Alimentation, énergie, agriculture, santé, pollution ... il semblerait qu'une petite révolution dans l'univers invisible du monde microbien soit en cours. Elle renouvelle notre vision du vivant et bouleverse déjà notre société. Armés d'outils, toujours plus performants, seuls certains spécialistes ont accès à cet univers fascinant. Mais si on ouvre bien les yeux, les micro-organismes manifestent leur présence partout autour de nous. S'ils sont souvent responsables de maladies et épidémies, les micro-organismes sont aussi indispensables à notre survie. Ce film nous amène à la découverte de scientifiques et entrepreneurs visionnaires, qui ont pour objectif de cohabiter en symbiose avec ces êtres vivants et utiliser leur incroyables pouvoirs pour faire face aux défis environnementaux de notre temps. Année de Production :
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00:00Tout a commencé il y a 3 milliards d'années.
00:07La vie s'est déployée, mystérieuse et d'abord minuscule.
00:15De cette pulsion de vie sont nés les végétaux, les animaux, dont les êtres humains que
00:28nous sommes, il y a quelques millions d'années à peine.
00:34Naturellement prédateurs et curieux, nous avons observé, dompté, conquis ce qui nous
00:39entourait.
00:40Mais tout un monde continuait de nous échapper.
00:45Un monde à l'origine même de la biodiversité.
00:49Au fil des millénaires, il nous a même fait peur, synonyme de maladie, de saleté, il
00:57semblait dangereux, voire mortel, parce que nous ne le connaissions pas.
01:05Pourtant il était là, sous nos yeux, autonome, vivant, se démultipliant dans chaque interstice
01:13de nos corps, de nos villes, de nos campagnes, de l'air que nous respirons.
01:18Nos inventions pour le contrôler, le détruire, l'assainir, n'ont rien donné.
01:25Elles ont fait des dégâts, mais le monde du microbe, de la bactérie, est bien plus
01:32fort.
01:33C'est une force vitale, sans laquelle nous ne serions rien.
01:37Aujourd'hui nous découvrons que cette force peut devenir une alliée de taille pour notre
01:43propre survie.
01:45Dans les années qui viennent, les microbes pourraient révolutionner nos modes de production,
01:49notre santé, nos énergies, notre relation au monde vivant.
01:53L'aventure du microbe ne se passe plus dans la seule intimité des laboratoires, elle
02:01s'annonce bien plus vaste, plus innovante, curieusement, bien plus proche de nous.
02:14C'est l'invention du microscope qui nous a permis d'aller à la rencontre de cette
02:19biodiversité invisible à l'œil nu.
02:22Galilée, homme visionnaire, s'en était fabriqué à envers 1609, mais c'est au XVIIIe siècle
02:29que les scientifiques ont véritablement sondé l'infiniment petit.
02:32Pour la première fois, ils s'approchaient d'un monde éminemment vivace, mais totalement
02:41énigmatique.
02:42Depuis, ils en savent un peu plus.
02:48Pour Marc-André Sellos, biologiste au Muséum d'Histoire Naturelle, ce monde de l'invisible
02:54n'est plus si mystérieux que cela, il est même plein de promesses.
02:58Nous sommes ici à la ménagerie du Muséum à Paris, et ce zoo nous renvoie à une vision
03:05de la biodiversité qui est constituée d'animaux et de plantes.
03:08C'est faux, c'est faux, la biodiversité c'est avant tout des microbes, ces organismes
03:14ce sont des champignons faits de filaments microscopiques qui vivent dans le sol ou dans
03:18les plantes, ce sont des bactéries qui sont dix fois plus petites que les champignons
03:22et encore moins visibles, je vous passe les virus, en fait ces organismes là sont partout
03:27et ils forment ce qu'on appelle les microbes, c'est-à-dire ceux qu'on ne voit pas à l'œil
03:32nu.
03:33Ces microbes, si nous les connaissons un peu négativement parce que ce que nous connaissons
03:38d'eux c'est les maladies qu'ils nous imposent, il ne faut pas oublier qu'ils sont partout
03:42dans l'environnement et dans les organismes pour le meilleur également.
03:46Ces plantes ou ces animaux ne vivraient pas sans microbes qui les habitent et qui constituent
03:51ce qu'on appelle leurs microbiotes.
03:52Sous nos pieds, des réseaux imperceptibles connectent des milliards et des milliards
04:01de bactéries entre elles.
04:02Elles forment un monde qui vibre autour de nous à chaque instant.
04:07Il semblerait que les virus soient encore plus nombreux.
04:13Tout ce petit monde était là bien avant l'apparition de notre espèce.
04:19Il a survécu aux aires glaciaires, aux grandes extinctions, aux éruptions volcaniques, tellement
04:26résistants qu'il nous survivra sans aucun doute.
04:29Alors la plante est vraiment l'exemple de cette omniprésence du microbe.
04:38Tiens, par exemple, ce qui est vert, ce qui fait la photosynthèse dans les cellules de
04:41la plante, ce sont des bactéries qui habitent là.
04:44Mais ce n'est pas tout, on compte qu'un gramme de feuille abrite 100 millions de bactéries.
04:49On compte que dans la feuille que je tiens à la main, il y a entre 10 et 100 espèces
04:53de champignons et ils ont un rôle très important pour protéger cette feuille contre des agressions,
04:58contre d'autres microbes pathogènes, ou bien ils la rendent incommestible pour des
05:02insectes qui voudraient s'y attaquer.
05:04L'histoire de la plante et de ses microbes commence sous la terre, au moment où ses
05:13racines plongent dans un sol plein de champignons bienfaisants, qui lui permettent de se nourrir
05:18et de se développer.
05:19Sans champignons, pas de vie végétale.
05:24On a tout un tas d'organismes qui font ce sol, qui sont en train de décomposer la
05:31matière organique, en train d'attaquer les petits morceaux de roche pour en libérer
05:35des minéraux qui vont contribuer à la fertilité du sol.
05:38Jusqu'à l'odeur de terre due à certaines bactéries qu'on appelle les actinobactéries.
05:44Cette odeur de terre, elle témoigne de leur présence.
05:47Aujourd'hui, un certain nombre de pratiques ne sont pas compatibles avec la vie du sol.
05:51Le labour déchire les filaments des champignons.
05:54L'utilisation de glyphosate, par exemple, ou d'autres pesticides peut être toxique
05:58pour un certain nombre de bactéries du sol.
