🗣️ Olivier : "J’ai toujours donné sans jamais recevoir."

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Transcript

00:00Avec vous Olivier, merci d'être avec nous, bonjour.

00:03Bonjour Brigitte, bonjour Claude.

00:05Bonjour Olivier.

00:06Oui j'ai vécu à tout jour donné et sans jamais recevoir,

00:13donc je bossais toute la journée et toute la semaine,

00:18je rentrais à la maison, je devais encore m'occuper de faire à manger,

00:24de tout faire moi-même, ça c'était déjà une chose.

00:29Là maintenant j'ai changé de compagne et ça se passe tout à fait autrement,

00:35on répartit les tâches d'un côté et on partage beaucoup de choses,

00:42que ce soit des petits cadeaux, que ce soit des attentions,

00:45que ce soit ce qu'on fait à la maison, ça change beaucoup dans ma vie.

00:52C'est mieux hein ?

00:53C'est magnifique.

00:54Vous avez compris ce qui se jouait dans cette première histoire ?

00:59Ce qu'il y a c'est qu'avant les enfants tout se passait bien

01:03et une fois que les enfants sont arrivés, au fur et à mesure,

01:07c'était plus une femme et une maîtresse, c'était devenu une mère.

01:13Même moi je m'occupais aussi des enfants, je pense même plus qu'elles, c'est ça aussi.

01:21Qu'est-ce qui faisait que vous acceptiez ça ?

01:23C'est-à-dire que vous donniez tout et que vous recevez...

01:26Vous êtes resté combien de temps dans cette relation ?

01:2840 ans.

01:29Ah oui c'est ça, j'ai bien entendu.

01:31C'est quoi, c'est l'habitude, c'est la peur de partir, c'est pour les enfants, c'est quoi ?

01:35Pour les enfants, voilà.

01:37Oui c'est souvent ce que j'entends.

01:40C'est-à-dire qu'on pourrait dire qu'il y a eu erreur sur la marchandise au départ,

01:44c'est-à-dire que c'était une femme qui au début était une maîtresse,

01:49agréable, sympathique, gentille.

01:51Maintenant qu'elle a eu les enfants, elle est devenue une autre personne, c'est ce que vous diriez ?

01:56Oui, ça a tout changé.

01:59Et vous, vous n'avez pas réussi à mettre les limites ?

02:01Parce que nous, quand les enfants naissent, le rôle de l'homme aussi,

02:05c'est un moment de dire, il y a les enfants mais c'est important aussi nous.

02:09Est-ce que vous avez l'impression que vous avez été trop sous-polé,

02:12ou pas assez maître, ou vous positionnez peut-être pas assez fermement ?

02:17Fermement ça veut pas dire sévèrement.

02:20Ce qu'il y avait, c'est que comme j'étais rarement là la semaine, j'avais le mauvais rôle.

02:24Il n'est jamais là, il n'est jamais à la maison.

02:26Il rentre à la maison, c'est pour râler.

02:29Oui, je râlais parce que je vais me faire encore à la maison.

02:32Et je me faisais engueuler parce que j'étais parti toute la semaine.

02:35Mais bon, j'étais là pour mettre la soupe dans la casserole.

02:41Ce qu'on entend, il me semble Olivier, c'est que c'est ce qui arrive à certaines femmes

02:45quand elles deviennent mère, elles se posent en victime un petit peu.

02:49C'était tout à fait ça.

02:51Oui, c'est ça.

02:52Ça vient forcément de sa propre mère, sans doute.

02:58Je pense pas parce que sa mère, c'était pas du tout le même caractère.

03:03Non ? Ah bon.

03:05C'est pour ça d'ailleurs qu'il y a ce proverbe, avant de l'épouser, regarde sa mère.

03:09Oui, c'est ça.

03:12Qu'est-ce qui se passe au moment où une femme devient mère ?

03:18Je le dis en règle générale, certaines femmes se posent en victime vis-à-vis de l'homme

03:27comme si elles perdaient ce sentiment d'être une femme au sens féminin, sensuel, etc.

