Dans le débat du 7/10 mercredi 12 mars, Camille Dorioz, directeur de campagne de l’ONG Foodwatch et Céline Imart, députée européenne LR et exploitante agricole. Elles débattent sur le thème "Faut-il faire évoluer le Nutriscore ?"
Retrouvez « Le débat du 7/10 » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10
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00:00France Inter, Léa Salamé, Nicolas Demorand, le 7-10.
00:05Débat aujourd'hui sur un étiquetage bien connu des français et de nombreux européens,
00:11c'est le Nutri-Score qui informe les consommateurs sur les qualités nutritionnelles d'un produit
00:18alimentaire.
00:19Une petite échelle classe la teneur en sucre, en gras, en sel, en légumes, en fibres, en
00:25protéines d'un produit grâce à une note allant de A à E et grâce à un dégradé
00:30de couleur allant du vert au rouge.
00:33Le vert c'est bien, le rouge ça l'est moins.
00:37La mise à jour du Nutri-Score suscite en ce moment le débat et même la polémique.
00:43La ministre de l'agriculture, Annie Gennevard, assumant par exemple devant le Sénat le fait
00:49de bloquer ce processus de mise à jour.
00:52Pour quelle raison ? On en débat avec Céline Himard, bonjour, agricultrice, députée européenne
00:59Les Républicains et Camille Doriose, bonjour, vous êtes le directeur des campagnes de Foodwatch.
01:05Merci d'être en studio.
01:07Dans l'Union Européenne, 7 pays ont déjà adopté le Nutri-Score, 60% des marques vendues
01:14en supermarché en France l'adoptent aussi.
01:16Céline Himard, pourquoi estimez-vous que le nouveau Nutri-Score est problématique ?
01:22Parce que justement, il n'informe pas le consommateur sur la qualité nutritionnelle.
01:26Le Nutri-Score, c'est la dictature d'un algorithme qui analyse tous les ingrédients
01:31et tous les aliments par le prisme du 100 grammes.
01:33C'est-à-dire qu'aujourd'hui, elle va analyser ce Nutri-Score, ce petit autocollant,
01:37via un algorithme, le fromage, le comté, l'huile d'olive, le camembert, le beurre,
01:43en regardant ses apports en gras, en sucre, comme s'ils étaient utilisés tout le temps par 100 grammes.
01:49On n'utilise pas de l'huile d'olive par 100 grammes, on n'utilise pas du fromage,
01:52on ne mange pas un camembert entier.
01:54Et donc, c'est bien ça le problème du système, c'est qu'aujourd'hui, ça pénalise les produits régionaux,
01:59les produits de qualité, les AOP, les IGP, le Roquefort.
02:02C'est ça le problème du Roquefort, effectivement, la fameuse affaire du Roquefort,
02:08qui est un fromage exceptionnel, moi je le dis, mais qui se ramasse la pire note possible.
02:14Exactement, c'est bien là que le bas blesse, c'est qu'aujourd'hui, on a finalement une sorte d'autocollant
02:19qui reflète un algorithme, une morale complètement aseptisée, comme si manger relevait de la morale,
02:24et qui en fait fait fi de tout ce qui va concerner notre terroir, la production de qualité, des savoir-faire,
02:30la partie culinaire. Et ça, ce n'est plus possible, Madame Genvare prend une très bonne décision.
02:34Algorithme, morale, problème de méthode, culte du 100 grammes, Camille Doriose, que répondez-vous ?
02:45Qu'à l'inverse, peut-être que la morale, on peut voir la morale loin quand même de la science et de la médecine,
02:53qu'en fait, ce Nutriscore, c'est surtout un logo nutritionnel mis en place par Santé publique France,
02:58un institut français, avec des chercheurs derrière, qui permet aujourd'hui d'informer le consommateur,
03:04la plébiscité, je tiens à dire, quand même, à 94% par les français, qui touche aujourd'hui 53% des consommateurs européens.
03:11Du coup, on est face à quelque chose qui donne l'information, et en fait, la liberté de choix dans les rayons des supermarchés,
03:15c'est bien l'information, parce qu'en fait, dans les rayons des supermarchés, aujourd'hui, ce qu'on a, c'est de la désinformation principalement,
03:20et du coup, on parle du Roquefort, mais moi, je vais parler de l'Actimel, parce qu'en fait, derrière le Roquefort,
03:25on sait aussi qu'il y a l'Actalis, il y a aussi tous ces grands groupes, en fait, qui sont derrière,
03:28et en fait, la vraie dégradation de note qui existe avec le changement d'algorithme,
03:32c'est l'Actimel de Danone, par exemple, qui va passer, ben non, qui ne sera plus A, parce qu'en fait, nous sommes face à un produit laitier très sucré, transformé,
03:39et qui va avoir une moins bonne note. Et je comprends, en fait, ces industriels qui n'aiment pas, en fait, obtenir des moins bonnes notes,
03:44mais aujourd'hui, les français savent se servir du Nutri-Score, et passer à la portion, comme j'entends là, à droite, qui est le, entre guillemets,
03:51quelque chose qui est poussé beaucoup par l'Italie, en particulier, n'est pas une bonne idée et ne permet pas.
