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Ce documentaire nous dévoile les coulisses des plus grandes réformes de société initiées par les Présidents de la 5eme République. De la pilule sous le Général de Gaulle à la PMA avec Emmanuel Macron en passant par l'IVG sous Giscard, la peine de mort sous Mitterrand, le PACS avec Jospin sous Chirac et le mariage pour tous sous Hollande, tous ont souhaité changer la vie des Français, avec l'espoir non dissimulé de laisser leur empreinte dans l'Histoire. Au travers d'archives rares et d'intervenants politiques de premier plan, dont Nicolas Sarkozy et François Hollande, le film nous plonge dans les secrets de chaque Président et nous dévoile lesquels ont agi par conviction, par simple opportunisme, voir contre leur gré...
Un documentaire passionnant, porté par Michèle Cotta et Patrice Duhamel, qui met en perspective les grands débats qui ont marqué la société française. . Année de Production : 2023

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Transcription
00:00Pour être élu, il faut une énergie folle, il faut une confiance folle, il faut foncer
00:15droit devant, il faut partir à fond et accélérer.
00:19Tout président, au moment où il accède à cette responsabilité, est enfermé.
00:27Il faut du calme, il faut beaucoup de sang froid, beaucoup d'outil pour éviter de se
00:37prendre un mur.
00:38Mais il y a une très grande contradiction dans la société française, nous voulons
00:43un président qui puisse être au sommet, décider de notre destin commun et nous le
00:51voulons accessible.
00:52Comment réussir cette conjugaison ? C'est la cinquième république.
00:57Mettre le président fait partie de la famille des gens qui vous aiment ou qui ne vous aiment
01:02pas.
01:03Et donc, il faut être prêt à payer le prix.
01:13Ils n'ont pas demandé à naître ces enfants, pourtant les voilà qui font leur entrée
01:30en ce monde.
01:31Comment, à leur naissance, les promettre déjà à un avenir digne d'eux, dans un monde
01:37prêt à les accueillir ?
01:38De la pilule à la PMA, les réformes de société ont rythmé l'histoire de la cinquième république.
01:47Chacun des huit présidents a voulu ainsi laisser sa trace, une manière pour eux de
01:54changer la vie des français.
01:56Sous De Gaulle, un député gaulliste de la première heure, Lucien Nevirth, convainc
02:05le général, pourtant très réticent, d'autoriser la pilule.
02:09La contraception empêche le train de partir, alors que l'avortement le fait dérailler.
02:15L'influence de Lucien Nevirth est tout à fait considérable, parce qu'il va casser
02:20un certain nombre de choses dans la famille gaulliste et le général était sans doute
02:25très réticent au départ.
02:27Lucien Nevirth aura une alliée inattendue, Yvonne de Gaulle, la propre femme du général.
02:34Je me vois encore monter l'escalier, il y avait un escalier au milieu de la cour du
02:40lycée et on se communiquait le fait qu'il allait y avoir la pilule et c'était enfin
02:49quelque chose qui bougeait dans les tréfonds, y compris pour des lycéens boutonneux.
02:54Une nouvelle manifestation organisée pour protester contre la fermeture de la Sorbonne
03:01et les arrestations groupent 20 000 étudiants.
03:04En 1968, les ressorts du mouvement n'étaient pas sur le social, c'était vraiment sur
03:10le sociétal.
03:11Les jeunes qui en avaient assez d'être dans cette société corsetée, dans laquelle
03:16les garçons ne pouvaient pas fréquenter les filles, les filles ne pouvaient pas fréquenter
03:18les garçons, on était sur des histoires d'un autre âge, on voulait passer à autre
03:25chose.
03:26Le gaullisme, c'était une grande période, c'était un grand horizon, c'était une
03:32grande perspective, mais il fallait un peu ouvrir quelques fenêtres.
03:36De gros efforts ont été faits en matière de contraception et les femmes maintenant
03:43disposent de trois moyens anticonceptionnels, le stérilet, le diaphragme et la pilule.
03:48C'est formidable !
03:57Je rentre dans ce qu'on appelle les appartements, mais c'est quand même une façon de couper
04:05avec le bureau.
04:06Je crois que c'est mieux d'avoir mis les deux petits polyacophes là, tu vois ?
04:11C'est mieux en harmonie, je trouve, oui.
04:16Quelques mois après son arrivée à l'Elysée, le président Pompidou doit réagir à un
04:23drame qui bouleverse la société française, l'affaire Gabrielle Russier.
04:28Les amours d'un étudiant et de son professeur scandalisent Aix-en-Provence.
04:32La justice s'en mêle et le cycle plainte, procès, prison commence pour Gabrielle Russier.
04:38Gabrielle Russier qui a fini par se suicider.
04:42Monsieur le Président, vous-même, qu'avez-vous pensé de ce fait divers qui pose, je crois,
04:46des problèmes de fond ?
04:47Je ne vous dirai pas tout ce que j'ai pensé sur cette affaire,
04:56ni même ce que j'ai fait.
05:03Ce qu'il a fait ? Discrètement, il a demandé à l'Education nationale de ne pas sanctionner
05:08Gabrielle Russier.
05:09Mais la justice s'est montrée implacable.
05:13Quant à ce que j'ai ressenti, comme beaucoup,
05:23comprennent qui voudra, moi, mon remord, ce fut la victime raisonnable au regard d'enfants perdus.
05:32Celles qui ressemblent aux morts, qui sont mortes pour être aimées. C'est de l'éluard.
05:37Cette histoire a été aussi, pour la société française, de dire qu'il faut sortir de tous ces conformismes.
05:45La société était restée compassée, donc nous avions toujours l'impression d'être dirigés par des vieux messieurs.
05:52Surtout toutes ces troupes qui suivaient et qui étaient tellement réactionnaires.
06:00La vérité, c'est que toutes les femmes avortées, y compris les femmes de députés et les maîtresses des ministres
06:06et tout le monde, ne le disent pas.
06:09Pour la plupart des femmes dans ce pays, il y avait le sentiment que c'était pas à tous ces vieux grincheux de décider à leur place.
06:17On avait besoin que la société s'ouvre.
