre nous, quand on va mourir,
26:55un accident, un cancer, un accident vasculaire cérébral,
26:59ce qu'on demande, c'est que la société délègue
27:02à un médecin, à personne,
27:05le soin d'être là, une famille, d'être là,
27:08d'être attentif à ce moment,
27:10qui est un des moments cruciaux de l'existence.
27:12Il y a beaucoup de gens qui sont tout seuls.
27:14Justement, c'est de penser que la mort,
27:17quand on voit des personnes âgées
27:18qui meurent sur un brancard dans l'indifférence générale,
27:22c'est insupportable.
27:23Quand une société considère que la mort,
27:25on peut s'en débarrasser rapidement,
27:27et que la loi permettra, au fond,
27:30par résignation de l'absence de soins,
27:32c'est la meilleure solution.
27:34Au fond, le problème, c'est que cette loi
27:37va risquer de désengager du soin.
27:40C'est le paradoxe.
27:41En répondant aux vœux apparents
27:45des citoyens en parfaite autonomie,
27:47on va aboutir à une destruction de l'accompagnement.
27:51On parle toujours des maladies de Charcot.
27:53C'était l'emblème même d'une maladie
27:56extrêmement désagréable, douloureuse, pénible,
27:59qui dure quelques années.
28:01Quand le centre de maladies de Charcot,
28:03le Salpêtrière, dit que la demande de mort
28:06chez ces malades est extrêmement rare,
28:08elle existe, mais elle est extrêmement rare,
28:11alors qu'on en fait l'emblème, au fond,
28:14le totem d'une aide à mourir.
28:17Je trouve que c'est le problème
28:19de la philosophie de la loi.
28:21Ce n'est pas tellement de répondre à cette ultime liberté,
28:25c'est de comprendre les conséquences
28:28extraordinairement pernicieuses,
28:31négatives à long terme,
28:33qu'on a observées dans tous les pays
28:35qui ont adopté une telle loi.
28:37C'est pour ça qu'il faut s'avancer
28:39avec une prudence extrême en pensant
28:42qu'une loi, elle peut avoir un effet
28:45de réponse positive à ceux qui militent
28:48et un effet de destruction.
28:50Là, on est dans l'accompagnement.
28:52Alors, Catherine Kaléka,
28:53comment vous concevez-vous
28:55votre accompagnement en tant que psychanalyste
29:00face à ces patients qui viennent vous consulter ?
29:06Alors, moi, je pense que cette question
29:09de l'accompagnement et du soin, elle existe,
29:13cependant, elle est parfois...
29:17Comment dire ?
29:20La question de la mort en tant que telle,
29:22elle est parfois...
29:25Je pense que là se pose la question.
29:28Je lisais récemment un travail, justement,
29:31qui avait trait aux demandes de suicides assistés
29:34en soins palliatifs, où il n'était pas possible
29:37puisque légalement interdit,
29:39et où je trouvais que, finalement,
29:41cette demande des patients,
29:43qu'il a été en situation de précarité de santé,
29:48permettait d'aborder clairement
29:51la question de la fin de vie avec les patients eux-mêmes.
29:54Et je crois que ça rencontre
29:56cette demande d'autonomie des sujets.
29:59C'est-à-dire que, d'une certaine manière,
30:03il y a une représentation de la bonne mort
30:05ou de la mort qu'on souhaiterait
30:07qui met à l'abri des angoisses
30:10qui nous saisissent tous à l'idée de mourir,
30:13à l'idée aussi d'avoir un corps halté
30:15dans une dépendance,
30:18voire des douleurs.
30:20Et je pense que de pouvoir l'aborder clairement...
30:24Alors, on a pensé quelque chose
30:26à propos des directives anticipées,
30:28mais elles sont énoncées souvent sur papier
30:32et rarement discutées précisément avec les gens.
30:37Et je pense que là, il y a peut-être une ouverture
30:41qui permettrait de pouvoir évoquer
30:46ce que pourrait être une représentation
30:48pour le sujet lui-même de sa propre mort.
30:50Alors, avec vous, Bruno Dallaporta,
30:53vous êtes médecin, président du greffe,
30:55est-ce qu'il n'y a pas une autocritique
30:58possible des médecins par rapport à ce sujet ?
31:02La fin de vie est quasiment absente
31:05comme sujet d'étude,
31:07comme au niveau de la formation universitaire,
31:11a fortiori en termes de valorisation,
31:14de progrès scientifique, etc.
31:17Bon, c'est un peu le désert dans ce domaine-là.