03:35et qu'elles devaient complètement se consacrer à leurs enfants et s'oublier.

03:40Et au lieu de se remettre en question elle-même,

03:43parce que quand une femme s'oublie pour ses enfants, c'est quelque part qu'elle s'oublie, on est bien d'accord,

03:47elle accuse l'homme d'être responsable de ça.

03:51Alors que vous êtes tous les deux responsables d'avoir fait des enfants.

03:56C'est une sorte de processus comme ça qui est assez complexe

04:01et c'est très difficile de faire bouger une femme qui se pose dans cette situation-là.

04:07Et donc vous avez subi, subi, subi pour les enfants, pour elle, par respect aussi,

04:12parce que c'est la mère de vos enfants, et ça c'est tout à votre honneur,

04:15sauf que subir et laisser faire, ça ne fait rien bouger.

04:21Oui, et ce qu'il y a c'est que quand je suis parti, j'étais encore une fois de nouveau le méchant.

04:27C'est la victimisation.

04:30Mais ce qui est intéressant, c'est vraiment quelque chose qui n'est pas encore ancré dans les couples,

04:36même le couple a beaucoup évolué à travers les temps.

04:39Depuis 50 ans, il a beaucoup, beaucoup évolué.

04:41Il y a autant de façons d'être en couple que de couple.

04:43Et ce qui est, quand il y a des enfants arrivent,

04:45il y a vraiment une nécessité de remettre au goût du jour le contrat.

04:49C'est-à-dire, quand l'enfant arrive, c'est qu'est-ce qui fait quoi ?

04:51Parce que vous, vous travaillez, comme vous le dites.

04:53Vous ne faisiez pas rien, vous travaillez toute la journée.

04:56Et qu'est-ce qui fait que les couples n'arrivent plus à discuter ?

05:00J'ai un couple, par exemple, je vois que dès que dans le couple, il y a une critique, c'est fini.

05:04Pour moi, dès qu'il commence à y avoir des critiques, il n'y a plus de respect.

05:07Il y a quelque chose qui se perd dans la relation et là, ça devient compliqué.

05:11Qu'est-ce qui fait que vous, vous n'avez jamais parlé de ça ?

05:14Ou ça s'est fait comme ça ?

05:16C'est souvent ça qu'on dit.

05:18Je vous dis, ce qu'il y avait, c'est que j'avais le mauvais rôle.

05:23D'accord, je n'étais pas là la semaine, mais bon, j'étais en déplacement.

05:26Et puis vous rameniez, j'imagine, de quoi nourrir la famille.

05:30Oui, tout à fait. Et le week-end, je m'occupais des enfants.

05:34Mais vous savez, Olivier, je vous donne une piste, peut-être, au fond d'elle-même.

05:40Peut-être qu'elle avait envie que vous partiez, pour être seul avec ses enfants.

05:45Inconsciemment.

05:48Parce que quand je suis parti, j'ai eu le mauvais rôle de nouveau.

05:51Enfin, un nouveau mauvais rôle, c'est ça.

05:55Oui, bien sûr, forcément.

05:57Parce que si c'est elle la victime, vous êtes forcément le méchant.

06:01Quand on est une victime, on est forcément en train de donner le mauvais rôle à l'autre.

06:07Oui, parce que le week-end, je faisais encore la cuisine, j'allais faire les courses.

06:13Je m'occupais du linge, je m'occupais des enfants.

06:16Quand ils faisaient du sport, je les accompagnais au sport.

06:19C'est quoi qui n'y allait pas, alors ?

06:21Qu'est-ce qu'elle reprochait quoi, alors, si vous faisiez tout ça ?

06:25C'était toujours la moindre chose.

06:29J'avais jamais...

06:31Ah ben ça, t'as bien fait.

06:33C'était toujours la moindre chose qui était mal faite.

06:37J'oubliais de ranger le matériel quand j'allais...

06:40J'avais pas encore rangé les ustensiles de cuisine.

06:44Ah, ça traîne, c'est le bazar.