03:56Il y a le dossier Actimel, mais j'aimerais vous entendre sur le dossier Roquefort.
04:00Oui, le Roquefort est un produit noble, mais est-ce que la noblesse d'un produit en fait quelque chose de bon pour la santé ?
04:08Ça, c'est la vraie question qu'il faut se poser.
04:09S'il vous plaît, le problème de santé, ça n'a rien à voir avec le Nutri-Score.
04:12On a aujourd'hui la France, qui est l'un des pays où il y a le moins d'obésité en France, et aujourd'hui, c'est simplement parce qu'on a une diversité culinaire variée.
04:19Les courbes, si je dois le dire, sont préoccupantes.
04:21Les courbes sont préoccupantes certainement, mais il y a d'autres systèmes qui permettent de mettre en avant la partie nutritionnelle des produits,
04:27replacée dans un contexte qui est celui des apports journaliers.
04:30Comme le fait le Nutriform, le système italien, qui est adopté par l'Italie, la Grèce, Chypre, la République Tchèque, la Roumanie, la Lettonie et j'en passe,
04:37et qui lui, en fait, n'est pas dans cette volonté d'avoir un État, des agences indépendantes qui infantilise.
04:43Non mais qui infantilise ! Parce que là, si ça continue comme ça, c'est quoi la prochaine étape ?
04:47Il va falloir que les enfants demandent quoi ? Une autorisation parentale pour acheter un Actimel ou du Comté ?
04:51Enfin, c'est plus possible. Comment ça fonctionne, là, sur le Nutriform en Italie ?
04:55Ça fonctionne par un système de batterie. C'est comme quand vous rechargez votre portable, vous avez les petits carrés qui se remplissent, là, c'est pareil.
05:01On vous dit sur un apport journalier, attention, si vous consommez ce produit, ça vous prend 50% de ce qui est bien un apport journalier sur le sucre ou sur le gras.
05:09Et ça est dans une logique de responsabilisation. Et on ne dresse pas les industriels, justement, parce que là, c'est ce qui se passe.
05:15Aujourd'hui, qui peut s'adapter à ce système Excel complètement darwinien ? Les industriels !
05:20Eux, qu'est-ce qu'ils font pour passer du rouge au vert ? Ils changent leurs recettes.
05:23C'est facile, les industriels, on l'a vu pour le Covid, on l'a vu sur les problèmes d'approvisionnement, ils changent leurs recettes.
05:28Mais les producteurs qui ont des cahiers des charges en AOP, en IGP, comme, je reprends l'exemple du fromage, mais ça peut être aussi les folies, ils ne peuvent pas chanter leurs cahiers des charges.
05:37En fait, quand on a vu sur certains bouleversements de chaînes d'approvisionnement mondiales, on a vu que les industriels ont la capacité de changer leurs recettes.
05:44Et c'est exactement ce qu'ils font, pour avoir une meilleure note avec le Nutri-Score, et donc ça favorise les grands industriels, ce système, versus les producteurs.
05:52La parole circule, s'il vous plaît, Camille Doriot, sur le découpage en portions, par rapport à un découpage en couleurs.
06:01Je vais faire un exemple, parce qu'en fait, qu'est-ce que permet une notation par 100 grammes ? Il permet de comparer des produits les uns avec les autres dans le même rayon.
06:08Du coup, c'est ce que font les consommateurs, et les consommateurs savent faire. Je pense qu'il faut arrêter de les prendre un peu pour des personnes plus belles qu'elles ne sont.
06:14Et du coup, elles savent utiliser le Nutri-Score aujourd'hui. Et du coup, c'est très intéressant, le Nutri-Form italien, il a été prouvé scientifiquement qu'il ne fonctionne pas, les consommateurs ne le comprennent pas.
06:24C'est prouvé, c'est des publications scientifiques, vous pouvez être pas d'accord avec la science, c'est votre droit. Moi, personnellement, j'amène des faits, ici.
06:30Et du coup, quand vous regardez les portions, et je vais prendre quelque chose que tout le monde a en tête, tout parent va avoir ça en tête.
06:35Parce qu'il y a des portions, par exemple, sur les paquets de céréales, pour le petit-déjeuner. Je vous laisse mettre cette portion dans un bol d'un adolescent, et lui dire, voilà, ça, c'est ta portion pour la journée.