31:21Est-ce que, dans la formation médicale,
31:24comment vous expliquer qu'on ne prépare pas les médecins
31:28à ce sujet qui est quand même capital ?
31:32C'est une excellente remarque.
31:34On a une très grande loi,
31:36qui est la loi 2005-Leonetti.
31:37Elle n'a pas été enseignée suffisamment
31:40et tous les médecins de mon âge ont fait des études avant 2005.
31:43Il y a peu de médecins qui sont compétents
31:46en éthique médicale et en soins médiatifs.
31:48Par contre, il y a plein de bons médecins.
31:50On n'est pas en train de mettre en cause
31:53le médecin en tant que médecin,
31:54mais le médecin qui n'a pas cette formation.
31:57On dit la même chose.
31:58Les personnes qui réclament l'euthanasie
32:01sont souvent des personnes qui ont été traumatisées
32:03par des proches qui ont vécu un abandon médical,
32:06qu'on a laissé dans une chambre sans qu'on passe, etc.
32:09Elles posent la bonne question.
32:11Elles disent que c'est insupportable,
32:13cette médecine qui n'est pas à la hauteur.
32:16Mais elles apportent la mauvaise réponse.
32:18La réponse n'est pas l'euthanasie,
32:20mais comment on transmet cette loi,
32:22ses repères philosophiques, médicaux, comment on la transmet ?
32:26La vraie question, c'est qu'on a une très grande loi
32:29mal connue et mal appliquée.
32:30Il y a urgence à diffuser ces concepts.
32:33Je suis entièrement d'accord avec vous.
32:35Les vraies demandes par les proches d'euthanasie
32:37sont souvent des personnes qui ont vécu des situations insupportables.
32:41Je fais un mea culpa de la médecine.
32:43Il faut répondre à ces questions.
32:45C'est ce qu'on dit depuis tout à l'heure.
32:48Il faut divulguer les soins palliatifs.
32:50Mais là où il n'y a pas de soins palliatifs,
32:52les gens qui sont dans ces situations de grande souffrance,
32:56il faut bien s'en occuper.
32:57Si vous donnez un argument par défaut, pragmatique,
33:00en disant qu'on a mal fait, donc on leur propose la mort,
33:03c'est quand même une réponse pauvre.
33:06C'est-à-dire que c'est un fort coût moral pour une civilisation
33:09et un faible coût économique.
33:11On voudrait que la démocratie soit un fort coût économique
33:14pour mettre les moyens et un faible coût moral.
33:17On est bien d'accord.
33:18J'ai vu un reportage à la télé.
33:21Dans un petit village, il y avait un médecin.
33:23On lui a demandé, un généraliste,
33:26de faire également des veillées
33:29pour qu'il soit là la nuit,
33:32des gardes de nuit.
33:33La personne a refusé, pour des raisons personnelles.
33:36Il n'y a plus de médecin.
33:38Les patients sont obligés d'aller à 30 km.
33:40Mais le problème, c'est que quand quelqu'un
33:43est dans un état de grande souffrance,
33:45il ne peut pas aller à 30 km.
33:46Alors qu'est-ce qu'on fait pour lui ?
33:48Au Canada, ils ont fait une enquête récemment.
33:51Vous allez voir le lien.
33:53Ils ont dit, est-ce que vous êtes favorable
33:55à ce qu'on ouvre l'euthanasie pour les personnes
33:57qui ont des difficultés sociales en grande précarité ?
34:00En gros, les SDF. 28 % des Canadiens ont dit oui.
34:03Au lieu de traiter la précarité, on élimine les précaires.
34:06C'est le même problème que vous posez.
34:09Il y a un manque de moyens.
34:10Est-ce qu'on va enlever les personnes qui manquent de moyens ?
34:13On n'est pas d'accord.
34:15Les personnes qui manquent de moyens ont recours aux politiques
34:18pour corriger ce qu'ils considèrent comme une inégalité.
34:21Vous êtes trop fin
34:23pour ne pas avoir compris cette réponse.
34:27Vous dites...
34:28Regardez bien ce que vous dites, c'est très intéressant.
34:31Vous dites, puisqu'il y a des endroits
34:33où il n'y a pas d'unité de soins palliatifs,
34:35faisons une loi pour ces endroits.
34:37Vous allez me dire qu'il y aura une loi pour ces endroits,
34:40mais là où il y a les soins palliatifs, il n'y aura pas la loi ?
34:43Vous le savez bien, monsieur Porcier,
34:45il y a une médecine à deux vitesses, à trois vitesses...
34:48Il n'y a pas une République...
34:50Il n'y a pas une République à diverses lois.
