🗣️ Aurélie : "Cela commençait par des moments de plaisir et après, je souffrais."

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Transcript

00:00Aurélie, bonjour, merci de témoigner.

00:02Bonjour à vous deux et très bonne année.

00:05Merci, vous aussi Aurélie.

00:08Donc vous avez vous aussi subi l'inceste de la part d'un oncle, c'est ça ?

00:14Oui, c'est ça, exactement.

00:17Ce qui est évidemment grave aussi puisque c'est quelqu'un de la famille,

00:23donc quelqu'un qui est censé nous protéger.

00:26Surtout quelqu'un que je voyais très souvent à terme de deux week-ends par mois

00:32pendant de longues années.

00:35Donc ça commençait toujours par des moments de plaisir

00:37et bien sûr à la fin c'était des moments où subir.

00:42Quand vous dites des moments de plaisir, c'est-à-dire qu'il jouait avec vous,

00:45qu'il vous faisait partager des choses agréables mais qui n'avaient rien de sexuel ?

00:50Non, en fait il m'emmenait à la piscine, il m'emmenait comme un tonton normal.

00:54Non mais parce que le terme aurait pu prêter à confusion.

00:58Donc il y avait des moments partagés agréables et puis ensuite du sexe, c'est ça ?

01:03C'est ça, oui.

01:04Il y avait une personnalité qui changeait vraiment du tout autour.

01:08Des choses que vous ne connaissez pas du tout.

01:11C'est ça, donc ça c'est intéressant parce que j'imagine que à ce moment-là

01:15ça devait provoquer chez vous une sorte de frayeur

01:18quand tout d'un coup Dr Jekyll était bien et puis arrive Mr Hyde, c'est ça ?

01:23Oui et puis surtout c'est ce qui m'a complètement emboulée et perturbée

01:29après dans mon adolescence et dans la femme que je suis devenue

01:33parce que c'est des erreurs que j'ai gardées en fait.

01:36Vous aviez quel âge ?

01:38J'avais 8 ans jusqu'à l'âge de 12 ans.

01:42Et pourquoi ça s'est arrêté ?

01:44Alors ça s'est arrêté parce que je l'ai repoussée en étant dans l'adolescence

01:48mais par contre j'ai parlé qu'à l'âge de 18 ans.

01:51Ah oui, comme souvent.

01:53Et comment ça s'est passé quand vous avez parlé ?

01:56Alors en fait c'est ma mère qui l'a pris,

01:59elle a fait une réunion de famille où elle a regroupé mon père,

02:02mes grands-parents et mon oncle.

02:04En fait c'est que ma mère qui m'a soutenue, mon père

02:08il voit toujours son frère à l'heure d'aujourd'hui, il m'a toujours mis de côté.

02:11Il fait comme s'il ne s'était rien passé.

02:14Et mes grands-parents m'ont demandé, m'ont supplié de ne pas porter plainte contre leur fils

02:18et ils ont étouffé l'affaire entre eux en fait.

02:20On voit encore une fois Arnaud Gallet

02:24comment finalement la victime est écrasée

02:28pour que la famille reste propre.

02:31Neuf fois sur dix, ce qui est important de le rappeler

02:33c'est que bien sûr qu'il faut soutenir

02:35et au-delà du soutien d'ailleurs qui peut être apporté

02:37au regard de la loi, si on s'en tient à la loi

02:39logiquement c'est même des faits qu'on peut signaler

02:41et notamment quand on est face à quelqu'un qui a des enfants

02:45au moment des faits.

02:46On voit bien qu'on ne le fait quasiment pas

02:48Je rappelle les chiffres que je donnais tout à l'heure

02:50sur 33 000 personnes que nous avons auditionnées

02:52dans le cadre de la commission indépendante sur l'inceste

02:54et les violences sexuelles faites aux enfants

02:5692% d'entre elles finalement n'ont pas été protégées

03:00elles ont subi ce qu'on a appelé nous un soutien social

03:02négatif comme celui qui est évoqué là

03:05et je pense que c'est important de le rappeler

03:07et c'est vrai qu'il y a une dimension culturelle, sociétale

03:09sur laquelle on doit travailler

03:11c'est-à-dire que finalement qu'est-ce que ça nous coûte de dire à un enfant

03:13je te crois, je te protège, pourquoi les enfants raconteraient

03:15des histoires, etc.

03:17Et puis au-delà de ça

03:19encore une fois si on regarde la loi

03:21il y a un truc qui ne va pas du tout

03:23c'est-à-dire que la loi prévoit déjà les choses

03:25donc c'est sûrement là-dessus d'ailleurs qu'on va pouvoir avancer

03:27à mon sens collectivement

03:29parce qu'il y a quand même quelque chose qui n'est pas clair.

