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En 2023, 271 000 victimes de violences conjugales ont été recensées. Un chiffre très certainement sous-estimé. Pour Vigdis Morisse-Herrera, fondatrice d’Opale.care, l’entreprise doit donc donner des outils à ses salariés potentiellement concernés, afin de mieux les accompagner.

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00:00L'invité de ce Smart Impact, c'est Vigdis Maurice-Evera.
00:10Bonjour.
00:11Bonjour.
00:12Bienvenue.
00:13Vous êtes la fondatrice d'Opal.care.
00:14De quoi on parle ? Quand ? Pourquoi vous l'avez créé ?
00:16Moi, j'ai créé Opal.care pour répondre à plusieurs enjeux sociétaux.
00:23Le premier étant de permettre à un maximum de personnes d'identifier le plus tôt possible
00:31si elles sont victimes de violences conjugales parce que l'état actuel des choses fait
00:37qu'on visibilise énormément les violences physiques, on a beaucoup de clichés classistes,
00:42parfois racistes aussi, sur les violences conjugales, ce qui empêche un grand nombre
00:46de victimes de reconnaître que ce qu'elles vivent n'est pas normal et qu'il s'agit
00:50de violences conjugales.
00:51Donc, le premier objectif d'Opal, c'est ça.
00:54Et puis, l'autre objectif d'Opal, c'est de faire rentrer ce sujet dans l'entreprise
00:59parce que c'est un sujet, déjà, une obligation légale, premièrement, et de deux, ça a
01:04un impact économique.
01:06Oui, bien sûr.
01:07Alors ça, on va évidemment y consacrer de longues minutes.
01:09C'est aussi lié à votre expérience personnelle ? Vous l'avez vécu d'une certaine façon ?
01:14Oui, moi, tout à fait.
01:15J'ai été victime de violences conjugales pendant plusieurs années et c'est à ce
01:19titre que j'ai pu mesurer à quel point, malgré le fait qu'il m'était difficile
01:24de me reconnaître un statut de victime, etc., ça a eu un impact colossal sur mon activité
01:30professionnelle.
01:31Et c'est aussi pour ça que j'ai décidé d'adresser ce sujet avec beaucoup de transparence
01:37auprès des entreprises parce qu'en étant chef d'entreprise, je peux exposer l'impact
01:42que ça a eu, ce qui est bien plus difficile pour des salariés qui sont dans un enjeu
01:46important de ne pas perdre leur emploi et de faire illusion au maximum.
01:49Et donc, vous proposez un service à destination des entreprises et des marques qui s'appelle
01:53Opal Pro.
01:54De quoi il s'agit ?
01:55Alors, Opal, c'est tout simplement un SaaS qui va permettre aux entreprises, premièrement,
02:02de réfléchir avec nous sur ce qu'elles ont déjà en place parce qu'on a beaucoup
02:06de contrats, de prévoyances, on a des accords avec les opco, etc.
02:10Donc, on a déjà un certain nombre de choses qui sont en place et qui sont déjà financées
02:13pour aider les victimes de violences conjugales.
02:16L'outil Opal, on va l'administrer avec l'entreprise qui travaille avec nous de manière à intégrer
02:23toutes les solutions de l'ordre de ces contrats qui existent pour l'entreprise et des actions
02:29que l'entreprise décide de mettre en œuvre en plus pour ses salariés.
02:32Ça peut être une journée de congé pour aller porter plainte qui n'apparaîtra pas
02:37sur le bulletin de salaire, etc.
02:39Mais toutes ces actions, il faut qu'elles soient visibles des salariés.
02:42Donc, nous, on donne les moyens à travers Opal de rendre cela visible en même temps
02:47que le diagnostic, que les aides de l'État, que l'aide associative aux salariés de
02:52manière à ce qu'elles puissent simplement avoir un état des lieux de tout ce qui est
02:57à leur disposition pour pouvoir quitter un foyer de vie.
