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00:00Iris, bonjour.
00:01Oui, bonjour Brigitte, bonjour Cindy.
00:04Bonjour Iris.
00:05On vous écoute, Iris, racontez-nous, quelle est votre situation, vous ?
00:10Alors moi j'ai plutôt une fin heureuse, donc ça sera peut-être léger dans les interventions cet après-midi.
00:19J'ai vu mon père qui est arrivé il y a un an et demi dans notre famille, qui était en Provence,
00:25qui a eu un problème cognitif à un moment donné,
00:28et qui a été
00:31hospitalisé,
00:32pas très très très bien, on va dire, pris en charge, peu de moyens dans les hôpitaux, dans les petits hôpitaux, dans les petites villes.
00:40Du coup on a vu qu'à un moment, c'était plus possible de continuer, donc
00:43c'est pas trop posé de questions.
00:45Donc il est venu habiter chez vous, c'est ça ?
00:47Exactement.
00:48Et il a quel âge, votre père ?
00:5085, hyper autonome.
00:53Très bien, donc on a découvert un peu qu'il avait des problèmes de santé dû au fait qu'il ne s'alimentait pas correctement,
01:00et puis un problème cardiaque à un moment, et qui était résolu assez vite, mais
01:05voilà, ça a été la première alerte, alors que c'était quelqu'un de tout à fait autonome,
01:08et ça se passait très bien, quand on allait le voir le week-end, ça se passait très bien,
01:13jusqu'au moment où il y a eu cette problématique-là.
01:16Et à voir quelqu'un qu'on connaît quand même depuis toujours et qui
01:21arrive dans une maison, avec une organisation, et qui avait lui-même son organisation, son autonomie, et qui d'un seul coup doit composer avec
01:29aussi nos obligations.
01:31Donc vous vous êtes, vous avez votre conjoint ?
01:35Tout à fait.
01:36D'accord, des enfants ? Enfin non, ils sont grands je suppose.
01:39Ils sont grands, mais avec effectivement aussi à prendre en compte
01:43le problématique de vie aussi, à certains moments.
01:47Donc organisationnelle, affective, mais aussi financière.
01:51Et puis ce parent qui arrive, et qu'on découvre complètement
01:55comme quelqu'un à qui on doit apporter de l'aide, alors que jusqu'à maintenant, il y a eu effectivement une autre relation.
02:01Donc c'est aussi cette prise de conscience-là qui a été très violente.
02:05Ça te fait dire qu'à un moment, les choses s'inversent, et qu'il faut s'organiser.
02:09Et est-ce que justement, lui,
02:12il accepte cette dépendance ?
02:14Oui, c'est ça, c'était ça mon questionnement.
02:18Ça a été très violent pour lui, parce que c'est dire qu'il se sentait, lui, complètement
02:24prisonnier en fait.
02:25Donc l'aide n'était pas bien accueillie forcément.
02:28Et du coup, après, il a fallu trouver une nouvelle équipe de soignants,
02:32parce qu'étant à 300 kilomètres, il a fallu se réorganiser sur ça.
02:37Compliqué, parce qu'il n'y a pas beaucoup de place, parce qu'il n'y a pas beaucoup de...
02:42Il y a des démarches énormes à faire.
02:45Donc au bout de six mois, ça a été, mais en attendant, il a fallu le gérer.
02:50Avec effectivement...
02:52Mais maintenant qu'il est chez vous, donc
02:55vous avez finalement, vous êtes en couple et vous avez votre père qui est là.
03:00Donc c'est un tiers qui s'introduit dans le couple.
03:03Comment ça se passe pour vous ?
03:05Parce que c'est ça aussi, Sandy Boulanger,
03:08parce que c'est pour ça qu'il y a très peu de gens qui peuvent prendre leurs parents
03:11chez eux, parce que ça peut mettre le couple en danger.
03:15Visiblement, d'après votre témoignage, on a l'impression que tout se passe bien, mais est-ce que...
03:19Non, non, non, ça n'a pas été le cas.
03:20On s'est fait beaucoup aider.
03:22J'ai eu une équipe économique qui m'a aidée à appréhender ça.
03:25Il y avait un psychiatre qui a fait un gros travail,
03:27parce qu'en fait, tout remontait aussi pour lui.
03:28Toutes les choses qu'il n'avait pas gérées, lui, en tant qu'adulte,
03:33il ne l'avait pas gérée.
03:34Donc il y a des choses sur lesquelles il n'avait pas dû gérer dans sa vie qui sont ressorties.
