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Catégorie
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Style de vieTranscription
00:00On est lĂ , bonjour.
00:02Bonjour, bonjour Brigitte.
00:04Merci de me recevoir Ă l'antenne.
00:06Je vous en prie.
00:08Il y a un bonheur et un malheur en mĂȘme temps.
00:12J'ai accouché d'un petit bébé le 23 août.
00:16Et mon papa est décédé le 3 octobre.
00:20C'est fou le nombre de personnes et le nombre de témoignages
00:24que j'ai déjà entendu de cet ordre-là .
00:27C'est-Ă -dire qu'on a une naissance et une mort pratiquement en mĂȘme temps.
00:32C'est quand mĂȘme Ă©tonnant comment la vie nous joue parfois des sacrĂ©s tours.
00:39Ah oui, et puis une naissance et une mort.
00:41Tout Ă coup, il y a comme cette Ă©closion.
00:44Du coup, c'est ce qu'il se dit.
00:46Mon papa a pu voir mon bébé une seule fois.
00:50C'est un petit garçon ?
00:52C'est un petit garçon, oui.
00:54Il porte le nom de son papa Ă lui, Gabriel.
00:57Donc, il Ă©tait trĂšs Ă©mu.
01:00D'ailleurs, mon papa perdait un peu la mémoire.
01:02Donc, en fait, il a vu deux fois sur la mĂȘme journĂ©e.
01:05Et quand il l'a vu l'aprĂšs-midi, il ne se rappelait plus d'avoir vu le matin.
01:09Donc, ça lui a fait deux moments de bonheur sur la mĂȘme journĂ©e.
01:12Et vous savez ce qu'il m'a dit ?
01:14Il m'a dit, je peux m'endormir heureux aprÚs ça.
01:17Et deux jours aprĂšs, mon pĂšre s'est Ă©teint dans son sommeil.
01:22Et pourtant, je suis désolée, je suis un petit peu émue.
01:26Mais bien sûr.
01:28Quand je revois mon fils, souvent je pense Ă mon papa.
01:33Et je voudrais lui raconter ce que je suis en train de vivre avec mon fils.
01:40Vous pouvez lui raconter ?
01:42MĂȘme si pour l'instant, Ă©videmment, il ne comprendra pas les mots.
01:45Mais il comprendra quelque chose.
01:48Vous pouvez lui parler ?
01:50De mon pĂšre ?
01:52Oui, absolument.
01:54Si ça vous fait du bien, ça lui fera du bien.
01:57Dites-vous bien une chose quand on parle à son bébé.
02:01Si ça nous fait du bien de lui parler, mĂȘme si c'est des choses tristes,
02:04ça fait du bien au bébé.
02:06Parce qu'il y a quelque chose de l'ordre de l'Ă©motion sincĂšre.
02:10Et donc, c'est un fluide qui passe bien.
02:14Et Ginette Rimbaud, que j'ai citée un peu plus tÎt dans l'émission,
02:17elle dit qu'il y a une compréhension.
02:20Ăa passe aussi par un senti.
02:22C'est vrai que j'aime bien les mots, mais certaines choses passent par la perception aussi.
02:26Et vous pensez que pleurer, c'est du bien dans ces cas-lĂ ?
02:34Avec l'enfant ?
02:36Oui.
02:38Il faut faire trÚs attention à ça.
02:40On parle des dépressions de la mÚre.
02:43Si vraiment vous vous sentez envahi par un affect qui est trĂšs douloureux,
02:47qui est trĂšs engloutissant,
02:49lĂ il convient vraiment de pouvoir vous faire aider.
02:51Parce que tout ça peut avoir aussi de grandes conséquences à l'ùge adulte.
02:55Je le dis de façon trÚs directe.
02:57Je pense qu'aucune discipline mieux que la psychanalyse n'a été capable de montrer ça.
03:01Je pense au travail d'André Green qui parlait des mÚres mortes.
03:04C'est-à -dire que quand on est mort à l'intérieur,
03:06quand on est sous la victime, c'est de ça.
03:08Je n'ai pas l'impression que ce soit votre cas.
03:10Il y a une grande douleur quand mĂȘme.