06:20Je vous garantis qu'il y aura un changement.
06:31C'était quand même une autre image que M. Pompidou.
06:37Giscard, servant Schreiber, c'était l'express, c'était ouvrir les fenêtres.
06:42Giscard était un être complexe.
06:45C'était quelqu'un qui avait en lui une pente absolument conservatrice, par moments,
06:52et dans d'autres moments, une sensibilité des antennes qui le mettaient au contact de ce qu'il y avait de plus progressiste, notamment chez les femmes.
07:04Il y a avec Giscard le souhait de lircer la société civile et s'exprimer.
07:10Et là, on sent qu'il y a quelque chose qui est, je pense, un peu nouveau dans la vie politique.
07:17Le jour de son investiture, pour imprimer sa marque, le président de la République arrive à pied à l'Élysée.
07:38Le nouveau président de la République est jeune, dynamique, réformateur.
07:43Il veut dépoussiérer la fonction présidentielle.
07:47C'était une chape de plomb qui se soulevait.
07:50Ça a permis des réformes de société qui sont venues après.
07:54D'une certaine façon, l'IVG vient de là, et aussi peut-être d'autres réformes sur les mœurs.
08:01Je voudrais vous dire un mot maintenant de notre effort de réforme.
08:06Depuis que je vous parlais au dernier coin du feu, et je m'aperçois d'ailleurs que la dernière bûche est éteinte,
08:14le gouvernement a entrepris trois réformes d'une portée considérable.
08:20Giscard était structurellement réformateur.
08:23Donc on n'engageait pas un dialogue avec lui sur le thème de la conservation.
08:30On savait que si on était conservateur avec lui, on n'avait aucune chance d'être écouté.
08:36Le président abaisse le droit de vote à 18 ans, réforme le divorce,
08:44et engage la plus emblématique de ses réformes pour les femmes, la légalisation de l'avortement.
08:55Pour Giscard, ça fait partie de la marque de son temps, de son action, de son époque.
09:02Et je crois que Giscard veut surtout être dans l'air du temps.
09:07Beaucoup de femmes avaient été victimes, enfin, avaient non seulement souffert,
09:11mais certaines étaient mortes quand même, des avortements clandestins.
09:15Giscard et son premier ministre Jacques Chirac font une place de choix à deux femmes issues de la société civile.
09:22Ils nomment une magistrate, Simone Veil, au ministère de la Santé.
09:27Simone Veil avait déjà une réputation, il avait fait entrer Françoise Giraud aussi.
09:36Il crée un nouveau secrétaire d'État à la condition féminine qu'il confie à la célèbre journaliste Françoise Giraud.
09:44Au fond, ce qui me paraît essentiel en 1974, c'est la préoccupation commune et axée sur la condition de la femme.
09:53Or maintenant, je crois que cette conscience est très largement partagée, justement à cause de l'effort du ministre femme.
10:01Je voudrais tout d'abord vous faire partager une conviction de femme.
10:04Je m'excuse de le faire devant cette assemblée presque exclusivement composée d'hommes.
10:09Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement. Il suffit d'écouter les femmes.
10:15J'en garde le souvenir d'une révélation quand même, même si cette femme ne nous était pas inconnue, de son courage.
10:25C'est l'attitude de Simone Veil qui a été magnifique dans ce débat.
10:30Elle était en résonance avec le vécu de tellement de femmes.
10:36Celles qui se trouvent dans cette situation de détresse, qui s'en préoccupent ?
10:40C'était un très bon choix de faire présenter ce projet de loi par la ministre de la Santé et pas par la ministre des femmes.
10:48C'est-à-dire que là, c'était beaucoup plus difficile pour l'opposition réactionnaire, qui faisait partie de la majorité, quand même de s'opposer.
10:59Pourtant, le débat va être tendu, violent.
11:03Pendant 25 heures, Simone Veil doit répondre aux critiques farouches, parfois nauséabondes, de nombreux députés de sa propre majorité.
11:13Des capitaux sont impatients de s'investir dans l'industrie de la mort.
11:18Et le temps n'est pas loin, nous connaîtrons en France ces avortoirs, ces abattoirs.
11:23Les députés de droite ont été soumis à une guerre d'influence absolument considérable.
11:31Et l'influence de l'Église catholique, à ce moment-là, est tout à fait importante, toxique et nocive.
11:38Permettez-moi de vous faire entendre un enregistrement d'un chœur de fœtus de 8 semaines et 2 jours.
12:01Jacques Chirac, qui était pourtant réticent sur l'urgence de la réforme, va lui apporter un soutien précieux dans les dernières heures.
12:17Quelle est la céssérité de Jacques Chirac sur cette question de l'IVG ?
12:23À vrai dire, je crois qu'il s'en moquait formellement et complètement.
12:28Jacques Chirac, qui à l'époque était un Premier ministre ambitieux sur ce sujet, a réussi à être dans cette modernité qui s'exprimait.
12:40Ces questions, ce n'est pas la cam de Jacques Chirac, pour parler un peu vulgairement.
12:46Et il a abordé cette affaire d'abord sous un angle politique, avant de l'aborder sous le mode d'un progrès social.
12:57Simone Veil l'a fait beaucoup parce qu'elle avait une bonne relation personnelle avec Jacques Chirac.
13:02C'est Jacques Chirac qui a fait venir au gouvernement Simone Veil.
13:05Et dans ses mémoires, Simone Veil dit qu'elle a toujours eu l'appui sans faille.
13:11Et elle dit sans faille, c'est son mot, de Jacques Chirac.
13:18Au petit matin, après 3 jours et demi de débat, la loi est adoptée grâce aux voix de l'opposition de gauche.
13:25Ce débat était difficile, et c'est vrai que c'était une loi voulue par la droite, mais votée par la gauche.
13:32Et je me souviens qu'on en avait discuté à l'intérieur du Parti Socialiste, et on était unanimes pour dire qu'il fallait la voter.
13:38Tout ça était pour notre génération quelque chose de formidable, et je pense que ça a beaucoup aidé au succès de la gauche après.
13:47Simone Veil, avec Giscard, était quand même un élément structurant de notre vie politique.