06:46Et ses parents ne lui parlaient pas comme ça ?

06:48Ils ne lui refaisaient pas de reproches ?

06:49Non, pas du tout.

06:51À mon avis, il y a quelque chose.

06:53C'est toujours à l'endroit.

06:54En tout cas, c'est-à-dire comment on a intériorisé,

06:56c'est-à-dire de la façon dont on communique.

06:58Il y avait peut-être un complexe par rapport à une de ses soeurs

07:01ou à un de ses frères, sans doute, aussi, peut-être,

07:03si ce n'est pas les parents.

07:04Elle avait deux grandes soeurs.

07:05Elle ne s'entendait pas du tout avec son père.

07:08C'est que quand on y allait,

07:10elle voulait voir ses parents,

07:12mais au bout de cinq minutes, elle s'engueulait avec son père.

07:14Donc c'était ça.

07:16Mais...

07:18Oui, donc vous étiez forcément un mauvais père.

07:20Mais sans aller jusque-là, peut-être,

07:22est-ce qu'elle était heureuse d'avoir les trois enfants ?

07:24Est-ce que elle la sentait heureuse d'être mère ?

07:26Alors...

07:28Au départ, elle n'en voulait pas.

07:30Puis on a eu le premier,

07:32donc...

07:34À la suite,

07:36le deuxième, puis le troisième.

07:38Le troisième,

07:40elle a été dire à l'enfant

07:42que c'était un accident,

07:44ce qu'il ne faut jamais dire, alors que moi,

07:46j'adore mes trois fils,

07:48mais aller dire ça à un enfant

07:50qu'il est arrivé par accident,

07:52c'est la pire des choses.

07:54Moi, j'ai dit à mon fils,

07:56non, t'es pas un accident,

07:58on t'aime,

08:00mais bon...

08:02Mais c'est peut-être ça, inconsciemment,

08:04quand vous dites ça, seule avec trois garçons,

08:06je pense que des fois,

08:08c'était difficile. Elle se sentait certainement submergée

08:10et que le fait,

08:12c'est plus facile d'aller reprocher,

08:14parce qu'elle sait que les enfants,

08:16ça se fait à deux,

08:18mais c'est ça, c'est cette rancœur-là,

08:20des fois, quand c'est pas possible,

08:22il y a beaucoup de mères, c'est assez tabou,

08:24mais des fois, quand c'est difficile,

08:26c'est plus facile d'aller critiquer le partenaire

08:28qui est là et se défouler sur lui

08:30que de maudire les enfants,

08:32parce qu'avec les enfants, on peut pas faire ça, déjà.

08:34Et ils s'y sont pour rien.

08:36– Mais de toute façon, ce qu'il faut vous dire, Olivier,

08:38c'est que vous êtes resté le temps que vous pouviez,

08:40au moins, vous vous sentez pas coupable d'être parti,

08:42vous avez fait ce que vous pouviez.

08:44Je dis souvent, il vaut mieux partir un peu trop tard

08:46que trop tôt, dans un couple.

08:48– Oui, parce que j'avais normalement

08:50déjà décidé de partir, mais bon,

08:52je voulais pas partir et laisser les enfants…

08:54Je savais pas ce qui serait arrivé,

08:56ce qui aurait pu arriver aux enfants.

08:58– Je pense que vous sentiez bien

09:00qu'elle n'était peut-être pas une aussi bonne mère

09:02que vous auriez aimée,

09:04donc vous avez essayé d'être là

09:06pour pallier tout ça.

09:08– Ah oui, tout à fait, oui.

09:10– Donc voilà.

09:12Maintenant, c'est toujours pareil,

09:14dans votre cas,

09:16dans ce que vous racontez,

09:18j'ai envie de dire, vous avez pas eu trop de chance,

09:20parce qu'au début, c'était pas si évident

09:22que ça qu'elle allait se transformer comme ça.

09:24– Non, pas du tout.

