Avec Isabelle Rome, Ambassadrice pour les droits de l'homme et chargée du devoir de mémoire relatif à la dimension internationale de la Shoah
Retrouvez Muriel Reus, tous les dimanches à 8h10 pour sa chronique "La force de l'engagement" sur Sud Radio.
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##LA_FORCE_DE_L_ENGAGEMENT-2025-04-27##
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00:01A.J.P., Association d'assurés engagés et responsables, présente
00:05Sud Radio, le grand matin week-end, la force de l'engagement, Muriel Reus.
00:11Bonjour à toutes et à tous. Ce matin, j'ai le plaisir de recevoir Isabelle Rome,
00:15magistrate, ancienne ministre à l'égalité entre les femmes et les hommes.
00:18Aujourd'hui ambassadrice pour les droits de l'homme, elle vient de publier
00:21« Jouer ou tuer, la fabrique d'un féminicide » aux éditions Michelon.
00:25Avant d'ouvrir le dialogue, je vous propose comme chaque dimanche de prendre un temps de recul,
00:29de conviction et de nous engager ce matin pour le devoir de mémoire.
00:33Pas celui qu'on commémore une fois par an, pas celui qui reste enfermé dans les livres d'histoire,
00:38mais celui qu'on porte, qu'on transmet, qu'on incarne, celui qu'on inscrit dans les corps, les récits, les silences.
00:44L'histoire nous l'a appris. Ce qui rend les crimes possibles, ce n'est pas seulement la haine,
00:48c'est ce qu'il y a avant, l'aveuglement, le doute, le déni.
00:51Ce moment où on choisit de ne pas voir, ce moment où on entend mais où on ne croit pas,
00:56ce moment où on sait mais où on ne dit rien.
00:58Redire la mémoire des femmes.
01:01Ouda Charavi, première féministe égyptienne, a retiré publiquement son voile en 1923.
01:06Victoria Amelina, écrivaine ukrainienne, morte pour avoir documenté les crimes russes.
01:13Masha Amini, arrêtée pour port de voile inappropriée, morte à 22 ans en détention en Iran.
01:18Marielle Franco, conseillère municipale, noire, brésilienne, féministe, LGBT, assassinée.
01:24Narges, Mohamedi, prix Nobel de la paix 2023, condamnée à plus de 36 ans de prison et à 145 coups de fouet,
01:31toujours emprisonnée en Iran, pour avoir dénoncé l'apartheid de genre.
01:35Varishé Moradi, militante kurde, condamnée à mort en novembre 2024 pour rébellion armée contre l'État.
01:41Natalia Estemirova, journaliste tchétchène, enlevée et assassinée pour avoir dénoncé les élections dans son pays.
01:48Et tant d'autres, tant d'autres femmes partout dans le monde.
01:50Redire la mémoire des spoliations, individuelles, familiales, culturelles, souvent silencieuses, rarement réparées.
01:57Redire la mémoire des crimes sans nom.
02:00Les viols de guerre en Bosnie, en République démocratique du Congo.
02:03Les disparus d'Amérique latine.
02:05Les femmes autochtones au Canada.
02:07Les mères de Srebrenica, en Bosnie, qui pleurent toujours leur mari, leur frère, leur fils du génocide de 1995.
02:14Les femmes niahidies, enlevées, violées, vendues par Daesh.
02:17Les camps de rééducation où des milliers de femmes, ougours, sont internées, soumises à des avortements forcés en Chine.
02:23Les dizaines de milliers de femmes coréennes, chinoises, philippines, réduites à l'esclavage sexuel pendant la Seconde Guerre mondiale.
02:28Les déplacements forcés à Gaza, en Cisjordanie, les pogroms du 7 octobre.
02:33Et tous les féminicides non nommés, non reconnus, partout dans le monde.
02:38Ce souvenir n'est pas une option.
02:39On peut tuer avec des armes, mais on peut aussi résister avec des mots, des archives, des récits.
02:44L'oubli est une arme, la mémoire est un acte de résistance.
02:47Ce matin, je reçois Isabelle Rome, magistrate, ancienne ministre déléguée à l'égalité entre les femmes et les hommes,
02:52aujourd'hui ambassadrice pour les droits de l'homme.
02:54Merci Isabelle d'avoir accepté mon invitation.
02:56Alors, vous publiez Jouer ou Tuer, la fabrique d'un féminicide, aux éditions Michalon.