34:53La réalité, c'est qu'on risque d'instiller,
34:55comme le disait le professeur,
34:57une perte de confiance radicale dans tout le personnel soignant.
35:01Je rentre dans un hôpital.
35:03Est-ce qu'il n'y a plus la seringue ou pas ?
35:05Est-ce qu'on va me soigner ou m'éliminer ?
35:07En considérant que, vu mon âge...
35:10Rappelez-vous la question que nous avions au Conseil analytique.
35:12Une personne de 85 ans,
35:14avec un traitement qui va coûter un million,
35:17pour avoir peut-être six mois de durée de vie de plus,
35:20est-ce qu'on ne devrait pas les mettre pour s'occuper des jeunes ?
35:22Pourquoi on ferait perdre une chance humaine
35:24à cette personne ? De quel droit ?
35:26On l'a fait pendant le Covid.
35:28Non, c'est faux. Ne dites pas ça, c'est faux.
35:30Pardon, c'est faux. J'ai demandé.
35:31On a suivi ça de manière très pointue.
35:34Personne n'a fait de tri de malades pendant le Covid.
35:37C'est une légende urbaine qui fait plaisir à certains,
35:41tout comme, encore une fois, un coup de marketing incroyable.
35:44On a inventé ce mot de suicide assisté.
35:47Non seulement c'est un oxymore, mais c'est impossible.
35:49On ne peut pas dépenser des millions
35:51pour lutter contre le suicide dans toutes les populations
35:53et payer de l'argent pour aider des gens à se tuer.
35:56Il ne faut pas arrêter avec suicide assisté,
35:58à assassiner des gens, ce n'est pas possible.
36:00Oui, madame Procat.
36:01Moi, je travaille dans un département rural.
36:03L'Aude est le département rural le plus pauvre de France.
36:06Et on accompagne les gens.
36:07Il ne faut pas non plus laisser croire
36:09que les seuls endroits où on peut mourir correctement,
36:11c'est dans une grande ville ou dans un grand hôpital.
36:13On est capable d'accompagner les gens.
36:15On a besoin de former les soignants, c'est vrai.
36:17Mais je trouve que ce serait un renoncement terrible de se dire
36:19puisqu'il y a des endroits où on n'y arrive pas,
36:20supprimons les malades qu'on n'arrive pas à soulager.
36:23Quand même, on doit avoir une ambition commune,
36:25qui est de se dire que tout le monde a le droit d'être soulagé.
36:27Ce n'est pas votre code postal
36:28qui doit décider comment vous allez mourir.
36:31Et donc, je pense que ce défi est vraiment important.
36:33Et puis, quand même, il faut rappeler aux Français
36:35que l'immense majorité des gens qui meurent,
36:37meurent tranquillement, calmement
36:39et sans avoir besoin de soins hyper complexes.
36:41Parce que ces débats aussi véhiculent pour l'ensemble de la population
36:44l'idée que la mort, c'est toujours une grande souffrance,
36:47quelque chose de très difficile et que ça va être insupportable.
36:50Or, l'immense majorité des gens meurent tranquillement,
36:53paisiblement, et certains ont besoin d'un accompagnement plus soutenu
36:57et ils doivent l'avoir.
36:58Il me semble que c'est vraiment un défi pour nous tous.
37:01On va en parler. On va d'abord écouter, si vous voulez bien,
37:04le député du Modem, Olivier Falorni, s'exprimer.
37:09C'était à l'Assemblée nationale, le 12 mars 2014.
37:13Parler de la fin de vie, c'est d'abord parler de la vie,
37:16car c'est aimer la vie passionnément.
37:20Parler de la fin de vie, c'est aussi regarder la mort
37:23lucidement.
37:25Parler de la fin de vie, c'est en parler avec humilité,
37:28avec gravité, avec respect de toutes les convictions.
37:32Parler de la fin de vie, ce n'est pas avoir la vérité,
37:37c'est avoir la volonté, la volonté de faire mieux
37:39pour les malades et pour leurs proches.
37:42Parler de la fin de vie, c'est convoquer les valeurs de la République,
37:46c'est vouloir la liberté, celle de disposer de sa mort
37:50à l'image de celle de disposer de son corps
37:53que nous venons de sanctuariser.
37:56C'est vouloir l'égalité,
37:58celle qui permet de ne pas s'en remettre à la clandestinité
38:02ou à l'exil forcé.
38:04C'est vouloir la fraternité,
38:06celle d'une fin de vie qui serait solidaire et pas solitaire.
38:11Au fil des ans et des lois,
38:13deux droits essentiels ont été obtenus.
