Mardi 29 avril 2025, retrouvez Raphaël Moreau (Co-CIO, Amiral Gestion) dans SMART BOURSE, une émission présentée par Grégoire Favet.
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00:00Générique
00:00Le dernier quart d'heure de Smartbourg chaque soir c'est le quart d'heure thématique.
00:13Le thème ce soir c'est celui des small et mid-cap européennes avec l'idée que les planètes sont peut-être en train de s'aligner pour cette classe d'actifs ou cet univers d'investissement.
00:22Plus précisément Raphaël Moreau est à mes côtés en plateau pour en parler qu'au CIO d'Amiral Gestion.
00:27Bonsoir Raphaël. Merci beaucoup Maison de Stockpicker mais on va quand même partir des grands facteurs j'allais dire un peu global, macro, géopolitique entre ce qui se joue sur les tarifs douaniers,
00:38ce qui se joue en Allemagne également avec la perspective d'une Allemagne plus dépensière pour la défense et pour les infrastructures et puis sur le terrain géopolitique avec la perspective toujours fragile
00:49mais peut-être devant nous quand même d'un apaisement du conflit entre l'Ukraine et la Russie. Je le formulerai ainsi Raphaël.
00:56A travers ces différents facteurs là, quelle est votre compréhension de ce qui se joue et de ce qui se joue notamment pour cet univers d'investissement des small et mid-cap en Europe ?
01:05Très bien. Super introduction. Voilà, c'est le brief.
01:10Effectivement il se passe des choses un peu partout et qui ont une influence en Europe, donc à Washington, à Berlin, à Moscou.
01:17Alors on va commencer par l'éléphant dans la pièce, c'est Washington.
01:19Donc avec, juste pour remettre en perspective, l'objectif peut-être qu'essayent d'obtenir Donald Trump et l'administration américaine, je ne commenterai pas à la forme,
01:30mais on va essayer de comprendre en partie au moins le fond.
01:35Et donc l'objectif qui est quand même clair, c'est de rééquilibrer le commerce mondial.
01:38Donc que les Etats-Unis produisent davantage et consomment moins et inversement que la Chine consomme davantage et produise plus.
01:46Il faut bien se rendre compte que depuis 2007, 2007, 2008, le taux de change entre le yuan et le dollar est resté stable.
01:58Alors que la Chine, depuis 15-20 ans, accumule des excédents absolument stratosphériques vis-à-vis des Etats-Unis et pas seulement.
02:07Et du reste du monde.
02:07Et la théorie économique des taux de change flottants voudrait que le yuan s'apprécie face aux autres devises.
02:16Puisque les exportateurs rapatrieraient les capitaux dans leur propre pays, ce qui ferait monter la devise.
02:23Et donc permettrait de rééquilibrer la compétitivité relative.
02:27Ça ne se passe clairement pas.
02:30Peut-être parce qu'il y a le rôle du dollar en tant que monnaie de réserve internationale.
02:34Mais il y a aussi clairement la stratégie de la Chine de prioriser son industrie au détriment de sa consommation.
02:41Déjà pendant la crise de 2008, on se disait que ça serait peut-être le déclencheur d'un rééquilibrage vers plus de consommation.
02:47Ce n'est pas arrivé.
02:48Donc c'est ça que veut forcer...
02:51Mettre fin à ce mercantilisme forcené de la Chine.
02:54Exactement.
02:55Parce que les conséquences concrètes, c'est que l'industrie chinoise ravage l'industrie du reste du monde.
02:59Aujourd'hui, l'industrie chinoise, il faut se rendre compte, c'est l'industrie chinoise, c'est davantage que l'industrie américaine, japonaise, coréenne, allemande, réunie.
03:08Qui sont les quatre principales...
03:10La production industrielle chinoise est supérieure à la production industrielle combinée de ses quatre principaux concurrents.
03:16Voilà.
03:16Donc la Chine mérite bien son nom d'usine du monde.
03:19Et donc ça crée tout un tas de problèmes économiques, de problèmes de dépendance géopolitique des États-Unis aussi vis-à-vis de leurs principaux fournisseurs.
03:28Et donc l'objectif, c'est d'obtenir un rebalancing.
03:30Alors est-ce que comme Redalio, le fondateur de Bridgewater, est-ce que ça sera un beautiful rebalancing ou pas ?