13:53C'était une rupture entre la bien-pensance et, au fond, une dimension politique un peu plus profonde, plus historique.
14:04Les valeurs que nous représentions, la volonté d'ouvrir les portes et les fenêtres, la volonté d'avoir reconnu l'égalité entre les hommes et les femmes,
14:12tout ça a formé un mouvement de société qui est devenu, au fil des années, irrésistible.
14:23J'étais très jeune au moment où il y a eu le débat sur l'IVG, mais j'ai vu là un courage de la part de la ministre,
14:39mais je pense aussi, même s'il n'était pas de ma sensibilité politique, de la part du Premier ministre de l'époque, Jacques Chirac,
14:46et du président Giscard d'Estaing, de faire sans doute une réforme qui était contraire à ce que pensait leur corps électoral.
14:57Il y avait beaucoup d'hostilité des catholiques, qui avaient une grande proximité avec Giscard, mais il avait fait ce choix.
15:03Et donc, là, il ne revenait pas là-dessus. C'était d'une certaine manière pas négociable.
15:08Il était sincère, il était en adéquation avec l'évolution de l'époque.
15:12Voilà. Il a eu l'intelligence de le comprendre et il a eu le courage vis-à-vis de ses propres troupes de dire « Voilà, c'est comme ça ».
15:20Moi, je pense qu'il est très important, si on veut être président de la République, d'être capable de reconnaître que l'autre camp a parfois raison.
15:29Mais en tout cas, que le moment historique est tel qu'on peut s'affranchir, y compris de ses partisans.
15:39Parce qu'on peut faire voter des lois qui sont apparemment contraires à l'opinion publique, comme par exemple la peine de mort,
15:44si on sent que c'est absolument indispensable et qu'on peut convaincre l'opinion.
15:50Et c'est ça qui a été fait, aussi bien par Giscard d'un côté que par François Mitterrand de l'autre.
15:55Bonsoir. La France a peur. La France a peur. Chaque maire, chaque père a la gorge nouée.
16:04C'est la peine de mort que l'avocat général de la cour d'assises des Bouches-du-Rhône a requis contre Christian Ranucci.
16:09Christian Ranucci est, je vous le rappelle, accusé du meurtre de Marie Dolorès, une fillette de 8 ans.
16:13L'affaire de Troyes a évidemment relancé le débat sur la peine de mort.
16:16Le rapport de Mitterrand avec la peine de mort était singulier.
16:24La peine de mort existe. Elle est rarement, mais parfois, exécutée. Voilà la réalité.
16:30Vous n'avez pas à me demander mon raisonnement d'homme privé.
16:35Mais ils n'ont parlé jamais de la peine de mort. Jamais.
16:39Ils étaient intéressés par les grands procès, parce que l'ancien avocat, mesurant la densité dramatique, ça l'intéressait.
16:51Mais sur le problème de la peine de mort, ils ne m'en parlaient jamais.
16:55Il n'y avait pas de réforme plus emblématique que celle-là.
17:00Pour les valeurs de gauche, pour l'humanisme, pour tout ce qui animait Mitterrand et toutes celles et ceux qui le suivaient.
17:11Il est devenu abolitionniste quand il est devenu premier secrétaire du Parti socialiste.
17:19Parce que quand on est ainsi l'héritier de Jaurès et de Blum, on ne peut pas ne pas être abolitionniste.
17:29Mitterrand n'était pas tellement emballé, je crois, par cette idée.
17:34Mais il s'est fait convaincre par Ballinter, pour lequel il avait le plus grand respect.
17:39Et Ballinter tenait essentiellement à cet article de loi.
17:43Mitterrand n'avait aucune estime pour le sens politique de Ballinter. Aucune estime.
17:51Il considérait que je n'étais pas un habile politique.
17:57En revanche, une très grande estime pour ses convictions et pour l'homme qu'il est, à juste titre.
18:05Et Ballinter, c'était son combat.
18:09Que la peine de mort devait être abolie si la gauche gagnait, c'était pour moi une évidence.
18:17Je préférais que ce soit un engagement pris devant le pays.
18:22Le moment où s'est joué, en réalité, le sort de l'abolition, c'est à la télévision.
18:40Moi, je lui avais téléphoné le matin. Je connaissais bien Iskabach, je connaissais bien Duhamel.
18:48Et je savais que ça allait venir.
18:51« Oh, mais écoutez, laissez-moi tranquille avec votre obsession.
18:55Ça n'intéresse personne en dehors de vous. »
19:00J'ai simplement, sur une page blanche, fait taper par ma secrétaire
19:09les grands extraits des grands écrivains et des adversaires de la peine de mort.
19:18Et puis, j'ai été rubièvre. J'ai dit à sa secrétaire, Marie-Françoise,
19:26« Où est le dossier ? » « Il est là. »
19:30Et j'ai dit, j'ai une feuille-là que je souhaite ajouter.
19:34Et comme je le connaissais bien, je savais qu'allant au studio, il ouvrait le dossier.
19:44Et que par conséquent, il tomberait d'abord là-dessus.
19:47Il y a actuellement cinq condamnés à mort dans des cellules.
19:50Je voudrais savoir si vous étiez élu président de la République, si vous les gracieriez.
19:54Pas plus sur cette question que sur les autres, je ne cacherai ma pensée.
19:59Et je n'ai pas du tout l'intention de mener ce combat à la face du pays
20:04en faisant semblant d'être ce que je ne suis pas.
20:09Même s'il a tourné ça d'une façon habile, c'est-à-dire qu'il a fait référence dans mon souvenir
20:20à ce que pensent les églises, etc., qui allaient dans le même sens que la bourgation.
20:25Il a dit d'une manière nette, oui, je suis pour la bourgation.
20:30Je suis contre la peine de mort.
20:33Et je n'ai pas besoin de lire les sondages qui disent le contraire.
20:37Je me souviens d'avoir vu à la télévision quand il a dit l'opinion, on lui a dit mais l'opinion est contre.
20:43L'opinion est contre mais moi je suis pour, il a dit très clairement.
20:46Il ne faut pas oublier ce qu'était le climat de l'époque.
