Le débat économique dans le 7/10 par Dominique Seux et Thomas Porcher (7h45 - 13 Décembre 2024)
Retrouvez tous les débats économiques de Dominique Seux et Thomas Porcher sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-economique
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00:00France Inter, Mario Lourd, Ali Baddou, le 6-9 Le débat écho du vendredi entre Thomas
00:08Porcher et Dominique Seux, bonjour messieurs, bonjour, alors la France est sans gouvernement,
00:13je pense que vous vous en êtes aperçus, on vient d'en entendre parler et analyser
00:17par Patrick Cohen qui est parlé donc de ce moment suspendu, autant suspend ton vol, c'est
00:24peut-être beau dans la bouche d'un poète, mais ça crée une situation d'un pays sans
00:29budget pour l'année qui vient, c'est une situation particulière, inédite, on a même
00:34qualifié le moment d'historique et en attendant donc la nomination d'un premier ministre,
00:40dans les minutes, les heures, les jours qui viennent, personne ne veut se prononcer autour
00:44de la table, on va débattre des conséquences de cette absence de budget, alors on va démarrer
00:51tout simplement, on rentrera dans le détail dans un instant, est-ce que c'est grave,
00:57toi Porcher ? Non, non, non, c'est pas grave, il n'y aura pas de shutdown comme ça avait
01:01été dit par notre ancienne première ministre Madame Borne qui disait que les cartes vitales
01:05ne pourraient pas être utilisées au 1er janvier, il n'y aura pas du tout de ça, les fonctionnaires
01:09seront payés, on va juste retrouver le budget 2024, alors globalement, en un mot, pour moi
01:15le budget 2024 est quand même mieux que celui qui nous était annoncé en 2025 s'il n'y
01:19a pas eu une motion de censure, parce qu'il permet d'éviter quand même une grosse cure
01:24d'austérité, le but de M. Barnier était de trouver 60 milliards d'économies, en une
01:30seule fois, c'était pour moi, à mon sens, un peu trop violent, même le CAE dit qu'on
01:34peut le faire et l'étend sur plusieurs années, c'est la position que j'ai toujours défendue
01:37ici.
01:38Même question, Dominique Seux, est-ce que c'est grave ?
01:40Je pense exactement l'inverse, oui c'est grave, d'abord sur le plan politique parce que les
01:44extrêmes tiennent le manche et les autres parties ont perdu leur boussole et donc on
01:47est dans une situation un petit peu d'impasse, on ne voit pas très bien, si c'est si compliqué
01:51c'est qu'en fait les lendemains ne seront pas des lendemains qui vont chanter.
01:55C'est grave sur le plan économique, d'abord parce qu'il n'y a plus de décision politique
01:59depuis 6 mois, depuis le mois de juin en fait, il y a un budget qui a été préparé mais
02:03en fait qui a été défait.
02:04C'est grave parce que, alors on va rentrer sur le terrain proprement économique, nous
02:10sommes le seul pays de la zone euro dont les taux d'intérêt ont augmenté, vraiment augmenté
02:17depuis un an.
02:18Voilà, c'est simple, c'est simple.
02:20Donc, c'est une conséquence de l'instabilité politique et ça s'est aggravé ces dernières
02:28semaines par la situation budgétaire.
02:30Dans un pays où la dépense publique représente 50% de la richesse nationale, évidemment
02:36tous les secteurs d'activité, tous les consommateurs ont un lien avec les dépenses publiques et
02:42le budget.
02:44L'absence de budget et le budget énerve, si je puis dire, et un peu énerve aussi à
02:49vrai dire, mais énerve toute la situation économique.
02:54Donc c'est un vrai problème, oui.
02:56Thomas Porcheret ?
02:57La première chose c'est que je pense que le budget 2025 aurait eu un impact beaucoup
03:00plus négatif sur la croissance.
03:01Je rappelle que là nous avons une croissance depuis par exemple 2 ans qui est supérieure
03:05à l'Allemagne, qui a un vrai problème de récession, soit dit en passant, et qui a
03:08eu aussi un problème de budget, l'Allemagne également.
03:12Vous savez, les investisseurs, ils ont des portefeuilles avec énormément d'argent
03:16qu'ils doivent ventiler sur un certain nombre de pays.
03:19Je ne crois pas.