06:43Moi, je me souviens, quand j'étais ado, je me vois les portions de céréales que je me faisais dans mon bol. Mais bien sûr, évidemment, parce qu'on a envie de faire ça.
06:49Du coup, les portions, en fait, c'est redonner la main aux industriels de choisir quelle note ils ont. Et un système qui donne la main aux industriels sur la note qu'il a sur les produits,
06:57c'est pas un système qui est bon pour le consommateur, c'est un système qui est bon pour les industriels qui veulent toujours vendre plus et qui veulent avoir une bonne note.
07:02Un système qui donne des bonnes notes à tout le monde, c'est un système qui ne marche pas.
07:06En fait, vous prétendez amener des faits de la science, c'est vraiment se moquer du monde.
07:12Ce qu'aujourd'hui vous amenez, c'est une sorte d'autocollant qui part sur un prisme dictatoriel et de logique arithmétique et comptable, et qui, si vous pensez, résout de l'obésité avec un autocollant.
07:22C'est la dictature du 100 grammes.
07:24Je vais vous raconter mon expérience de la dictature hier.
07:30A midi, j'ai mangé un truc dont le Nutri-Score était C, puis j'ai eu un peu faim 2-3 heures après, le Nutri-Score était A.
07:40J'ai remarqué ça, j'ai pas eu l'impression de vivre en dictature.
07:45Alors bravo, c'est parce que vous êtes certainement capable d'analyser ça.
07:50J'ai plutôt eu l'impression d'avoir été informé.
07:52Je pense que quand on a des étiquettes rouges sur des produits de qualité, sur des produits qui correspondent à Deschartes, qui correspondent à l'excellence de ce que ça fait les producteurs et le terroir,
08:00et qui favorisent les industriels qui peuvent changer leurs recettes versus les producteurs qui reflètent l'excellence de ce qu'on sait faire en France, je pense qu'on est dans la dictature de la logique.
08:07Donc vous êtes dans la défense des produits du terroir ?
08:10Je suis dans la défense des produits du terroir.
08:12Mais pour le reste, le Nutri-Score ne vous pose pas de problème ?
08:15Le Nutri-Score me pose un problème.
08:17Me pose un problème philosophique parce qu'on est dans un état qui infantilise, qui fait tout passer à la moulinette d'un sorte d'algorithme et qui fait de tout ce qui peut se passer dans ce pays une morale.
08:26Et en fait, manger c'est pas qu'une morale.
08:28C'est une question de culture.
08:30Le Nutri-Form est un algorithme aussi en passant.
08:32Mais on peut être informé de manière à être moins dans la stigmatisation de certains produits.
08:36Comment voulez-vous qu'on ait une étiquette aujourd'hui qui classe en rouge des produits d'excellence comme de l'huile d'olive, du beurre, des produits du terroir, peu importe ?
08:44Elle est mal classée.
08:46Non, pas peu importe, ce ne sont pas des...
08:48Mais écoutez, honnêtement, aujourd'hui vous essayez simplement de légitimer un système qui fonctionne très mal, qui pénalise des produits du terroir, l'excellence des savoir-faire.
08:56Et qui fait, honnêtement, mais si vous aviez été à la cour de Louis XVI, vous auriez fait guillotiner son cuisinier par excès de sauce.
09:04Franchement, vous ignorez en fait la réalité, le panel, la diversité des terroirs, la richesse des productions.
09:12Il a encore sa tête, pour l'instant, et il aimerait parler.
09:16Ouais, j'aimerais bien quand même.
09:18Et du coup, c'est quand même très intéressant, parce que l'UFC que choisir va faire une très belle étude sur les produits du terroir et le Nutri-Score.
09:22Et je suis désolé de vous apprendre que 60% ont un Nutri-Score A, B ou C.
09:26Eh bien, je suis désolée de vous dire que les politiques...
09:28Laissez-moi finir quand même. A, B ou C.
09:30Et du coup, en fait, votre argument de dire qu'on protège les produits du terroir en empêchant le Nutri-Score, eh bien il est fallacieux en fait.
09:36Parce que oui, alors oui, désolé, je vais donner une information à tous les français.
09:40Le fromage, c'est gras et salé, et la charcuterie aussi.
09:43Mais je pense que globalement, on le savait.
09:45Et que globalement, on n'est pas en train de dire aux français, n'arrêtez de manger du fromage.
09:50C'est pas ce que fait le Nutri-Score, c'est pas comme ça que les français l'utilisent.
09:52Alors remettez-le dans le contexte des apports journaliers, comme le fait le système italien du Nutri-Farm, qui informe les consommateurs.