20:52Je rappelle que les deux tiers des Français étaient très clairement, sinon violemment,
21:00mais en tout cas très clairement attachés au maintien de la peine de mort.
21:05Au moment où la décision est prise, le peuple français, dans sa majorité, y est hostile.
21:13Le Figaro, pour ne pas le nommer, avait fait faire un sondage qui était devant tous les députés de droite
21:20avec, en première page, 66% d'avis défavorables à l'abolition.
21:28C'est ça la France de l'époque.
21:30Il y avait de la part de Mitterrand peut-être un défi, il ne détestait pas ça,
21:38mais le fait de dire voilà, je suis comme je suis, j'ai les convictions que j'ai
21:43et à vous peuple français de décider si vous m'acceptez tel que je suis.
21:49Je dis ce que je pense, ce à quoi j'adhère, ce à quoi je crois,
21:53ce à quoi se rattachent mes adhésions spirituelles, ma croyance, mon souci de la civilisation,
22:01je ne suis pas favorable à la peine de mort.
22:03Comme toujours, chez lui, personnage si complexe, c'était à la fois la conscience
22:13la conscience qu'il s'inscrivait dans une histoire, etc.
22:18et en même temps, une forme supérieure d'habileté politique.
22:23À l'époque, Mitterrand était présenté comme un politicien habile, mais assez roublard
22:31et finalement auquel on ne pouvait pas faire grande confiance pour ce qui est des convictions.
22:36François Mitterrand, qui est le garde des sceaux, qui a le plus condamné à mort
22:44ou soutenu des condamnations à mort, avait en lui, je crois ça, l'obsession d'effacer ce passé de son histoire.
22:58Tout le monde le taxait de Machiavel, personnage d'une grande habileté, mais peut-être parfois compliqué.
23:12Et là, sur un sujet aussi important, prendre, j'allais dire, à rebrousse-poil l'opinion,
23:19en disant c'est ma conviction et je l'appliquerai,
23:23eh bien ça donnait une crédibilité supplémentaire au reste de ses positions.
23:29Cet acte de courage, je ne sais pas si c'est ça qui lui a fait gagner l'élection,
23:33mais cet acte de courage a marqué l'opinion.
23:35Le courage politique, c'est le candidat qui dit, moi, pour des raisons morales,
23:42je choisis ce qui est impopulaire aux yeux de la majorité.
23:48Je le choisis, parce que la morale détermine d'abord mes actions.
23:52Ma disposition est celle d'un homme qui ne ferait pas procéder à des exécutions capitales.
24:08J'étais très jeune, et je trouve qu'il a fallu un grand courage au président Mitterrand.
24:15Je dis Mitterrand, pas Banater,
24:20parce que celui qui a pris le risque en politique, c'est le président Mitterrand,
24:24c'est pas M. Banater.
24:26M. Banater était garde des Sceaux, c'était un avocat.
24:29Il défendait la thèse en quelque sorte de son milieu professionnel.
24:35Celui qui a pris le risque, c'est Mitterrand.
24:38Et le mérite en revient à Mitterrand.
24:40Il savait qu'il était minoritaire, il l'a fait.
24:44Ça, ça m'impressionnait.
25:00Mitterrand gagne, et il y avait énormément de projets et de lois à faire voter.
25:07La question était, à quel moment on fait cette réforme ?
25:15Je lui ai dit, c'est très urgent.
25:18Voilà les résultats,
25:20voilà le nombre de condamnations à mort intervenues depuis qu'il avait été élu,
25:28et je peux vous dire ce qu'il va se passer.
25:33Il a dit à François Mitterrand,
25:35Président, maintenant vous avez pris la décision,
25:37tout le monde sait que vous avez pris la décision,
25:39mais il faut que la loi passe vite,
25:42sinon on va être dans ce paradoxe épouvantable,
25:45vous allez être dans ce paradoxe épouvantable,
25:47d'être submergé, presque submergé, par les condamnations à mort.
25:54Et donc Mitterrand va contre le vœu des Français en grâçant,
25:59et par conséquent il faut maintenir les choses en l'état.
26:03Donc politiquement c'est très mauvais.
26:07Mitterrand, il comprenait très très vite ce genre de considération.
26:12Il m'a regardé avec un demi-sourire,
26:15et il m'a dit, pour une fois Robert, vous avez politiquement raison.
26:20Pour une fois.
26:21Ce débat est vieux de près de deux siècles.
26:23En ce moment, le garde des Sceaux, Robert Beninter, répond aux 30 orateurs
26:27qui se sont succédés à la tribune.
26:29Il fait appel une nouvelle fois à leur conscience.
26:31Écoutez-le.
26:32Aussi terrible, aussi odieux que soient leurs actes,
26:36il n'est point d'homme en cette terre dont la culpabilité soit totale.
26:4719h28, l'Assemblée nationale vient d'abolir la peine de mort.
26:53Que les grandes idées soient portées par une grande écriture,
26:58c'est aussi quelque chose d'important.
27:00Ça donne du relief à tout cela.
27:03L'abolition a été votée au Sénat le 30 septembre à midi et demi.
27:10J'ai regardé la pendule, 30 septembre, midi et demi.
27:14À 15 ans ou 16 ans ou 17 ans, j'étais tout à fait contre.
27:18En considérant qu'il y avait des crimes tellement abominables
27:22qu'ils ne pouvaient que déboucher sur la peine de mort.
27:25J'ai évolué, comme je vous l'ai dit, dans les années 80.
27:28J'aurais évidemment été, avec Jacques Chirac, Jacques Toubon
27:31et beaucoup de nos parlementaires à l'époque, en faveur de cette abolition.
27:36Il y a des sujets qui transcendent les clivages politiques.
27:39C'est vrai que c'était au-delà des divisions politiques traditionnelles.
27:45Et ça, la force de conviction de Robert Boninter
27:50a insisté sur le caractère philosophique, profond,
27:57beaucoup plus que sur la dimension politique.
27:59C'était pour nous, ça allait de soi.
28:02Il fallait le faire.
28:04Il y a des moments où le calcul politique ou électoral n'est pas premier.
28:12Il y a des moments, contrairement à ce qu'on croit souvent,
28:14où les hommes politiques réagissent par conviction.
