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Lundi 2 décembre 2024, HR MAKERS reçoit Gabrielle Halpern (Philosophe) et Anne-Elise Chevillard (Directrice Diversité et Inclusion, AXA France)

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00:00Bonjour, bienvenue sur le plateau Heads, Chars, Makers. Aujourd'hui, on fait le point sur
00:17le handicap. Les chiffres de l'AGFIP pour 2023 révèlent un taux de chômage des personnes
00:22en situation de handicap au plus bas depuis 8 ans, 12% avec une baisse de 3 points en
00:272022. Si l'accès à l'emploi des personnes en situation de handicap s'améliore, qu'en est-il
00:33de leur insertion dans les entreprises ? Comment apprendre à changer de regard sur le handicap ?
00:38C'est la thématique que j'aborde aujourd'hui avec mes deux invités. J'ai le grand plaisir
00:43de recevoir Gabrielle Halpern, philosophe. Bonjour Gabrielle. Vous venez également de
00:48faire paraître aux éditions FAYAR en septembre 2024, Créer des ponts entre les mondes. On va
00:55y revenir parce qu'on va en parler un petit peu. Vous êtes accompagnée d'Annelise Chevillard,
00:59directrice diversité et inclusion chez AXA, mais aussi présidente du comité handicap et
01:06diversité de France Assureur. On va aussi pouvoir en parler. Je vais aussi vous réunir toutes les
01:12deux sur ce plateau pour avoir bien évidemment le regard d'une philosophe, le regard aussi sur
01:18le terrain. Annelise, ça fait longtemps qu'AXA est engagée sur la question de l'inclusion des
01:25personnes en situation de handicap. Concrètement, quelles ont été les actions que vous avez pu
01:30mener, mettre en place ? Et j'aimerais bien aussi, si vous pouvez faire un petit point sur le
01:36handicap invisible, c'est toujours très important aussi de rappeler qu'il y a ces personnes.
01:41Alors non, mais vous le soulignez à juste titre, ça fait 30 ans qu'AXA est engagée en faveur du
01:46handicap. Notre premier accord date de 1994 et notre engagement s'appuie sur le dialogue social,
01:54sur une politique qui est portée au plus haut niveau de l'entreprise. Et je pense que c'est
01:58ce qui fait toute sa force. Et dans le cadre des engagements que nous avons pris, nous avons pris
02:05depuis longtemps des engagements d'augmenter notre taux d'emploi, de recruter des personnes en
02:09situation de handicap, ce qui nous a amené à aujourd'hui avoir autour de 1000 collaborateurs
02:14en situation de handicap pour AXA en France, soit un taux d'emploi de 7,03%. Alors pour
02:20répondre à votre question de la fin, 80% des handicaps sont invisibles en général,
02:25c'est valable aussi chez nous. On sait que la majorité des handicaps sont invisibles. On a
02:30tendance à croire que c'est le fauteuil roulant, c'est 2% des situations de handicap. Donc on a
02:34une grande variété de handicaps, ce qui rend les choses particulièrement complexes, parce que notre
02:40objectif, c'est d'accompagner tous les collaborateurs qui osent se déclarer. Alors pour répondre à
02:45votre question, qu'est-ce qu'on fait concrètement ? Alors on a une mission inclusion dans mon équipe
02:51qui est dédiée avec des référents handicap dans chacune de nos entités. Et l'objectif de cette
02:56mission, c'est d'accompagner tous nos collaborateurs en situation de handicap en fonction de leurs
03:00besoins. Et comme les handicaps sont très variés, les besoins peuvent être très variés. Ça peut
03:06être des aménagements de postes, par exemple du bureau, du siège, à la maison quand on est en
03:12télétravail ou au bureau. Ça peut être des autorisations d'absence pour se rendre par
03:17exemple à des rendez-vous médicaux, à l'hôpital ou autre. Ça peut être une souplesse dans
03:23l'organisation du télétravail. Ça peut être des bilans spécifiques avec l'aide d'un ergonome par
03:27exemple. Bref, c'est extrêmement varié et c'est vraiment du sur-mesure. C'est ce qu'il faut
03:33retenir. C'est du sur-mesure. Très bien. Il y a le recrutement, l'insertion et j'ai aussi une toute
03:43petite question sur la gestion des carrières sur le long terme. Est-ce que l'on perçoit des
03:50évolutions plus lentes ? Est-ce que ça change votre... Comment est-ce que vous vous adaptez
03:55aussi sur la montée en compétences de ces collaborateurs ? Alors, il y a plusieurs choses.
