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00:00Et Karen qui nous rejoint. Bonjour Karen.
00:03Oui bonjour Brigitte, bonjour Christian.
00:06Donc vous n'avez pas eu d'enfant. Est-ce que c'est un désir vraiment ou est-ce que c'est les circonstances qui ont fait ça ?
00:13Alors en fait quand mon ex-mari a voulu un enfant quasiment très peu de temps après qu'on se soit rencontré, pour moi c'était trop tôt.
00:21Je m'étais occupée de mon jeune frère puisque notre maman était décédée de bonheur.
00:26Et j'avais envie de profiter et je n'avais pas envie de me lancer dans l'éducation, avoir un enfant etc tout de suite.
00:34Et quand j'ai été prête, lui en fait n'en voulait plus.
00:39Donc là ça a été un petit peu compliqué et par amour en fait j'ai accepté de ne pas en avoir parce que lui ne voulait pas bouger de sa position.
00:50Et par amour en fait je me suis dit que la relation avec mon mari était plus importante que le fait d'avoir des enfants.
00:58Donc vous êtes restée avec lui en acceptant son choix ?
01:02Oui je suis restée avec lui en acceptant son choix et ça ne m'a pas dérangée en soi.
01:07C'est vraiment une décision que j'ai prise sereinement on va dire.
01:14Probablement que le fait d'avoir perdu ma maman jeune avait généré des craintes aussi dans le fait d'avoir un enfant.
01:24Quel âge vous aviez quand vous la perdez ?
01:2720 ans.
01:29Et donc probablement que si j'avais eu un mari qui avait absolument voulu avoir des enfants, j'en aurais eu.
01:39Mais j'avais vraiment des grosses craintes sur ce qui pouvait m'arriver et le fait de laisser un enfant ou des enfants devant leur maman.
01:49Et au final je ne regrette absolument pas et je me dis presque qu'aujourd'hui pour avoir des enfants il faut presque être courageux si on prend la vie en général.
02:03Alors heureusement qu'il y en a qui ont cette insouciance ou ce courage-là.
02:09Mais c'est vrai que je n'ai pas forcément une vision très positive actuellement du monde.
02:21Vous voyez ça me fait penser toujours au fait que le mot courage vient du mot cœur.
02:26Et je crois qu'en fait quand on a envie d'avoir un enfant, on a tellement envie, le cœur est tellement ouvert à ça qu'on a le courage qu'il faut.
02:34Oui c'est probable.
02:36Mais peut-être que ce courage-là je ne l'ai pas eu et que ce n'était pas aussi difficile que ça.
02:42Mais je pense que vous l'auriez eu si vous aviez été enceinte.
02:45Enfin je ne sais pas ce que vous en pensez Christian.
02:47Le courage c'est d'avoir un enfant mais c'est aussi de ne pas en avoir.
02:51C'est à dire que dans la vie pour moi il y a beaucoup de choses qu'il faut faire par inconscience.
02:55En étant conscient de son inconscience.
02:57Non mais moi je suis très, je vis comme ça.
03:01C'est à dire qu'il y a des choses que je fais en disant mais je suis fou de faire ça, j'y arriverai jamais.
03:06Et bien finalement souvent j'y suis arrivé.
03:08Donc je ne pense pas que ce soit du courage que de trop réfléchir.
03:16Voilà.
03:18Et moi je ne crois pas que c'est plus dur aujourd'hui d'avoir des enfants qu'il y a un siècle.
03:25Et certainement plus facile qu'il y a deux siècles.
03:28Je pense que si j'étais dans cette situation-là aujourd'hui.
03:34Parce qu'aujourd'hui vu l'âge que j'ai je n'en ferais pas et je n'en ai pas le désir.
03:38Mais je pense que si j'avais 25 ou 30 ans aujourd'hui je serais bien ennuyée.
03:45Parce que je me triturerais le cerveau et l'esprit pour savoir ce dont j'ai vraiment envie.
03:52Et ce qu'il est bon de faire.
03:54Et me connaissant je ne suis pas sûre d'être capable d'avoir le lâcher pris nécessaire.
03:59Oui c'est bien ce que je dis, il ne faut pas trop réfléchir.
04:01Voilà.
04:03C'est exactement ce que je disais.
04:05Dans ma famille il y a deux pigeons qui sont nés il n'y a pas très longtemps.
04:10Et à la fois je me dis que vu les parents ça va faire des vraisemblablement normalement des enfants bien câblés, bien structurés, éduqués, etc.
04:22Et ça donne de l'espoir.
04:25Ça donne de l'espoir dans le fait que justement ces enfants-là vont pouvoir faire de belles choses, porter une belle parole, etc.
04:36Et là ça redonne de l'espoir.
04:40Mais oui je suis d'accord sur le fait que c'est du courage d'en avoir et du courage de ne pas en avoir.
04:47Et il y a aussi, moi ce que j'ai vécu pour le coup assez fort c'est le regard des autres.
04:55Et le regard des autres de « ah bah t'as pas d'enfants ».
04:59Et même encore aujourd'hui quand je me permets, pas une remarque désolé, mais juste de donner un avis en ce qui concerne un enfant, l'éducation ou des choses comme ça,
05:10je précise toujours « je sais, j'en ai pas eu, mais voilà ».
05:15Et j'expose ce que j'ai à dire comme si j'avais un manque de légitimité dans ce que je pouvais dire.
05:21Ça c'est assez juste ce que vous dites, comme si parce qu'on a été parent on sait forcément.
05:28Et quand on voit certains parents on se pose des questions, je suis d'accord.