03:38Ça, on n'en sait rien.
03:39Mais il faut bien se rendre compte que c'est un changement économique majeur pour le monde qui essaye de s'activer par cette occasion.
03:46Essayons d'imaginer un monde où la classe moyenne chinoise s'enrichit très fortement, par exemple via une hausse du taux de change.
03:56C'est ce qui s'était passé en 1985 avec les accords du Plaza entre le dollar et le Yen et le Deutsche Mark, où le Yen avait une idée de valeur en deux ans face au dollar.
04:06Donc on essaye d'imaginer ce monde.
04:10Ça aurait des impacts absolument colossaux pour toutes les industries dans le monde entier.
04:14Alors à court terme, par contre, ce qui est sûr, c'est que la visibilité, elle est inexistante.
04:19La confiance des agents économiques est en chute libre aux États-Unis et puis évidemment avec des impacts aussi ailleurs.
04:24Et donc ça, c'est réussi. Je comprends.
04:27Parce qu'on est dans cette période de transition, comme dirait Trump, effectivement, avant de voir le nouveau monde naître d'une certaine manière.
04:35C'est bien que l'absence de visibilité disparaisse assez vite. Je comprends.
04:38Donc les small caps, dans tout ça, on ne va pas dire que c'est un havre de paix, clairement pas,
04:42parce qu'elles sont aussi sensibles quand même à cet environnement angoissant et insensible.
04:47et stressant, mais elles sont quand même beaucoup moins concernées que les grandes valeurs.
04:54Pour faire simple, plus c'est petit, plus c'est domestique.
04:56Donc les micro caps, elles sont françaises.
04:59Les small caps, elles sont parfois un peu européennes.
05:02Les mid caps, elles sont européennes et un peu internationales.
05:05Et les large caps, elles font l'essentiel de leur profit en dehors d'Europe.
05:08Et à travers les frontières.
05:09Voilà.
05:10C'est ça.
05:10Et puis en plus, les small caps, elles sont plus domestiques, plus européennes, en tout cas.
05:15Et en plus, il faut aussi neutraliser ce qui ne franchit pas les frontières,
05:20ce qui est quand même l'essentiel de leur activité.
05:22Bon, des effets positifs et négatifs.
05:23Mais au final, vous dites, en relatif par rapport à des grandes valeurs,
05:27les small et mid caps européennes ne sont pas celles qui seront le plus affectées
05:30par ce changement de monde ou cette recomposition de la mondialisation ou des forces en présence.
05:35Elles ont des caractéristiques rassurantes qui étaient plutôt une faiblesse.
05:38Voilà, parce qu'elles étaient plus exposées à l'Europe.
05:40Là, c'est plutôt une force relative dans le contexte.
05:42Ce qui se passe à Berlin, Raphaël ?
05:45Donc Berlin, c'est un petit peu passé derrière le rideau pendant quelques semaines
05:49vu que ce qui se passait aux US...
05:52Une actualité chasse l'autre, vous savez comment ça se passe.
05:54Mais on a quand même bien insisté, ici et pas que ici, sur le moment historique du 4 mars dernier
06:02avec le discours de Friedrich Schmerz à l'issue des élections.
06:05Juste pour resituer un tout petit peu, ça a été très très vite.
06:09Pour rappel, fin février, élection en Allemagne.
06:13Donc la CDU, le SPD vont pouvoir faire un accord de coalition et aimeraient dépenser plus.
06:18Sauf que pour dépenser plus, il faut réformer la constitution.
06:21Et ça, le nouveau parlement n'a pas la majorité au Bundestag.
06:25Donc ils ont convoqué l'ancien Bundestag, où là il y avait encore la majorité des partis centristes.
06:29C'est pour ça que ça a été très très vite, beaucoup plus vite qu'on pouvait l'imaginer.
06:35Coup de génie politique pour les uns.
06:37Trahison.
06:38Ou trahison budgétaire même pour d'autres.
06:43Bah oui, bien sûr.
06:44Donc ça a été très très vite, mais on n'a toujours pas de gouvernement en Allemagne.
06:47Donc là, ça arrive la semaine prochaine.
06:49Il faut s'attendre qu'à partir de la semaine prochaine, on ait des annonces, un gouvernement.
06:53On rentre dans l'exécution.
06:54« Germany is back ».