04:01D'abord, nous, notre politique RH, on est très attentif à ce qu'elle soit équitable pour tout
04:05le monde. Et ce, quelles que soient ses singularités, si je puis dire. Ça veut dire que concrètement,
04:10on forme beaucoup, on y reviendra, mais on forme beaucoup nos équipes RH et notre politique RH,
04:16on la regarde de manière très objective et factuelle pour regarder à toute étape de la
04:20carrière, à toute étape pour les promotions ou autre, que finalement ce ne soit que les compétences
04:25qui comptent. Les compétences, les compétences, les compétences. C'est essentiel. Donc un
04:29collaborateur en situation de handicap, en fait, ce qui nous intéresse, ce sont ses compétences.
04:33Oui. Donc après, il peut y avoir des aménagements de postes et nécessaires,
04:36mais on a une attention particulière pour que chaque collaborateur, à toute étape de sa carrière,
04:42puisse bénéficier d'évolutions de carrière et que ce ne soit pas un frein, au contraire. Alors,
04:48ça nécessite une attention parce que des freins, il y en a. Quand on est en situation de handicap,
04:51oser en parler, ce n'est pas simple. Et donc, on travaille beaucoup sur la formation des équipes
04:57RH et du management. Donc là, on vient de déployer une formation qui s'appelle Zest,
05:01obligatoire pour tous nos RH. C'est ce qui fait aussi la spécificité, je pense, de nos politiques,
05:05c'est la formation. Elle est obligatoire pour tous nos RH. Ensuite, elle est obligatoire pour tous
05:09nos managers. D'ici la fin de l'année, tous les managers doivent l'avoir suivi. On va la déployer
05:13à tous nos collaborateurs. Ça nécessite beaucoup de sensibilisation. Ça nécessite de lever les
05:18tabous. Ça nécessite d'éduquer les managers. C'est vraiment essentiel pour que justement,
05:22tout le monde soit traité de manière équitable. Très bien. Gabrielle, l'année dernière,
05:27vous aviez mené une étude sur le fonctionnement des ESAT, une étude avec la Fondation Jean Jaurès.
05:34Je ne me trompe pas. C'était surtout une étude en partenariat avec l'association
05:39Handicap et la Cité de l'économie et des métiers de demain. Et ça a été publié par la Fondation
05:45Jean Jaurès. Alors, ma première question, c'est d'abord, qu'est-ce qui vous avez motivé à explorer
05:51cette thématique ? Vous travaillez sur la thématique de l'entreprise et notamment de l'hybridation
05:56depuis très longtemps. Pourquoi ce travail mené sur le terrain, pour le coup, et c'est ce qu'on
06:02ressent aussi dans votre ouvrage, auprès des ESAT ? Alors, en fait, l'idée de départ n'était pas
06:09tant de faire une étude sur les ESAT, en fait, que de se dire, bon, finalement, dans le monde
06:14du travail en général, on se pose plein de questions. On voit bien que les jeunes ont un
06:18autre rapport au travail et le management et on manage autrement. Enfin, voilà, il y a plein de
06:23questions qui sont en train de se poser dans le monde du travail, complètement bouleversées,
06:26l'intelligence artificielle et tout ça. Je suis finalement, à l'heure où le milieu ordinaire,
06:31ce que l'on appelle le milieu ordinaire, s'interroge et se demande finalement, voilà,
06:34quels dispositifs pourrions nous mettre en place ? Je suis finalement, est-ce que ce ne serait pas
06:39intéressant de regarder ce qui se fait dans ce que l'on appelle le milieu protégé ? Encore faut-il
06:43que ce terme protégé ait un sens. De quoi faudrait-il se protéger ? En tout cas, je me suis dit,
06:49ce serait intéressant de mener un travail de recherche justement dans le milieu protégé pour
06:53voir justement quels dispositifs en termes de management, d'organisation du travail, de
06:58développement des compétences, de formation, finalement, ont été mis en place et pourraient
07:01éventuellement inspirer le milieu ordinaire. J'ai un peu voulu renverser la tendance. On dit
07:05toujours que le milieu protégé devrait se rapprocher du milieu ordinaire. Je me suis dit,
07:09finalement, ce serait peut-être intéressant de penser une démarche différente, ou en tout cas,
07:15une démarche réciproque, de manière à voir ce qui pourrait être intéressant dans le milieu
07:20protégé. Et donc, effectivement, j'ai fait un petit tour de France, d'un certain nombre des
07:25attes, d'établissements et services d'aide par le travail. J'ai effectivement mené des entretiens
07:29avec un certain nombre de directeurs, de moniteurs d'ateliers et surtout de travailleurs en situation
07:33de handicap, de manière à pouvoir voir, voilà, est-ce qu'il n'y a pas quelques éléments qui
07:37pourraient venir nous inspirer, inspirer toute la société dans la manière dont on pense le
07:41travail. Alors, peut-être deux éléments qui m'ont peut-être le plus interpellée, mais après il y
07:47aura peut-être d'autres choses au cours de cet échange. Un premier élément, la question du temps.