03:31Sur le plan psychologique Aurélie

03:35qu'est-ce que vous diriez, parce que là en fait

03:37qu'est-ce qu'on entend ? On entend un père

03:39qui préfère

03:41négliger ce que vous avez subi

03:44pour rester en bon terme avec son frère

03:46comment vous interprétez ça ?

03:48Comment vous l'avez interprété Aurélie ?

03:50Alors

03:52même si aujourd'hui je vais bien

03:54parce que j'ai travaillé longtemps dessus

03:56ça a été des années de sentiments d'abandon

03:58de rejet

04:00le fait aussi de ne pas m'aimer moi-même

04:04il y a le fait surtout que

04:06j'aime beaucoup le thème d'aujourd'hui parce que

04:08l'enfant que je suis s'est construit comme ça

04:10en étant adulte

04:12donc j'ai gardé des terreurs nocturnes

04:15le fait que je ne peux pas dormir seule encore aujourd'hui

04:17parce que j'ai l'impression

04:19qu'il va se passer quelque chose

04:21je suis dans l'hyper méfiance

04:23je me travaille dessus encore

04:25mais ça viendra petit à petit

04:27je suis confiante

04:29mais l'enfant qui a souffert pour moi

04:31s'il n'est pas traité de suite ça garde des séquelles

04:33pour la personne adulte après

04:35Bien sûr bien sûr

04:37de toute façon quoiqu'on

04:39vive dans l'enfance

04:41ça a son importance

04:43je vais rappeler que la sexualité

04:45de qui que ce soit elle se construit

04:47de manière très cognitive

04:49donc forcément ce que vous avez subi

04:51a des influences sur votre sexualité

04:53même si vous avez travaillé dessus

04:55et que ça va mieux

04:57mais forcément

04:59il y a des choses qui restent

05:01c'est tout

05:03alors après il faut l'accepter

05:05et ça j'entends bien que vous avez fait le travail

05:07et que vous l'acceptez

05:09il faut accepter qu'on est comme ça

05:11de toute façon on ne le changera pas

05:13oui parce que je trouve beau dans votre message

05:15c'est quand même qu'il y a cette dimension de l'espoir

05:17vous le dites vous même c'est à dire qu'aujourd'hui c'est comme ça

05:19mais finalement en sous-entendant que ça peut changer demain

05:21donc vous avez raison

05:23je pense qu'il faut aussi

05:25que nous soyons toutes et tous conscients de ça

05:27c'est à dire qu'on avance à notre rythme

05:29et on avance à notre rythme

05:31et après c'est vrai qu'il y a un tas de choses qui peuvent nous aider

05:33ça peut être des piscines ça peut être je sais pas différentes choses

05:35qu'on peut saisir

05:37de parler aussi

05:39j'ai écrit un livre Aurélie

05:41oui tout à fait Mirror de Résilience à ce sujet

05:43super

05:45c'est le prochain qui va traiter de l'inceste pardon excusez-moi

05:47je vous en prie Aurélie

05:49excusez-moi pour vous dire

05:51juste sur l'espoir

05:53je veux dire c'est ce qui me restait

05:55à moi c'était ça justement

05:57ne pas donner à cet homme

05:59cette impression de pouvoir qu'il pouvait garder

06:01sur ma vie de femme

06:03donc il fallait absolument que cet espoir

06:05je le transforme et que je prenne

06:07ma vie en main et qu'aujourd'hui je sois

06:09complètement heureuse et épanouie

06:11pas pour lui mais pour moi

06:13et cet homme je lui dois rien

06:15à part ma victoire sur le passé

06:17c'est très bien dit

06:19c'est joliment dit en tout cas oui

06:21mais vous m'avez pas répondu

06:23sur comment vous interprétez que votre père

06:25est préféré

06:29qu'est-ce que vous pensez

06:31de son rapport à son frère

06:33justement

06:35il est très lâche

06:37c'est un homme très lâche

06:39et son frère aurait de l'emprise sur lui

06:41alors de l'emprise

06:43honnêtement non je pense pas

06:45mais mon père c'est un homme égoïste

06:47lâche qui n'aime pas les conflits

06:51ce qu'il faut savoir c'est que

06:53c'est son frère aîné

06:55excusez-moi c'est par curiosité

06:57que je vous pose ces questions

06:59je trouve ça intéressant de comprendre

07:01pourquoi

07:03parce que vous êtes quand même sa fille

07:05quand on sait à quel point un enfant

07:07pour un père c'est quand même quand il est normal

07:11vous parliez du grand-père

07:13oui alors mon grand-père savait déjà

07:15que son fils avait

07:17déjà des problèmes à l'enfance

07:19il y avait eu des choses qui avaient été remarquées

07:21avec mon arrière grand-père notamment

07:25en fait mon père c'est l'aîné

07:27mon père a eu plutôt

07:29on va dire qu'il a toujours été choyé, mis en avant

07:31avec son petit frère