03:12La douleur de perdre son pÚre, ça me paraßt normal.
03:14Mais je ne vous sens pas dépressive.
03:16Je vous sens quand mĂȘme assez...
03:19Comme si votre pĂšre est parti, votre enfant est lĂ .
03:24Et ça va.
03:26Ăa va mais j'ai beaucoup de regrets.
03:29De ne pas avoir pris de photo.
03:31C'est dans les souvenirs maintenant.
03:34Mais j'ai des regrets qu'il soit parti et qu'il ne l'ait pas connu.
03:39Vous vous sentez envahi par ces pensées ?
03:42Vous y pensez beaucoup ?
03:44Vous diriez que ce sont des ruminations ?
03:46Peut-ĂȘtre pas des ruminations.
03:49C'est peut-ĂȘtre un peu fort comme le dit Brigitte.
03:51Non, ça fait quand mĂȘme que...
03:53MĂȘme pas cinq mois.
03:55C'est frais, bien sûr que la blessure est fraßche.
03:58C'est rien.
03:59Mais les bébés sentent.
04:00Les bébés sentent les dépressions, les états de douleur.
04:06Est-ce que vous ĂȘtes aussi en joie quand vous ĂȘtes avec votre bĂ©bĂ©, Ornella ?
04:10Oui, oui.
04:11C'est ça qui me laisse Ă penser que vous ĂȘtes triste.
04:14C'est normal.
04:15Que vous ayez besoin de pleurer, c'est mĂȘme bon signe.
04:18Ăa prouve que vous ĂȘtes vraiment dans un deuil qui fonctionne.
04:23Donc tout ça est normal.
04:25Vous pouvez parler à votre bébé.
04:26Maintenant, si vous avez vraiment besoin, envie de pleurer,
04:29il vaut mieux pleurer dans les bras de votre mari ou d'une amie
04:32qu'avec votre bébé.
04:34Oui, d'accord, je comprends.
04:36Et quand on arrive Ă mettre un temps sur le deuil, est-ce que...
04:42Non, non.
04:44C'est ce qu'on disait un petit peu plus tĂŽt,
04:46c'est-Ă -dire que cette approche normative du bon deuil et du mauvais deuil,
04:50elle n'est pas intéressante.
04:51Elle n'est pas intĂ©ressante parce qu'elle enferme et qu'elle empĂȘche de penser.
04:55Essayez plutÎt de réfléchir en termes d'espace.
04:58L'espace que ça va prendre dans votre existence,
05:01les pensées, le chagrin, les activités que vous pouvez faire.
05:05Est-ce que cette mort, ce décÚs, est-ce qu'il envahit l'espace ?
05:09Voyez, le temps a bien moins d'importance que ce territoire que la mort occupe.
05:14Et ça, ça permet déjà de réfléchir différemment la différence
05:17entre deuil normal et deuil pathologique.
05:20L'espace que ça prend dans votre cĆur, dans votre esprit, dans votre cĆur.
05:24Il y a une fĂȘte Ă cĂŽtĂ©.
05:28Oui, je crois que c'est...
05:31Mais encore une fois, je ne sais pas, votre mĂšre Ă©tait encore avec votre pĂšre ?
05:38Non, ma mĂšre n'Ă©tait plus avec mon pĂšre.
05:40Mais pourtant, ils étaient trÚs bien séparés, mes parents.
05:43Ils ne se sont jamais aussi bien entendus une fois séparés.
05:45Donc elle Ă©tait lĂ aussi pour l'accompagner.
05:49J'entendais tout à l'heure un témoignage d'une dame qui parlait de la perte de sa maman,
05:52qui l'accompagnait jusqu'au bout.
05:55Et nous, on l'a accompagnée, on l'a accompagnée aussi jusqu'au bout.
05:58Parce que c'est avec elle que vous pouvez aussi beaucoup parler, pleurer.
06:02C'est possible ça aussi.
06:05C'est vrai que je me dis aussi de profiter des instants avec mon bébé et elle.
06:09Et je réalise qu'elle ne sera pas là éternellement et qu'il faut qu'elle profite elle.