06:56Ils ont déjà prévenu les parlementaires qu'il ne fallait pas prévoir de vacances au mois de juillet.
07:02Parce que...
07:03Il y a un peu de pain sur la planche.
07:04Pour aller vite, pour qu'il y ait des mesures, qu'il y ait un impact dès 2025.
07:08Par exemple, amortissement accéléré pour les entreprises qui investissent, des baisses d'impôts, peut-être un plan de relance sur l'automobile.
07:15On verra tout ça.
07:16Mais il y a des trucs à attendre dès le budget 2025.
07:18Oui, il va y avoir une petite poche quand même dans le budget 2025 rectificatif
07:22qui peut déjà apporter un petit peu de détente.
07:25Améliorer la confiance.
07:26Mais c'est vrai que ça commencera surtout à avoir un impact.
07:28Éviter une nouvelle année de stagnation totale de l'économie allemande, si ça peut être un objectif.
07:32Oui, oui, oui.
07:33OK.
07:33Donc là, on parle du plan Marshall en termes d'ampleur.
07:37C'est ça.
07:38Et sur plus de 10 ans, 500 milliards dans les infrastructures,
07:42les défenses, des dépenses illimitées potentiellement.
07:45Donc c'est sûr que ça fait beaucoup d'argent qui va être investi outre Rhin
07:55et avec potentiellement aussi un effet d'entraînement sur le reste de l'Europe.
07:58Bien sûr.
07:59Et des perspectives.
08:00Là, c'est assez évident effectivement pour les entreprises les plus locales.
08:04Small et mid-cap allemandes en premier lieu et sans doute européennes également.
08:08On pourrait y revenir.
08:09Un mot de ce qui peut se jouer sur le plan géopolitique avec l'idée, je ne sais pas comment le formuler,
08:14d'une accalmie, d'un apaisement, d'un cessez-le-feu, d'une paix éventuelle entre l'Ukraine et la Russie.
08:20Ça aussi, on vit avec ça depuis trois ans, plus de trois ans maintenant.
08:25Beaucoup estiment que c'est devenu un espèce de new normal.
08:27Mais si ce new normal change pour quelque chose de mieux, si je puis dire, Raphaël, ça aura aussi des effets.
08:33Oui, déjà de manière très concrète sur le plan énergétique,
08:36qui était quand même le gros de la crise en 2022.
08:39Tout simplement parce qu'il y aura moins de stress sur le sujet énergétique.
08:43Un repli des prix du gaz.
08:45Alors, les spécialistes parlent de 20 à 30% de baisse du prix des gaz.
08:49Une des grosses incertitudes, c'est est-ce qu'on se laisserait hanté à racheter du gaz de pipeline russe
08:55sans pour autant recréer les dépendances précédentes ?
08:59On n'avait pas banni le gaz.
09:00On a banni le pétrole, je crois, mais le gaz est resté accessible en partie.
09:04Alors, modulo les infrastructures, etc.
09:06On achète surtout du LNG, effectivement.
09:07Le gaz par pipeline, oui.
09:10Lui, quand même, il y a eu une forte baisse.
09:11Et puis, bon, il y a les Russes qui avaient un peu coupé le robinet aussi.
09:14Voilà.
09:15Mais effectivement, il y a une partie qui arrive quand même en Europe.
09:18Donc ça, ça sera favorable sur le plan de l'inflation.
09:21Donc, de manière générale, ça va être bon pour alimenter aussi la baisse de taux en Europe.
09:25Et donc, en fait, les effets, ils sont assez diffus et assez généraux.
09:31Baisse de risque géopolitique européen.
09:33Et puis aussi, opportunité peut-être dans la reconstruction.
09:36Alors, soit dans les infrastructures, les ponts, les routes, etc.
09:41Mais aussi agriculture.
09:42C'est-à-dire que l'Ukraine, c'est le grenier de l'Europe, de l'URSS.
09:47Bien sûr.
09:49Mais il paraît que 15% des terres sont, en fait, saccagées.
09:54Des terres agricoles.
09:55Il va falloir les remettre en état pour repartir sur...
09:59Une fois qu'on a dit ça, Raphaël, parce que le temps en tourne,
10:02et qu'on voit ces planètes un peu macro ou ces facteurs un peu globaux
10:07s'aligner pour les small and mid-cap,
10:08comment ça se traduit en termes d'axes d'investissement pour vous
10:12dans les stratégies dédiées chez Amiraggestion ?