03:20Alors bien sûr, ils regardent des fiches de conjoncture qui parlent d'instabilité
03:23politique et c'est vrai que si cette instabilité dure un certain temps, il y a un risque possible.
03:27Mais ils doivent placer quand même leur argent et il y a eu des problèmes de gouvernement
03:31en Belgique, un grand pays de la zone euro, il y a eu cette instabilité que nous connaissons
03:36en Allemagne, il y a la nôtre et ça ne les empêche pas quand même de ventiler leur
03:40argent.
03:41Et notre dette reste encore très attractive et que certes, effectivement, les taux ont
03:44légèrement augmenté, mais ils restent très faibles, nous l'avons dit à plusieurs reprises
03:47dans cette émission.
03:48On va y revenir, mais restons sur la question du budget, Thomas.
03:51Non mais c'était...
03:52Dominique.
03:53Moi c'est Dominique plutôt.
03:54Non, non, c'est intéressant que Thomas nous dise ce matin, tiens, c'est vrai, depuis
03:58plusieurs années, la croissance française était supérieure à celle des autres pays.
04:02Je ne me souviens pas l'avoir entendu.
04:04Ah si, si, je l'ai toujours dit.
04:05Et d'ailleurs, elle est supérieure parce que nous avons un plus grand déficit et qu'en
04:07période de crise, le déficit joue un rôle contracyclique qui soutient la croissance.
04:12Alors vous retombez formidablement sur vos pieds, néanmoins, à mon avis, c'est un problème
04:17d'avoir le déficit le plus élevé de l'Union Européenne en dehors de la Roumanie.
04:21Alors, il y a eu cette question d'une loi spéciale pour assurer la continuité des
04:26services publics, prélever les impôts existants, mais quelles conséquences concrètent pour
04:31nous, nos auditeurs, Dominique Seux ?
04:34Alors, il y a des tas de conséquences.
04:37La conséquence, par exemple, à partir du 1er janvier, les servants dans les restaurants
04:41ne savent plus si les pourboires seront défiscalisés, est-ce que les prêts à taux zéro sur les
04:45mobiliers seront prolongés ? Personne n'en sait rien.
04:47Il y a une conséquence qui est assez, j'allais dire, cocasse, c'est que la hausse des impôts
04:54sur les très grandes entreprises, les 450 très grandes entreprises et les très hauts
04:58revenus, a priori, ces hausses d'impôts ne pourront pas avoir lieu sur les revenus
05:042024 pour les particuliers, résultat 2024 pour les entreprises, puisqu'il n'y a,
05:09a priori, pas de rétroactivité.
05:12Donc, cette censure, c'est cocasse, cette censure est un cadeau aux très grandes entreprises
05:17et aux très hauts revenus.
05:19Ça fait sourire Thomas Porcher.
05:20Parce que vous devriez être content, là, normalement, Dominique, puisque vous étiez
05:23plutôt contre ce qu'on a fait.
05:24Non, non, je n'étais pas contre.
05:25Non, mais il y a...
05:26Conséquences concrètes, Thomas Porcher.
05:27Non, mais conséquences concrètes, par exemple, les retraites vont être revalorisées de
05:302,2% au 1er janvier, ce qui n'était pas le cas, puisqu'il y avait une perte d'un
05:33semestre.
05:34Alors, on nous avait fait croire qu'il y avait une forme de rattrapage, mais la perte
05:37était très nette sur l'ensemble des retraites.
05:39Il va y avoir le remboursement toujours des médicaments et puis il ne va pas y avoir toutes
05:44les suppressions de postes et les économies qui étaient faites, notamment sur l'éducation,
05:47l'assurance maladie et d'autres secteurs.
05:50Donc, bien sûr que ce n'est pas idéal de revenir constamment sur un ancien budget.
05:55Et là, d'ailleurs, l'ancien budget va entraîner mécaniquement des baisses sur les
05:59dépenses publiques, ce qui devrait aussi vous satisfaire.
06:01Mais le budget 2025 était un budget d'économie d'une extrême violence, 2% du PIB, ce qui
06:10revient au plan d'austérité de 2010.
06:11Thomas, je ne peux pas être d'accord avec vous, parce que vous dites au fond 2024 c'était
06:16formidable.
06:17Non, j'ai dit c'est moins pire que 2025, ce n'est pas la même chose, il y a une différence.