28:17Parce qu'ils ont des convictions fondamentales.
28:19Et je crois que sur ce sujet-là,
28:21comme sur celui de l'intéression volontaire de grossesse,
28:25Chirac, sans doute Mitterrand aussi, ont agi par conviction profonde
28:29et en mettant peut-être de côté les sondages.
28:33Une fois au pouvoir, Jacques Chirac préfère, lui,
28:37mettre l'accent sur des réformes moins politiques, plus quotidiennes,
28:41qui en tout cas ne déchaînent pas les passions.
28:46Chirac choisit trois dossiers présidentiels.
28:49Le handicap, tout ce qui concerne la sécurité automobile et le plan cancer.
28:59L'interdiction de fumer dans les lieux publics,
29:02qui a été l'objet de discussions énormes.
29:05Naturellement, ce n'est pas les grandes réformes,
29:07mais c'est les réformes qui touchent la vie quotidienne des Français.
29:10Il faut des réformes sociétales, qui sont des ruptures,
29:14et des réformes sociales, qui reposent sur un texte fondateur
29:18qui donne des outils, mais qu'il faut mettre en œuvre.
29:21C'est à la fois, peut-être, une réforme sociale,
29:26C'est à la fois, peut-être, moins ambitieux,
29:29mais beaucoup plus difficile de faire des réformes sociales
29:32que des réformes sociétales.
29:34Ce ne sont pas des réformes qui apparaissent comme spectaculaires.
29:38Au fond, les accidents sur les routes se sont effondrés
29:42pendant la période de gouvernement de Jacques Chirac.
29:46Jacques Chirac, c'est un radical socialiste.
29:49C'est quelqu'un qui ne croit pas
29:52que l'on fait avancer la société par des ruptures.
29:55Jamais on n'avait vu passation des pouvoirs aussi courte
29:58entre deux premiers ministres, même au temps des cohabitations mitterrandiennes.
30:01Jacques Chirac devra néanmoins accepter une vraie réforme de société
30:05qu'il n'a pas souhaitée.
30:07Après la dissolution de 1997, il a perdu sa majorité.
30:10Néonel Jospin est premier ministre.
30:13Dans le programme de la gauche plurielle figure le PACS,
30:16Pacte civil de solidarité.
30:19Si Chirac n'avait pas dissous l'Assemblée,
30:22je pense qu'on n'aurait pas eu de pacte civil de solidarité.
30:26Parce que, évidemment, cette chose-là,
30:29cette dissolution absurde, erreur politique magistrale,
30:33prend tout le monde au dépourvu, sa majorité et puis son opposition.
30:38Je veux parler du droit du mariage.
30:41Il ne faut pas prendre le risque de dénaturer ce droit
30:46ni de le banaliser en mettant sur le même plan
30:50d'autres réalités humaines de notre temps
30:54qui conduisent bien loin des valeurs fondatrices de la famille.
30:59Ça n'a pas été une partie de bras de fer
31:02entre le premier ministre Néonel Jospin et le président Chirac.
31:06Peut-être est-ce qu'il y avait eu de sa part l'idée
31:10qu'il fallait peut-être faire quelques gestes.
31:13Mais aussi, il avait dû beaucoup apprendre
31:16de la première cohabitation avec François Mitterrand.
31:20Les opposants sont très nombreux.
31:22Parce qu'il y a des gens dans leurs circonscriptions
31:25qui disent, oui, c'est le mariage des homosexuels,
31:28c'est le mariage des pédés.
31:30Il y a une homophobie dans la société très importante.
31:34Au départ, c'était surtout pour régler les problèmes affreux
31:38qu'affrontaient les couples homosexuels.
31:42Nous étions décidés à ne pas en faire une catégorie particulière,
31:46c'est-à-dire à se référer à l'universalisme républicain
31:50qui veut qu'on ne fasse pas de catégorie en France.
31:54Et c'est comme ça que nous avons défendu cette proposition de loi.
32:01Depuis tôt ce matin, l'Assemblée nationale est attentive.
32:05C'est qu'on discute du Pax.
32:07Le débat est autant politique que de société.
32:10Le gouvernement approuve cette proposition de loi
32:13car elle constitue à la fois une avancée sociale et morale.
32:19C'est un texte qui ouvre des droits nouveaux sans en supprimer.
32:24Notre argumentation, c'était de dire, mais attendez, ces couples existent.
32:29Et l'homosexualité, évidemment, n'est ni une tare ou une perversion,
32:35comme on l'a longtemps prétendu, ni d'ailleurs une maladie.
32:39Et comme ça, c'est une façon pour certaines personnes de vivre leur sexualité.
32:44Donc est-ce qu'on va continuer à les ostraciser ?
32:47Et d'ailleurs, est-ce que le Pax menace quoi que ce soit ?
32:53Ça apporte quelque chose de plus à beaucoup de gens
32:58et ça n'enlève rien à personne.
33:00Or, quand quelque chose apporte un plus à toute une catégorie de la population
33:07et n'enlève rien à personne, en général, c'est une bonne réforme.
33:10Nous sommes tous dans la rue pour danser contre le Pax !
33:22Il n'y aura plus d'enfants, il n'y aura plus rien.
33:24C'est un problème politique.
33:25C'est la gauche socialo-communiste qui veut l'imposer à notre pays.
33:28On se souvient de Christine Boutin, par exemple,
33:37qui brandissait la Bible dans l'Assemblée,
33:42qui a parlé cinq heures d'affilée de performances qu'il faut saluer.
33:47L'UDF Christine Boutin dépasse le temps prévu de quatre heures.
33:51Elle tient 5h30 pour défendre sa motion d'irrecevabilité.
33:55Je me souviens, là aussi, d'insultes et d'injures ignominieuses.
34:01Un jour, les victimes se lèveront.
34:06Un député, au fond, qui avait comparé l'homosexualité à la zoophilie.
34:12Après de nouveaux tumultes dans l'après-midi.
34:15Certains en viennent presque aux mains.
34:18Politique intérieure avec une véritable tempête la nuit dernière à l'Assemblée
34:23autour du débat sur le Pax.