07:52Je me suis entretenue avec une ouvrière en situation de handicap mental qui me dit que,
07:59elle me dit, oui, je suis très lente. Oui, j'ai un handicap mental, je suis très lente. Sauf que
08:04j'aime beaucoup mon travail. On n'a jamais appris à baquer mon travail. Et donc, certes, je suis très
08:07lente, mais à la fin de la journée, on n'a pas besoin de revenir sur mon travail parce qu'il est
08:12bien fait. Donc, elle disait, j'ai envie d'avoir un droit à la lenteur. Bon, alors ce droit à la
08:16lenteur, c'est terrible parce que ce droit à la lenteur, ce n'est pas possible dans le monde dit
08:22normal, ordinaire, impératif économique, productivité, ce n'est pas possible. Sauf
08:27que j'ai réfléchi, je me suis dit, mais finalement, pourquoi est-ce que dans certains cas, on refuse
08:31d'accorder du temps à ce qui le mérite, c'est-à-dire tout simplement réaliser correctement
08:35son travail? Et pourquoi est-ce que dans d'autres cas, on est prêt à perdre un temps fou en réunionnite
08:39aiguë qui ne sert à rien, en process administratif complètement absurde, en visio où tout le monde
08:43est là, mais tout le monde fait autre chose à côté. Et finalement, cette question de ce à quoi
08:48on accorde du temps, c'est dit un peu pompeusement, mais finalement, le choix d'allocation de nos
08:52ressources temporelles. Voilà à quoi est-ce qu'un individu décide d'accorder du temps dans sa journée?
08:56À quoi une entreprise, une organisation, une société décide d'accorder du temps? Finalement,
09:02dit beaucoup de ce à quoi on accorde de la valeur. Et donc, cette question du droit à la lenteur,
09:07qui peut sembler peut-être un peu folle, en fait, nous interpelle beaucoup, surtout à l'heure de
09:14l'intelligence artificielle, qui finalement, de fait, va nous faire gagner du temps. Et donc,
09:18que va-t-on faire de ce temps? Donc, ça, c'est un premier élément qui m'a beaucoup marqué. Et puis,
09:23un deuxième élément, là, en termes de management. Parce qu'il y a des milliards et des milliards de
09:27théories en management, des consultants, des coachs, qui ont mille choses à dire sur le
09:31management. Et donc, je me suis interrogée en m'entretenant avec un certain nombre de moniteurs
09:36d'ateliers, donc dans des établissements et services d'aide par le travail, qui dans leurs
09:40équipes, de fait, managent des personnes en situation de handicap, qui ont d'ailleurs des
09:45handicaps extrêmement différents. Et ça m'a interpellée parce qu'en relisant tous les
09:48verbatims des entretiens, je me suis rendu compte qu'il y avait vraiment un champ lexical du regard.
09:53Et de fait, ils m'ont expliqué que, face à des personnes en situation de handicap qui ne peuvent
09:57pas forcément expliquer la manière dont ils se sentent avec des mots, les moniteurs d'ateliers ont
10:03donc développé un art du regard en regardant les mains, est-ce qu'elles tremblent ou pas,
10:07les sourcils, les yeux, les sourcils sont français ou pas. Et finalement, je me suis dit,
10:12mais le management, en fait, c'est cet art du regard. C'est cette attention, aller déceler
10:18ces petits détails pour essayer finalement de voir comment la personne se sent, comment est-ce
10:21qu'elle ressent son travail, comment est-ce qu'elle peut s'engager dans son travail. Et encore
10:24une fois, à l'heure où on prête au manager mille raisons d'être, je pense que c'est intéressant
10:29peut-être de revenir peut-être à l'essentiel. Finalement, le rôle, la raison d'être du
10:34manager, c'est cet art du regard d'abord à l'égard de ses équipes. Oui, complètement.