06:01En d'autres termes, aujourd'hui, il faut penser microbien pour gérer différemment
06:06les sols demain.
06:07Penser microbien, c'est changer le modèle, tordre le cou aux idées reçues, ne plus avoir
06:16peur des microbes, mais s'associer à eux.
06:20Quand on regarde autour de nous, on semble encore bien loin du ponte.
06:25De chasseur-cueilleur, l'homme est devenu agriculteur.
06:30Il a pris le contrôle de la production de sa nourriture, exigeant toujours plus de la
06:36terre.
06:37Ce faisant, il a tué sa richesse bactérienne.
06:51Plus de la moitié des sols de la planète sont aujourd'hui pollués par les pesticides,
06:56asséchés par la chimie et des labours profonds.
06:59Et puisqu'il faut entre 100 et 1000 ans pour qu'une terre retrouve sa fertilité,
07:06comment allons-nous pourvoir aux besoins alimentaires de 8 milliards d'êtres humains ?
07:11Alors que les menaces gagnent du terrain sur le vivant, le monde microscopique pourrait-il
07:17nous aider à recréer de la vie perdue ?
07:20Le besoin auquel on répond, c'est de trouver des alternatives aux intrants de synthèse,
07:30à toutes ces pratiques qui ont fait qu'on arrive aujourd'hui sur des sols qui sont
07:34très appauvris, qui se dégradent d'année en année.
07:36Notre lien avec les micro-organismes se fait avec la production de litières forestières
07:43fermentées.
07:45Le principe de cette technique, c'est de récupérer de la litière dans des forêts
07:49préservées pour ensuite ensemencer des sols agricoles qui, eux, manquent de diversité
07:55microbienne.
07:56On va monter dans les éboulons.
08:12Là, du coup, on est au pied d'un arbre, il y a pas mal d'amont, et puis quand on
08:14va commencer à gratter, on va trouver des amas de feuilles qui sont beaucoup plus claires,
08:20qui sont pleines de mycélium en développement, qui sont en décomposition, et donc c'est
08:27vraiment ça qu'on va aller rechercher.
08:28Ça c'est très très riche, c'est en train de travailler, on sent une odeur très agréable,
08:37et c'est ce qui va être notre inoculum.
08:45Une fois qu'on a sélectionné, ramassé, derrière, on va venir recouvrir de nouveau.
08:49Le but, c'est de préserver aussi l'environnement de la forêt, parce que les micro-organismes,
08:55ils vivent à l'abri de la lumière et surtout dans un endroit très humide, c'est là où
08:59ils se développent le mieux.
09:00L'idée, c'est de les remettre dans les conditions pour qu'ils puissent finir de digérer toute
09:03cette matière organique.
09:04Ici, on récupère le microbiote des sols de forêt, c'est un microbiote sain qui fonctionne
09:16bien.
09:17Les solutions qu'on prépare derrière, elles vont permettre d'enrichir le microbiote des
09:20sols qui sont très appauvris, qui se dégradent d'année en année.
09:23L'intérêt, c'est aussi qu'il y a une dimension très locale.
09:27L'idée, c'est de pouvoir les réutiliser dans les champs qu'il y a dans la région.
09:31Tout le but, c'est de mettre au point des techniques, de diffuser des procédés qui
09:38permettent d'avoir une agriculture plus durable et plus résiliente.
09:41Alors, on va commencer la première partie de la fermentation.
09:57On va garder vraiment que les feuilles en décomposition.
10:00Donc, on va installer maintenant toute la nourriture pour que les micro-organismes puissent
10:09se développer.
10:10Le premier ingrédient, c'est du son de blé, il est issu de farine bio.
10:15Ce son, c'est une source de fibres pour les micro-organismes.
10:19Et puis ensuite, on va rajouter dans la préparation de la mélasse de canne à sucre.
10:24C'est une source de sucre aussi pour la nutrition des micro-organismes et pour leur développement.
10:28À ça, on va rajouter du lactosérum, c'est-à-dire du petit lait, et puis enfin, on va rajouter
10:35un petit peu d'eau.
10:36Et maintenant, on va brasser ce mélange-là.
10:43C'est la première étape de fermentation, qu'on appelle la phase solide, qui va nous
10:50permettre de développer les micro-organismes.
10:53Maintenant, on va fermer le fermenteur et on va placer dessus un petit système qui
11:01permet d'évacuer les gaz issus de la fermentation sans que l'oxygène extérieur puisse rentrer
11:07à l'intérieur.
11:08Enfin, dernière étape, on va installer les fermenteurs dans les tuves à entre 25 et
11:1430 degrés pendant un mois pour laisser le temps aux micro-organismes de se développer
11:18correctement.
11:22Ça, c'est le produit issu de la première phase, et cette partie-là, on va la remettre
11:31dans une cuve avec de la mélasse, du petit lait et aussi des résidus solides issus
11:38des fermentations précédentes.
11:52D'ici 7 jours, une fois que la fermentation sera terminée, on va prélever le produit,
12:00le filtrer pour obtenir le produit final, qui est celui qu'on finit par commercialiser
12:05pour les agriculteurs.
12:06Donc cette solution-là, on va ensuite la diluer en pulvérisation à des dosages entre
12:172 et 10 % suivant l'utilisation voulue.
12:24Biodynamie, permaculture, agroécologie.
12:30La magie de la fermentation multiplie les vertus de l'humus de nos forêts pour redonner
12:37de l'énergie à la terre des nutris de nos champs agricoles et de nos potagers.
12:40Il fallait y penser.
12:43Par ce procédé, les bactéries sont nos alliées.
12:47Elles font un travail précieux, nous promettant des sols fertiles et odorants.
12:51Alors là, je mets un peu de litière sauvage que je vais mettre sur mes plants de vignes,
13:03mes jeunes plants que j'ai plantés il y a 3 ans.
13:05Ça leur donne un petit coup de boost.
13:09Alors on va y faire au pulvérisateur à dos en cuivre parce que ça ne met aucun goût
13:15et ça n'a aucun effet.
13:16Le plastique a absolument des effets pas terribles.
13:20Pour les petites surfaces, je fais avec le pulvérisateur à dos.
13:23Les grandes surfaces sont faites avec le pulvérisateur fait maison qu'on a amélioré et qu'on a
13:30transformé.
