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Mercredi 22 janvier 2025, SMART BOURSE reçoit Arthur Jurus (Head of Investment Office Private Wealth Management, ODDO BHF)

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00:00Le dernier quart d'heure de Smart Bourg, chaque soir, c'est le quart d'heure thématique.
00:13Le thème ce soir, c'est celui d'une économie riche, productive, innovante, ouverte.
00:18Nous parlons de la Suisse, Cap sur la Suisse, avec Arthur Jurus, qui est à mes côtés
00:22pour ce dernier quart d'heure de Smart Bourg ce soir.
00:24Bonsoir Arthur.
00:25Bonsoir.
00:26Merci beaucoup d'être avec nous, Head of Investment Office, Private Wealth Management
00:30chez Odo BHF, Suisse.
00:32Je voulais qu'on parle de l'économie suisse parce que c'est vrai qu'à la fois elle est
00:36proche et en même temps, j'ai toujours l'impression que c'est une économie qui passe un peu
00:40sous les radars.
00:41Et c'est vrai que je voulais qu'on fasse une petite mise à jour de où en est l'économie
00:45suisse aujourd'hui, cinq années après le Covid par exemple, puisque tout le monde
00:50a comme base de référence l'année 2019, la dernière année à peu près normale, j'allais
00:56dire, avant les chocs successifs qui se sont accumulés.
00:59Qu'est-ce qu'on peut dire de l'économie suisse aujourd'hui ? Et puis on parlera de la stratégie
01:03économique de la Suisse dans le monde actuel bien sûr Arthur.
01:06Oui, l'économie suisse, elle ralentit, comme l'ensemble de l'économie mondiale, mais elle
01:10va beaucoup mieux que la plupart des autres pays, en particulier sa monnaie s'est appréciée
01:14de 20% depuis 2019 face à l'euro.
01:16Donc c'est une économie qui va beaucoup mieux, qui est plus résiliente, qui a surtout un
01:20choc inflationniste qui a été beaucoup plus faible qu'ailleurs, avec un pic à 3,4%,
01:26on a connu 7, 8, voire 12% dans certains pays, et aujourd'hui on a une inflation à 0,6%.
01:31Donc c'est une économie qui a été beaucoup plus stable, qui a été beaucoup moins sensible
01:34au choc des prix, et donc concrètement c'est une économie qui est en train de faire baisser
01:38les taux d'intérêt, qui est en train de soutenir le marché de l'immobilier, qui également
01:41n'a jamais baissé depuis cinq ans, donc c'est une économie qui est assez particulière.
01:45Qu'est-ce qui explique cette particularité de l'économie suisse, et notamment le fait
01:50que le pic de l'inflation ait été atteint à quoi, vous dites, 3,5% ?
01:533,4%.
01:543,4%, ça nous paraît dérisoire, Arthur.
01:58Il y a un effet change qui est important, parce qu'un quart des dépenses en Suisse
02:04sont importées, donc quand votre monnaie s'apprécie de 20%, vous avez une petite
02:08aide sur les prix.
02:09Ensuite on a un ensemble de biens, de services qui sont déjà très élevés, donc le potentiel
02:15de regain est plus limité, et puis il y a une économie structurellement qui est plus
02:19proche d'une inflation à 0% que d'une inflation à 2 ou 3%, parce que la productivité
02:24croît beaucoup plus rapidement que la croissance des salaires notamment.
02:26Donc ça c'est une tendance qui est observée à long terme, qui a été encore observée
02:29ces dernières années.
02:30Et puis il y a un autre aspect sur la résilience, c'est une inflation maîtrisée, c'est
02:34préservation du pouvoir d'achat des consommateurs, c'est préservation du capital en réel des
02:38investisseurs.
02:39Donc c'est une économie qui continue à avoir des capitaux, c'est une économie
02:42qui peut s'appuyer sur des consommateurs qui, justement, ont un pouvoir d'achat
02:46qui ne se compresse pas tellement, et puis surtout c'est une économie qui s'appuie
02:49sur des exportations, sur du haut de gamme, donc qui est beaucoup plus résiliente vis-à-vis
02:54de ses clients en phase de ralentissement économique.
02:56Et c'est un peu ça le secret de la Suisse aujourd'hui, depuis 20 ans, c'est autant
02:59la balance commerciale, l'excédent commercial représenté de 2% du PIB, c'est quasiment
03:0410% aujourd'hui.
03:05Et donc ça permet plus de résilience parce que le positionnement est plus en compétitivité
03:09hors prix.
03:10Et donc voilà, ça explique l'idée que l'économie suisse, le régime inflationniste
03:15de l'économie suisse est plus proche de zéro que de 2%, ça veut dire qu'on retourne
03:19à zéro, je veux dire pour une banque centrale comme la Banque Nationale Suisse, qu'est-ce
03:23que ça implique Arthur ?