03:00Un récit qui revient sur un féminicide survenu en 2016,
03:04et sur les engrenages institutionnels, psychologiques, judiciaires, qui ont rendu ce crime possible.
03:09Alors, pourquoi ce livre aujourd'hui ?
03:12Merci, cher Muriel Réus, de m'inviter.
03:15Merci pour ce très bel édito sur la mémoire.
03:18Parce que oui, ce souvenir, c'est résister à l'oubli, à l'indifférence, être toujours dans le combat.
03:25Et si j'ai souhaité écrire ce livre aujourd'hui, alors que je ne suis plus juge,
03:31déjà depuis quelques années, même si j'ai fait un bref retour à la cour d'appel de Versailles,
03:40c'était aussi pour mettre ce souvenir de toutes ces femmes que j'ai croisées,
03:45que j'ai vues à la barre comme juge d'instruction,
03:49ou comme présidente de cour d'assises,
03:51ou que je n'ai pas vues parce que c'était trop tard.
03:53Donc ça, c'était peut-être la première chose,
03:57mais c'était aussi pour faire part d'un sentiment plus personnel
04:03que peut-être je peux me permettre aujourd'hui d'exprimer
04:05et de montrer comment le juge se bat
04:09et entretient un corps à corps avec la recherche de la vérité.
04:13Et donc, dans ce livre, je parle d'un féminicide que j'ai eu à juger comme présidente de cour d'assises.
04:21Et donc, j'ai souhaité expliquer comment un président de cour d'assises,
04:26une présidente, s'empare d'un dossier et a pour obsession.
04:30La première obsession, c'est d'abord la recherche de la vérité.
04:33Est-ce que les faits reprochés à l'accusé sont établis ?
04:36Et ensuite, la deuxième étape du processus, c'est le prononcer de la peine.
04:44Et donc, il me semblait important de pouvoir expliquer tout cela
04:47et de montrer comment aussi on va se fabriquer le féminicide.
04:53Mais la démarche du juge me semblait importante à expliquer.
04:57Alors, ce féminicide, il date de 2016, bien avant la bague MeToo,
05:01avant ce tournant sociétal.
05:03En lisant ce livre, moi, j'ai vraiment perçu la charge mentale
05:07qui est la charge mentale, la charge de travail qui est imposée au juge.
05:11Ça, je crois qu'on ne s'en rend pas du tout assez bien compte.
05:14Alors, vous dites dans ce livre que ce féminicide était évitable.
05:17Qu'est-ce qui, selon vous, aurait dû alerter ?
05:19À quel moment l'engrenage aurait pu ou aurait pu être stoppé ?
05:23Aurait dû ou aurait pu être stoppé ?
05:24Alors, je ne dis pas peut-être aussi clairement qu'il était évitable
05:28parce que c'est toujours difficile à dire.
05:31Ce que j'ai voulu montrer, c'est qu'il y avait des alertes
05:36qui auraient pu être décelées
05:38si on avait eu connaissance d'un certain nombre de mécanismes psychologiques
05:44qu'on a pu identifier plus tard.
05:47À l'époque, lorsque je préside cette cour d'assises,
05:51c'est en 2018 parce que c'est une affaire que je juge en appel,
05:54la notion d'emprise, la notion de contrôle coercitif,
05:58la notion même d'impact des violences conjugales sur les enfants,
06:04tout cela, ce n'est pas encore dans le champ vraiment de la réflexion
06:07dans le débat médiatique, dans le débat politique et même dans le débat judiciaire.
06:11Et donc, il y avait des alertes.
06:15Par exemple, lorsque l'accusé avait été suivi par un psychologue ou un psychiatre
06:23et qu'il disait qu'il avait des envies de meurtre
06:28et qu'il avait mis, par exemple, à un moment donné, une hache dans le coffre de sa voiture
06:32ou qu'il pensait à une collision frontale en voiture avec sa femme,
06:40tout cela sont des alertes.
06:42Mais qui, à l'époque, n'étaient pas vraiment identifiées.
06:46Les psys n'avaient identifié qu'une jalousie excessive.
06:50Mais tout le reste n'avait pas vraiment été identifié.
06:53Et tout cela, pourtant, ce sont des signaux.
06:55Et aujourd'hui, j'espère qu'on les identifierait mieux
06:59pour mieux les repérer et pour agir plus vite.