13:40Vous voyez, on a eu un cèpe de mort, on l'a remplacé.
13:43Ça permet de les booster quand on plante et puis après, je fais ça pendant 2 ou 3
13:49ans.
13:50Je n'en mets pas beaucoup sur chaque plant.
13:52Ça améliore l'enracinement, c'est ce qu'on a remarqué sur une parcelle où on en a beaucoup.
13:57Et du coup, on y trouve notre compte.
14:01On essaye de favoriser la vie sous le sol, d'avoir un enracinement bien particulier et
14:09bien long.
14:10Et ça nous permet surtout des années comme ça où il fait de plus en plus chaud, de
14:15pouvoir combattre un petit peu la sécheresse par rapport à d'autres modes de culture.
14:20Donc c'est énormément d'observations.
14:24Et j'attache une attention particulière au sol parce que c'est ça qui nous sauvera
14:29dans les années à venir, je pense.
14:32Se concentrer sur les sols pour commencer à réparer ce que nous avons détruit.
14:38Remettre du sauvage là où nous avons tout domestiqué.
14:42Ce serait une partie de la solution.
14:46Mais que faire quand la pollution des terrains est telle que rien ne semble vouloir y pousser?
14:51Comment remettre le végétal sur l'un des 9500 sites français contaminés par l'exploitation
14:59industrielle.
15:00En travaillant à hauteur des microbes, toujours dans le sous-sol des choses visibles, nous
15:10pourrions peut-être défier cette asphyxie.
15:12La diversité des espèces et des modes de vie des microbes du sol leur permettent d'être
15:22en mesure de dégrader un grand nombre de composés.
15:25Et même si aujourd'hui les plastiques et autres hydrocarbures que l'on peut trouver
15:30dans les sols ne sont pas toujours dégradés, on peut espérer que demain on aura les outils
15:37pour les dégrader.
15:38Et d'ailleurs, même dans un sol pollué par des métaux lourds ou des hydrocarbures,
15:43il y a encore des microbes qui sont présents, il y a encore une vie microbienne qui est
15:47capable d'entretenir la fertilité du sol et la production de plantes qui permet à
15:53ces sols d'abriter des végétaux.
15:54Pour aller encore plus loin, une poignée d'entreprises innovantes misent sur les microbes
16:04pour revitaliser des territoires à grande échelle.
16:06En transformant le sale, le déchet, l'indésirable, le microbe a des pouvoirs encore inexplorés.
16:15Il ne s'agit plus seulement de permaculture ou de biodynamie, ici, la bactérie devient
16:22une sorte de super-recycleuse.
16:24Les sols qu'on traite sont considérés comme des déchets en entrant, donc on va
16:31utiliser les bactéries présentes naturellement dans le sol pour venir biodégrader ces polluants.
16:36À l'état naturel, à un sol, il va y avoir des bactéries mais qui vont se développer
16:40très lentement.
16:41On va avoir une action de structuration des sols qui va passer par un travail mécanique
16:49pour que le process se développe beaucoup plus rapidement, donc il va prendre quelques
16:52semaines versus dix ou centaines d'années.
16:55Nous, on est des éleveurs de bactéries, effectivement, on va venir les développer
17:01dans le sol.
17:02En travaillant le sol, en l'oxygénant, quand on a tous ces paramètres-là, on ajoute
17:07aussi des nutriments type compost pour venir activer les bactéries qui sont présentes
17:11dans le sol.
17:12On utilise peu d'énergie pour venir dépolluer ces sols, on n'utilise qu'un aspirateur
17:20d'air et après une action mécanique mais qui reste résiduelle par rapport à la quantité
17:24de sol qu'on traite.
17:25Avec les bactéries, on peut traiter tous les hydrocarbures et dérivés, ça va fonctionner
17:31sur tout type de sol, par contre le biotraitement a quand même des limites sur des choses très
17:34polluées.
17:35Il y a des pourcentages de biodégradation qui sont très bons, mais sur des concentrations
17:39très élevées, il y a quand même une limite comme toute technique.
17:42On ne traite pas les métaux, donc il peut rester de la pollution résiduelle mais qui
17:47est dû finalement aux pollutions inhérentes dans le sol.
17:49Sur les nouveaux types de polluants, il y a des recherches qui sont en cours pour voir
17:53si on peut le faire par biotraitement.
17:54Aujourd'hui, ce n'est pas abouti, mais on est au tout début, on est en cours de réalisation
17:59d'essais.
18:00Les bactéries qui biodégradent les sols, c'est connu depuis le début des années 80,
18:08on était au début les seuls à le faire, donc il y a d'autres personnes concurrentes
18:12qui faisaient d'autres typologies de déchets mais qui se mettent aussi dans ce secteur
18:15d'activité aujourd'hui.
18:16On manque de plus en plus de terres arables, de terres disponibles.
18:21Je pense qu'on a une action plus que positive sur la nature et particulièrement sur les
18:27sols dans ce qui nous concerne.
18:28Ça fait plus de 20 ans et j'en tire toujours autant de bénéfices personnels, c'est hyper
18:35gratifiant.
18:36On se dit qu'on fait quelque chose pour la nature.
18:38Des bactéries pour enrichir la terre, des bactéries pour nettoyer les sols.
18:46Mais elles n'ont pas fini de nous étonner et de nous rendre service.
18:51Comme la nature en est pleine, on les trouve aussi dans l'eau.
18:55Dans l'eau douce, l'eau salée, l'eau glacée, absolument partout.
19:00Il faut penser que dans une pierre à café d'eau océanique, par exemple, il y a entre
19:0610 000 et plusieurs millions de cellules microbiennes.
19:10Cette présence d'ailleurs fait que certaines zones ne sont pas consommables, mais d'un
19:15autre côté, nous avons utilisé cette présence pour nettoyer l'eau.
19:18Dans beaucoup de stations d'épuration, ce sont les microbes de l'eau qui servent à
19:22épurer nos eaux usées.
19:24Avec nos douches, nos machines à laver, nos industries, nous générons des millions de
19:32mètres cubes d'eau usée.
19:33Si nous avons su développer des techniques pour les assainir, puis les réutiliser, c'est
19:39en grande partie grâce aux microbes.
19:40Alors, on est dans un environnement qui est entouré de bactéries.
19:46On est à la station d'épuration de la fissine de la métropole de Lyon, qui a la capacité
19:50de traiter à peu près 90 000 mètres cubes d'eau usée par jour.
