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Dominique Seux et Thomas Porcher explorent les espoirs possibles pour l'économie en 2025.

Retrouvez tous les débats économiques de Dominique Seux et Thomas Porcher sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-economique

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00:00France Inter, Mario Lourd, Ali Baddou, le 6-9.
00:05Oh les cœurs, comme le dit Dominique Seux, puisqu'après la possibilité du chaos, nous
00:11allons ouvrir les portes de l'espoir, le débat écho de ce vendredi, entre nos deux experts,
00:18Thomas Porcher et Dominique Seux, bonjour messieurs, vous allez avoir la tâche très
00:23très difficile pour ce dernier débat écho de l'année 2024, de nous donner envie d'y
00:29croire, croire en 2025, où est l'espoir justement messieurs, pour contredire la morosité
00:36ambiante et on va détailler un certain nombre de sujets, mais est-ce qu'il y a des raisons
00:41de croire qu'en France ça ira mieux en 2025, que nous est-il permis d'espérer ? Je vais
00:47d'abord m'intéresser à votre perception de la question, professeur Porcher, l'espoir
00:53en économie, est-ce que c'est uniquement un état d'esprit ou est-ce qu'il y a des
00:57raisons objectives de se projeter en étant optimiste ?
01:00Oulala, c'est plus une question presque philosophique là !
01:04Oui ou politique ! Il est vrai que quand on regarde les indicateurs,
01:09à part l'inflation qui a diminué fortement au prix quand même d'une baisse d'activité
01:13forte avec la hausse des taux, tous les indicateurs sont dégradés, la croissance est dégradée,
01:18le chômage va augmenter, mais il faut quand même trouver des raisons d'espérer, alors
01:23la première c'est que quand même Kylian Mbappé remarque des buts !
01:25Ça c'est une excellente nouvelle ! Et quels buts ! Mais grâce à Vinicius, mais ce n'est
01:30pas le sujet du jour !
01:31Oui, mais je ne sais pas, après j'ai vu qu'il y en a, mais ce que vous dites Thomas, c'est
01:35que c'est donc bien psychologique !
01:37Pas que psychologique, parce qu'il y a quand même des raisons, il y a une instabilité
01:40politique, il y a des changements au niveau international avec l'arrivée de Trump, on
01:46se rend compte aussi qu'il y a une question sur la dette qui augmente dans les sondages,
01:50mais moi, là où je suis vraiment positif, et je finirai là-dessus, c'est que sur le
01:54sondage qui a montré que les Français s'inquiétaient de plus en plus de la dette, même si le pouvoir
01:59d'achat reste en premier lieu, on se rend compte qu'ils pensent que c'est à cause
02:03du gouvernement que la dette a augmenté en premier lieu, et ça je pense qu'ils ont raison,
02:06et après ils pensent qu'il faudrait faire taxer les plus aisés en premier, en deuxième
02:11il y a les fonctionnaires sur les collectivités locales, et en troisième il y a quand même
02:14l'augmentation de l'IS sur les sociétés, donc on se rend compte qu'ils ne veulent
02:18pas qu'on touche trop au modèle social, et c'est une bonne chose !
02:21Même question Dominique Seux, celle de l'espoir, est-ce que c'est une passion triste ou est-ce
02:26qu'elle a un sens objectif en économie ?
02:28Vous nous demandez ce 20 décembre un débat feel-good, c'est vrai que c'est un peu compliqué,
02:32écoutez, moi je vois trois raisons.
02:33Je vous demande au moins d'essayer d'examiner les termes du débat.
02:36La première, la première raison pour laquelle...
02:38On a toujours les raisons de désespérer.
02:40La raison pour y croire en 2025, d'abord c'est que 2024 a été de toute évidence
02:45la pire année en politique depuis 1958.
02:49Elle n'a pas été la pire année en économie depuis 1958, et donc moi j'ai hors grande
02:56crise, Covid et autres, et donc je veux dire que l'économie...
02:59Quand vous dites la pire année depuis 1958 en politique, c'est le nombre de gouvernements
03:03qui se sont succédés, l'instabilité politique...