38:16Le droit de ne pas souffrir,
38:18car la souffrance n'est pas inévitable
38:21et encore moins nécessaire.
38:23Et le droit de ne pas subir,
38:25le droit de dire non à l'acharnement.
38:29Notre devoir est de faire de ces droits une réalité.
38:33Cela exige le renforcement et le développement massif
38:36des soins palliatifs.
38:37Mais comme toute médecine humaine,
38:39ils sont parfois impuissants face à certaines souffrances.
38:44C'est pour cela que je souhaite un ultime recours,
38:46celui d'une aide à mourir pour des malades condamnés par la maladie,
38:50mais qui ne veulent pas être condamnés à l'agonie.
38:53Dans une interview récente, le président de la République
38:55est intervenu sur le sujet avec humanité et responsabilité.
39:00Alors, monsieur le Premier ministre,
39:01il nous appartient désormais d'ouvrir le champ des possibles
39:05pour prendre la clé des champs, comme l'écrivait Montaigne.
39:08Cette clé des champs qui permet de partir
39:11comme on a vécu, librement et sereinement.
39:14Je vous remercie.
39:15Alors, c'était bien, Olivier Falorni.
39:18C'était le 12 mars 2024,
39:20et non 2014, comme je l'ai dit par erreur.
39:23Madame Fourcade, c'est un discours humaniste, non ?
39:26C'est un discours apparemment humaniste.
39:28On nous présente souvent cette loi comme une nouvelle liberté
39:31qui n'enlève rien aux autres.
39:32Et moi, ce que je vois dans mon quotidien
39:34avec des patients fragiles et vulnérables,
39:36c'est que cette loi, elle enlève à tous
39:38la liberté de ne pas se poser la question
39:40de savoir si ce serait mieux qu'on soit morts.
39:42Mais cette loi n'existe pas encore.
39:44Oui, mais si elle passe,
39:45chaque patient perd la liberté
39:48de ne pas avoir à se demander chaque matin
39:50si ça serait mieux pour mes proches.
39:52Oui, mais le politique a la liberté de légiférer aussi.
39:56Absolument.
39:57Chacun fait son métier.
39:59Absolument.
40:00Moi, qui suis concernée et impliquée directement,
40:02puisque c'est à moi qu'on souhaite demander
40:04de mettre en oeuvre cette loi,
40:05il me semble de ma responsabilité de donner mon avis,
40:07dont on fera bien ce qu'on voudra,
40:09mais en tout cas, je me sens...
40:11Je suis tout à fait d'accord.
40:12Vous avez un avis privilégié en tant que médecin,
40:14mais il y a l'avis des politiques,
40:16il y a l'avis des psychologues,
40:18il y a l'avis de...
40:19Une kyrielle de personnes, des familles.
40:21On a pris la parole dans ce débat depuis quelques années
40:24pour que le réel soit présent dans le débat.
40:26C'est pas seulement un débat d'idées, la liberté,
40:28c'est aussi la réalité de l'accompagnement,
40:31qu'est-ce que ça implique pour les patients,
40:33qu'est-ce qui se passe vraiment.
40:34Dire aux Français qu'il y a des demandes d'euthanasie,
40:36il y en a très peu, des gens qui partent en Belgique,
40:39les chiffres viennent de sortir hier, l'année dernière,
40:41il y en a eu 150 sur 630 000 décès.
40:43Il est question d'avoir un débat qui soit éclairé
40:46et qui permette de comprendre les enjeux
40:49de ce qui se joue et les conséquences.
40:50Oui, mais le président de la République
40:52a organisé des assises de débat autour de ce sujet.
40:55Donc, il a écouté beaucoup de personnes.
40:58On voit que cette question fait toujours débat,
41:00c'est pour ça que la question que vous posez
41:02sur la séparation des lois est pour moi importante,
41:04la question des soins palliatifs est une question médicale,
41:06c'est une question collective,
41:08mais une question qui, probablement,
41:10pourrait conduire à un nouveau vote à l'unanimité.
41:12La question de l'euthanasie et du suicidicide
41:14est une question beaucoup plus clivante,
41:16sur laquelle il paraît important que les députés
41:18puissent se prononcer librement.
41:20Il a bien réuni à ce sujet beaucoup de monde,
41:22je crois que c'était au Conseil économique,
41:24social et environnemental.
41:26Donc, il y a eu des écoutes qui ont été faites.
41:28Absolument.
41:30Bon, écoutez, M. Dallaporta,
41:32une question qui concerne l'hôpital.