19:55Cette eau usée arrive à la station d'épuration chargée de déchets, de matières organiques.
20:01Toute cette matière est éliminée dans des stations, dans des grands bassins qui contiennent
20:07des bactéries.
20:08C'est de l'autre côté de la Manche, au Royaume-Uni, que nous avons découvert le
20:15pouvoir purifiant des bactéries sur les eaux polluées.
20:18Nous étions en 1914.
20:20On est loin d'imaginer à quel point cela a changé nos vies.
20:24Un siècle plus tard, non seulement les stations d'épuration assurent la salubrité et la
20:33potabilité de notre eau, mais elles sont d'immenses laboratoires d'études.
20:36Elles ont permis de nouvelles découvertes.
20:42Ainsi, dans nos eaux sales, certains microbes fabriqueraient de l'électricité.
20:47Certaines souches bactériennes vont s'alimenter de la matière organique.
20:54En lui arrachant des électrons, on s'est intéressé à la possibilité de récupérer
20:58ces électrons pour produire de l'énergie électrique directement à partir de la matière
21:03organique qui est présente dans les eaux usées et les bactéries qui sont également
21:06présentes dans les eaux usées.
21:07Ce qui permet de capter ces électrons, c'est une sorte de déviation des électrons qu'on
21:20va pouvoir obtenir avec des électrodes.
21:24Toutes les piles fonctionnent selon ce principe-là.
21:27On arrive à récupérer ce mouvement d'électrons, ce courant qui peut être exploité dans la
21:32production d'énergie électrique.
21:33Ça, c'est les eaux brutes qu'on a récupérées de la station d'épuration ce matin, donc
21:42on va utiliser ces eaux brutes pour lancer une biopile.
21:46On va remplir la biopile avec les eaux brutes et dans la biopile, on va immerger un matériau
21:55conducteur.
21:56Ce matériau conducteur va être au contact des bactéries de la matière organique qui
22:02est présente dans les eaux usées.
22:03Les bactéries vont coloniser spontanément ce matériau, vont former une sorte de biofilm
22:09tel que ce qu'on voit ici à l'écran.
22:12Ça va prendre deux semaines pour développer complètement le biofilm et arriver à la
22:18maturation.
22:19Le biofilm va commencer à oxyder la matière organique et transférer les électrons à
22:24travers le circuit électrique externe.
22:25Dans le traitement biologique classiquement utilisé dans la station d'épuration, on
22:34est obligé d'aérer les bassins de traitement pour apporter l'oxygène nécessaire à la
22:40respiration des bactéries.
22:42Ce procédé d'aération est très énergivore.
22:45En utilisant des biopiles dans la production d'énergie électrique, on va forcément réduire
22:52les coûts en énergie, les coûts de traitement, afin de réduire l'impact écologique des
22:58procédés de traitement des eaux usées.
23:00Donc là, vous avez une architecture classique d'une biopile, mais dès qu'il s'agit
23:05de transférer cette technologie à une plus grande échelle, dans des stations d'épuration
23:10pour le traitement, il faut passer à une architecture de réacteurs.
23:14A l'intérieur de ce réacteur, qui est rempli d'eau usée, il y a des électrodes, des matériaux
23:19conducteurs qui permettent d'alimenter en électricité ce petit moteur électrique.
23:24Par contre, c'est le coût de ces matériaux qui fait qu'aujourd'hui, il est difficile
23:32de transférer cette technologie à plus grande échelle.
23:35Et c'est pourquoi on travaille sur l'utilisation d'autres matériaux moins coûteux, notamment
23:41le biochar, qui résulte de la pyrolyse de ce morceau de bois, c'est-à-dire qu'on
23:48peut imaginer dans le futur, avec des copeaux de bois, des eaux usées, produire directement
23:55de l'énergie électrique.
23:56À l'étudier de plus près, le biochar a les qualités d'un aimant, un aimant à bactéries,
24:06une éponge à microbes.
24:07Matériau vertueux, il permet de valoriser des déchets forestiers ou agricoles.
24:16Et s'il servait aussi à refertiliser les sols.
24:23Alors, on ne pourrait plus s'en passer.
24:27Ce serait une aubaine pour les agriculteurs qui ont envie de changer leur pratique.
24:33C'est donc ça l'engin alors ?
24:46Oui, ça c'est un four à biochar à ciel ouvert, qui a été développé par un institut
24:54suisse, l'institut Itaca.
24:55Au début, il y a une combustion qui s'opère dans le fond du four.
24:59Au fur et à mesure, on rajoute de la biomasse.
25:01Donc là, on met des écorces pour lancer le feu, mais dans le fond du four, il y a un
25:07phénomène de pyrolyse qui va se créer, une combustion sans oxygène.
25:11Et donc, on va avoir le biochar, le charbon qui va se créer.
25:15Et à la fin, on aura l'équivalent du cône en biochar.
25:18L'intérêt du biochar, c'est déjà de contribuer à améliorer la porosité du sol parce que
25:28c'est un matériel qui est très poreux.
25:30Ça améliore la rétention en eau du sol et ce qu'on appelle la capacité d'échange
25:35cationique, donc les échanges d'ions dans le sol.
25:38En fait, c'est un milieu qui est très favorable du fait de sa porosité à l'installation
25:42des micro-organismes.
25:43Ça, tu vois, c'est ce qu'on va obtenir à la fin.
25:51Le but, c'est d'avoir une texture bien plus fine, donc en le broyant.
25:55Donc en fait, c'est du charbon, ni plus ni moins.
25:58Le but, c'est de le charger avant avec une solution riche en micro-organismes ou avec
26:02du fumier ou avec du lisier, histoire qu'il soit déjà chargé en eau et en nutriments
26:08pour ne pas pomper ce qu'il y a déjà dans le sol.
26:10On pourrait les pendre en même temps que le compost.
26:13En fait, l'idéal, c'est de le mélanger à du compost, par exemple.
26:18Qu'est-ce qui irait le mieux comme essence d'arbre ou comme nous, les sept morts ?
26:22Est-ce que ça irait ?
26:22Tout ce qui est déjà riche en carbone, c'est parfait.
26:25Bah carrément, parce qu'au lieu de les faire juste brûler, autant s'en resservir.
26:30C'est réfléchir.