03:25Tout à fait, on avait un pic de taux BNS à 75%, on a aujourd'hui des taux à 0,5
03:31et on sera à 0 au plus tard en juin 2025, après on devrait rester à ces niveaux-là,
03:35c'est l'engagement de Martin Schlegel, président de la BNS, par contre des taux
03:40négatifs n'ont jamais été exclus et pourraient revenir à moyen terme ou à long terme.
03:43Et c'est un peu l'autre aspect de la Suisse, c'est que finalement comme l'économie
03:48est presque déflationniste par nature, parce que la productivité encore croît très vite,
03:52forcément on aura des taux potentiellement qui devraient être négatifs, après il y
03:55a d'autres outils pour compenser ça comme on a vu par le passé.
03:58Cette croissance de la productivité c'est le grand mystère, c'est la quête du Graal
04:03pour certaines économies, aujourd'hui on a vu aux Etats-Unis observer un choc de productivité
04:09avec la question de savoir si ce choc va être durable, qu'est-ce qui rend durable cette
04:13croissance de la productivité en Suisse Arthur ?
04:15Il y a plusieurs facteurs, la productivité c'est la démographie avant tout, il y a
04:18une immigration nette qui est qualifiée, qui est très sélectionnée donc qui permet
04:22vraiment d'attirer les besoins de l'économie pour progresser.
04:26Du point de vue du capital, il y a évidemment des conditions financières attractives, il
04:29y a des investisseurs étrangers qui veulent investir, et plus particulièrement il y a
04:32un environnement fiscal qui fait que de nombreuses entreprises internationales, notamment américaines,
04:36quand elles veulent s'implanter en Europe choisissent la Suisse.
04:38Pourquoi ? Parce que l'impôt sur les bénéfices est quasiment deux fois inférieur à la plupart
04:42des pays européens, parce que la visibilité fiscale est beaucoup plus importante, donc
04:46une entreprise qui va s'installer, elle sait qu'il n'y aura probablement pas de nouvelle
04:49loi avant 2-3 ans qui risque de la pénaliser, et surtout elle a le choix, c'est-à-dire
04:53qu'on voit souvent l'Europe avec la France, l'Allemagne, la Suisse, mais en fait dans
04:56la Suisse, il y a 26 cantons, et chaque canton fait sa propre attractivité fiscale, crée
05:01ses propres règles pour concurrencer les autres cantons.
05:02Il y a une concurrence interne, c'est ça ?
05:03Exactement, et c'est ça le secret de la Suisse, c'est la décentralisation, la décentralisation
05:08fiscale au niveau des communes, des villes, des régions, des cantons, au niveau fédéral
05:12ou national, et cette concurrence attire les entreprises et permet d'avoir une pression
05:16fiscale et une visibilité beaucoup plus importante que partout ailleurs dans le monde, et donc
05:20du moment que l'environnement est stable, ça permet de faire des affaires, donc ça
05:23encourage les entreprises à s'installer et à créer des emplois.
05:24Dans ce contexte-là, avec ces caractéristiques de l'économie suisse, la question du franc
05:29suisse redevient régulièrement un sujet, la force du franc suisse est souvent un sujet
05:35qu'il faut régler, alors par une politique monétaire adaptée, c'est ça Arthur ? Est-ce
05:40qu'on est déjà dans des niveaux de cherté du franc suisse par rapport à des devises
05:45partenaires en termes d'échanges qui posent problème à la Suisse aujourd'hui ou est-ce
05:49que c'est une normalité habituelle ?
05:51Alors, le franc suisse était considéré comme surévalué par Thomas Sjordaen, le
05:56précédent président de la BNS, son successeur Martin Schlegel va très probablement rester
06:01dans la continuité de Thomas Sjordaen, mais il a changé une chose, c'est son avis sur
06:04le franc suisse.
06:05Il dit qu'auparavant on considérait que le franc suisse était surévalué, aujourd'hui
06:08Martin Schlegel considère qu'il est à la bonne valorisation, ce qui veut dire concrètement
06:12qu'on doit attendre plus d'appréciation encore dans les prochaines années, et le
06:16franc suisse effectivement on disait s'apprécier de 20% face à l'euro depuis 5 ans, depuis
06:20les années 70 c'est plus de 2,2% par année face à l'euro, donc c'est vraiment le révélateur
06:26de la force de l'économie suisse.