41:35L'hôpital, on sait qu'il est actuellement en crise,
41:39bon, on en parle très souvent.
41:42Essentiellement, ou en tout cas, un point important,
41:44il s'est embolisé par les urgences.
41:47Comment, dans un hôpital
41:51qui est en embolisation d'urgence,
41:55qui, par ailleurs, manque de personnel,
41:59personnel médicaux, paramédicaux, etc.,
42:04comment accroître les dispositifs
42:07de solidarité, d'écoute, de compassion, d'assistance,
42:12surtout qu'une majorité de nos compatriotes
42:17décèdent à l'hôpital, si je ne me trompe pas ?
42:19Non, mais je vais repartir...
42:22Non, restez, si vous voulez.
42:23On va pas faire que de la morale, vous voyez ce que je veux dire.
42:26C'est un problème de morale et d'univers symbolique.
42:29C'est ça, l'enjeu.
42:31On en a parlé, vous vous êtes exprimé là-dessus au début.
42:34Il faut qu'on puisse avancer sur les questions.
42:37Si vous venez à mon service à l'hôpital,
42:39on a 150 patients extrêmement malades,
42:41extrêmement fatigués, on leur coupe les orteils, les pattes, etc.
42:45Y a pas de demande d'euthanasie. J'ai repris tous les dossiers
42:48depuis 10 ans, sur 200 décès, on a eu 1 % de demande d'euthanasie.
42:52Revenez toujours en arrière, avancez.
42:55Oui, mais la vraie question, c'est qu'on a un staff aujourd'hui,
42:59la question du staff n'est pas ce qu'on fait des demandes d'euthanasie,
43:02la question, c'est comment on a des moyens,
43:05ce que vous dites, quels infirmières ont manque de moyens.
43:08Mais comment vous évaluez ces moyens ?
43:10Qu'est-ce qu'il faut à l'hôpital pour humaniser l'hôpital
43:15et le rendre plus fonctionnel
43:17par rapport à ces personnes très âgées,
43:19très malades et très souffrantes ?
43:21Moi, je peux vous dire, déjà, abandonner la T2A,
43:24parce que vous ne pouvez pas quantifier
43:26ce que c'est de prendre la main d'un patient ou d'une patiente
43:29et d'être avec cette personne.
43:31C'est pas, dans la T2A, déjà, qu'on avait à notre époque...
43:34C'est quoi, la T2A ?
43:36Clarification à l'acte.
43:37C'est plus sexy pour un hôpital
43:40de faire une belle opération de la hanche
43:42que d'accompagner un malade.
43:44Comment on valorise...
43:46Accompagner et pénaliser.
43:47Voilà.
43:48C'est-à-dire que mettre une prothèse
43:52de hanche, etc.,
43:54c'est, pour l'hôpital, extraordinairement lucratif.
43:58Même public.
43:59Accompagner un malade, s'asseoir à côté de lui,
44:02lui prendre la main, l'écouter dans sa détresse,
44:05c'est pénalisant.
44:06Après, une infirmière ou un médecin qui le ferait
44:10serait rapidement considéré comme un poids à l'hôpital.
44:13Donc, le problème, c'est que...
44:18Une loi sur l'aide à mourir,
44:20elle viendra s'engouffrer et justifier,
44:23au fond, que l'aide aux soins,
44:27elle est superflue.
44:30Et que, au fond, les citoyens ont demandé,
44:33par la loi, et on l'a obtenue par la majorité parlementaire,
44:37la possibilité
44:39qu'ils peuvent mettre eux-mêmes fin à leur vie.
44:44Et que ce ne sera pas seulement les malades en fin de vie,
44:47est-ce que les malades en fin de vie qui souffrent,
44:50la sédation prolongée jusqu'à la mort y répond totalement.
44:54Ce qui est très intéressant, c'est quand l'ADMD dit
44:57qu'il ne veut pas qu'on parle de sédation parfaite
45:00parce que la sédation profonde et continue,
45:03elle prive les gens, les malades,
45:06de leur mort.
45:08On se dit qu'il fallait affronter la mort
45:10avec courage et lucidité pour être un citoyen digne.
45:14Et quand on rajoute ce mot dignité de façon permanente,
45:18on peut imaginer que les citoyens, peu à peu,
45:21vont considérer que c'est indigne d'être citoyen
45:24et d'être accompagné parce qu'on ne rend pas service à la République.
45:28On est un mauvais citoyen.
45:29Quand Laporta parlait de symbolique,
45:32c'est pas simplement un acte,
45:34c'est pas simplement la réponse à une demande de liberté,
45:37c'est une réponse qui donne le sentiment
45:40que, désormais,
45:42l'euthanasie est un soin, comme les autres.