34:24La séance a été houleuse avec beaucoup d'incidents.
34:27On s'attendait à des débats houleux à l'Assemblée nationale aujourd'hui
34:30et ça n'a pas manqué.
34:31Il y avait des membres de l'opposition d'alors qui étaient quand même partagés.
34:37Toute cette période du Pax, j'ai refusé toute confrontation avec Christine Boutin.
34:43Les choses étaient trop vulgaires de l'autre côté.
34:47Je voulais me préserver, je voulais préserver mon intégrité.
34:55C'est l'honneur d'un parlementaire de voter selon sa conscience
34:59et c'est l'honneur d'un groupe parlementaire d'accepter les différences.
35:03Et donc je vais monter à la tribune dans un silence que je n'ai jamais entendu.
35:18Roselyne, c'était une conviction pour elle.
35:21Elle a eu beaucoup de courage.
35:24Il faut dire que son groupe l'a laissé prendre la parole aussi.
35:27J'ai remanié 20 fois mon texte.
35:30Et Philippe Séguin me demande de venir lui lire mon texte
35:36dans son bureau de président du RPR.
35:40Je me souviens comme si c'était hier du regard très noir, très puissant de Philippe Séguin.
35:49Il était en communion avec moi.
35:53Il va me demander d'ajouter que le RPR m'a autorisé, m'a donné sa minute.
36:01Je veux remercier Philippe Séguin et Jean-Louis Desbrés
36:05de m'avoir proposé de m'exprimer en toute liberté.
36:08Tout le monde se demandait, et dans mes opposants et dans ceux qui me soutenaient,
36:13comment j'allais m'en tirer.
36:15Oui, il est utile qu'existe dans notre droit une structure de compagnonnage
36:20impliquant une solidarité globale entre deux personnes qui ont choisi de vivre ensemble.
36:25Car finalement, nous ne reconnaissons ici qu'une communauté, la République.
36:34Je m'assieds à mon banc.
36:36Les gens ont dit que je pleurais.
36:38Je n'ai jamais pleuré.
36:42Je suis prostrée d'émotions.
36:44J'ai envie de me cacher, de mettre ma tête dans mes mains.
36:48Et là, c'est le souvenir de Simone Veil qui m'en empêche.
36:51Parce que je revois ce geste qu'elle a, la photo où elle est au banc des ministres.
37:00Et pour arriver à surmonter l'émotion et la fatigue qui la submerge,
37:05elle met sa tête dans les mains.
37:07Et je me dis, je ne peux pas lui voler son geste.
37:10Je n'ai pas le droit de lui voler.
37:13Donc je descends et c'est le souvenir de Simone qui m'habite.
37:18Dans les gouvernements auxquels j'ai appartenu,
37:22les femmes ont toujours été solidaires entre elles.
37:34Ce n'est pas un hasard si les différents présidents de la Vème République depuis Giscard
37:39ont confié la plupart des grandes batailles de société à des femmes.
37:49Ces grands débats de société sont très intéressants.
37:55Mais ils sont, me semble-t-il, à mettre en parallèle
37:58avec la façon dont les présidents vivaient leur vie, eux aussi.
38:03Je veux dire qu'il y avait une grande modernité chez chaque président
38:08qui a fait des réformes de société pour les autres,
38:12mais pas tellement pour eux.
38:15François Mitterrand et Jacques Chirac étaient bien d'accord là-dessus.
38:18Pour faire carrière, il ne fallait pas divorcer.
38:21Comme si le divorce ou l'absence de divorce
38:24étaient un aimant de la carrière politique.
38:27La famille recomposée du président de la République
38:30est arrivée au grand complet.
38:33Une famille moderne qui fait face aux objectifs,
38:36foule le tapis rouge,
38:39gravit les marches,
38:42un genre inédit dans la cour de l'Elysée.
38:45D'abord, j'ai toujours aimé travailler avec les femmes.
38:48Ma directrice de cabinet était une femme.
38:51Mais il n'était pas question pour moi d'aller au marché
38:55et d'avoir un panier avec 8 femmes
38:59et un panier avec 8 hommes.
39:02Ça n'a aucun sens.
39:05Je voulais la parité, mais la vraie.
39:08Je ne suis pas fier du calcul numérique.
39:11Autant de femmes qu'hommes, c'est si facile.
39:14Et ça m'aime un côté un peu humiliant, pour dire les choses.
39:17Alors je suis fier.
39:20C'est quelle femme ?
39:23Parce que si vous regardez Christine Lagarde,
39:26Nathalie Kosciusko-Morizet, Valérie Pécresse,
39:29Michel Alliaud-Marie,
39:32des postes très importants.
39:35Mais je n'ai pas voulu que ça.
39:38J'ai aussi voulu de la diversité.
39:41La jeune ramayade, une femme garde des sceaux
39:44avec un père algérien et une mère marocaine.
39:47Mais c'est très important.
39:50Sans identité, il n'y a pas de diversité.
39:53Madame, ma femme.
39:56Très bien.
39:59Moi, j'ai toujours pensé
40:02qu'un président de la République ne devait pas être
40:05hibernatus,
40:08au sens du film de Louis de Funès,
40:11c'est-à-dire sans sentiments
40:14et sans vie.
40:17Moi, j'ai divorcé pendant mon quinquennat
40:20et je me suis marié.
40:23J'ai dit, un président, c'est un être humain.
40:26Et c'est important de rester un être humain.
40:29On me l'a reproché.
40:32Mais est-ce que ce n'est pas ça, la modernité ?
40:35Au fond, comprenez-moi,
40:38je n'ai pas divorcé, j'ai subi mon divorce.
40:41Je n'ai pas divorcé pour être quelqu'un de moderne.
40:44Et je ne me suis pas marié avec Carla pour être quelqu'un de moderne.
40:47Je me suis marié avec Carla parce que je l'aimais
40:50et on a divorcé parce que Cécile, à l'époque, voulait divorcer.
40:53Mais est-ce que ce n'est pas ça, la modernité ?
40:56C'est-à-dire de s'appliquer à soi-même
40:59les règles que M. Dupond, Mme Durand
41:02s'appliquent dans leur vie quotidienne.
