• il y a 2 mois
Mardi 29 octobre 2024, ART & MARCHÉ reçoit Hugues Watine (commissaire-priseur, Artefact) et Delphine Brochand (gestion privée de patrimoine artistique, Fin'Art Consulting)

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Transcription
00:00Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans Art et Marché, votre émission hebdomadaire
00:12consacrée au marché de l'art.
00:13Rendez-vous de l'émission, nous nous intéressons à une nouvelle maison de vente aux enchères
00:16qui vient d'être créée à Lille par deux jeunes commissaires, Priseur Laura Schweitzer
00:21et Hugues Wattine.
00:22Maître Wattine nous en dira un peu plus sur les débuts d'une maison de vente.
00:26Et puis pour l'interview de la semaine, nous allons faire le point avec Delphine Brochand,
00:30fondatrice de Fine Art Consulting sur les éléments clés du rapport Art Basel et UBS
00:35sur les comportements des collectionneurs de l'année 2023-2024.
00:39Merci à toutes et à tous qui nous rejoignez tout de suite sur Art et Marché.
00:46Hugues Wattine est commissaire Priseur, il a créé avec son associé Laura Schweitzer
00:51Artefact, une nouvelle maison de vente aux enchères à Lille.
00:55Et merci beaucoup d'être avec nous.
00:57Est-ce que tout d'abord, vous pouvez nous raconter succinctement comment s'est passée
01:00cette première vente aux enchères qui a eu lieu il y a quelques jours ?
01:05Voilà, on a fait notre vente inaugurale le 20 octobre dernier.
01:08Ça s'est très bien passé avec 85% de nos lots qui ont été vendus.
01:14On avait des bijoux, du tableau, du mobilier, de l'objet d'art.
01:19Et donc, on a eu beaucoup d'enchérisseurs à la fois français, mais aussi européens
01:25et mondiaux même, pour certaines oeuvres où les clients se sont battus.
01:31Voilà, donc on est très, très contents du succès qu'on a eu.
01:34On a même eu des choses qui se faisaient un peu moins.
01:37On a même eu du monde en salle qui sont venus voir les oeuvres
01:40et qui ont enchéri généralement.
01:42Là, maintenant, les gens enchérissent en live.
01:44Mais là, on a même eu la chance d'avoir des enchérisseurs physiques
01:48devant nous à Lille.
01:50Donc, c'était un succès.
01:52On est très contents.
01:53Est-ce que vous pouvez nous raconter quels sont les défis que vous rencontrez
01:58quand on crée comme ça sa maison de vente aux enchères ?
02:01C'est vrai qu'il y en a beaucoup déjà en France et aussi, vous êtes assez jeune.
02:05Est-ce qu'il y a des enjeux, des difficultés que vous rencontrez
02:08et comment vous avez fait pour aller au-delà ?
02:11Le défi, il est surtout que des clients nous donnent des choses à vendre
02:17et qu'ils aient confiance en nos expertises.
02:21Après, moi, je suis né à Lille.
02:23Donc, forcément, c'est un petit peu plus simple.
02:26On a toutes nos attaches à Lille.
02:28J'ai des notaires aussi avec qui je travaille depuis des années.
02:31Donc, le défi, c'est d'avoir des choses à vendre.
02:33Et après, c'est s'entourer d'experts en qui on a confiance,
02:38avec qui on a l'habitude aussi de travailler,
02:42qui nous ont suivis et qui ont été d'accord
02:44pour nous aider dans la préparation de nos ventes.
02:48Donc, le défi, c'est celui-ci.
02:50C'est le sérieux de nos expertises.
02:52Et après, c'est aussi un défi de communication.
02:55C'est-à-dire qu'il faut que les gens aient faim de notre vente.
02:59Et donc, ça a été un gros travail aussi pour que les enchérisseurs
03:03du monde entier et de France entière puissent avoir accès à notre vente.
03:08Donc, le défi est multiple.
03:10Mais bon, je pense que pour cette première vente,
03:12on a essayé, en tout cas, on a réussi de se battre
03:16pour que tout soit au rendez-vous pour que ça fonctionne.
03:20Et vous êtes installé à Lille.
03:21Est-ce que c'est une région qui a déjà très...
03:25Est-ce qu'il y a déjà beaucoup d'acteurs ?
03:26Ou alors, est-ce que vous êtes un acteur de proximité
03:29qui est nécessaire dans la région ?