45:46C'est un hommage à la vie, comme dit le député Farloni.
45:49Je trouve qu'il y a une sorte de...
45:51de confiscation de la réflexion
45:54au profit d'une demande militante,
45:57qui m'a toujours effrayée par sa pauvreté,
46:00par sa...
46:01Comme s'il y avait une espèce de mot liberté-dignité,
46:05comme si ça étouffait la moindre réflexion.
46:08Catherine Kaléka voulait intervenir.
46:11Oui, je voulais intervenir sur...
46:15sur la dignité
46:17qui me pose question vraiment.
46:20C'est-à-dire que...
46:22Deux choses. La première, c'est l'atteinte narcissique
46:25que constitue l'atteinte d'une maladie,
46:28qu'elle soit neurodégénérative ou d'une maladie à mauvais pronostics.
46:34Et la question qui revient et qui revenait
46:37quand je travaillais à l'hôpital,
46:38qui était la question du poids.
46:40La question du poids pour les autres.
46:42C'est-à-dire, à la fois, ma vie n'a plus de sens,
46:45ça, c'est un volet de la question,
46:47mais la deuxième question, c'est,
46:49est-ce que je serais un poids pour les autres ?
46:52Et effectivement, cette question du...
46:56du devenir indigne
46:59est couplée avec celle de l'autonomie.
47:01Est-ce que quand on est dépendant,
47:03est-ce que quand on a besoin de l'autre,
47:05on devient indigne ?
47:07Et à ce moment-là, est-ce que la vie n'a plus de sens ?
47:10C'est vraiment, je pense, une question très importante
47:13et qui, là, certainement, rencontre
47:16toutes les questions des défaillances de la société,
47:20comme si, finalement, la société serait une mère indigne
47:24et que, dans ce cas-là, on devrait la quitter
47:27par ses propres moyens, en quelque sorte.
47:29Vous avez... Pardon.
47:30Monsieur Corsia ?
47:31Vous avez, dans ces deux réflexions,
47:34quelque chose de formidable.
47:35Imaginons une loi.
47:37Vous vous rendez compte ?
47:38La culpabilisation projetée sur le patient qui dit
47:41qu'il veut qu'on le soigne.
47:43Enfin, inconsciemment.
47:46Et le personnel, vous bloquez un lit,
47:48vous bloquez du temps, de l'argent, c'est honteux.
47:51Et Durkheim, dans son livre Le Suicide de 1897,
47:56développe une typologie des suicides.
47:59L'un des quatre suicides types pour Durkheim,
48:01c'est le suicide altruiste,
48:02celui qui, comme le disait madame,
48:04ne veut pas être un poids pour la société.
48:06Le suicide altruiste, c'est
48:07je vais rendre service à tout le monde,
48:09je vais enlever un poids.
48:10Mais s'il n'y a plus de poids,
48:12il n'y a plus d'interdépendance, donc il n'y a plus de société.
48:15Vous voyez, monsieur Dallaporta ?
48:17La vraie question, c'est est-ce que, dans une démocratie,
48:20on peut légiférer l'exception ?
48:21C'est ça, la vraie question.
48:22Quand on a affaire à une grande loi universelle et symbolique,
48:25c'est ça, la question.
48:26On a des grands tabous, on a l'interdit du cannibalisme,
48:29on ne mange pas autrui, on a la prohibition de l'inceste.
48:31Certes, il y a des pères qui couchent avec leurs filles,
48:34mais c'est non, on a l'interdit du meurtre.
48:36Donc, on a une loi universelle.
48:37La question, est-ce qu'on peut légiférer l'exception ?
48:401981, Mitterrand est élu.
48:4382, Badinter ou 81, abolit la peine de mort.
48:48Ensuite, 82, arrive le libre suicide mode d'emploi.
48:5187, Badinter fait une loi qui dit
48:53on interdit le suicide dans la société.
48:5583, le CCNE est produit et débute.
48:59Et tout le CCNE a été créatif, imaginatif,
49:02dans la philosophie du soin,
49:04parce qu'ils avaient l'interdit de donner la mort.
49:06Et en fait, Didier Sicard
49:08est vraiment une grande singularité de la République,
49:10parce que de 99 à 2008,
49:13il a maintenu très fort cet interdit
49:15et a développé une philosophie du soin extrêmement importante.
49:18Pour nous, c'est Robert Badinter de la médecine.