09:26– Bah non, donc,

09:28on essaye toujours

09:30de trouver sa part de responsabilité,

09:32mais dans votre cas, je suis pas sûre qu'il y en ait une…

09:34– Non,

09:36si on pouvait lire l'étiquette

09:38comme sur les produits avant d'acheter.

09:40– Oui,

09:42satisfait ou remboursé,

09:44c'est ça la formule.

09:46– Là, c'est pas possible.

09:48– Mais en tout cas, ça vous a servi de leçon,

09:50le deuxième choix est meilleur, il me semble,

09:52si j'ai bien compris.

09:54Donc vous êtes dans une relation

09:56où on donne et on reçoit.

09:58– Et je connais la deuxième fois depuis très longtemps.

10:00– Vous avez bien rebondi.

10:02– Vous avez quand même trois fils,

10:04donc vous êtes visiblement assez fier,

10:06donc tout va bien.

10:08– Non, pas du tout, au contraire.

10:10Je voudrais pas refaire ma vie

10:12pour pas avoir mes enfants,

10:14j'aime trop mes enfants pour ça.

10:16– Merci de ce témoignage.

10:18– Voilà,

10:20peut-être que la clé

10:22de votre histoire, c'est qu'au fond,

10:24vous êtes plus leur père

10:26qu'elle n'est leur mère,

10:28c'est peut-être ça qui s'est joué

10:30dans cette histoire.

10:32– Par contre, je respecte toujours,

10:34je dis toujours aux enfants,

10:36même si on est séparés,

10:38moi je suis votre père, elle restera votre mère.

10:40– Mais ils aiment peut-être plus leur père

10:42qu'ils n'aiment leur mère.

10:46– Ils me le disent pas.

10:48Ils ne le disent pas non plus.

10:50Je vais pas leur demander.

10:52– Encore une fois, ce n'est qu'une hypothèse.

10:54Mais c'est toujours intéressant

10:56de voir

10:58qu'est-ce qui s'est joué

11:00pour nous, parce que c'est ça

11:02finalement qui est fait.

11:04– On ne peut pas faire

11:06demander qui est le meilleur

11:08parmi les deux.

11:10– C'est certainement pas ce que vous êtes.

11:12Sinon, vous n'auriez pas fait

11:14tout ce que vous avez fait.

11:16Vous êtes une belle personne et vous avez donné

11:18beaucoup d'amour, donc il n'y a rien.

11:20– Je continue à leur donner.

11:22– J'en suis certaine. C'était juste pour vous aider

11:24peut-être à trouver le sens

11:26que ça a eu cette histoire, que je vous donnais

11:28cette piste-là, mais c'est vous

11:30qui avez la réponse de toute façon.

11:32– Merci en tout cas, merci Olivier

11:34de ce témoignage.

11:36On voit bien qu'on peut rester longtemps

11:38dans une relation où on a l'impression

11:40qu'on a tout donné.

11:42Mais là, quand même,

11:44il a reçu trois fils.

11:46– C'est ça.

11:48– Et puis, il y a plein

11:50de sujets pour moi, c'est toujours difficile

11:52parce qu'on n'a pas les deux, de voir

11:54aussi comment,

11:56moi je me pose souvent la question,

11:58quand il y a trois enfants par exemple,

12:00il y a quand même le premier,

12:02puis après il y a le deuxième, même si ça ne va pas,

12:04il y a le troisième. Qu'est-ce qu'on fait ?

12:06– Qu'est-ce qu'on cherche ?

12:08– C'est ça, qu'est-ce qu'on cherche ?

12:10C'est tellement plus profond, des fois on répond

12:12ce qu'on peut, mais il y a certainement

12:14d'autres aspects que nous ne connaissons pas.

12:16– Bien sûr, et puis on fait tous

12:18ce qu'on peut, et ce qu'il faut bien

12:20comprendre, c'est que ce n'est pas simple

12:22de toute façon la vie à deux.

12:24Et d'autant plus quand il y a des enfants,

12:26et on le dit peut-être pas assez

12:28souvent, c'est compliqué.

12:30Merci en tout cas beaucoup

12:32Claude Parizeau.

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