10:37Votre réaction ? J'aime beaucoup ce que vous dites sur le regard du manager et ça fait écho à
10:44des expériences très opérationnelles parce que moi, je vis concrètement opérationnellement en
10:48entreprise. Je pense qu'on parle d'empathie en entreprise et être capable de créer un climat de
10:55confiance, être capable de passer du temps avec son équipe pour s'intéresser à son équipe,
11:00de faire juste en sorte. Je discutais la semaine dernière avec une manager qui me disait que
11:07récemment, une collègue de son équipe lui avait dit qu'elle était atteinte de troubles bipolaires.
11:11Ce n'est pas un sujet qui est forcément facile à aborder. Et je lui dis, c'est super, tu vois,
11:17parce que ça veut dire qu'elle a pu t'en parler, qu'elle se sent en confiance avec toi. Et pour moi,
11:21ça, c'est un signe de management, d'inclusivité, empathique, ce que vous voulez. Mais à l'heure de
11:25l'intelligence artificielle, moi, je reste une optimiste convaincue. Je pense que ce qui fera la
11:30différence, c'est la capacité, l'intelligence humaine et notre capacité justement à interagir
11:36avec des personnes totalement différentes. On s'aperçoit en entreprise maintenant, il y a la
11:40neurodiversité, on est confronté à des attentes de plus en plus diverses, de reconnaissance aussi,
11:47de situations très personnelles. Maintenant, on parle d'entométriose en entreprise, on parle de
11:51ménopause, bref, tous ces sujets qui semblaient très tabous. Oui, il y a quelque temps. Non,
11:55non, il ne faut pas en parler en entreprise. Mais si, en fait, c'est la frontière entre notre vie
12:01privée et notre vie personnelle, professionnelle. Elle est floue. Et si on est bien en entreprise,
12:07c'est qu'on peut parler, être libre d'être qui on est et pouvoir en parler. Donc, je trouve que
12:12pour moi, ça signifie développer en particulier, bien sûr, tous les comportements à tous les
12:23niveaux, mais y compris le management. Et je trouve que des façons d'articuler, on a accueilli
12:28un café joyeux chez nous, au sein de nos bureaux. Et je trouve une super expérience. Et d'ailleurs,
12:37j'ai en tête un directeur marketing qui disait « la marque Café Joyeux, elle est unique parce
12:41qu'elle est authentique ». Et quand vous allez chez un café joyeux, il n'y a pas de filtre,
12:44c'est authentique. Et c'est vrai qu'on parle beaucoup de la dimension émotionnelle. Comment
12:48est-ce qu'on traite un client avec empathie aujourd'hui ? Chez Café Joyeux, je me sens
12:52traité de manière tellement authentique. J'apprécie beaucoup. Et je pense que c'est
12:56aussi une façon d'influencer nos managers, nos collaborateurs et ralentir aussi. Vous avez raison,
13:02s'ajuster, ralentir. C'est une façon aussi de mettre l'humain au cœur de nos activités,
13:08sans oublier de délivrer, d'être performant par ailleurs.
13:11Oui. Je voulais rebondir par rapport à ce que vous avez dit en préambule justement sur cette
13:18nécessité, en tout cas, d'accompagnement personnalisé. Et ça, je trouve que c'est très
13:23intéressant parce que c'est quelque chose que j'ai pu voir justement dans les établissements
13:27et services d'aide par le travail dans lesquels j'ai mené cette étude. En fait, finalement,
13:31il y a effectivement un aménagement de postes sur mesure par rapport à la personne,
13:35au égard à son handicap, à sa situation, à son contexte. Et en fait, cette dimension
13:41personnalisée, ultra personnalisée, voire complètement sur mesure, on voit en milieu
13:48protégé. Là, c'est intéressant de voir que vous la mettez en place justement dans ce que
13:52l'on appelle le milieu ordinaire. Oui, ça y est.