49:21Les choses avancent de plus en plus
49:23et l'éthique est devenue une machine de guerre
49:25contre la loi symbolique et universelle.
49:27C'est-à-dire qu'il y a l'éthique de la chasse,
49:29l'éthique du camembert, l'éthique du T-shirt, etc.
49:31On perd l'univers symbolique.
49:33Et l'univers symbolique, il sert pas à l'individu,
49:35il sert au collectif, il sert pas au court terme,
49:38il sert au long terme.
49:39Et donc, tout ce qu'on raconte actuellement,
49:42ce que dit Falorni, c'est du coutre-terme
49:43de la liberté de l'individu.
49:45On oublie notre monde commun.
49:47La vraie question, c'est quel monde on veut pour demain,
49:49pour les personnes âgées, pour les solidarités.
49:51C'est ça, la question.
49:52C'est pas une question d'aujourd'hui pour une personne exceptuelle.
49:55Ce que vous dites est très bien comme discours symbolique,
49:59mais vous avez les parents des gens...
50:03Vous repartez sur l'individu.
50:05Les parents... Parce que c'est la réalité.
50:07Vous pouvez pas nier les réalités.
50:11Je vous donne un autre exemple. En 2030, il y aura 2,5 millions...
50:14Vous allez pas dire à quelqu'un qui est en fin de vie,
50:18vous allez pas lui dire,
50:21lisez le Coran ou le Talmud ou les Évangiles,
50:24et vous trouverez la Translution.
50:26D'abord, je préférais l'Epsom que le Talmud.
50:28C'est plus gai, c'est plus lyrique.
50:31Mais en réalité, ce qu'a dit le professeur,
50:34comment il l'a dit ? Le tédérineur de la médecine.
50:36Non, l'inter de la médecine.
50:38Non, mais dites-le.
50:40Plus sérieusement,
50:42la réalité, oui, mais la réalité,
50:44il n'y a pas de cas individuels,
50:47puisque tous les cas individuels peuvent être traités
50:50avec cette sédation profonde, continue,
50:52irréversible de la loi de 2016.
50:54Il suffit que le corps médical...
50:56Il suffit que le corps médical
50:58constate une souffrance incurable
51:01et on arrive à donner cette sédation.
51:03Oui, mais dans ce cas-là, dit Jessica,
51:05je vous pose la question simple.
51:07Imaginons une sédation
51:10parfaite,
51:12parfaite, égalitaire,
51:14c'est-à-dire avec un soin palliatif
51:17qui l'accompagne, etc.
51:19Quelle est la différence entre ça et l'euthanasie ?
51:22L'intention.
51:23C'est l'intention.
51:25C'est la même chose.
51:26Les services de soins palliatifs
51:29utilisent la sédation.
51:30Oui, mais tout le monde n'a pas accès.
51:33Si tout le monde avait accès...
51:34Le problème, c'est que la loi le permet
51:37à ce que la médecine,
51:38devant une situation grave, irréversible,
51:41une personne en état de souffrance irréversible,
51:44a parfaitement le droit.
51:45Et le problème, c'est que la médecine a...
51:50À partir du moment où la mort a été médicalisée,
51:52la médecine n'a pas été à la hauteur.
51:54Ce n'est pas parce que la médecine n'a pas été à la hauteur
51:57qu'il faut mettre la médecine à l'écart
52:00en disant que vous avez failli.
52:02Par conséquent, désormais, la loi permet,
52:05au fond, la République,
52:07de se substituer à la médecine
52:09pour qu'en l'absence d'accompagnement,
52:11et d'ailleurs, l'accompagnement étant jugé superlatif,
52:16d'avoir cette possibilité
52:20de demander la mort.
52:21Alors, au fond, il y a une sorte de résignation contemporaine
52:26de ce qu'est l'économie générale,
52:29les atouts de la médecine,
52:31pour introduire une loi qui transgresse.
52:34Une loi qui transgresse,
52:35c'est une loi qui est beaucoup plus grave
52:37que simplement une loi...
52:39On vous a entendu là-dessus.
52:41Alors, écoutez,
52:42je vous remercie beaucoup pour ce que vous avez dit.
52:46Et je vais vous proposer une brève bibliographie
52:50qui a permis de préparer cette émission.
52:53Alors, Raïm Korsia, vous avez publié
52:56Aider à vivre,
52:57la collection Tract Gallimard.
53:00En un mot, c'est quoi, aider à vivre ?
53:02Vous vous transformez de rabbin en médecin ?
53:05Non. Je me transforme de rabbin en rabbin.
53:08Un rabbin, c'est quelqu'un qui accompagne.