06:13Alors Ornella, que ce deuil que vous ĂȘtes en train de traverser
06:17vous permette de comprendre à quel point la vie est précieuse
06:20et qu'il faut profiter de chaque instant, parce que de toute façon, c'est trÚs court.
06:24C'est exactement ça.
06:26Et si vous avez ce message-là , si c'est ça votre philosophie en ce moment,
06:30ça veut dire que vous ĂȘtes sur le bon chemin et que tout va bien.
06:34D'accord, ça fait du bien de l'entendre.
06:38Mais autorisez-vous tout de mĂȘme, vous voyez, autorisez-vous tout de mĂȘme,
06:41et j'insiste sur ce point et sur la symbiose mĂšre-enfant,
06:44ce que Julia Kristeva appelle la reliance, autorisez-vous.
06:47Si jamais vous avez le sentiment que ça prend trop de place en vous,
06:50cette douleur, ce chagrin, que ça s'étend,
06:53autorisez-vous à un moment donné à prendre audience auprÚs d'un psychiatre ou d'un psychologue.
06:57Prenez une séance et vous verrez bien ce qu'il vous dit.
07:00Demandez un point de vue extérieur de quelqu'un qui pourra avoir un regard clinique sur ce que vous vivez
07:04et vous aidera à différencier ce qui serait de l'ordre de la tristesse
07:07de ce qui serait de l'ordre de la mélancolie véritable.
07:10Vous voyez, autorisez-vous, ça va vous déculpabiliser, ça va vous libérer.
07:14On dit dans le doute, abstiens-toi.
07:16Je crois qu'en matiĂšre de consultation, il n'y a rien de plus faux.
07:21Si vous en Ă©prouvez le besoin, c'est pas...
07:24Mais sinon, je crois que vous ĂȘtes... ça va.
07:30Ăa me semble clair.
07:33Merci beaucoup.
07:34Merci infiniment, on est lĂ pour cette belle clĂŽture.
07:37Et puis on va conclure avec Cathy qui vient de nous rejoindre.
07:41Bonjour Cathy.
07:42Oui, bonjour.
07:44Je ne sais pas si j'ai fait une erreur Brigitte,
07:47parce que moi il ne s'agit pas d'un deuil physique,
07:51il s'agit juste de me séparer de ma fille parce que les médecins me l'ont conseillée.
07:56Parce que votre fille est gravement malade ?
08:00Parce que ma fille est violente avec moi verbalement,
08:04trĂšs violente avec moi suite Ă une situation de divorce entre son pĂšre et moi.
08:09Et ça devient ingérable pour moi.
08:13Quel Ăąge elle a ?
08:15Elle a 30 ans.
08:17Son pĂšre est pervers ?
08:21C'est la question que je me pose et je n'arrive pas du tout à adhérer à cette idée,
08:27mĂȘme si pour autant en face de moi c'est ce qu'il me semble que tout le monde me dit.
08:31Si son pĂšre est pervers, il est fort probable qu'elle le soit,
08:35et ça expliquerait qu'elle soit toxique.
08:37C'est plus ça, je fais un petit raccourci.
08:39Mais il est pervers.
08:41Je n'ai pas de preuve de ce que je dis.
08:43C'est juste une analyse par rapport Ă ce que vous nous dites.
08:48Si on vous dit que votre fille vous fait du tort et vous fait du mal,
08:53il est évident qu'il faut vous protéger.
08:56Ce qui ne veut pas dire...
08:58Quel médecin peut conseiller à quelqu'un de couper un lien ?
09:04Pour le moment c'était un médecin généraliste.
09:08Ah bon ?
09:09Ils sont pleins de bon sens quand mĂȘme parfois nos mĂ©decins.
09:12Mais attendez, il n'est pas question de faire comme si votre fille Ă©tait morte en l'occurrence.
09:18Non du tout.
09:19On est d'accord ?
09:20C'est de la mettre à distance pour vous protéger de sa méchanceté en quelque sorte si je comprends bien.
09:29Je n'arrive pas à concevoir que mon ex-mari et ma fille puissent fonctionner comme ça en face de moi
09:41alors que je ne fais rien pour expliquer.