13:53Mais en fait, ce que je trouve intéressant, c'est de se dire que cette approche sur mesure,
13:58elle est utile et nécessaire, pas seulement pour les personnes en situation de handicap,
14:01mais en fait, on voit que ça correspond à des besoins finalement pour tout le monde. Par exemple,
14:06si on prend la question des femmes, on parle de parité toute la journée, sauf que si on veut que
14:10ce terme ne soit pas juste une coquille, ça serait finalement la possibilité de pouvoir
14:14organiser son emploi du temps avec une forme de souplesse, venir peut-être plus tard le matin
14:18pour accompagner ses enfants. En fait, cette possibilité de personnalisation, c'est important
14:25sur la question des aidants familiaux. Et pour les hommes, d'où le congé paternitaire de l'enfant
14:31de huit semaines chez nous. Je prenais la question de la parentalité, on va dire comme ça. Mais sur
14:40la question des aidants familiaux, on voit bien qu'avec le vieillissement de la population,
14:43de plus en plus, il y a cette question de nos grands-parents dont on va prendre soin. Et donc,
14:49on voit que les entreprises qui ont mis en place des accommandements ou des personnalisations,
14:56en tout cas sur la question du poste, de l'organisation du travail, des temps de travail,
15:00pour les aidants familiaux. Les aidants familiaux, de ce fait, il y a beaucoup moins de turnover pour
15:04cette population-là. Il y a beaucoup plus d'épanouissement, de productivité de fait,
15:08puisque quand ils sont au travail, ils sont vraiment au travail. Et quand ils sont auprès
15:11de leurs proches, ils sont vraiment auprès de leurs proches. Et sur la question des seniors,
15:14qui est une question dans l'ère du temps d'actualité brûlante politique.
15:18Annelyse est aussi très concernée par eux.
15:20Oui, c'est exactement un sujet, parce que de fait, oui, une personne qui est peut-être un
15:24peu plus âgée a peut-être une fatigabilité plus grande pour certains métiers. Peut-être pas
15:29forcément dans les services, mais en tout cas, ça, c'est un autre travail de recherche que j'ai
15:32mené justement sur la question des seniors, sur des métiers extrêmement pénibles, de port de
15:36charges lourdes et voilà. Là, effectivement, l'aménagement des postes va aussi être prégnant.
15:41Donc cette question de personnalisation, en fait, ce n'est pas seulement pour les
15:44personnes en situation de handicap, mais finalement, ça va bénéficier à tous.
15:47Oui, complètement. Et juste un mot sur ce droit à la lenteur. J'aime énormément ce concept. Est-ce
15:57qu'en effet, parce qu'il y a la posture du manager, mais il y a l'aménagement des conditions de
16:02travail, mais dans ces conditions de travail et cette organisation de travail, il y a aussi
16:06cette question du temps. Comment est-ce que, Gabrielle a signalé à juste titre,
16:11l'intelligence artificielle, on gagne du temps. À qui est réalloué ce temps ? À la productivité
16:16ou aux collaborateurs ? Les deux, mon capitaine. J'espère de tout cœur, on verra, c'est encore un
16:23peu tôt pour le dire. Moi, ce que je vois aujourd'hui chez nous, on parle beaucoup de
16:26simplicité. Ça fait partie vraiment, c'est ancré, on est une grosse entreprise et donc une grosse
16:30entreprise égale logiquement beaucoup de process et on essaie vraiment de simplifier la vie des
16:36collaborateurs. D'ailleurs, moi, j'ai organisé un temps fort avec mes équipes dans les deux
16:41semaines qui ont lieu autour de la semaine européenne des personnes handicapées, autour de
16:46simplifier la vie des personnes handicapées et déclarer son handicap, c'est durablement simplifier
16:51leur quotidien. Ça devrait être le cas. Et donc concrètement, il y a plein de solutions. Par
16:56exemple, pas plus tard que tout à l'heure, j'organisais un webinaire avec Microsoft. Il y a
17:00plein de solutions inclusives, des outils digitaux et l'intelligence artificielle qui finalement
17:04permettent de gagner du temps et d'en gagner pour se former, pour faire finalement son travail
17:09peut-être différemment. Donc, je pense qu'il y a des outils qui doivent en effet permettre de
17:13gagner du temps et se former beaucoup. Nous, on est une entreprise qui forme beaucoup les
17:18collaborateurs. C'est aussi une façon de développer son employabilité. Et en ce qui
17:24concerne, on sait qu'on a des collaborateurs, nous par exemple, qui reviennent de maladie et qui ont
17:29besoin de plus de temps, de réajustement. Et donc ça, c'est vu au cas par cas. Je pense qu'on ne
17:33peut pas mettre les gens dans des cases et à chaque fois, c'est du cas par cas. Et donc moi,
17:37j'ai en tête un certain nombre de collaborateurs qui reviennent d'arrêt, longue maladie ou autre.