06:27Maintenant pour freiner cette appréciation, parce qu'il faut la rendre soutenable notamment
06:30pour les secteurs exportateurs, il y a deux conditions, la première c'est d'intervenir
06:34sur le marché d'échange, donc d'injecter du franc suisse, donc la BNS peut imprimer
06:38du franc suisse sans craindre l'inflation parce que la monnaie est crédible, et les
06:41gens veulent du franc suisse, en contrepartie elle récupère des dollars, des euros, alors
06:45la BNS c'est un petit hedge fund quelque part, elle investit beaucoup en actions notamment
06:49américaines, elle a beaucoup d'Apple, beaucoup d'Amazon etc, mais c'est une condition, elle
06:53doit continuer à le faire pour rendre acceptable cette appréciation, et c'est aussi une partie
06:57de son travail indirectement.
06:59Et puis le second facteur de l'appréciation du franc suisse, tout simplement c'est que
07:05si la tendance se poursuit, c'est aussi parce que les prix à la production aux entreprises
07:08directement sont beaucoup plus stables par rapport au reste du monde, et les écarts
07:12des prix à la production ont une capacité prédictive sur le franc suisse à 3 ans,
07:16et donc on peut s'attendre à un euro suisse à 0,8.
07:18Et pour finalement répondre plus précisément à la question, pour les secteurs très exportateurs,
07:22notamment industriels…
07:23L'horlogerie, il y a toute cette dimensoire, et l'industrie suisse en général ?
07:28Exactement, la grande solution c'est d'être compétitif mais sur le hors prix, pour que
07:31la demande continue d'affluer, et c'est vraiment le positionnement des exportateurs
07:36suisses.
07:37Alors évidemment il y a une partie de l'industrie qui est très sensible à cette appréciation
07:39du franc suisse, donc ça peut poser problème, mais par exemple sur l'horlogerie, l'horlogerie
07:43c'est 2% des mondes qui sont vendus dans le monde qui sont suisses, par contre en termes
07:46de valeur, de chiffre d'affaires, c'est 60%, ça veut dire que c'est du premium,
07:51et que globalement vous pouvez appliquer une hausse des prix, il y aura toujours de la
07:54demande pour ces produits-là, et c'est la même chose sur des produits pharmaceutiques
07:57de première nécessité, c'est la même chose sur beaucoup d'entreprises industrielles
08:00qui sont leaders sur leur marché, et si vous n'avez pas ces produits, même si ce sont
08:03des pièces intermédiaires, vous ne pouvez pas produire et réaliser votre produit finit
08:06de finit.
08:07C'est ça le secret quelque part.
08:08Et dans le monde de Trump, enfin j'allais dire, comment s'intègre la Suisse, parce
08:12que bon, la devise n'est pas sous-évaluée, loin de là, donc pour Trump c'est pas un
08:18problème, ils peuvent exporter, mais c'est de l'exportation qui se fait par la qualité,
08:22c'est hors prix, c'est stable, il y a une visibilité, une prévisibilité, est-ce
08:28que ça fonctionne bien, la Suisse dans le monde de Trump qui est en train de revenir
08:31là ?
08:32Alors l'avantage de ne pas être dans l'Union Européenne quelque part, c'est d'avoir
08:35cette flexibilité.
08:36Small is better, comme on dit, et justement la Suisse, durant le premier mandat de Trump,
08:39a beaucoup négocié, et en particulier ce que M. Trump aime, c'est de créer des emplois
08:43sur le territoire américain, c'est de soutenir son économie.
08:46Et donc on a beaucoup d'entreprises suisses, lors du premier mandat, qui sont allées aux
08:50Etats-Unis, qui ont investi, aujourd'hui le cinquième pays qui a investi le plus aux
08:53Etats-Unis, c'est la Suisse, en investissement direct étranger, c'était encore la septième
08:58avant le premier mandat de M. Trump, et donc ils ont créé 500 000 emplois, c'est pour
09:03beaucoup de pharmaceutiques, on peut citer Roche par exemple, qui a moitié de ses revenus
09:07aux Etats-Unis, mais aussi l'industrie, qui cherchait à se diversifier en Amérique du
09:12Nord, en Europe évidemment, aussi en Asie, et donc ça a été l'opportunité.
09:15Donc finalement, le premier mandat de Donald Trump, ce qu'il nous explique, c'est que
09:18les relations avec la Suisse, ça marche plutôt bien, parce que les deux sont plutôt pro-business.
09:22C'est quoi les points de fragilité d'une économie comme la Suisse, Arthur ?
09:26Alors les points de fragilité, c'est la déflation, c'est-à-dire si vous avez une inflation
09:30toujours négative, il ne faut pas non plus que ça dérive dans l'autre sens, donc il
09:33ne faut pas que ça décourage l'ensemble des acteurs privés, notamment d'investir.