03:38Et vous portez un peu tout ça.
03:39Donc on a géré ça.
03:41Là, aujourd'hui, il n'est plus à la maison.
03:43Il a son petit logement à côté.
03:47Et on se voit régulièrement, mais dans de bonnes conditions.
03:49Mais ça a été excessivement...
03:51D'accord, donc il n'est plus chez vous.
03:53Oui, parce que ça me paraissait assez...
03:56Il est juste à côté.
03:57Oui, bien sûr, juste à côté, mais plus chez vous.
04:00Parce qu'on a beau dire, enfin, à moins d'avoir vraiment une capacité
04:07d'habitation grande et puis du personnel, etc.
04:11C'est quand même très compliqué, aujourd'hui, d'avoir son parent.
04:16Ben voilà, merci de le dire, Iris.
04:19Non, ce n'est pas du tout viable.
04:21Surtout quand, effectivement, vous mettez des choses en place,
04:24parce qu'on ne vit pas au même rythme et qu'on n'a pas des appartements immenses aussi.
04:29Et puis ce que vous disiez, Iris, c'est fondamental aussi,
04:32c'est qu'il y a beaucoup de choses qu'il n'a pas réglées de sa vie qui remontent.
04:36Parce que ça, c'est un fait qu'il faut vraiment prendre en considération,
04:40c'est-à-dire que tout au long de notre vie,
04:42nous avons cette capacité à retenir dans notre contrôle inhibiteur,
04:46justement, tout un tas d'informations qu'on n'a pas traitées,
04:49de sentiments, d'émotions, d'événements difficiles.
04:52Mais quand on grandit en âge, ça se relâche, en fait, ce contrôle inhibiteur.
04:58Des fois, on peut se dire que le parent est sans filtre.
05:01Oui, il a moins de filtres et sans filtre, il y a beaucoup de choses qui vont remonter.
05:07Oui, et c'est effectivement difficile d'avoir à gérer.
05:10C'est très violent.
05:11Oui, parce que ce n'est pas ce qu'on imagine, justement, qu'on doit faire.
05:15Et vous voyez, dans cette posture-là, on peut se dire légitimement
05:18qu'on devient le parent de son parent.
05:20C'est complètement ça.
05:21Mais ce n'est pas la question du tout.
05:22Alors, au final, on fait les mêmes actes, mais on ne devient pas le parent de son parent.
05:27On reste l'enfant de son parent et on le voit, justement, comme un adulte.
05:32Et ça, c'est fondamental dans une relation, c'est-à-dire que plus on grandit en âge
05:36et plus il est intéressant d'avoir une relation d'adulte à adulte avec ses parents.
05:42Quand on n'a pas fait ça, parce que ça demande...
05:44Et avec ses enfants.
05:45Et du coup, on fait la même chose avec nos propres enfants.
05:48Mais ça, c'est valable, Sandi, je suis d'accord avec vous, évidemment,
05:51mais ça, c'est valable uniquement si on a vraiment fait un travail sur soi,
05:53ce qui ne semble pas être le cas du père d'Iris.
05:56Non, mais Iris semble... Vous saurez faire ce boulot.
05:58Iris, elle l'a fait et puis elle a été obligée de le faire à vitesse grand V, là, visiblement.
06:03Félicitations, parce que vous auriez pu mettre ça sous le tapis aussi.
06:06Mais là, vous rendez un grand service à vos enfants aussi.
06:09Ce n'était pas possible, mais c'est vrai que moi, j'ai eu l'expérience d'avoir mon grand-père,
06:12de vivre avec mon grand-père jusqu'à 9 ans, où je le voyais tous les jours.
06:16Je pense que ça, ça m'a beaucoup aidé, beaucoup aidé à comprendre les choses.
06:19Mon père est quand même dans la partie, il était en psychiatrie aussi,
06:22donc c'était d'autant plus virulent parce qu'il savait très bien
06:26qu'il avait des problèmes cognitifs en fait, dû à un problème de sodium
06:29qui n'avait pas lâché.
06:30Heureusement, on a eu un jeune médecin qui lui a fait des examens et le correspondant.
06:35Et ça a été génial parce que du coup, on s'est aperçus que ce n'était pas irréversible.
06:41Là où il était resté en province, avec peu de temps surtout,
06:45ce n'est pas le sujet de Paris, ce n'est pas le sujet,
06:48mais il y a eu le temps qui a été pris pour faire ces analyses-là.