17:41Et ce n'est pas facile parce qu'il faut ajuster selon leur tâche, avec leur manager. Il faut
17:46réalouer. Mais en tout cas, on a vraiment le souci de le faire en bonne intelligence. Et il y a une
17:52vraie attention qui est portée avec la RH. Et j'espère avec la plus grande bienveillance, en
17:57tout cas, on y est attentif pour que la personne, les collaborateurs, j'en ai en tête plusieurs,
18:01après un burn-out ou d'autres situations de vie difficiles qui reviennent et ça se fait
18:07progressivement. Et c'est intéressant, en tout cas, l'accent qui est mis sur la question de la
18:14formation, du développement des compétences. Pour moi, c'est vraiment aussi un des éléments que
18:20j'ai pu apprendre, au côté des travailleurs en situation de handicap avec lesquels je me
18:25suis entretenue. Effectivement, c'est cette nécessité de pouvoir développer le plus de
18:28compétences possibles. Ça, pour le coup, c'est une petite minute philosophique, mais à l'heure,
18:34on s'interroge surtout sur nos identités. Qui suis-je ? Qui suis-je ? En fait, c'est intéressant
18:38peut-être de revenir à Jean-Paul Sartre, le philosophe Jean-Paul Sartre qui disait en fait,
18:42je suis ce que je fais. Ce sont nos actes qui nous définissent. Et je trouve que c'est intéressant,
18:47en tout cas, de définir notre identité par rapport à ce que l'on fait, parce que notamment
18:51dans un contexte de travail, c'est là où justement c'est essentiel de pouvoir former
18:56les travailleurs en situation de handicap, de manière à ce qu'ils puissent acquérir le plus
19:00de compétences possibles, qu'ils puissent peut-être justement apprendre différents métiers,
19:03d'ailleurs découvrir différents métiers, de manière à pouvoir augmenter leur être,
19:07si j'ose dire. Donc cette question, justement, cette responsabilité, pour le coup, de la part
19:12du manager et de la part de l'entreprise ou de la collectivité, puisque public-privé, même combat sur
19:17ce sujet-là, de la part justement de l'employeur, d'être sans cesse, d'être finalement responsable
19:22de la métamorphose de ses collaborateurs en situation de handicap ou pas en situation de
19:27handicap, c'est un élément qui est essentiel. Et on en a pu le voir aussi sur la question des
19:31seniors. Effectivement, une personne qui pendant 30 ans fait le même métier ou 25 ans fait le
19:37même métier, puis est complètement cassée, on sent qu'il va arriver en inaptitude professionnelle,
19:41et comment est-ce qu'on anticipe et comment est-ce qu'on le forme sur notre métier ? Ça,
19:43pour le coup, c'est une responsabilité, cette responsabilité de la métamorphose qui est
19:47essentielle. Je pourrais être dithyrambique sur l'emploi des seniors, que je n'aime pas parler
19:53de seniors, des 50 ans, parce qu'en termes d'experimentation, comme on nous dit que des
19:5650 ans, il y a un sujet, nous formons 93 % des 50 ans et plus chez nous, qui constituent 38,5 % de
20:03nos collaborateurs, des formations non obligatoires. Et j'insiste sur le caractère non obligatoire,
20:07parce que c'est ce qui permet, il y a beaucoup de formations obligatoires chez nous, mais en plus de
20:11ça, des formations non obligatoires. Donc c'est majeur et on s'engage à continuer à les former,
20:17parce que, je vous rejoins, c'est essentiel pour leur employabilité, avec la mobilité qui est un
20:22autre sujet aussi à pousser. Oui, j'avais une question pour vous quand même, Annelie. Si vous
20:32deviez résumer en quelques termes les bénéfices chez AXA de cette inclusion des personnes en
20:40situation de handicap, est-ce que ça a changé ? Est-ce qu'on peut parler de bénéfices et comment
20:49aussi peut-être sur d'autres collaborateurs dits en situation normale ? Nous on a une conviction,
20:57en tout cas moi j'ai une conviction, mais elle est portée dans notre entreprise et c'est pour ça,
21:00je pense que Claude Bébère a initié la Charte de la diversité dès 2004, c'est que la diversité et
21:05notamment le handicap, c'est une vraie source de richesse et d'innovation. Et ce n'est pas moi qui
21:09dis qu'il y a plein d'innovations d'ailleurs, mais qu'on ne le sait pas forcément, plein d'innovations
21:13qui sont liées à des collaborateurs en situation de handicap ou à des personnes en situation de
21:17handicap. Donc c'est une vraie source d'innovation et je pense que ça permet juste de regarder les
21:22choses différemment, de s'ouvrir dans un environnement où il faut s'adapter constamment,