09:57Mais ça, c'est vous qui dites que ça ne fonctionne pas.
09:59Et ensuite, vous pouvez toujours parler de certains organismes administratifs.
10:03Mais le politique est là aussi, pour ne pas prendre en compte que des avis qui sont basés par des ONG et des administrations,
10:08mais qui est là aussi pour prendre en compte la partie politique, avec l'impact économique et social de ce système.
10:14Je l'ai dit tout à l'heure, vous êtes agricultrice, est-ce que vous défendez votre job ?
10:19Évidemment !
10:20Je vais le dire aussi simplement.
10:22Mais tout à fait.
10:23Mais c'est important aujourd'hui de savoir qu'on a des agriculteurs qui sont ancrés dans des territoires,
10:28qui correspondent à des cahiers des charges, à des contraintes qui sont extrêmement marquées,
10:32qui sont aujourd'hui producteurs de produits d'excellence, qui sont en fait les révélateurs d'un terroir.
10:37Et il faut arrêter de les stigmatiser.
10:39Et je suis désolée, mais cet étiquetage stigmatise.
10:41On peut informer le consommateur sur les qualités nutritionnelles du produit, c'est très bien,
10:45ça correspond à des objectifs de politique publique de santé, il n'y a aucun problème là-dessus.
10:49Mais regardez ce qui se fait ailleurs.
10:50Il y a beaucoup de systèmes alternatifs qui permettent d'informer sans stigmatiser.
10:55J'aimerais remettre de la tension dans ce débat qui en manque.
11:00À quand un Nutri-Score à échelle européenne ?
11:03Quand les députés européens ont décidé de pousser, ou que la France soutiendra ouvertement.
11:08Mais quel système ?
11:09L'Europe avait poussé très fortement la mise en place d'un label nutritionnel à l'avant.
11:15Le label qui se détache évidemment c'est le Nutri-Score, parce qu'il y a le nombre de publications scientifiques
11:20qui montrent son acceptation par le consommateur, sa compréhension et l'amélioration de la consommation
11:25par le consommateur en termes nutritionnels, et l'impact sur la santé aussi.
11:28On voit qu'il y a des personnes qui consomment des produits de meilleure qualité nutritionnelle en termes de Nutri-Score,
11:32ont aussi moins de problèmes de maladies derrière.
11:35Ça c'est aussi des publications scientifiques assez récentes.
11:37Donc la généralisation dans l'Union Européenne ?
11:41Le lobbying de la peur !
11:43C'est une image de l'horreur pour vous !
11:49C'est pas l'impression qu'en Italie ou en Lettonie on ait beaucoup plus de problèmes de santé publique ou d'obésité
11:54parce qu'ils ont adopté le Nutri-Farm plutôt que le Nutri-Score.
11:56Et ça évite de mettre en difficulté certaines productions qui sont vraiment l'expression d'une production artisanale et locale.
12:03Mais du coup on a quand même un point qui est important, c'est que là j'entends promotion de l'artisanat et de la tradition,
12:09et moi je parle de santé publique.
12:11Et il faut trouver un système qui réconcilie les deux.
12:14Je ne dis pas réconcilier, il ne faut pas confondre.
12:16Il ne faut pas confondre un outil de promotion de la santé publique et un outil de la promotion des produits terroirs.
12:21Pour ça on a les AOP, on a l'INAO qui fait ça très très bien.
12:24Il y a des millions d'euros dépensés par l'Europe pour faire cette promotion là.
12:27Là moi je parle d'un label, d'une information consommateur,
12:30qui va lui donner une information qui lui permet de choisir librement dans les rayons.
12:34Et c'est pas une question de tradition ou pas, c'est pas une question d'artisanat ou pas, c'est une question de santé publique et de nutrition.
12:38Moi je pense qu'il faut réconcilier les deux.
12:39Vous promevez ce système parce que vous en êtes à l'origine et vous avez fait un lobbying très actif pour le promouvoir.
12:43Moi je vous assure qu'il y en a d'autres qui existent aujourd'hui et que le débat aura lieu au niveau européen
12:47pour ne pas opposer les enjeux de santé publique et les enjeux de production.
12:51La liste sera très heureuse.
12:52Mais écoutez, les producteurs de Roquefort aussi.
12:55Merci à tous les deux, Céline Imard, agricultrice, députée européenne Les Républicains,
13:01Camille Dorios, directeure des campagnes de Foodwatch.
13:04Merci.
13:05Moi je vais continuer à regarder.
13:07Merci monsieur.
13:08Il faut regarder l'Ultra News.
13:10Et vous allez en Italie pour les prochaines vacances ?
13:12Non, malheureusement, je ne sais pas où.
13:14Plutôt en France.