53:10J'accompagne la société pour l'élever
53:12et pour lui donner de l'espérance.
53:14L'espérance, c'est pas juste de te tuer.
53:17C'est pas ça, l'espérance.
53:18Il faut encourager toutes les possibilités d'accompagnement.
53:22Vous êtes le nouveau Maïmonide.
53:24Non, je suis en deuxième division.
53:26Il était aussi médecin, je crois.
53:28C'est vrai.
53:29Tout à fait. Alors, Bruno Dallaporta,
53:31prendre soin du prochain, prendre soin du lointain.
53:35Donc, vous mettez en parallèle le prochain et le lointain.
53:38Oui. En fait, les valeurs du soin,
53:40c'est un trésor de la démocratie.
53:42Et les valeurs du soin, ce sont les valeurs de demain.
53:45Il va falloir prendre soin de soi,
53:47prendre soin des autres,
53:48prendre soin des autres non-humains, du vivant,
53:51et prendre soin de notre monde commun, présent et avenir.
53:54Les valeurs du soin, on ne peut pas y introduire la mort.
53:57C'est la plus fine pointe de notre humanité.
53:59Je ne crois pas qu'elle soit au bout d'une seringue.
54:02On vous a entendu.
54:03Alors, Didier Sicard,
54:05l'éthique médicale et la bioéthique,
54:07vous avez publié ça au PUF.
54:12Depuis le temps que vous interrogez sur l'éthique médicale,
54:15vous évoluez,
54:17ou c'est quelque chose qui doit rester théorique ?
54:21La première édition date de 2009.
54:24Et on en est à la huitième édition,
54:26renouvelée tous les deux ans.
54:28C'est-à-dire que l'éthique n'est pas une pensée figée.
54:32Je passe mon temps à m'interroger, à douter,
54:35et à réfléchir, au fond,
54:37sur les capacités de l'être humain
54:41à accepter le doute,
54:43à accepter la controverse.
54:46Ce n'est pas une sorte de morale dogmatique.
54:49Et plus je vais,
54:53je vieillis, je m'approche de ma mort,
54:55et j'ai le sentiment que, au fond,
54:59plus je m'approche de ma mort, plus je m'aperçois
55:02que j'ai besoin des autres,
55:03et j'ai besoin, surtout, que je ne sois pas confronté, un jour,
55:08comme un malade me le disait, je veux bien mourir,
55:11mais pas qu'on me tue.
55:12On a constaté que vous êtes bien vivant, aujourd'hui.
55:15Claire Fourcade,
55:17vous avez publié, journal de la fin de vie,
55:20l'Etat, la mort et le tragique.
55:22Pourquoi la trilogie ?
55:24Ce qui me semble qu'un des grands enjeux de ce débat,
55:27c'est de savoir comment l'Etat et la loi
55:29répondent à la question de la souffrance.
55:31Est-ce possible ? Est-ce que c'est le rôle de l'Etat et de la loi
55:35de répondre à la question de la souffrance ?
55:37C'est un des grands enjeux non parlés du débat actuel.
55:40Dans les cas, vous avez publié, en co-direction,
55:43le vieillissement saisi par le soin.
55:46Vous pensez qu'aujourd'hui,
55:48les deux choses vont de pair ?
55:51Je pense que c'est... Elles sont vraiment très compliquées.
55:55Il y a des tensions, justement,
55:57entre la question du soin et la question du poids du soin
56:01et la question de la valorisation
56:03ou de la considération des vieux dans la société.
56:07Là, c'est vraiment très spécifique
56:09à la prise en charge des âgés,
56:12qui sont justement les plus nombreux
56:15à envisager le suicide et à le réaliser.
56:18Donc c'est vraiment une question sociétale très importante
56:22qui nous traverse et qui reste à réfléchir, à mon avis.
56:26Vous parliez d'une société solidaire.
56:28J'ai l'impression qu'elle est en grande souffrance
56:31et qu'elle aurait besoin d'être beaucoup soignée en ce moment.
56:34Écoutez, on va rester sur ces paroles.
56:37Et je voudrais vous remercier,
56:40mesdames, messieurs, d'avoir participé à cette émission.
56:44Le sujet est inépuisable.
56:47Bon, on aura l'occasion de le réaborder.
56:50Il y aura d'autres questions.
56:51Je vous remercie de votre participation.
56:54On a essayé de donner un éclairage.
56:56Je voudrais remercier l'équipe de LCP
56:58qui a permis sa réalisation.
57:00Et je vous dis à bientôt.
57:04SOUS-TITRAGE REAL POLICE