21:25être confronté à la différence quelle qu'elle soit, mais notamment sur le handicap, ça nécessite
21:30de s'ajuster. Je le dis souvent en entreprise parce que ce n'est pas facile d'être un manager
21:34inclusif, ce n'est pas facile d'être vraiment inclusif. Ça nécessite d'être ouvert à la
21:38différence, ça nécessite d'être tolérant, ça nécessite de s'intéresser à l'autre. Mais ce sont
21:42des qualités qui sont essentielles si on veut bien traiter nos clients, si on veut bien traiter et
21:45s'ajuster, s'adapter, être ouvert d'esprit. Donc pour moi, c'est juste extrêmement riche et je le
21:51vois au quotidien quand on fait des conférences, des sensibilisations au Café Joyeux que je
21:55mentionnais tout à l'heure. On voit des gens qui bougent, on voit. Et puis finalement, ça touche au
21:59cœur aussi et ça nous touche tous. Donc oui, pour moi, ça, c'est une conviction. Et sur le
22:04management, je pense que ce sont des compétences qui sont essentielles, dont on a besoin.
22:08Très bien. Je ne sais pas si vous souhaitez rebondir. Sinon, j'ai une dernière question sur les
22:17Jeux Paralympiques. C'était quand même un des temps forts de cette année. Je voudrais votre
22:23regard, Gabrielle, parce qu'en plus, il y a un enjeu peut-être au niveau de l'hybridation qui est assez...
22:27Oui, du coup, en y répondant, ça me permettra de rondir par rapport à ce qui vient d'être dit.
22:35Effectivement, c'est vrai qu'il y a eu un formidable engouement pour ces Jeux Paralympiques.
22:39Donc ça, c'est une très bonne nouvelle. Après, justement, on sent que le soufflet est peut-être
22:44un peu en train de retomber. Même si pour le coup, les chiffres que vous avez donnés indiquent qu'il
22:49y a quand même une tendance positive qui est là. Les choses se font petit à petit, mais elles se
22:53font. Mais en tout cas, je pense que... C'est vrai que c'est une réflexion. Je sais que pour des
22:59raisons logistiques, juridiques et autres, il n'est pas possible d'organiser les Jeux Olympiques en
23:04même temps que les Jeux Paralympiques. Mais c'est vrai que le fait de faire les choses séparément,
23:08le fait de faire une clôture des Jeux Olympiques et puis après, on a l'impression que... Je trouve
23:12que ça fait à côté d'eux. C'est toujours la même chose. C'est à côté d'eux. Et quand est-ce qu'on
23:16va, pour le coup, faire une véritable hybridation ? C'est-à-dire quand est-ce qu'on va vraiment
23:20créer des ponts entre ces différents mondes ? Et j'ajouterais peut-être un élément. Ça,
23:26c'est une philosophe pour qui j'ai une immense admiration qui s'appelle Anis Chaber et qui est
23:31atteinte d'une maladie neurodégénérative. On correspond par échange épistolaire depuis
23:37quelques années. Et en fait, dans l'un de ses derniers livres, Vivre son destin, vivre sa pensée,
23:41que je vous invite à lire, elle cite une fable de La Fontaine, Le renard et la cigogne. Le renard
23:47invite à dîner une cigogne et lui sert un repas dans une assiette creuse et donc la cigogne ne
23:52peut rien manger. Et puis, quelques jours après, la cigogne invite le renard et lui sert un repas
23:57dans un vase à long col. Évidemment, le renard ne peut rien manger. Et en fait, elle monte, elle
24:03prend cette fable. C'est-à-dire que finalement, une situation de normalité ou de handicap est
24:08toujours réversible. C'est-à-dire qu'il faut toujours trouver les outils adaptés. Et je trouve
24:12qu'au-delà de la morale de l'histoire de cette fable, c'est aussi une réflexion de se dire
24:18finalement quand est-ce qu'on va arrêter de prendre nos repas séparément et quand est-ce
24:22que l'on va justement apprendre à prendre nos repas ensemble. Ça devrait être dès l'école de
24:27mon point de vue. Un autre long sujet. Et pour moi, pour rebondir brièvement, je vous rejoins
24:36idéalement que ça devrait être la même chose. Après, ce qui m'a semblé vraiment précieux,
24:41c'est de mettre en lumière, de mettre en lumière des talents en situation de handicap
24:45finalement pour leur performance. Moi, j'y suis allée à titre personnel. Je suis allée avec deux
24:49de mes filles qui avaient 18 ans et qui me disaient qu'à l'école, quasiment, ils avaient très peu
24:53vu finalement des écoliers en situation de handicap. Et donc, à minima, je pense que ça,
25:01ça a contribué à une presse de conscience. Donc je me dis, c'est déjà ça. Oui, oui, c'est déjà ça.