26:38Je boirai tant de vin, quand on m'enterrera, son parfum dans le sol
26:43encore s'imprégnera.
26:44Et si quelques buveurs viennent marcher sur ma tombe, il s'en enivrera.
26:52Ainsi parlait Omar Khayyam, poète perse, au XIIe siècle.
26:56C'était un grand amateur de vin, cette boisson fermentée venue de Mésopotamie,
27:01mais aussi du Caucase.
27:02Certaines traces d'aliments fermentés remontent bien plus loin encore dans notre histoire.
27:09Ce serait un procédé qui aurait plus de 10 000 ans.
27:13Et qui dit fermentation, dit vie microbienne.
27:18Le café, les olives plongées dans la saumure, les levures de pain, les fromages,
27:25jusqu'aux yaourts que nous donnons à nos enfants.
27:32Ces fermentations jouent plusieurs rôles.
27:35Elles aident à prédigérer l'aliment ou à le détoxifier.
27:39Il faut bien comprendre que certains aliments sont ou étaient toxiques.
27:42Autrefois, nos ancêtres ne digéraient pas le lactose.
27:45Et sans faire de fromage, ils étaient incapables d'avoir accès au lait.
27:48Ça a changé parce que maintenant on digère le lactose.
27:50De même, d'ailleurs, sur le pain, il y avait des phytates dans les céréales d'autrefois
27:54qui étaient complètement inconsommables et qui sont détruits par le levain.
27:58Non seulement ils détoxifient, mais en plus ils protègent contre les microbes indésirables.
28:03En fait, culturellement, nous avons convoqué des microbes pour améliorer nos aliments
28:07de façon différente d'une population à l'autre, mais dans toutes les populations.
28:11Et ce qui est extraordinaire, c'est que notre évolution culturelle,
28:13elle a retrouvé des traits de notre évolution biologique.
28:17Car aider à digérer, protéger, détoxifier, faire des vitamines,
28:23ce sont les fonctions de notre microbiote intestinal.
28:27Rien moins que ça.
28:31Hier, on l'appelait la flore intestinale.
28:35C'est devenu le microbiote.
28:37Un terme plus scientifique, mais qui dit bien ce qu'il veut dire.
28:41Une sorte d'élevage de microbes qui tissent à l'intérieur de notre organisme un maillage vital.
28:49Tout au long de notre tube digestif, ils assurent le bon équilibre,
28:54savent éliminer, recycler ce qui est bon et ce qui l'est moins pour notre santé.
29:01Se laver les dents, c'est s'occuper de son microbiote.
29:07Ces microbiotes, d'abord ils nous protègent des microbes indésirables, mais il y a plus.
29:12Les molécules qu'ils émettent, elles nous aident à nous développer lorsque nous sommes jeunes
29:16et elles régulent notre système immunitaire.
29:18Et d'ailleurs, aujourd'hui, des pratiques d'hygiène trop poussées,
29:22je pense par exemple à des antibiotérapies,
29:24au fait qu'on mange des produits qui contiennent des conservateurs,
29:27des émulsifiants ou des colorants qui ne sont pas bons pour les espèces du microbiote.
29:31Tout cela déclenche des maladies, des maladies du métabolisme,
29:34des maladies du système immunitaire, asthme, allergie ou maladies auto-immunes
29:38comme la maladie de Crohn ou la sclérose en plaques.
29:45Une santé altérée par nos réflexes hygiénistes,
29:47héritée justement de la découverte des bactéries et des microbes à la fin du XIXe siècle.
29:55Par peur du microbe, nous avons aseptisé notre environnement,
29:59nos modes de consommation, nos traditions culinaires
30:02et donc notre tube digestif.
30:07Tout est lié,
30:09au point que notre flore protectrice ne fait plus son travail.
30:15Replonger dans ce précieux patrimoine microbien et intime,
30:19c'est ouvrir de nouvelles pistes pour la recherche médicale.
30:23L'altération du microbiote intestinal est mesurée chez 25% de la population mondiale.
30:28Donc la réparation du microbiote intestinal, c'est un problème sociétal.
30:33Le microbiote intestinal est effectivement un organe découvert il y a peu de temps finalement,
30:38qui est constitué d'environ 250 espèces bactériennes mais surtout de 600 000 gènes.
30:43Et ce qu'on étudie justement, c'est l'impact de ces gènes en santé humaine.
30:47Notre objectif, c'est d'améliorer la survie des patients en oncologie,
30:50de limiter les complications, de limiter les maladies chroniques à terme,
30:54d'améliorer le profil métabolique du patient et donc la reprise de poids après des chimiothérapies.
31:03Ici, on a affaire à un patient qui a été diagnostiqué avec une leucémie
31:07et qui va recevoir des chimiothérapies,
31:10et qui va recevoir des médicaments,
31:13et qui va recevoir des chimiothérapies qui vont altérer fortement le microbiote intestinal
31:17et également des antibiotiques qui rajoutent encore une couche d'altération.
31:20Son microbiote comporte beaucoup d'espèces, entre 200 et 250,
31:24ce qui correspond à un microbiote normal.
31:26Et ce patient va recevoir des chimiothérapies et des antibiotérapies.
31:29Après cette séquence chimio-antibio, on a une simplification du microbiote
31:34qui va jusqu'à l'extrême, puisque là on n'a plus qu'une seule espèce bactérienne présente.
31:38Et avec notre médicament, on va venir reconstruire le microbiote intestinal du patient.
31:43Et là, on voit qu'on a restauré exactement le microbiote tel qu'il était au départ.
31:48En moyenne, on a reconstruit 95% de similarités par rapport au microbiote tel qu'il était au moment du diagnostic.
31:57En fonction des produits qu'on développe, les microbiotes viennent de dons d'individus,
32:01donc de dons de sel, dont on va extraire le microbiote intestinal.
32:05On a un produit, je dirais, produit par le corps humain et qui est un produit biologique.
32:10Donc on se différencie vraiment très fort des molécules chimiques, ça c'est le premier élément.
32:14Ensuite, il n'y a pas de résistance de la part des patients, et ça c'est important de le signaler.
32:19Mais il y a vraiment une adoption des produits microbiote,
32:22principalement de tout ce qui tourne autour du transfert de microbiote fécaux.
32:25Et ça, c'est le premier élément.
32:26Ensuite, il n'y a pas de résistance de la part des patients, et ça c'est important de le signaler.