41:05Vous voulez dire que vous avez fait en vous-même
41:08en quelque sorte une réforme de société ?
41:11Non, je voulais dire que la réforme de société
41:14c'est que le président dise la vérité de sa vie,
41:17ne mente pas sur sa vie.
41:20Et que peut-être que ça, ce n'est pas un texte de loi,
41:23mais peut-être que ça fait évoluer les choses
41:26beaucoup plus que tout un tas de textes de loi.
41:44Ça m'a beaucoup servi pendant une campagne présidentielle.
41:47Et ça m'a sans doute desservi
41:50dès que je suis devenu président.
41:55Parce que le mot n'était plus compris.
41:58Parce que forcément, c'est une fonction exceptionnelle.
42:01Mais pour exercer cette fonction exceptionnelle,
42:04il faut rester soi-même.
42:07C'est ça que je voulais signifier.
42:10Il faut être capable
42:13de maîtriser parfois son caractère.
42:16Et aussi d'être simple,
42:19d'être soucieux de se mettre au niveau du citoyen.
42:22Moi, président de la République,
42:25j'essaierai d'avoir de la hauteur de vue
42:28pour fixer les grandes orientations, les grandes impulsions.
42:31Mais en même temps, je ne m'occuperai pas de tout
42:34et j'aurai toujours le souci de la proximité.
42:37Certains, au moment de la campagne électorale de 2012,
42:40j'étais pour Giscard d'Estaing,
42:43je suis donc l'IVG,
42:46pour François Mitterrand, l'abolition de la peine de mort.
42:49Mais pour vous, quelle est votre grande réforme de société ?
42:52J'étais devant la rédaction de Libération, comme candidat.
42:55Et je dis, vous savez, la grande réforme de société,
42:58ça va être le mariage pour tous.
43:01J'ai pris un engagement.
43:04D'ailleurs, c'est celui du Parti Socialiste.
43:07C'est la responsabilité de la France.
43:10C'est le droit au mariage pour tous les couples.
43:13Je sentais bien un peu de sourire, du sarcasme,
43:16en disant, quand même, c'est tellement facile de voter cette réforme,
43:19tout le monde est d'accord, les sondages vont dans le même sens.
43:22Mais je dis, vous ne savez pas ce qu'est la société française,
43:25comment elle va réagir, quels sont les groupes qui la travaillent,
43:28quelles sont les parties de l'opinion qui sont très mobilisées,
43:31comment elles vont s'organiser.
43:35Je viens d'être élu.
43:38Certains me disent, mettons le mariage pour tous tout de suite,
43:42à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, au mois d'octobre.
43:46Et j'ai considéré qu'il y avait d'autres textes
43:49et que je n'avais pas été élu que sur cette réforme.
43:52Et qu'il y avait des mesures économiques, sociales.
43:55Le chômage était en train de progresser dangereusement.
43:58L'industrie était en très grande difficulté.
44:01Il fallait d'abord faire que l'automne serve aux mesures économiques.
44:05Et nous ferions la réforme sur le mariage pour tous
44:09à partir du mois de janvier.
44:13Monsieur le Président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député.
44:16Le mariage pour tous a été un sujet quand même très difficile pour les Français.
44:21C'était un sujet qui était naturellement, globalement, majoritairement partagé.
44:28Mais qui heurtait beaucoup de gens.
44:30Au fond, ce que souhaitaient les homosexuels,
44:35c'est se voir reconnus de façon beaucoup plus symbolique
44:38comme étant normaux, comme les autres.
44:41Il y a des familles homoparentales dans ce pays
44:44que vous ne savez pas qu'il y a autant d'amour dans des couples hétérosexuels
44:48que dans des couples homosexuels.
44:50Il y avait évidemment un changement dans l'idée qu'on se fait de la famille.
44:59C'est un vrai sujet qui trouble beaucoup de gens,
45:03en dehors de ceux qui sont radicalement opposés.
45:06Mais c'est un sujet qui, en profondeur, interroge beaucoup.
45:09Il y avait d'abord toutes les institutions religieuses, sans exception, derrière.
45:15C'était quand même une révolution dans le droit de la famille.
45:18C'est incontestable.
45:20Le code civil !
45:23Ne bougez pas au code civil !
45:25Le mariage pour tous divise la France.
45:28Derrière leur égérie, Frigide Barjot,
45:30les opposants à la loi multiplient les manifestations.
45:33Ce qui s'est produit ne m'a pas surpris.
45:38Il y a eu des manifestations importantes,
45:41avec des excès tout à fait déplorables,
45:44mais le débat s'est prolongé.
45:47C'est ce qui a entraîné une mobilisation plus forte
45:51à mesure que le temps passait.
45:53Des défilés qui basculent parfois dans la violence.
45:56L'extrême-droite radicale se joint au cortège.
45:59Vous n'avez jamais envisagé, vous n'êtes jamais dit,
46:02là, est-ce que je peux continuer comme ça ?
46:05J'ai reçu des manifestants.
46:08J'ai dit, mais qu'est-ce que vous voulez ?
46:11Un autre nom que le mariage ?
46:14Que ça ne s'appelle pas le mariage ?
46:17Et pourquoi ça ne s'appellerait pas le mariage ?
46:20Qu'est-ce que vous voulez, qu'il n'y ait pas d'adoption ?
46:23Le principe même du mariage,
46:26c'est de pouvoir aller jusqu'à l'adoption d'enfants.
46:29Donc voilà pourquoi j'ai considéré
46:32que c'était le retrait total ou le maintien total.
46:35Il n'y avait pas de demi-mariage.
46:37C'est un coup de force.
46:39La parole est à Mme Christiane Taubira,
46:42garde des Sceaux, ministre de la Justice.
46:45Monsieur le président,
46:47mesdames, messieurs, messieurs les députés, merci.
46:50Allez, écoutez.
46:52Taubira était brillante sur le sujet.
46:55Elle a vraiment porté au Parlement
46:58cette question avec beaucoup de générosité,
47:01beaucoup de liberté.
47:03Et elle a fait un discours d'ouverture absolument magistral.