10:14Oui.
10:14Donc, comme je disais, déjà, on est un peu plus à l'abri, on va dire,
10:18des sujets de droits de douane.
10:19Donc, quand vous êtes investi dans le groupe Guillain
10:21qui fait de l'emballage alimentaire en Europe,
10:23bon, vous pouvez vous poser des questions quand même sur le monde.
10:26Mais a priori, vous êtes assez isolé.
10:28Quand vous êtes Nordconsult, qui fait...
10:30C'est des architectes qui travaillent sur des plans d'infrastructure en Norvège.
10:34Bon, avec l'État norvégien derrière, qui a les reins solides,
10:38vous inquiétez pas trop.
10:39Voilà.
10:39Donc, après, il y a tout ce qui se joue autour de l'Allemagne.
10:42Donc là, il y a de nombreux dossiers
10:44qui sont quand même concernés.
10:44Oui, c'est vaste comme univers.
10:46Voilà.
10:46Donc, il y a tout ce qui est autour de la défense, déjà.
10:48Donc, nous, on est malheureusement...
10:50On n'a pas été investi dans des sociétés purplettes de défense
10:53où ça a été...
10:54D'ailleurs, ça a été aussi très, très vite
10:56et certains aspects assez bulesques
10:58sur un certain nombre de dossiers,
10:59même s'il faut évidemment trier...
11:02Voilà.
11:02Tout n'est pas à jeter, évidemment,
11:04enfin, en termes de valorisation.
11:05Mais, par exemple, on est exposé sur une société suédoise
11:08qui s'appelle Nord-Est,
11:09qui a un petit saut d'exo,
11:12mais qui a 50% de son activité dans la défense.
11:16C'est une société gérée par un ancien militaire.
11:18Un militaire qui mange, c'est un militaire qui est opérationnel.
11:22Exactement.
11:22Un militaire qui ne mange pas, c'est un militaire qu'il faut gérer, quoi.
11:24Voilà.
11:25Les cantines, les casernes en Suède.
11:28Service militaire obligatoire,
11:30hommes et femmes, 12 mois en Suède.
11:32Voilà.
11:32Et puis aussi, ils font,
11:33et c'est important dans leur activité,
11:35des rations pour l'OTAN, en fait.
11:37Ah, d'accord.
11:38Donc, des petits paquets préparés.
11:40Voilà.
11:40Il y a pas mal de...
11:41On a quand même 13% du portefeuille dans ce instant PME
11:43qui est investi sur des sociétés
11:44qui ont au moins une petite partie de leur activité dans la défense.
11:49Voilà.
11:50Après, il y a tout ce qui est autour des infrastructures.
11:52Donc, je pense à Contron, par exemple,
11:54qui est dans les systèmes de communication.
11:56Alors, eux, ils sont à la fois présents dans le milieu.
11:57Mais aussi dans le train.
11:59C'est le leader en Europe
12:00sur les systèmes de communication modernes 5G dans les trains.
12:04Donc, ils ont eu beaucoup d'activités sur le Grand Paris, par exemple.
12:07Là, en Allemagne, on dit que le système ferroviaire allemand
12:11est pire que le système anglais.
12:12D'accord.
12:12Oui.
12:13Donc, là, Deutsche Bahn a commencé par dire
12:14que sur les 500 milliards, eux, ils voulaient bien 250.
12:16On prendra la moitié.
12:17Oui, c'est ça.
12:19Et donc, là, il va y avoir beaucoup d'activités.
12:21Encore un mot.
12:22Voilà.
12:22Non.
12:22Et puis, après, sur l'Ukraine, c'est beaucoup plus diffus.
12:24On a certaines sociétés comme Sarantis en Grèce,
12:26qui est aussi présents dans les Balkans,
12:28qui a 5% de son activité en Ukraine.
12:30Mais c'est beaucoup plus diffus sur le climat en général.
12:33Je comprends.
12:34Merci beaucoup, Raphaël.
12:35Merci d'être venu nous exposer vos convictions
12:37sur ce marché des small et mid-cap européens.
12:40Vous êtes co-directeur des investissements d'Amiral Gestion.
12:42Vous supervisez notamment la stratégie
12:43et le fonds Sextant PME chez Amiral Gestion.
12:46Sous-titrage Société Radio-Canada
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