32:29Mais il y a vraiment une adoption des produits microbiote,
32:32principalement de tout ce qui tourne autour du transfert de microbiote fécal, dans beaucoup de pathologies.
32:37Les freins qui restent à lever maintenant, c'est de convaincre les réglementaires d'aller jusqu'au bout,
32:41c'est-à-dire l'autorisation commerciale, puisque c'est une science assez nouvelle, ça devrait se débloquer.
32:50Il y a vraiment beaucoup d'espoir, peut-être que ça va prendre des années,
32:53mais la science du microbiote, de ce point de vue-là, va beaucoup aider le mieux vieillir
32:57et le traitement d'un certain nombre de pathologies qu'on ne sait pas traiter aujourd'hui.
33:03On s'est focalisés là sur le microbiote intestinal, mais il y a des microbiotes partout.
33:07Il y a des microbiotes dans un verre de lait, il y a des microbiotes dans une plante, il y a des microbiotes partout.
33:12Et chaque élément de ce microbiote, qui peut être un virus, qui peut être une bactérie,
33:16qui peut être un champignon, une levure, a un rôle à jouer, en fait.
33:20Et tout ça, en fait, est un champ qui est en train d'émerger.
33:23Le point commun de tout ça, c'est justement ces moyens informatiques qui permettent de séquencer,
33:27de comprendre, rendre visible ce monde de l'invisible.
33:30Et le champ d'application est extrêmement large.
33:39Un concentré de vie, et potentiellement un médicament naturel à portée de main, puisqu'il est partout.
33:49La recherche scientifique commence à peine à mesurer l'immense potentiel de ce monde invisible
33:53que nous avons si longtemps combattu.
33:55Ce serait pourtant l'un de nos plus grands alliés pour recréer de la biodiversité.
34:01D'autant qu'il n'y a pas plus combatif, plus résistant et plus adaptable que le microbe.
34:08Les milieux qu'ont colonisés ces organismes, les ont adaptés à des températures très froides,
34:12comme la surface de la glace, très chaudes, comme des geysers, par exemple.
34:16Ou encore, des milieux extrêmement sables, comme l'eau,
34:21ou encore des milieux extrêmement salés, ou des milieux extrêmement acides.
34:27Pensez par exemple que la rouille, ce sont des bactéries qui sont en train de faire réagir le fer et l'oxygène de l'air
34:35pour tirer l'énergie qui leur permet de fabriquer des sucres.
34:38La rouille, c'est vivant.
34:44Des milliards d'années d'évolution ont permis aux microbes de s'adapter à des milieux très variés.
34:49Et qui nous paraissent aujourd'hui invivables.
34:56Jusqu'à plonger dans les entrailles de la Terre.
34:59Sur ce terrain a priori hostile et minéral, la vie bactérienne est presque visible à l'œil nu.
35:05Il suffit de savoir regarder.
35:10Alors voilà, on est ici dans une galerie creusée par les Romains qui cherchaient des eaux chaudes.
35:15Dans cette galerie qui est creusée dans du gravier, presque comme en Bretagne,
35:20on pourrait penser qu'il n'y a absolument pas de vie, à part quelques chauves-souris,
35:25parce qu'il n'y a pas de lumière, il n'y aurait rien à manger.
35:28Ce qu'on va voir, c'est qu'il y a, contrairement aux apparences, beaucoup de vies microbiennes,
35:34des unicellulaires, des microbes, qu'on évidemment ne verra pas à l'œil nu,
35:38mais comme ils sont colorés et qu'ils vivent très nombreux,
35:41on aura la chance de voir leur colonie colorée.
35:51Alors, tout ce qui est coloréant, rouge, jaune et tout ça, c'est dû à des bactéries.
35:57Une bactérie, comme tous les êtres vivants, a besoin, entre guillemets, de se nourrir ou d'avoir de l'énergie.
36:02Dans une grotte, il n'y a rien à manger et il n'y a pas de lumière pour faire la photosynthèse.
36:06Comment vivent les bactéries ?
36:08Il y a une autre façon de produire de la nourriture et de l'énergie que la lumière.
36:13C'est ce qu'on appelle la chimiosynthèse.
36:16Ce sont des réactions chimiques.
36:18Et ici, on va pouvoir voir trois types de réactions chimiques
36:21qui permettent à des bactéries de tirer leur énergie et de croître et de multiplier.
36:27Alors, si je m'avance un tout petit peu,
36:31en essayant de ne pas me cogner la tête,
36:33je vois que la paroi, ici, est pleine de petites aiguilles,
36:42plein de petites arborescences.
36:45C'est du sulfate de calcium.
36:47Quand on est arrivé ici, on a remarqué que ça sentait un peu l'œuf pourri, l'hydrogène sulfuré.
36:53Eh bien, des bactéries prennent cet hydrogène sulfuré,
36:56l'oxydent avec l'oxygène de l'air, en tirent de l'énergie
36:59et ça fait ces petites arborescences que l'on voit sur la paroi.
37:03On voit également des teintes jaunes pâles, un peu comme une crème à la vanille.
37:08Là, c'est qu'il y a un tout petit peu de chrome dans les eaux qui écoulent ici.
37:11L'oxydation du chrome donne de l'énergie et des bactéries, d'autres évidemment,
37:15font ces petits dépôts jaunes.
37:18Et puis, on voit un peu partout, en particulier dans la rigole qui sort de la source ici,
37:23là-bas, on voit des traînées rouille foncée.
37:26Ces traînées rouille foncée, c'est du fer, de la rouille.
37:29Des bactéries ont oxydé ce fer soluble, l'ont transformé en fer rouille
37:34et ça tire de l'énergie, elles utilisent cette énergie pour croître et multiplier.
37:45Voilà, là, on sort de la grotte.
37:46Normalement, on serait venu il y a 2000 ans, on aurait été toujours dans la galerie romaine,
37:50mais il y a eu un tremblement de terre au Moyen-Âge et la galerie s'est effondrée.
37:53Ce qui fait que maintenant, la lumière arrive dans cette partie de la galerie romaine.
37:57Et donc, il y a une compétition entre les deux mécanismes possibles,
38:01la photosynthèse, puisqu'il y a de la lumière,
38:03et la chimiosynthèse, parce qu'il y a toujours de l'eau ferrogineuse et sulfureuse.