25:06Pour conclure, juste demain, si on voudrait accélérer sur ce changement de regard au
25:18niveau des entreprises, qu'est-ce qui serait le premier acte sur lequel travailler ? Management,
25:25organisation ? Je suis désolée, je vais en dire deux. Prendre des engagements tangibles, visibles,
25:32dans le recrutement. Oui, ça c'est une responsabilité sociale. C'est extrêmement important et qui est
25:37donc pris et porté au plus haut niveau de l'entreprise, pas que par l'ARH, mais aussi par
25:42le comité exécutif et formé, formé, formé et commencé par nos dirigeants. C'est ce que nous
25:46disent nos collaborateurs. D'ailleurs, ce sont leurs attentes. On a une enquête chaque année,
25:50où on mesure la perception du niveau d'inclusion de nos collaborateurs. Et c'est ce qu'ils nous
25:54disent. Continuez à former, on le fait beaucoup, mais continuez à former les managers, les dirigeants,
25:58parce qu'ils montrent la direction. Leur exemplarité est essentielle. En fait, ce que je trouve
26:07intéressant, en tout cas par rapport à la question du handicap, c'est qu'elle vient finalement mettre
26:12un coup de projecteur sur nos contradictions, sur nos absurdités, sur la question du temps,
26:17par exemple. On dit toujours on ne perd pas de temps, on ne perd pas de temps, le temps c'est
26:21de l'argent. Voilà. Et puis finalement, mais en fait, si on en perd, on en perd. Encore une fois,
26:26avec ces réunions NIT, avec ces choses, finalement, on pourrait tellement peut-être mieux penser de
26:30la manière dont on organise le temps, mieux penser aussi les fiches de poste. Avec la division du
26:35travail, on a spécialisé tellement certains métiers, on les a tellement rétrécis que finalement,
26:40on les a vidé complètement de leur sens. On a fait des métiers d'ailleurs tellement pénibles,
26:43tellement horribles pour certains métiers. Finalement, on ne comprend pas pourquoi on a
26:46du mal à recruter. Oui, mais peut-être, il est peut-être temps justement d'hybrider certains
26:50métiers, d'hybrider des fiches de poste, de penser justement le contenu de certains métiers pour
26:54pouvoir les réenchanter. Mettre effectivement, oui, des choses plus intéressantes, des compétences
26:58plus intéressantes à développer. Donc en fait, encore une fois, ça permet de mettre un coup de
27:02projecteur sur des absurdités et des choses qu'il va nous falloir clairement changer. Et encore une
27:08fois, l'intelligence artificielle générative va clairement, en fait, c'est peut-être l'opportunité
27:13ou jamais de remettre finalement à plat plein de choses, les fiches de poste, le temps, enfin tout,
27:19des choses qu'on n'interrogeait plus et qui finalement vont être vraiment importantes à
27:23remettre en question. Merci beaucoup, mesdames. Annelie Chevillard, je rappelle, vous êtes
27:27directrice diversité et inclusion chez AXA France. Gabrielle Halpern, vous êtes philosophe et vous
27:33venez de faire paraître aux éditions FAYA Créer les ponts entre les mondes. Je vous recommande
27:37vivement cette lecture qui aborde la question du handicap, mais pas que. Merci infiniment. En tout
27:43cas, moi, j'ai mon regard à beaucoup évoluer. Merci, merci beaucoup. Merci à vous. A très bientôt.
27:51On se retrouve tous les lundis sur Be Smart For Change.

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