09:44Mais Cathy, vous n'avez pas fait des Ă©tudes de psychologie
09:51et c'est donc normal que vous ne puissiez pas le concevoir
09:54puisque vous pensez que les gens fonctionnent comme vous.
09:57Et vous, vous ĂȘtes quelqu'un de gentil qui a le respect de la famille, des gens qu'on aime
10:04et donc ça vous paraßt impensable.
10:06Oui mais on me dit tout le contraire.
10:07On me dit tout le contraire tout le temps.
10:08Je suis méchante, je suis folle.
10:10Non mais ce n'est pas tout le monde.
10:11Je sens des agressions horribles.
10:12C'est votre fille qui vous dit ça.
10:14Oui c'est vrai.
10:16Donc vous savez trĂšs bien qu'on projette toujours ce qu'on est.
10:21Donc votre fille fait une projection sur vous.
10:23Vous savez, quelqu'un de malhonnĂȘte va toujours penser que l'autre va le tromper, va le trahir et va lui piquer de l'argent.
10:31Vous connaissez ça.
10:33Parce qu'on projette toujours ce qu'on est sur les autres.
10:37Sauf quand on a fait un trĂšs trĂšs grand travail mais il n'y a pas grand monde qui l'a fait ce travail.
10:41Donc votre fille, elle est mĂ©chante et elle projette que vous ĂȘtes la mĂ©chante.
10:48D'accord.
10:49Et donc pour notre OTG, je ne sais pas quand est-ce qu'elle va revenir dans ma vie ou pas.
10:54Moi ça me fait beaucoup de mal.
10:56Et du coup, je m'isole.
11:00Ah oui.
11:02Mais attendez, je vais avoir quand mĂȘme un peu de nuance.
11:04Vous n'ĂȘtes obligĂ© Ă rien.
11:06Vous voyez bien, aujourd'hui on a eu une Ă©mission oĂč on a parlĂ© Ă des personnes qui regrettaient d'avoir perdu leurs proches et qui en souffrent terriblement.
11:15Et je pense que c'est pour ça que vous nous appelez dans le fond Cathy.
11:18C'est que vous avez peur qu'il y ait cette fin du lien alors que vous avez l'air de l'aimer votre fille.
11:26Et ça ne se passe pas bien.
11:28Pour l'instant, peut-ĂȘtre que la vĂ©ritĂ©...
11:30J'arrive plus Ă l'aimer.
11:32Alors faites-vous accompagner sur ce sujet par quelqu'un, quelqu'un d'autre qu'un médecin généraliste qui s'improvise psychiatre.
11:40Demandez conseil.
11:43Faites-vous épauler dans ce processus-là par une personne neutre, extérieure.
11:48Et peut-ĂȘtre que cette personne vous donnera d'autres maniĂšres de communiquer diffĂ©remment avec votre fille pour pas que ce soit un adieu dĂ©finitif.
11:55Cathy, pour l'instant, vous avez le droit d'aimer votre fille telle qu'elle a été quand elle était votre bébé, votre petite-fille, votre jeune-fille.
12:07Aujourd'hui, vous ĂȘtes face Ă une adulte qui a envie de vous dĂ©truire parce qu'il y a quelque chose de mauvais en elle.
12:17Et ce quelque chose de mauvais vient certainement du pĂšre.
12:21Vous savez, un enfant, c'est Ă la fois le pĂšre et la mĂšre.
12:24Et donc, c'est la part du pÚre qui vient vous détruire.
12:30Je crois que vous avez raison de vous protéger.
12:33Mais ça ne vous empĂȘche pas de continuer Ă aimer la fille que vous avez eue.
12:37Vous comprenez ?
12:39Dites Ă votre fille, quand vous ĂȘtes toute seule, face Ă une photo d'elle.
12:45Dites-lui, je t'aime ma fille. Je suis toujours ta maman.
12:48Tu pourras revenir quand tu veux.
12:50Et puis, par rapport à cette femme qui est devenue une méchante femme, vous vous protégez et vous évitez de la voir.
12:58D'accord ?
12:59Il faut faire malheureusement la part des choses entre votre fille et cette femme.
13:05Comme s'il y avait une part de démon qui soit en elle.
13:11Et c'est certainement la part du pĂšre.