38:07Et si on regarde ici, par endroits, c'est tout rouge, rouille plutôt,
38:12parce qu'il y a tellement de fer dans l'eau, que malgré la présence de lumière,
38:16pour certaines bactéries, elles poussent mieux que les bactéries photosynthétiques
38:21et c'est pour ça que c'est tout rouilleux.
38:24À côté, à un centimètre ou deux, il n'y a pas d'eau qui coule,
38:27donc il y a moins de fer qui arrive et la photosynthèse est plus rentable, plus efficace.
38:32Les bactéries photosynthétiques se mettent en place
38:35et vous avez le verre émeraude, on va dire, des cyanobactéries.
38:39Donc une compétition entre deux mécanismes, la photosynthèse, qui fait des couleurs vertes,
38:44et la chimiosynthèse, qui fait des couleurs rouilles.
38:47La lutte pour la vie, ici.
38:50Donc vous voyez que des bactéries, il y en a partout.
38:53Si elles n'avaient pas ces couleurs ou ces manifestations cristallines, on ne les verrait pas.
38:57Quand vous vous promenez en montagne, sur toutes les parois, il y en a partout.
39:01On est environné de milliards de milliards de milliards de bactéries, partout,
39:05mais on ne les voit pas, on est dans un monde de bactéries et on l'ignore complètement.
39:14Pour entrevoir les mystérieuses étapes de notre expérience,
39:17pour entrevoir les mystérieuses étapes de notre évolution bactérienne,
39:20il ne faut pas hésiter à plonger plus profond encore.
39:29Aller chercher des réponses sous la surface des choses connues.
39:35Les volcans nous ont laissé tant de traces,
39:37tant de témoignages géologiques des origines,
39:40que nous n'avons pas fini de les interroger.
39:47On est ici en bateau sur le plus jeune des volcans d'Auvergne,
39:52qui n'a que, aux incertitudes de mesure près, que 6900 ans.
39:56C'est un cratère volcanique, un cratère d'explosion,
39:58qui a fait ce trou de 92 mètres de profondeur et 700 mètres de diamètre.
40:03Ce trou s'est progressivement rempli d'eau et ça, on aurait pu rester là.
40:09Le problème, qui n'est pas un problème, c'est pour ça qu'on est venus,
40:12c'est que les eaux du fond ne se mélangent pas aux eaux de surface.
40:16Dans la cordinaire, les eaux du fond se mélangent avec l'eau de surface à chaque intersaison.
40:20Celui-là, parce que la géométrie, parce que les eaux du fond sont riches en CO2 et en matière organique,
40:26ça ne se mélange pas.
40:27Et les 30 derniers mètres sont totalement isolés du reste du monde
40:32et donc il se développe des bactéries extraordinaires.
40:35Oui, alors ce n'est pas vraiment complètement isolé.
40:38Le fond n'est pas complètement isolé de la surface.
40:40Mais il est vrai qu'on ne mélange que les 60 premiers mètres.
40:45On n'emporte de l'oxygène que dans les 60 premiers mètres.
40:48Et entre 60 et 92 mètres, la profondeur maximale, on n'a pas ce processus de mélange.
40:52Et donc on a une zone qui est privée d'oxygène en permanence
40:56et qui permet quand même le développement d'une vie foisonnante
40:59avec dans une petite goutte d'eau à peu près 10 millions de micro-organismes qui se développent,
41:04bien plus en fait que dans la zone supérieure.
41:07Et ces conditions-là, c'est les conditions qu'on trouvait dans les océans il y a très très longtemps,
41:11c'est-à-dire au moment de l'apparition de la vie sur Terre.
41:14Cette zone profonde fait que le lac Pavin, en tout cas la zone profonde du lac Pavin,
41:17est ce qu'on appelle un analogue des océans primitifs.
41:20Et les océans actuels ne correspondent plus du tout à ces caractéristiques.
41:23Et donc quand on veut étudier des processus très anciens à l'origine de la vie,
41:27cette zone peut permettre d'étudier des choses qui ont créé à ce type de recherche.
41:45On va descendre la bouteille ouverte dans les zones profondes du Pavin,
41:49donc en dessous de 60 mètres.
41:58Lorsqu'on arrive à la profondeur désirée, on va lancer ce petit messager,
42:03c'est un poids qui va venir appuyer sur un petit piston sur la bouteille
42:06et emprisonner l'eau de la profondeur rouge.
42:14Musique douce
42:23C'est bon ? Tu fais une brassette 30 et je te remplace.
42:39Donc là on va avoir quelques litres,
42:41donc dans la bouteille on aura plusieurs milliards de cellules.
42:48Alors là on voit qu'il y a beaucoup de gaz qui s'échappe.
42:52On va trouver par exemple du CO2, du dioxyde de carbone, on va trouver du méthane,
42:57on va trouver de l'azote et puis on va trouver un petit peu d'hydrogène sulfuré.
43:01C'est ce qui donne d'ailleurs l'odeur d'œuf pourri un petit peu à l'eau.
43:05Et ce méthane en particulier, il n'y a qu'un certain nombre de micro-organismes
43:09qui sont capables de le produire, ce sont les arché-méthanogènes.
43:12Et très probablement que ces arché-méthanogènes ont été un des premiers groupes d'organismes
43:17à avoir une activité sur la terre primitive.
43:22Dans la zone profonde du pavin, il fait une température de 4 degrés,
43:25l'ordre de grandeur de température d'un frigo.
43:28Il n'y a pas d'oxygène et donc dans ces conditions complètement incompatibles
43:32pour les animaux ou d'autres organismes vivants,
43:35ne se développent que des micro-organismes qu'on peut donc qualifier d'extrémophiles par rapport à nous.
43:40Mais par contre, ces micro-organismes sont capables de faire des choses
43:43qui peuvent servir à plein d'applications,
43:47que ce soit des applications dans les biotechnologies ou dans les industries,
43:50que ce soit des applications en cosmétique, en pharmacologie, dans l'alimentaire.
43:54Et on va donc pouvoir utiliser un certain nombre de produits à haute valeur ajoutée
43:59qu'on ne pourrait produire sinon que par de la chimie de synthèse.
44:02À l'heure actuelle, ce qui est incroyable, c'est que ces micro-organismes sont encore un large champ de découverte.
44:07C'est probablement une des plus grosses boîtes noires de la recherche
44:11où on n'a encore qu'une toute petite idée de leur potentialité.