06:51Et donc du coup, sinon, quelqu'un qui serait passé à côté de ça,
06:55il serait dans un centre psy aujourd'hui, c'est sûr, là où il travaillait avant.
07:00Ce qui est complètement paradoxal, donc c'est là où c'est assez étonnant.
07:03Et comment vous avez vécu ça avec votre conjoint, du coup votre mari, aujourd'hui, toutes ces épreuves ?
07:09Je remercie, je le remercie beaucoup.
07:10Ça vous a rassuré ?
07:12Moi, il m'a complètement kidnappé à un moment pour partir en vacances
07:15parce qu'il m'a dit, ce n'est pas possible, tu ne peux pas rester comme ça.
07:16Donc on s'est organisé avec des gens.
07:19Et vous l'avez entendu ?
07:21Totalement, parce que j'étais épuisé.
07:23Oui, mais ça, ce n'est pas non plus facile d'accepter,
07:27d'entendre que l'autre vous dise maintenant stop.
07:29Il faut que tu prennes soin de toi, il faut qu'on prenne soin de nous.
07:35Oui, mais il a su, j'allais presque dire, vous imposer une plage de tranquillité pour que vous puissiez respirer.
07:46Ce qu'il n'a pas fait pour ses propres parents, lui.
07:48C'est ça qui est paradoxal, c'est qu'il a accepté de m'accompagner dans le bar.
07:52Et lui, c'est une de ses sœurs qui faisait ça.
07:54Donc comme vous disiez, c'est souvent féminin, il y a un siècle, c'est toujours féminin,
07:58c'est pas il y a un siècle, et j'ai beaucoup d'amis qui sont dans cette situation et ils sont seuls.
08:03Oui, mais c'est féminin parce que, oui, bien sûr, et ça sera féminin.
08:08Mais parce que c'est sociétal, je ne suis pas sûre, je pense que quand même, la nature fait les choses avec un peu de bon sens.
08:17C'est nous qui portons les enfants, c'est nous qui les mettons au monde.
08:22On a cette capacité à être en symbiose avec l'autre et qui souffre.
08:31Je pense que c'est quand même plus...
08:33Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des hommes qui en sont capables,
08:35et ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des femmes qui se comportent très très mal avec leurs parents, attention.
08:40Mais je pense que c'est en tout cas symboliquement féminin, ce qui ne veut pas dire...
08:45Je pense aussi que la notion de sacrifice est beaucoup plus importante que le masculin.
08:50Moi aussi, je pense.
08:51Cette notion de je fais un sacrifice pendant un certain temps sur un certain nombre de choses,
08:56et de repos, de s'oublier physiquement, tout ça.
08:58Ça ne se passe pas au même endroit, du coup.
09:00L'homme va souvent le faire sur le professionnel, faire beaucoup de sacrifices dans son...
09:04Exactement.
09:05Mais pas parce que ça va le...
09:06Mais ça c'est sociétal, je suis d'accord.
09:08Oui, donc ce contrôle inhibiteur, parce qu'il est toujours question de ça,
09:12le sacrifice, c'est comment est-ce que je vais me frustrer d'un moment,
09:17en me mettant des contraintes, pour avoir une satisfaction plus tard.
09:22Je pense que les sacrifices sont répartis très différemment,
09:25ou l'étaient en tout cas dans notre société, et c'est beaucoup en train de changer aussi quand même.
09:29Mais parfois quand on vit soi-même cette situation, et quand votre mari vit ça avec ses parents,
09:34c'est parfois tout aussi difficile de le vivre, de le traverser,
09:40et du coup c'est l'autre, le compagnon, qui permet d'extraire et de faire voir les choses.
09:46Donc on peut être très soutenant, votre mari a été très soutenant pour vous dans cette situation,
09:51mais ça ne veut pas dire qu'il peut gérer de la même façon de son côté.
09:56Complètement.
09:57En tout cas vous êtes en paix avec vous-même, et en paix avec votre père, Iris,
10:01et c'est ça qui compte, même si évidemment on entend bien que...
10:05Ça a été rude.
10:06Ça a été très très rude, oui.
10:08Merci de ce témoignage.
10:09J'ai dû jouer de vie professionnelle, physique, ça a été très très rude.
10:13Ça a duré combien de temps entre aujourd'hui et le moment où vous avez commencé à être obligé de vous occuper de votre père ?
10:19Un an et demi.
10:20C'est pas beaucoup pourtant, et on entend tout ce que vous avez dû traverser.
10:27Merci Iris.