03:06Nous assistons globalement à un spectacle assez lamentable, mais ça c'est un sujet...
03:09On reste feel-good, on reste feel-good, Ali Baddou.
03:12Et donc, l'économie a son autonomie vis-à-vis de la politique.
03:16On dit beaucoup, et on l'a dit ici, que l'économie dépendait de la politique, mais elle a son
03:21autonomie.
03:22Il y a eu de la croissance, il y a eu des créations d'emplois, malgré la politique,
03:26et donc ça c'est plutôt positif.
03:27La deuxième raison, c'est que, au fond, quand on est au fond de la piscine, on va remonter
03:331945 après 1940, mais plus profondément, je pense qu'on va se réveiller collectivement.
03:38C'est-à-dire que...
03:39On a touché le fond de la piscine ?
03:41On se rend compte d'un certain nombre d'impasses dans lesquelles nous sommes, face auxquelles
03:47nous sommes, de murs, et donc il y a un certain nombre de choses qui sont en train de se passer,
03:52de réveils.
03:53Quand je lis dans Alternatives économiques, le président de l'OFCE qui nous dit « la
04:00dette est sur une pente inquiétante », c'est un organisme, Xavier Rago, c'est intéressant
04:05de lire qu'il va finir par avoir une sorte de consensus, peut-être, sur le thème qu'il
04:10faut se bouger.
04:11Et la troisième raison, qui est la plus importante, c'est qu'heureusement qu'il y a quand même
04:14un certain nombre...
04:15Se bouger, ça veut dire se serrer la ceinture ?
04:16Non, pas du tout.
04:17Parce que ça, c'est pas vraiment une raison d'espérer.
04:18Ce que je veux dire, c'est qu'il y a, heureusement, un certain nombre d'adultes dans la pièce.
04:23C'est-à-dire que moi, j'étais très intéressé par la déclaration commune, l'appel sonnalel
04:27qui a été lancé par l'ensemble des syndicats et des organisations patronales, sauf la CGT,
04:32cette semaine, disant « ressaisissons-nous, l'instabilité politique est grave, et je
04:38fais le lien, et je finis là-dessus, avec un accord très intéressant qui a été signé
04:41chez Renault hier, chez Renault, qui concerne 40 000 salariés, notamment Descartes, et
04:47qui dit « oui, les dépenses de santé augmentent, donc on va augmenter la couverture par la
04:52mutuelle, parce qu'il y a un vieillissement de la population, de nos cartes notamment,
04:57mais en échange, on va proposer, c'est un accord signé par la CGT et la CFDT, d'enlever
05:02trois jours de congé dans l'année des RTT ». Et donc, ça veut dire qu'il y a des adultes
05:06dans la pièce.
05:07C'est intéressant, parce que vous étiez dans une certaine pièce sur France 2, en
05:12l'occurrence, c'était un aquarium, où vous voyiez Dominique Seux face au premier
05:15ministre, vous ne l'avez pas cité, contrairement à Patrick Cohen, vous venez de citer des
05:18raisons d'espérer, le premier ministre n'en était pas une.
05:22Thomas Porcher, je vais reprendre, justement, alors non pas « alternative économique »,
05:26mais les échos, il y a un éditorial d'Éric Le Boucher, qui dit « bon ben, pour s'espérer,
05:33pour voir la vie avec des lunettes roses, comme le disait Marion, il faut rappeler qu'il
05:38y a eu la baisse du chômage, la croissance de la France est supérieure à celle de l'Allemagne,
05:42la stabilité des inégalités grâce à la redistribution, le maintien de soins de très
05:46haute qualité, les TGV qui arrivent très généralement à l'heure, ou dans un autre
05:51ordre, l'admiration mondiale dont a fait l'objet notre pays pour l'organisation
05:55des JO ou la reconstruction de Notre-Dame ». Je ne vais pas aller au bout de l'édito,
06:00mais que pensez-vous de cette manière de voir les choses ?