07:01Et c'est un peu tout le travail que nous avons mené,
07:05notamment depuis le Grenelle des violences conjugales en 2019,
07:08notamment avec la possibilité offerte aux médecins ou aux soignants
07:13de révéler des faits de violences conjugales,
07:17y compris sans l'accord de la patiente majeure,
07:21lorsqu'ils estiment en conscience qu'elle peut être en situation de danger immédiat
07:25et qu'il y a aussi une situation d'emprise.
07:27Et puis, c'est vraiment aussi tout ce qui concerne la formation,
07:32la sensibilisation de tous les professionnels.
07:35Voilà.
07:36Oui, on a fait des progrès.
07:37D'ailleurs, ces dernières semaines, je trouve qu'on a beaucoup avancé
07:39sur les droits des femmes et sur la lutte contre les violences.
07:43D'ailleurs, le contrôle coercitif, maintenant, fait partie du droit pénal.
07:47Ça, c'est une avancée considérable.
07:49Alors, vous avez, Isabelle, une double légitimité qui est assez rare,
07:52celle de magistrate et celle d'ancienne ministre chargée d'égalité.
07:56Avec ce double regard, aujourd'hui, est-ce que vous pensez
07:59que la justice française est mieux armée ?
08:03Est-ce qu'on a réellement fait des progrès ?
08:05Parce que les chiffres ne baissent pas à quelques...
08:07Enfin, je veux dire, ils baissent, mais vraiment à la marge.
08:10Donc, est-ce que ce problème a vraiment été pris en charge ?
08:14Ou est-ce que c'est parce que la parole s'est libérée
08:15qu'elle est mieux écoutée, qu'on a plus de cas ?
08:19Comment vous évaluez les choses, vous, aujourd'hui ?
08:21De manière objective, je pense que beaucoup a été fait.
08:25Et de vraies avancées, je ne vais pas vous refaire
08:28tout l'inventaire post-Grenelle, mais de manière objective,
08:32des mesures de protection renforcée,
08:34une formation aussi renforcée des policiers, des gendarmes,
08:37des magistrats, même des personnels soignants.
08:41Une protection aussi plus rapide, avec les ordonnances de protection
08:45rendues dans les six jours, voire dans les 24 heures.
08:48Donc, vraiment, on peut dire qu'un effort très grand a été fait.
08:53Mais cela dit, nous parlons de 2019.
08:57En Espagne, la politique massive de lutte contre les violences conjugales
09:01date de 2004.
09:03Donc, voilà, il faut un peu de temps.
09:06Moi, je pense que la justice est mieux armée.
09:10Je pense qu'elle a pris à bras-le-corps le sujet,
09:12que les magistrats, les avocats, les policiers,
09:14les gendarmes sont mieux formés.
09:16Pour moi, je pense qu'il faut beaucoup compter
09:21sur les pôles spécialisés dans toutes les juridictions,
09:26parce que ça, normalement, ça doit avoir un impact.
09:29Donc, il faudra veiller à leur mise en œuvre et à leur effectivité.
09:33Je pense aussi qu'il faut aller plus loin
09:36sur tout ce qui concerne les conséquences des violences conjugales
09:40sur les enfants, et notamment en matière d'exercice
09:44de l'autorité parentale. Je pense que là, nous avons une marge
09:47de progression encore.
09:48Et je pense aussi que nous pourrions aller jusqu'à définir
09:53le féminicide dans la loi,
09:55c'est-à-dire à dire ce que c'est qu'un féminicide,
09:58un crime, un meurtre commis sur une femme ou sur une fille,
10:02parce qu'elle est une femme, parce qu'elle est une fille,
10:04parce que ce sera osé nommer cette violence structurelle
10:08à l'égard des femmes dans nos sociétés.
10:12Et donc, nommer exactement ce que sont ces crimes.
10:17Alors, en ce moment, dans ce livre que vous vous adressez
10:19aussi aux proches, aux survivantes, aux familles de victimes,
10:22vous en parlez à de nombreuses reprises, vous dites
10:25« je les vois, je les regarde, je sens leur détresse ».
10:28Qu'est-ce qu'on pourrait dire aujourd'hui à ceux et à celles
10:31qui vivent dans l'après, souvent dans le silence,
10:33parfois dans l'incompréhension,
10:36et à celles qui sont encore prises au piège ?
10:38Alors, peut-être déjà à celles qui sont encore dans cette nasse
10:42et à leur entourage.
10:45Justement, je pense que...
10:47Par exemple, mon livre, il entre dans cette optique,
10:51c'est aussi d'expliquer justement quels peuvent être
10:54tous ces symptômes qui peuvent faire penser
10:57qu'une femme est en situation de violence au sein de son couple.