03:00Alors, on va se concentrer sur les raisons pour lesquelles, il y en a plein, les entreprises
03:04doivent s'emparer de cette question des violences conjugales parce qu'on pourrait avoir un premier
03:08réflexe si ça se dit que c'est de l'ordre de l'intime, du privé, ça ne concerne pas
03:11l'entreprise.
03:12Alors, d'abord, il y a des obligations légales qu'on peut rappeler tout simplement.
03:16Tout à fait.
03:17L'entreprise, elle doit limiter et empêcher tous les risques psychosociaux.
03:22Quand on sait qu'une femme sur six, en âge de travailler, va vivre des violences sexuelles
03:28et physiques, ce ne sont pas mes chiffres, ce sont les chiffres publiés annuellement
03:32par le ministère de l'Intérieur, ça veut dire que dans toutes les entreprises, il y
03:37en a.
03:38Et donc, ça a un impact sur la performance économique et ça veut dire aussi que dans
03:43toutes les entreprises, il y a des personnes qui sont potentiellement agresseuses.
03:46Donc, ça, c'est un vrai enjeu.
03:48Comment limiter l'impact, comment limiter ces conséquences pour que ça ne vienne pas
03:52affecter la productivité de l'entreprise, premièrement.
03:56Ensuite, on a donc l'aspect légal autour des risques psychosociaux et la performance
04:03économique.
04:04L'OMS, en 2006, a estimé qu'une victime de violences conjugales représentait 68 000
04:08euros de charges pour la société, dont 44 % directement imputables aux entreprises.
04:15C'est lié à quoi ? L'absentéisme, par exemple ?
04:17Absentéisme, perte de productivité, incarcération de l'agresseur, décès de la victime, des
04:21choses comme ça.
04:22Donc, avec un rapide calcul, avec 271 000 victimes qui ont porté plainte en 2023, ça
04:30nous amène quand même à 8 milliards d'euros supportés par les entreprises françaises.
04:34Voilà une question de santé publique qui concerne l'État, mais aussi les entreprises,
04:38ce qu'on comprend très bien.
04:39Ce chiffre, vous venez de le donner, 271 000 victimes recensées en 2023, il est forcément
04:45sous-estimé, très sous-estimé ce chiffre, parce qu'il y a quoi, beaucoup de victimes
04:49qui n'en parlent pas, n'osent pas porter plainte ?
04:52Alors, il y a ça, le service statistique du ministère de l'Intérieur l'indique très
04:57bien, seuls 14 % des victimes, selon eux, portent plainte, ce qui amènerait le chiffre
05:02à 1 900 000 victimes, voilà, ça montre l'impact colossal.
05:06Si les personnes ne déposent pas plainte, c'est parce qu'on est encore avec un énorme
05:10tabou autour de ça, et l'objectif d'Opal, c'est aussi de lever ce tabou-là, parce
05:14qu'on n'est jamais responsable des violences qu'on subit, et ça c'est important de le
05:18rappeler.
05:19Donc, Opal va envoyer ce message aux salariés au sein de l'entreprise, et respecter absolument
05:23leur vie privée, parce que tout se passe en ligne, et la mobilisation des actions mises
05:27en oeuvre par l'entreprise va être un simple call to action, en fait, à activer pour
05:34en bénéficier, sans avoir à raconter sa vie à qui que ce soit, sans avoir à exposer
05:39sa vie privée, l'intimité, et attendre un moment de détresse extrême pour demander
05:46de l'aide, parce qu'en fait on abandonne trop de personnes sur le bord du chemin.
05:49Et moi, ça c'est quelque chose qui ne me convient pas, c'est pour ça que j'ai créé
05:52Opal.
05:53– Et vous avez là, dans ce service que vous proposez aux entreprises, une sorte de
05:56simulateur, c'est ça ? De quoi il s'agit ?
05:59– Alors, on a mis en place un simulateur basé sur ces études dont je vous parlais
06:03avec le coup, sur ce simulateur, donc on va pouvoir entrer notre effectif salarié, on
06:10va pouvoir entrer, si on est plutôt salaire SMIC, médian, moyen, comment on se situe
06:16en termes de répartition homme-femme, et puis on va pouvoir jouer avec les boutons.