06:02Il n'a pas tout à fait tort sur un certain nombre de choses, mais après, le problème, c'est qu'Éric Le Boucher, la semaine prochaine, il va faire un texte,
06:10où tous les mécanismes de redistribution qui fonctionnent bien en France, il va les attaquer, il va les attaquer systématiquement.
06:18C'est ça aussi qui est un problème, c'est vrai que la France est un pays redistributif,
06:21et c'est une très bonne chose, parce que nous avons eu beaucoup moins d'inégalités
06:25que la plupart de nos voisins, et notamment les Etats-Unis et le Royaume-Uni, mais ces
06:29mécanismes de redistribution, ils sont constamment attaqués.
06:31Par exemple, demain, Éric Le Boucher va faire un édito en nous disant qu'il faut s'en
06:36prendre au système de retraite par répartition, alors que nous avons le taux de pauvreté
06:41des retraités le plus faible au monde.
06:42Alors, pour tous ceux qui ne lisent pas l'écho, les échos, Éric Le Boucher, éditorialiste, libéral, avec lequel vous étiez d'accord et avec lequel vous semblez maintenant prendre un peu de distance.
06:48Ancien journaliste du monde, ce n'est pas l'ultra-libéral non plus de…
06:51Non, il est libéral, je n'ai pas dit ultra, néolibéral, diraient certains.
06:55Je pense qu'on va rentrer en 2025, 2025 va être une période de clarification sur beaucoup de choses.
06:59Non, mais la liste que je viens de citer…
07:01Oui, ça va être une période de clarification.
07:03Non, mais ce sont des constats, moi je veux rester sur 2025, ce sont des constats, effectivement.
07:08De 2024 qui permettent de croire en 2025 ?
07:10Absolument, si on reste quand même sur ce qui est un peu optimiste sur l'économie mondiale, les dernières prévisions sont celles de l'OCDE et qui ont été présentées il y a quelques jours.
07:20La croissance mondiale l'année prochaine c'est 3%, avec notamment l'Inde, l'Indonésie, la Turquie.
07:26Ça veut dire que, et je fais lien avec l'article que vous mentionnez, il y a de la pauvreté qui diminue, il y a de la croissance, il y a des pouvoirs d'achat, il y a des systèmes de santé dans le monde qui progressent.
07:38Mais on cite aussi l'Argentine en termes de croissance et pourtant la pauvreté y explose, Dominique.
07:42Alors on a déjà parlé de l'Argentine, il semble qu'il est en train de se construire quelque chose, l'inflation a été divisée par 10 je crois.
07:52Ouais mais les 50% les plus pauvres sont très pauvres.
07:54On est passé de 40 à 50% et ça va redescendre l'année prochaine, toutes les prévisions disent que ça va redescendre l'année prochaine, spectaculairement.
08:01Je vois que Dominique aime bien le trait d'union entre les libéraux et l'extrême droite parce que c'est ce qui se passe dans le monde, c'est ce qui se passe avec Xavier Miller, c'est ce qui se passe avec Trump.
08:09Alors Trump, bien sûr Wall Street est très content de ce qui se passe parce qu'il va baisser les impôts.
08:13Mais moi ce qu'il va faire avec Elon Musk m'inquiète beaucoup parce qu'ils vont s'en prendre aux agences notamment de sécurité de l'État.
08:20Et les États-Unis c'est quand même un pays qui est la cible, on l'a vu depuis le 11 septembre, tout ce qui a été créé après le 11 septembre pour protéger les États-Unis vont être démantelés.
08:28Et moi je pense qu'il faudrait regarder ça parce qu'avec beaucoup d'inquiétude et quand je vois notre ministre de la fonction publique qui trouve qu'il faut s'inspirer de ça, ça me fait peur.
08:37Partout dans le monde, je veux dire la clarification elle est là aussi, c'est qu'on se rend compte, et on l'a bien vu avec M. Barnier dans ce qu'il a voulu faire, c'est qu'il y a de plus en plus un trait d'union entre les libéraux et l'extrême droite.
08:47Et finalement les libéraux s'accommodent beaucoup de l'extrême droite.
08:49Mais répondez à Dominique Seux, c'est-à-dire que pour avoir de l'espoir pour l'économie en 2025, il vaut mieux être américain ou indonésien ?