47:07C'est-à-dire qu'elle a vanté les mérites du mariage,
47:10en général.
47:12Vous savez donc que les mots de père et mère
47:15ne disparaissent pas du code civil.
47:17Ils sont maintenus en l'État.
47:19Ca a un peu pris à contre-pied
47:22tous ceux qui prétendaient que le mariage pour tous
47:25allait chaper cette institution fondamentale
47:28du droit de la famille.
47:30Sur la forme, on est gênés, on est surpris,
47:33on est dans des situations inattendues.
47:36Mais au fond, quand on aime, on aime.
47:38Et on aime quelles que soient les circonstances.
47:41Ca, c'est dans Black Label.
47:43Lorsqu'il dit nous les gueux, nous les peux,
47:46nous les riens, nous les maigres, nous les nègres,
47:49qu'attendons-nous pour faire les fous
47:53pisser un coup sur cette vie stupide et bête
47:56qui nous est faite ?
47:58Si nous, nous n'accordons pas l'égalité des droits,
48:01si nous ne reconnaissons pas les libertés,
48:03nous leur disons qu'attendez-vous
48:05pour faire les fous sur cette vie stupide et bête
48:08qui vous est faite ?
48:12Et voilà, monsieur Mariton,
48:14qui a permis la rencontre de la justice et de la poésie.
48:17Le fait qu'elle ait parsemé le débat
48:20de références et de citations littéraires et poétiques,
48:26je crois que ça a aidé le débat.
48:30Je pense que pour les réformes de société,
48:32il faut qu'il y ait du débat,
48:34mais que le débat ne doit pas être trop long.
48:36Car quand il s'installe, il se cristallise,
48:40il se durcit, et à un moment,
48:42j'ai été amené comme président de la République
48:45à dire que le temps du débat parlementaire a été long,
48:49chacun a pu s'exprimer, il faut en finir, il faut voter.
48:52Après 136 heures et 46 minutes de débat,
48:57l'Assemblée nationale a adopté le projet de loi
49:01ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
49:06On a vu vraiment s'exprimer,
49:10non pas ce qui est bien et ce qui est mal,
49:15mais ce qui est d'avenir et ce qui est du passé.
49:18Les mariages se sont déroulés sans incident grave.
49:21Des mères, on refusait de reconnaître,
49:24mais ensuite, c'est passé dans les mœurs.
49:28Et quelle est la plus grande satisfaction
49:30quand il y a une réforme de la justice ?
49:32Et quelle est la plus grande satisfaction
49:34quand il y a une réforme de société
49:36qui a pu connaître des oppositions fortes,
49:39j'ai parlé de l'IVG, du mariage pour tous,
49:42ou de l'abolition de la peine de mort,
49:44c'est qu'ensuite, finalement, cette réforme s'installe
49:48et plus personne ne la remet en cause.
49:50En France, on se bat, mais de façon totale,
49:54jusqu'à la minute où la réforme est votée,
49:57elle est votée, plus personne n'en parle.
50:01Plus personne, c'est fini.
50:03À part deux ou trois exaltés, plus personne.
50:08Ça a été violent, éruptif, explosif,
50:13c'est voté, terminé.
50:16Et le droit est là pour consacrer
50:20ces évolutions de la société.
50:22Heureusement que le droit de la famille
50:24et le droit des femmes ne sont pas
50:26ce qu'ils étaient au XIXe siècle.
50:28Et aujourd'hui, dans la société française,
50:30tout le monde, tout le monde, sans exception,
50:34fils, les familles les plus traditionnelles,
50:37a vu autour de lui
50:42quelle révolution portait des choix de vie.
50:47Et c'est des révolutions qu'on ne peut pas ignorer.
50:50Et j'ai une anecdote qui me revient,
50:52parce qu'il y avait un mère qui protestait,
50:54qui disait qu'il ne ferait jamais de mariage
50:56jusqu'au jour où son fils lui annonçait
50:58qu'il allait se marier avec un compagnon.
51:18La PMA est tendue à toutes les femmes,
51:20qu'elles soient célibataires ou en couple
51:22avec une autre femme, sujet ultra sensible,
51:25plusieurs fois reporté.
51:27Sur ces sujets de société,
51:31le politique ne doit pas imposer un choix
51:34en brutalisant les consciences.
51:36Évidemment, la grande crainte,
51:38c'est de relivre le mariage pour tous.
51:44Ceux qui manifestaient pour le mariage pour tous
51:47ne se sont plus sentis portés
51:50par un élan général.
51:55Le débat qui a été enclenché
51:57avec la réforme du mariage pour tous
51:59a été un débat qui a dominé tous les autres.
52:01Et donc ça a en effet étouffé
52:03les types de contestations.
52:05Et tant mieux si ça a été
52:07dans un relatif calme
52:09que ce texte a pu être voté
52:11sous la présidence d'Emmanuel Macron.
52:17La société est toujours comme ça.
52:19La société aspire à l'immédiat
52:22et puis elle a en même temps
52:24des aspirations de profondeur.
52:26Et donc c'est ça la politique.
52:28C'est de veiller à ce que
52:30l'opinion publique ne s'enflamme pas
52:32à un moment sur un sujet ou sur un autre.
52:34Le sens du timing est très important.
52:36Des bonnes réformes
52:39proposées à des moments inopportuns
52:41donnent des flots.
52:43Oui, il y a effectivement un dilemme.
52:45Est-ce qu'il faut laisser le temps
52:47pour que la société elle-même
52:49intègre l'idée de cette réforme
52:51ou est-ce qu'au contraire
52:53il faut passer rapidement
52:55pour que les crispations
52:57ne se cristallisent pas
52:59et que ça ne devienne pas un empêchement ?
53:03Après tout, est-ce que c'est pas ça la démocratie ?
53:05Est-ce que c'est pas ça
53:07à un moment donné le fait que
53:09le dernier mot reste au peuple
53:11même si la manifestation dans la rue
53:13n'est pas forcément la meilleure solution ?
53:15Mais après tout,
53:17aujourd'hui je suis juge constitutionnel,
53:19la liberté de manifester, la liberté de grève
53:21sont des droits constitutionnels fondamentaux.

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