11:02Le fait qu'elle soit isolée, le fait par exemple qu'elle change,
11:05qu'elle devienne triste, qu'elle ne sorte plus,
11:07qu'elle change de tenue vestimentaire, qu'elle s'isole, etc.
11:11Il y a des tas de symptômes comme ça qu'on peut constater.
11:14Et donc, de dire aux entourages « attention quand vous voyez ça ».
11:18Bien sûr, je sais que c'est extrêmement difficile
11:20d'agir auprès d'une femme quand elle est dans cette situation,
11:23parce qu'elle-même, justement, met du temps aussi à comprendre
11:27que ce qui lui arrive est anormal.
11:29Mais donc, justement, c'est aussi de dire à celles qui sont dans cette situation
11:33de leur faire prendre conscience qu'elles peuvent être en danger,
11:36de faire prendre conscience à leurs entourages
11:38que ces femmes peuvent être en danger.
11:41Donc ça, ça me paraît important.
11:44Et puis, quand l'irréparable est commis,
11:49l'irréparable, le terme, c'est qu'on ne peut pas réparer.
11:52Donc, bien sûr que la justice a un impact et un rôle fondamental.
11:58Je pense que sans justice, il n'y a jamais de réparation possible.
12:03Et l'acte de justice, la décision de justice,
12:05est un acte incontournable, fondamental, crucial.
12:09Mais la réparation, elle est toujours partielle.
12:12Et par exemple, à la cour d'assises, on a une audience spéciale,
12:16une audience civile qui suit le procès d'assises,
12:18justement pour évaluer les préjudices des entourages
12:23si la victime est décidée suite à un féminicide
12:26ou si la victime est encore là, par exemple, dans le cadre d'un viol.
12:31Mais forcément, c'est jamais l'exacte réparation.
12:34Ça ne répond jamais à l'attente globale, évidemment.
12:36Alors, vous, depuis avril 2024, vous êtes ambassadrice pour les droits de l'homme
12:42et notamment pour la mémoire internationale de la Shoah,
12:46avec ce mandat spécifique qui est relatif aux spoliations.
12:52Qu'est-ce que cela signifie aujourd'hui, en 2025,
12:54d'incarner cette mémoire au niveau diplomatique ?
12:57Ça se traduit comment ?
12:59Alors, cette mémoire, elle est extrêmement importante.
13:03Et ça se traduit à la fois par la participation à une coalition de pays
13:12qui, par exemple, ont déclaré, ont fait une déclaration conjointe
13:18pour lutter contre l'antisémitisme.
13:21Et j'étais, par exemple, l'été dernier à Buenos Aires
13:23pour cette déclaration conjointe, 35-36 pays ont dit,
13:28ont fait une déclaration conjointe dans ce sens-là.
13:31Donc, c'est important de montrer qu'il y a une coalition de pays
13:34qui, de manière très ferme, rappellent la Shoah,
13:39rappellent qu'il faut lutter contre l'antisémitisme.
13:42Et donc, c'est tous ces échanges qu'on peut avoir avec d'autres pays.
13:46Et puis, c'est un travail important en bilatéral.
13:49Par exemple, en novembre dernier,
13:51en marge du Forum de la paix,
13:55j'ai organisé, avec mon homologue des États-Unis,
13:59le premier dialogue franco-américain
14:01pour lutter contre l'antisémitisme.
14:04Au mois de juin, j'organiserai un dialogue franco-allemand.
14:07Donc là, je dis bien que je suis vraiment sur l'international.
14:11Et donc, c'est mettre en place des actions.
14:13Par exemple, dans le cadre du dialogue franco-américain,
14:16nous avons une feuille de route avec, par exemple, le ministère de la Justice,
14:19les ministères de la Justice, les ministères de l'Intérieur.
14:22De chaque pays.
14:23De ces deux pays qui vont travailler ensemble
14:25sur tout ce qui est lutte contre la haine en ligne, par exemple.
14:29C'est aussi travailler sur la formation avec l'UNESCO,
14:32la formation des enseignants, la formation des jeunes.
14:37Mais aussi, nous avons un gros travail à faire en direction des enseignants.
14:40Par exemple, vous voyez, c'est très concret.
14:43Et puis, c'est aussi ce travail, j'allais dire, pur et simple de mémoire.
14:47Par exemple, aussi, j'ai pu accompagner à la Maison des Enfants d'Isieux
14:52les différents ambassadeurs représentant leur pays au sein de l'ONU à Genève.