08:59Pas du tout. Et déjà, quand vous regardez ce que dit l'économiste en chef du FMI par exemple sur les pays en développement, ils disent qu'ils sont face à un mur de dette et qu'ils coupent les dépenses publiques dans la santé et dans l'éducation.
09:09Et lui, il tire la sonnette d'alarme. Et en fait c'est pour ça que je dis que c'est une clarification, parce que que dit l'économiste du FMI ?
09:17Il dit tout simplement quand le commerce international allait très bien pour les pays riches, il nous disait à tous les pays qu'il fallait faire du commerce international.
09:23Dès qu'ils ont perdu des parts de marché, c'est le repli sur soi, c'est le protectionnisme.
09:27Et quelque part, il montre en réalité que les pays riches et un certain nombre d'acteurs économiques n'ont qu'une seule boussole, qu'est leur intérêt personnel et pas l'intérêt global.
09:37Et donc je vois... Attendez...
09:39Dominique Sey.
09:40Être en Chine aujourd'hui ou être en Inde, en Indonésie, dans la plupart des pays d'Asie du Sud-Est aujourd'hui par rapport à ce que c'était il y a 10 ans, ce sont des conditions de vie.
09:51Il faut revenir à des choses simples. Ce sont des conditions de vie qui s'améliorent avec notamment des prises en charge des systèmes de santé, de la santé qui s'améliorent.
10:00On ne peut pas avoir dans les années 70, 80, 90, dit le Nord, pensons un petit peu aux pays du Sud, les pays émergents.
10:09Ces pays n'ont pas tous, pas dans les meilleures conditions toujours, mais ils ont émergé. Les modes de vie ne sont pas les mêmes.
10:18Je vous rappelle le thème de notre échange. Le thème de notre échange, c'est les raisons d'y croire.
10:23Les raisons d'y croire. Par exemple, je vous cite une raison d'y croire, les microprocesseurs et l'intelligence artificielle.
10:29Est-ce qu'on peut y croire en France alors que c'est l'un des déterminants de l'économie ?
10:33J'ai lu le dernier livre d'Assemoglou et Simon. Assemoglou qui a eu le prix Nobel sur le progrès technique et sur l'IA.
10:40Il est plutôt très pessimiste.
10:44On n'y arrivera pas, Dominique !
10:47C'est quand même un prix Nobel d'économie. Il est professeur au MIT. Ce n'est pas un économiste atterré.
10:52Quand j'ai lu son livre sur l'innovation, lui-même le dit en fait que les grandes innovations ont eu lieu avant
10:56et que Internet a été un échec en termes d'innovation. C'est ce qu'il dit. Et que l'IA, il a bien peur.
11:02Internet a été un échec en termes d'innovation ?
11:04En termes de productivité, oui, c'est lui qui le dit.
11:06Il faudra vraiment l'expliquer un jour.
11:08L'échange finalement est assez révélateur de nos conceptions différentes de l'économie.
11:12C'est-à-dire qu'il y a un biais optimiste peut-être de ma part. Il y a peut-être un biais, enfin certainement,
11:18un biais généralement pessimiste de Thomas Porcher.
11:21Je pense que dire que Internet a été un échec collectif, franchement, il suffit de regarder nos vies,
11:28ce que nous tenons dans nos mains.
11:30En termes de productivité.
11:32Je pense que ça a apporté des choses négatives mais aussi et principalement positives.
11:38C'est le moins qu'on puisse dire.
11:40Je pense que c'est intéressant cet échange.
11:42Non, non, c'est en termes de productivité.
11:44On va devoir en rester là.
11:45C'est pas moi qui le dit, c'est assez moglou, c'est quand même un prix Nobel.
11:48Bon, on se souhaite quand même bonne année.
11:50On se souhaite une bonne année et on est surtout ravis de vous retrouver.
11:54Et puis on a quand même la gauche qui a gagné en Uruguay, c'est une bonne nouvelle.
11:57Thomas Porcher, Dominique Seux, merci à tous les deux.

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