09:36Les taux négatifs, ça c'est des avantages pour lutter contre des fondamentaux économiques,
09:42mais ça c'est des avantages notamment pour les investisseurs.
09:45Ils sont allés jusqu'à moins 0,75, c'est ça ? Ils sont descendus encore plus bas que la BCE ?
09:50Voilà, après ils avaient appliqué un multiplicateur pour permettre aux banques d'amortir un petit
09:54peu et de ne pas trop payer.
09:56Mais voilà, l'autre aspect, c'est quand même ces exportations, c'est-à-dire que 99% des
10:02entreprises sont des PME en Suisse, il y a une vraie volonté de les aider à se développer,
10:07donc tout ce qui est recherche et innovation est extrêmement fort en Suisse, en partenariat
10:11public-privé.
10:12Par contre, s'il faut exporter à l'international et que la compétitivité hors prix n'est
10:16pas encore « labellisée » ou observée, il y a une perte, il y a plus de chemin à
10:20faire et ça c'est quelque chose sur lequel la BNS est engagée pour amortir et pour favoriser
10:28la situation.
10:29Comment est-ce que tout ça se reflète dans le marché boursier suisse ? Parce qu'on
10:31est quand même dans Smart Bourse, je voulais qu'on dise un mot du SMI, donc le SMI c'est
10:35le grand indice boursier suisse, la place est à Zurich, si je ne dis pas de bêtises.
10:40Comment est-ce que les avantages de l'économie suisse se reflètent, ou non d'ailleurs, dans
10:45la performance des marchés boursiers suisses, Arthur ?
10:48Alors, sous la structure des actions suisses, on a des très grandes capitalisations toutes
10:52tournées vers l'international, par contre on a des valeurs pour 70% qui sont défensives
10:56et c'est le style d'investissement qui n'a pas bien performé depuis trois ans, par rapport
11:00au cyclique, par rapport au style de qualité notamment.
11:02C'est Roche, c'est du Nestlé, c'est de grandes valeurs de fonds de portefeuille effectivement
11:08qui amortissent les chocs, mais qui profitent un peu moins des fortes hausses de marché.
11:12Exactement, donc les actions suisses ont sous-performé ces deux dernières années, par contre en
11:16termes de qualité, beaucoup de cash, peut-être des bénéfices en hausse depuis cinq ans,
11:20des bénéfices anticipés à un an qui sont rebuts à la hausse, on a beaucoup de valeurs.
11:24Par contre, il faut que le style défensif et des secteurs comme l'alimentaire, comme
11:27la pharmaceutique, de nouveau retrouvent un peu plus d'attrait au niveau international,
11:31c'est ça qui manque pour vraiment permettre une surperformance plus massive.
11:35Mais surtout, le secret des actions suisses, c'est les petites moyens de capitalisation.
11:38Et ça, on en parle très peu, c'est une surperformance constante depuis trente ans
11:42sur les indices mondiaux small, mid-cap.
11:44Y compris ces dernières années ?
11:45Exactement.
11:46Dans un moment où ça a été compliqué pour cet univers small et mid-cap.
11:49Tout à fait, c'est une performance qui est quasiment de 8% annualisée depuis plus
11:53de vingt ans et c'est un peu le reflet en fait de ce dont on a discuté, c'est-à-dire
11:58beaucoup d'innovation, beaucoup de positionnement haut de gamme et c'est ces PME qui alimentent
12:02l'économie et qui alimentent surtout l'attrait d'investisseurs.
12:04En actions suisses.
12:05Et puis sur les marchés financiers, on a également la question des taux proches de zéro.
12:09Donc les marchés obligataires suisses ont surperformé l'an dernier, par contre, plus 5%.
12:13Et un marché immobilier qui n'a pas vu ses prix baisser depuis 25 ans, qui continue à
12:19progresser et avec des baisses de taux, va continuer à accélérer.
12:22Préservation du capital, effectivement, c'est comme ça qu'on ressent de cet entretien
12:27sur la Suisse.
12:28Merci beaucoup Arthur d'être venu nous apporter votre éclairage.
12:30Oui, sur cette économie dont il faut parler, peut-être un peu plus.
12:34Il y a plein de bonnes choses, j'imagine, plein d'enseignements à retirer de ce paradis
12:39suisse, si je puis me permettre.
12:41En tout cas, une économie qui se porte bien aujourd'hui et une banque centrale qui est
12:47à la manœuvre avec des taux qui vont converger vers zéro peut-être lors des prochains meetings.
12:53Arthur Jurus, Head of Investment Office Private Wealth Management chez Odo BHF Suisse, était
12:58l'invité de ce dernier quart d'heure de Smart Bourse ce soir.
13:04Merci.
13:05Au revoir.
13:06Au revoir.

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