06:21Prenons les choses, reculons un tout petit peu la focale, la conséquence très concrète
06:29de l'absence de budget, c'est que qui sont les seuls gagnants, en fait, de l'absence
06:33de budget ?
06:34Ce sont les retraités.
06:35Ça veut dire que tous les autres, les actifs notamment, et vous parliez de l'impôt sur
06:39le revenu à la seconde, sont plutôt, jusqu'à maintenant, perdants, puisqu'il n'y a pas
06:42de revalorisation du marème de l'impôt sur le revenu.
06:45Je crois que tous nos auditeurs ont compris qu'il y avait une question qui est posée.
06:49Oui, mais c'est en suspens.
06:50C'est en suspens.
06:51C'est en suspens.
06:52C'est en suspens.
06:53Et il y a plein de façons.
06:54Pas en même temps, messieurs.
06:55Il faut expliquer en deux phrases ce qui se passe.
06:58Pas de revalorisation du marème.
07:00Il y a un projet de loi spécial, PLS, le bien nommé, PLS, situation d'urgence, position
07:08latérale de sécurité, nous sommes dans l'ambiance, coup de clin d'œil amusant des
07:14constitutionnalistes qui sont les actifs.
07:16Ça vous fait sourire.
07:17En attendant le vrai PLF, le projet de loi de finances.
07:19Exactement.
07:20Donc en commission des finances, les députés ont voté l'inscription dans ce projet de
07:24loi spécial de la revalorisation du marème.
07:25C'était hier.
07:26Manifestement, d'après le conseil d'état, inconstitutionnel.
07:30Pourquoi ne pas revaloriser tous les autres impôts dans ce projet de loi et donc contourner
07:35le budget.
07:36Il faut avoir un instant de gravité sur le moment.
07:39Le président de la commission des finances, Éric Coquerel, insoumis, sort manifestement
07:44de son rôle.
07:45Ça a été dit à la fois par l'ancien rapporteur général du budget Renaissance,
07:49je ne sais plus comment ça s'appelle aujourd'hui, Ensemble, mais aussi par Charles de Courson
07:53qui n'est pas du tout un soutien au gouvernement, c'est le moins qu'on puisse dire.
07:56C'est grave.
07:57On ne sort pas, on ne change pas les lois.
08:01On dit, on peut faire ci, on peut faire ça, alors que le conseil d'état dit, on ne peut
08:05pas le faire.
08:06En l'occurrence, c'est l'amendement déposé hier par Éric Coquerel, Thomas Porcher.
08:09Pour être parfaitement clair, les gens ne vont pas au 1er janvier avoir leurs impôts
08:14qui augmentent.
08:15Parce que vous savez, c'est à partir de septembre 2025 que les taux d'imposition
08:19changent.
08:20Là, dès janvier, février, ils paieront les mêmes impôts, ce qui était prévu, qui
08:24sont les impôts normalement basés sur 2023.
08:26Donc, il n'y a pas de souci là-dessus.
08:29Ils ont jusqu'en septembre, s'il y a une loi qui tombe, un budget qui tombe jusqu'en
08:35septembre, et même après, ils peuvent faire des lois rectificatives, mais jusqu'en septembre,
08:38il n'y a pas de souci.
08:39Merci à jusqu'au mois de mars pour commencer à envoyer les documents.
08:43Laissez-moi finir.
08:44Il y a d'autres manières de faire.
08:45Par exemple, l'État peut décider de ne pas prélever un petit impôt, par exemple
08:49en dessous de 300 euros d'impôt, juste par texte administratif.
08:52D'accord ? Ça, c'est possible en disant, voilà, 300 euros d'impôt, c'est-à-dire
08:55ceux qui ne payent pas d'impôt sur le revenu et qui rentrent parce que le barème n'a
08:58pas été ajusté dans l'impôt sur le revenu et qu'ils vont payer 200-300 euros.
09:02L'État, par texte administratif, peut décider de ne pas le prélever.
09:04Et donc, voilà, là, on ne toucherait pas aux personnes les plus pauvres qui rentrent
09:08dans l'impôt sur le revenu.
09:09Donc, il y a d'autres manières de faire que de…
09:11Il y a un débat, et c'est un débat d'ailleurs, que vous citiez le conseil d'État, on va
09:17aller très concrètement, toujours dans les conséquences de cette absence de budget.