07:33c'était l'inverse un peu

07:35c'était celui qui ratait un peu tout

07:37qui avait pas de chance avec les filles

07:39mon père il était toujours bien vu

07:41mis sur un pied d'estale

07:43c'est un réflexe finalement clannique

07:45c'est de se dire on maintient l'ordre familial

07:47et au détriment bien entendu

07:49de la parole de sa propre fille

07:51ou quoi que ce soit

07:53c'est quelque chose qu'on retrouve malheureusement

07:55de manière assez irrégulière

07:57j'en ai moi-même d'ailleurs fait les frais au passage

07:59et finalement

08:01on l'entend parce que c'est l'idéal type de la famille

08:03c'est à dire qu'il ne faut surtout pas

08:05et qu'il ne faudrait pas que l'extérieur le sache

08:07Est-ce qu'il ne serait pas temps que justement

08:09on entende tous en tant qu'adultes

08:11que c'est un crime

08:13d'abuser un enfant

08:15et que donc c'est un crime très très grave

08:17et qu'on ne peut pas

08:19passer outre

08:21même si c'est son frère, même si c'est son mari

08:25je pense qu'on avancerait quand même aussi

08:27de se rendre plus compte

08:29que monsieur ou madame tout le monde

08:31de ce que ça représente

08:33c'est quand même

08:35enfin je veux dire

08:37c'est pire quoi

08:39c'est en ce sens que la prise de parole

08:41d'Aurélie et bien d'autres finalement elle est aussi politique

08:43c'est à dire qu'elle vient finalement interroger

08:45quelque chose de notre propre culture

08:47de notre manière effectivement dont on dysfonctionne

08:49autant dire les choses claires

08:51mais on dysfonctionne donc c'est important

08:53et ça c'est essentiel

08:56et c'est vrai que très souvent

08:58le réflexe qu'on entend très souvent

09:00enfin le réflexe

09:02la réponse qu'on peut entendre quand une personne

09:04prend la parole c'est de dire ah t'es courageuse

09:06et très souvent les victimes en fait demandent quoi

09:08demandent que ça n'arrive plus du tout à d'autres

09:10et donc que la société vienne s'interroger

09:12et je trouve que dans ce témoignage

09:14d'Aurélie là où c'est fort c'est que

09:16il y a quand même toute cette question là aujourd'hui

09:18qui est posée c'est de se dire bah tiens moi j'ai subi ça

09:20et je ne veux plus jamais

09:22finalement même si c'est pas dit comme ça

09:24le vivre de cette manière là

09:26et c'est vrai que venir interroger

09:28cette dimension sacrée de la famille

09:30enfin on le voit bien quand même qui doit quand même nous interroger

09:32quand on sait que 80% des violences faites aux enfants

09:34ont lieu au sein de la famille

09:36alors c'est important de dire ça ne veut pas dire que toutes les familles dysfonctionnent

09:38mais quand même ça veut dire que

09:40quasiment quand on cherche les violences elles sont quand même au sein de la famille

09:42bon bah ça doit nous interroger aussi

09:44sur notre capacité à déconstruire aussi

09:46cet idéal type pour éviter

09:48de se retrouver face à quelque chose

09:50où on a l'impression à chaque fois d'être surpris

09:52alors pour un petit peu secouer

09:54tous ceux qui nous écoutent je vais prendre un exemple Aurélie

09:56vous me direz si vous êtes d'accord

09:58si un adulte dans la famille

10:00coupait le bras

10:02d'un enfant je crois que ça choquerait

10:04vraiment tout le monde et quelque part

10:06Aurélie est-ce que

10:08ce que vous avez vécu c'est pas aussi pire

10:10que si on vous avait coupé un bras

10:12ah oui on m'a même coupé plus qu'un bras

10:14bon merci

10:16de votre réponse

10:18c'est normal mais pour vous répondre à ce que vous disiez tout à l'heure

10:20la réponse de mon père

10:22il a appris ce que son frère avait fait

10:24parce que son frère lui a dit en face

10:26mon oncle a tout avoué ce jour là

10:28mon père m'a dit

10:30viens on va au restaurant ça ira mieux après

10:32c'est ça

10:34il a banalisé

10:36il a banalisé parce que

10:38c'était sans doute trop

10:40difficile pour lui de réaliser

10:42donc il a été dans le déni de ce que vous avez vécu

10:44il a reconnu ce qui est incroyable

10:46c'est à dire que très souvent on a des agresseurs

10:48pas tout le temps mais

10:50qui sont dans le déni ou qui vont chercher à minimiser

10:52mais là c'est le père qui est dans le déni

10:54ce qui est courant

10:56merci beaucoup Aurélie

10:58merci Aurélie

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