44:14On peut chercher à la fois les origines de la vie,
44:16essayer de comprendre les mécanismes qui ont permis l'apparition de la vie
44:19et d'un autre côté avoir des applications qui sont très actuelles
44:22dans des industries de pointe ou dans des biotechnologies.
44:25Il y a quelque chose de magique chez nos amis les microbes
44:28qui nous renvoie aux origines du monde vivant,
44:31tout en nous offrant des solutions pour réparer, anticiper,
44:34repeupler des écosystèmes abîmés ou appauvris.
44:41Une solution d'avenir puisée dans la nuit des temps.
44:45Ce n'est pas de la science-fiction, juste de la biologie intelligente.
44:56Ici, on est dans notre laboratoire de microbiologie.
44:59C'est ici qu'on fait les cultures dans les conditions des environnements extrêmes
45:03d'où ont été extraits les organismes.
45:05Par exemple, ici, on va avoir une étuve éclairée qui est réglée à 29 degrés.
45:11Dans ces conditions-là, on essaie de faire pousser
45:14notamment des organismes photosynthétiques,
45:17comme ce que vous voyez ici en vert,
45:19mais on va aussi essayer de cultiver d'autres types d'organismes
45:22qui poussent en absence d'oxygène.
45:27On a aussi d'autres types d'environnements qui sont reproduits ici.
45:30Donc, on va avoir des étuves qui vont aller de température
45:34allant de 70 degrés jusqu'à 105 degrés.
45:39On travaille aussi sous pression hydrostatique,
45:41donc on va monter jusqu'à 1 500 bar,
45:431 500 fois la pression atmosphérique,
45:46et on peut monter en température jusqu'à 100 degrés.
45:49Donc, les limites actuelles de la vie, elles sont à 122 degrés
45:52et à peu près un millier de fois la pression atmosphérique.
45:55Et donc, on peut largement dépasser ces conditions maximales de la vie.
46:00À partir du moment où on a prélevé l'échantillon,
46:02donc si on a de la chance, on arrive à cultiver des organismes
46:05et on va pouvoir les étudier sur toutes les coutures.
46:07Ça nous permet de comprendre comment ils fonctionnent.
46:09Donc, ça, c'est notre travail ici au laboratoire.
46:12On a aussi des études qui vont aller de température
46:15Le potentiel des extrémophiles en termes de biotechnologie,
46:18il est très bien illustré par la crise du Covid.
46:21Personne parmi nous n'a pu échapper à faire un test PCR.
46:24Et l'enzyme qu'on utilise pour faire ces tests PCR,
46:27c'est une extrémosime,
46:29c'est-à-dire une enzyme extraite d'un extrémophile.
46:33Donc, ces applications, dans ce que nous faisons ici au laboratoire,
46:36sont plutôt des applications de captation des métaux.
46:39Donc, on prend des métaux,
46:41Donc, on a de l'or, on a beaucoup de métaux comme ça.
46:44Et donc, éviter de les relarguer et pouvoir les recycler
46:47est une application sur le long terme qui serait importante.
46:51Donc, on a un potentiel biotechnologique
46:53qui est vraiment très important avec ces organismes-là
46:56parce qu'ils permettent de faire des réactions nouvelles,
47:00plus faciles que ce que ferait la chimie,
47:02plus efficaces que ce que ferait l'oxygène.
47:04Donc, on a un potentiel biotechnologique
47:06qui est vraiment très important avec ces organismes-là
47:09plus faciles que ce que ferait la chimie.
47:11Donc, on va tendre vers une biotechnologie verte.
47:16On a très peu de ces organismes-là en culture.
47:18Il y en a une grosse partie qu'on ne peut pas cultiver.
47:21Donc, ça, c'est aussi un autre pan de recherche
47:23qui permettra un jour peut-être d'accéder
47:25à de nouvelles applications biotechnologiques
47:28ou à révolutionner la façon dont on imagine la vie sur Terre.
47:36Les microbes au chevet de l'humanité,
47:38quelle ironie !
47:42Il faut bien le reconnaître,
47:44nous étions loin d'imaginer à quel point ce monde minuscule,
47:47fait de bactéries, de virus,
47:49de champignons aux aspects quelquefois rebutants,
47:51nous était vital.
47:56Il l'est encore plus aujourd'hui
47:58que nous avons trop longtemps voulu l'éradiquer.
48:04Heureusement pour nous,
48:06les microbes ont su résister.
48:11Heureusement pour eux,
48:13il existe encore des endroits où les êtres humains
48:15n'aiment pas ou ne peuvent pas vivre
48:17et qu'ils ont investi depuis des millénaires
48:19pour se reproduire.
48:24Ce sont les laboratoires de demain.
48:27À nous de mieux les traiter,
48:29avec considération et pourquoi pas,
48:31avec gratitude.
48:36Les microbes ont façonné la Terre.
48:38Leur évolution, qui a commencé
48:40bien avant celle des grands organismes,
48:42a construit l'atmosphère.
48:44Et ils ont fait le climat tel qu'il existait
48:46avant que l'homme n'occupe la Terre.
48:48Ils ont aussi contribué à altérer les roches
48:50et à en libérer la fertilité.
48:52Au total, ils ont fait le monde où nous sommes
48:54et ils nous ont fait parce que finalement,
48:56nos organismes ont fait la Terre.
48:58Ils ont fait le monde où nous sommes
49:00et ils nous ont fait parce que finalement,
49:02nos organismes ont fait la Terre.
49:04Ils ont fait le monde où nous sommes
49:06et ils nous ont fait parce que finalement,
49:08nos ancêtres étaient des microbes.
49:10Quand nos ancêtres multicellulaires massifs
49:12sont apparus,
49:14les microbes les ont colonisés
49:16sous forme de microbiotes
49:18et ils les habitent et construisent aujourd'hui.
49:20On a cette possibilité de récupérer
49:22des milliards d'années
49:24d'évolution et d'optimisation
49:26de mécanismes en allant chercher
49:28ce que les microbes savent faire.
49:30Demain, nous avons encore
49:32beaucoup de choses à en apprendre
49:34et nous devons d'abord conserver
49:36cette biodiversité pour nos enfants
49:38et nous devons surtout continuer la recherche.
49:40Il y a là la promesse
49:42d'améliorer le sort de l'humanité
49:44grâce à des microbes.
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