05:32Et puis il y a le poids de la société, je sais que mon ex-beau-père notamment, pendant longtemps, alors que moi j'y étais vraiment pour rien,
05:40que c'était plus son fils qui freinait, des cas de fer, nous faisait la remarque « alors quand est-ce que vous faites un petit-fils, quand est-ce que vous faites un petit-fils ? ».
05:48Et un jour j'ai dit à mon mari « écoute, tu cadres ton père parce que moi je ne vais pas entendre un week-end sur deux ou un week-end sur trois ce genre de remarques,
05:58parce que c'est déjà difficile pour moi, donc je n'ai pas envie d'entendre ça ».
06:03Et a posteriori il a compris pourquoi on n'en avait pas eu, même si ça l'ennuyait.
06:10Mais il y a tout ça, il y a vraiment le poids de la famille, le poids de la société, qui parfois peut être pressant et qui pourrait ne pas faire prendre une décision en son âme et conscience, je veux dire.
06:25Là où vous avez raison, c'est que forcément les parents mettent la pression sur leurs enfants pour qu'ils aient des enfants.
06:31Ça c'est quelque chose qu'on constate très fréquemment, il y a cette sorte de puissance familiale.
06:38– Oui, et puis c'est la validation de leur choix à eux, c'est-à-dire que moi je l'ai bien fait, pourquoi tu ne le fais pas ?
06:45– Oui, mais ça va même au-delà, j'ai mon cousin et filleule qui est homosexuelle, ma tante a deux enfants, sa fille a eu deux petits garçons,
06:59et avec un peu d'amertume elle me dit « bon, de toute façon je sais que ma fille n'en fera pas d'autres,
07:04et puis ce n'est pas de l'autre côté que je vais en avoir », donc elle fait le trait sur une petite fille par exemple.
07:09– Encore que j'ai entendu récemment, et je vais vous le dire parce que moi ça m'a un peu choqué,
07:15c'est un homme qui est homosexuel et qui a eu deux enfants par GPA, je n'en dirai pas plus,
07:22et à un moment donné, vous savez ce qu'il m'a dit ? Il m'a dit « oui parce que ma mère ne supportait pas de ne pas être grand-mère ».
07:29– C'est quand même un peu effrayant, comme quoi on peut en arriver à faire des choses…
07:33– Oui, alors mon filleule n'irait pas dans ce genre de choses-là, et puis lui il n'envisage pas du tout d'avoir des enfants,
07:40mais voilà, sa mère a une certaine frustration de ne pas avoir eu de petites filles.
07:49– Oui, bien sûr, le pouvoir des parents sur nos vies, de toute façon, parce que là en l'occurrence,
07:55votre beau-père quelque part, il ne vous respectait pas, vous, dans son désir que vous ayez des enfants, bien sûr.
08:03– Et puis peut-être que ça existe de moins en moins, et je pense que ça peut jouer aussi,
08:12justement dans cette sorte de mainmise de la part de la famille, il y a aussi le fait de faire perdurer les lignées,
08:22de faire perdurer le nom, et tout ça aussi rentre en ligne de compte,
08:27et même si à la limite ce n'est pas forcément toujours vu d'une manière très marquée,
08:32c'est quelque chose qui peut se ressentir aussi.
08:35– C'est d'où la… alors ça change un peu maintenant, puisque les femmes peuvent garder le nom du père,
08:42mais il y a une époque, il fallait surtout avoir un fils pour que le nom ne disparaisse pas,
08:48il y avait cette puissance-là du nom qui était très forte, oui.
08:53– C'est ça, et je trouve ça tellement… j'allais dire irrespectueux, mais ce n'est pas forcément tout à fait respectueux,
09:02parce que ce n'est pas fait de manière méchante, mais comme vous dites, le pouvoir des parents,
09:08ou même des remarques d'amis, de gens que vous voyez, « ah ben oui, mais tu n'as pas d'enfant, ah ben mince… »
09:16Alors les gens, à la fois il y a un côté un peu gêné, dans le sens où tu n'as pas pu en avoir,
09:21parce que physiquement, médicalement parlant, tu ne pouvais pas, ou est-ce que c'était un choix ?
09:26Et presque, il y a eu des fois où j'aurais presque eu envie de dire, alors que je n'aurais pas menti pour autant,
09:32mais que c'était parce que je n'en ai pas pu en avoir, plutôt que ce soit un choix.
09:36Parce que quand c'est un choix, tout de suite c'est négatif.
09:40– Oui, vous êtes un peu égoïste Karine, reconnaissez-le.
09:43– Oui, c'est vrai, mais par contre je valorise ce côté positif de l'égoïsme,
09:51parce qu'à aujourd'hui, même si j'avais toujours été avec mon ex-mari,
10:00je ne ressens absolument pas le fait d'avoir d'enfant comme un manque,
10:06et justement, pour le coup, ça nous a permis de vivre de manière un peu égoïste,
10:13et presque de ne pas se sentir vieillir.
10:18Alors peut-être que c'est une question de caractère,
10:20mais il n'y a pas ce côté, je vieillis à travers mes enfants.
10:24– C'est juste aussi.
10:25Vous avez dit beaucoup de choses importantes et intéressantes Karine,
10:28merci de ce témoignage qui est très lucide.
10:31– Oui, mais c'est difficile d'élever des enfants,
10:34et on est souvent fiers de la culture qu'on leur a donnée,
10:37de la réflexion qu'on leur a donnée,
10:39et l'idée de transmission du nom ou de cette culture de famille ou de société,
10:49moi ça ne me paraît pas négatif, au contraire.
10:53– Mais pas du tout.
10:54On continue après les infos bien sûr, n'hésitez pas à nous rejoindre.