09:20Il y a des subventions, par exemple, qui vont être remises en cause, elles tomberont
09:24aussi au 1er janvier, des dispositifs de crédit d'impôt, par exemple, il y a d'autres
09:29avantages fiscaux qui expirent dans quelques semaines, le 31 décembre, jusqu'à ce qu'une
09:34loi vienne éventuellement les repêcher.
09:36Ça, c'est de l'instabilité qui touche les entreprises, particulièrement.
09:41Mais les entreprises et les consommateurs, le moral des chefs d'entreprises et des
09:45consommateurs, un sondage ELAB publié hier après-midi par le Média Les Echos, explique
09:52que le niveau d'inquiétude économique des Français est le plus élevé depuis novembre
09:572020.
09:58De novembre 2020, c'est la seconde vague du Covid.
10:01Vous voyez quand même que ce n'est pas extraordinaire.
10:03Donc, ça veut dire des investissements qui ne se font pas, et ça franchement, j'ai
10:07des exemples en tête très concrets d'entreprises qui disent « écoutez, on va attendre six
10:11mois et on verra ce qui se passe après ». Parce que sur le plan fiscal, on ne sait pas
10:15comment ça va se dérouler.
10:16À l'inverse, il se passe des situations assez curieuses, ce qui est intéressant.
10:22Tous les conseils fiscaux des patrons de PME leur disent actuellement « versez-vous
10:27beaucoup de dividendes parce que peut-être que sur le plan fiscal, il y a peut-être
10:30une petite fenêtre de tir ». Donc vous voyez, on est dans une situation… On ne peut pas
10:33dire « ça n'est pas grave, il ne se passe rien ». Ça n'est pas non plus la pluie
10:39de Sauterelle, évidemment, mais il se passe des choses.
10:43L'instabilité politique n'est jamais bonne pour personne, et ça, nous sommes tous
10:46d'accord avec Dominique.
10:47Mais après, il y a un certain nombre de personnes qui ont crié au loup, et je comprends que
10:50les gens aient très peur.
10:51Quand on vous dit que la carte vitale ne fonctionnera pas le 1er janvier, et quand on compare constamment
10:55la France à la Grèce, les gens ont peur, bien sûr.
10:57Il y aura bien un nom qui sortira du chapeau, c'était pas l'expression de Patrick Cohen,
11:02mais on peut le présenter comme ça.
11:05Quelle est la priorité, selon vous, du prochain budget ? L'urgence, c'est réduire le
11:10déficit public ?
11:12Il faut réduire le déficit, bien sûr, mais il faut le faire de manière modérée, c'est-à-dire
11:18ne pas faire des coupes très fortes, comme c'était prévu par ce gouvernement-là.
11:21Le CAE, encore une fois, qui ne sont pas un repère de gauchistes, voulait étendre les
11:25réductions sur plusieurs années.
11:27Alors, réduire de 6 à 5%, encore une fois, seule la Roumanie est au-dessus, le déficit
11:32public ne me paraît pas un effort absolument considérable, mais il y a beaucoup de choses
11:36qui passent sous le radar.
11:37La CIM est déjà devenue hors d'atteinte sous Michel Barnier.
11:39Non, mais elle est hors d'atteinte de toute façon, maintenant.
11:42Mais l'urgence ?
11:43L'urgence, je vais vous dire, beaucoup de choses passent sous le radar en ce moment.
11:47Par exemple, il y a huit jours, une grande étude a montré que le niveau des élèves
11:52de CM1 et de 4e était, en mathématiques, nous étions en queue de peloton totale, derrière
11:59de Michel Barnier.
12:00Donc, il faut supprimer des pauses dans l'éducation, comme disait M. Barnier ? C'est ça, la conséquence
12:03est…
12:04Non, Thomas, ne soyez pas sur de l'économie automatique, on voit bien que l'impôt n'est
12:11plus efficace.
12:12Et donc, comment faire pour que l'impôt redevienne efficace ? Pour que les services
12:17publics deviennent efficaces ? La priorité, c'est l'éducation, et c'est très ennuyeux
12:21que nous soyons au même niveau que l'Albanie et le Chipe sur le niveau en mathématiques.
12:26C'est la priorité absolue pour moi, l'éducation, mais un peu le déficit aussi, quand même.
12:32NICOLAS ROCHEFORT.
12:33C'est ce, Thomas Porcher.
12:34Merci messieurs.