06:19Est-ce qu'on pense qu'une victime de violences conjugales, elle travaille 25% de moins, 30%
06:23de moins, 50% de moins ? Et puis on va voir sur le côté, statistiquement, combien on
06:29a de victimes dans notre entreprise, combien on a d'agresseurs dans notre entreprise,
06:34combien d'enfants sont concernés par les violences subies par nos salariés, combien
06:39nos salariés techniquement coûtent en termes d'argent public, et combien nous on paye,
06:44et puis combien on économiserait avec Opal, parce que les études de santé publique sont
06:49formelles, un euro dépensé en prévention, c'est 87 euros économisés à la sortie.
06:54– Un euro dépensé en prévention, 87 euros économisés à la sortie, avec donc, effectivement,
07:00alors il y a l'outil pour les entreprises, mais Opal, c'est pour tout le monde, vous
07:05avez commencé par ça, le diagnostic des violences conjugales, ça peut sembler étonnant,
07:10mais il y a beaucoup de victimes qui n'en sont pas conscientes, d'une certaine façon ?
07:14– Il y a énormément de victimes qui n'en sont pas conscientes parce que c'est une
07:17stratégie de survie, et aussi parce qu'on évoque essentiellement, dans le langage commun
07:24et la presse aussi, on travaille à un rôle à jouer là-dessus, on évoque les femmes
07:30battues, moi personnellement, je n'ai jamais été battue, je n'ai jamais reçu de violences
07:35physiques, par contre, j'ai déposé plainte contre mon agresseur pour des violences psychologiques
07:40et sexuelles, et ce sont des véritables violences conjugales, elles sont importantes à être
07:47reconnues, elles sont reconnues par la loi, sauf que si on n'en parle jamais, et bien
07:51on empêche d'autres victimes de s'identifier, au final on se dit, ce n'est pas si grave
07:55que ça, je n'ai pas de traces physiques sur le corps, donc c'est dans ma tête peut-être tout ça.
08:02– Et il y a beaucoup de dispositifs d'aide, d'accompagnement qui sont méconnus, mal connus ?
08:08– Alors, il y en a de plus en plus parce qu'on aborde le sujet, il va y avoir des
08:13aides qui ont été mises en place par la CAF pour financer le départ d'un foyer violent,
08:19on va avoir énormément d'associations qui oeuvrent sur les terrains, nous ces dispositifs,
08:23notamment étatiques, on va les référencer dans OPAL pour les donner en accès libre aux victimes,
08:29on est un hub d'informations, et tous ces dispositifs, nous on les recense pour que la
08:33victime n'ait pas à chercher, c'est énorme la charge mentale qu'elle a, donc on ne veut pas
08:39lui en rajouter en lui imposant de chercher elle-même l'aide dont elle pourrait bénéficier.
08:44– Et dernier mot, pour reprendre l'expression de Gisèle Pellicot,
08:49la honte doit changer de camp, c'est un message que vous faites passer ?
08:53– C'est un message que je martèle, moi je dis toujours la même chose,
08:57c'est que la parole des victimes fait trembler les agresseurs, plus on parlera,
09:03plus on aidera d'autres personnes à s'identifier,
09:06et plus on permettra la non-banalisation de ce comportement qui au quotidien peut être drôle.
09:12On a tous entendu des histoires d'hommes qui ne payent pas la pension alimentaire,
09:19ou racontent que leur ex les a pillés, voilà qu'ils font…
09:24Les violences conjugales, post-séparation, ça commence là,
09:28enfin voilà, on a tellement banalisé ces violences qu'il est important de les visibiliser
09:32pour les dénoncer.
09:33– Merci beaucoup Vigdis Morisset-Rerat et à bientôt sur Be Smart For Change,
09:37on passe à notre débat, les alternatives au surtourisme.

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