15:01Donc, il y avait une délégation de 30 diplomates
15:04que j'ai conduite à cette maison.
15:11Et c'était extrêmement émouvant.
15:13On n'a pas besoin d'en dire plus.
15:15Quand on a vu la Maison des Enfants d'Isieux,
15:18on ne voit plus les choses de la même façon.
15:21On n'est plus pareil.
15:22On va faire une petite analogie.
15:23Ce sera ma dernière question.
15:25Dans votre livre, vous décrivez les ouages silencieux
15:26qui rendent un féminisme possible.
15:29Dans votre fonction actuelle, vous êtes chargée de faire vivre
15:31la mémoire d'une autre violence collective systémique.
15:33Est-ce qu'on peut dire que l'oubli, le silence, le déni
15:37sont des matrices communes à toutes les violences,
15:39que ce soit à l'échelle d'un couple ou d'un peuple,
15:41que ce qui précède la violence ou ce qui permet qu'elle dure,
15:44c'est souvent ce refus de voir, de nommer et de croire ?
15:48Oui, je pense que l'oubli, c'est pire que tout.
15:54Mais l'indifférence aussi, d'ailleurs.
15:57Et c'est pourquoi il faut sans cesse se remémorer
16:01et oser nommer les choses.
16:03Par exemple, oser nommer le féminicide,
16:09oser nommer le contrôle coercitif,
16:12oser nommer le viol.
16:13Vous savez, avant, on employait toujours le terme d'abus.
16:15Mais non, ça s'appelle des viols.
16:19Oser aussi nommer un crime qui n'avait pas de nom.
16:23Par exemple, le génocide,
16:24qui est un terme qui est apparu après la Seconde Guerre mondiale.
16:27Et puis, peut-être aussi, par exemple,
16:30un jour, oser nommer l'apartheid des femmes en Afghanistan
16:34comme crime contre l'humanité.
16:35Je pense que le fait d'oser nommer toutes ces violences
16:39contribue à mieux les prévenir,
16:42à mieux les traiter,
16:44à mieux les réprimer.
16:45Et je pense que si nous n'osons pas nommer les choses,
16:50nous nous cachons, nous nous dissimilons
16:52et nous ne traitons pas en profondeur les mots.
16:55C'est ça que vous voulez transmettre à la nouvelle génération
16:57et particulièrement aux jeunes femmes,
16:59sur le pouvoir de la parole,
17:00sur le pouvoir du droit aussi,
17:02parce que nommer, c'est bien,
17:03le droit qui accompagne, c'est encore mieux.
17:05Sur l'engagement ?
17:07La parole, bien sûr.
17:09Le droit, pour moi, c'est quand même ma boussole.
17:11Et je crois profondément à ce qu'on appelle l'état de droit.
17:15Ce qui fait tenir, finalement, une démocratie debout.
17:18Ce qui fait aussi qu'on peut vivre ensemble
17:21hors de la loi de la jungle,
17:24hors de la loi du plus fort,
17:25c'est ça aussi l'état de droit.
17:26C'est éviter l'anarchie totale,
17:29c'est éviter la violence totale.
17:30Et donc ça, moi, j'y crois très fort.
17:32Et puis, bien sûr, le message que j'aimerais transmettre
17:35aux jeunes filles, c'est de ne jamais lâcher,
17:39parce qu'il ne faut jamais lâcher,
17:41parce que tous les droits sont révocables.
17:45Ce qu'une loi peut faire, une autre loi peut le défaire.
17:48Ne l'oublions jamais.
17:49C'est pour cela, d'ailleurs, que le droit à l'avortement,
17:51enfin, à l'IVG, a été constitutionnalisé.
17:55Donc, en fait, ne lâchez rien, continuez,
17:59mais aussi, battez-vous toujours pour que la loi évolue.
18:04Merci Isabelle, merci pour cet engagement à l'international,
18:07pour cette représentation de la France sur la scène internationale.
18:11Votre livre, Jouer ou tuer, la fabrique d'un féminicide,
18:14est un récit puissant, mais c'est surtout,
18:16et aussi une alerte pour la justice, l'institution,
18:18et pour chacun d'entre nous qui avons un rôle à jouer.
18:21Merci à vous toutes et à vous tous qui nous écoutez.
18:23On se retrouve dimanche prochain, même heure, même exigence.
18:26Donnez la parole à ceux et celles qui s'engagent
18:28pour que les choses changent.