03:33Alors, en fait, Lille, c'est une métropole
03:35d'à peu près un million et demi de personnes.
03:37Donc, il y a quand même beaucoup de travail.
03:41On est le cinquième acteur à être imploté,
03:42en tout cas, en tant que commissaire-priseur.
03:44Il y en a qui sont là de plus de 50 ans.
03:47Néanmoins, je pense qu'il y a du travail pour tous.
03:52Donc, le fait d'avoir une étude un petit peu jeune,
03:56je pense que ça peut rassurer et attirer
03:58un petit peu de nouveaux clients également,
04:00des gens qui avaient un petit peu peur d'ouvrir
04:02et de passer la porte des ventes.
04:04Nous, on essaie d'être accessible
04:06et d'être assez proche de nos clients,
04:10à la fois dans le conseil et dans l'expertise de nos objets.
04:14C'est-à-dire qu'on est très accessible
04:17au téléphone ou par mail.
04:19C'est assez simple d'avoir notre avis
04:21sur vos collections ou vos objets.
04:23On est là pour ça.
04:24On fait des estimations gratuites
04:27plusieurs fois par semaine.
04:29Donc, il ne faut surtout pas hésiter à aller voir
04:31un acteur comme nous.
04:33On se déplace dans toute la métropole
04:35et on est là pour ça.
04:37Et on est assez accessible, en effet.
04:40Eh bien, merci beaucoup, Hugues Wattine.
04:42Je rappelle que vous êtes commissaire-priseur
04:43et vous venez de créer Artefact à Lille.
04:45Et tout de suite, on passe à l'interview de la semaine.
04:51Art Basel et UBS ont publié un rapport
04:54sur le comportement des collectionneurs
04:57qu'ils appellent « high net worth individual ».
04:59Ce sont ces collectionneurs qui dépensent,
05:02qui ont une valeur individuelle supérieure
05:04à un million de dollars hors immobilier.
05:07Voilà, c'est une analyse sur l'année 2023
05:10et le premier semestre 2024.
05:12Alors, nous allons analyser les conclusions
05:14importantes de ce rapport avec Delphine Brochant,
05:16qui est spécialiste dans la gestion
05:18de patrimoine artistique
05:19et fondatrice de Fine Arts Consulting.
05:21Merci beaucoup d'être avec nous.
05:22Merci de votre invitation.
05:24Alors, on a vu qu'il y avait quand même
05:25pas mal de rapports qui notent
05:29une année plus morose,
05:31qui notent une année difficile du marché de l'art.
05:34Et on remarque dans ce rapport qu'il y a
05:36tout de même une baisse de la dépense moyenne
05:40des collectionneurs, c'est « high net worth »,
05:43mais une stabilisation de la valeur médiane.
05:47Donc, il marque bien cette différence
05:48entre dépense moyenne et dépense médiane.
05:52Est-ce que vous pouvez nous expliquer un petit peu
05:55pourquoi il y a une baisse de la dépense moyenne
05:57et une stabilisation de la dépense médiane ?
06:00Alors, je pense tout d'abord du fait
06:01notamment de la résilience du marché,
06:05que cette baisse de valeur moyenne,
06:07elle est due à la réduction du haut du panier,
06:10en tout cas des transactions du marché de l'art.
06:13Puisqu'il y a eu peut-être moins de liquidités
06:17en circulation pour le marché de l'art,
06:19dû notamment au climat incertain, géopolitique,
06:22des guerres, inflation, etc.
06:25Il y a eu effectivement une certaine raréfaction
06:29sur des montants plus importants.
06:32Pour autant, ça reste quand même
06:33des montants relativement élevés.
06:36Si on regarde ces montants-là,
06:38parce que cette étude, effectivement,
06:40elle est, comme vous le disiez très justement,
06:42sur cette population qui a des liquidités
06:44hors assets real estate et commerciaux
06:48supérieurs à un million de dollars.
06:51Mais il ne faut pas oublier que la moyenne
06:52des transactions dans le monde,
06:53si on est en dehors de ce secteur
06:55des high net worth individuals,
06:58confondue pour les ventes aux enchères
06:59et les ventes privées,
07:00c'est aux alentours de 10 000 dollars.
07:02Donc, ça reste quand même quelque chose de positif.
07:05Et puis, il ne faut pas oublier aussi
07:06que le segment de marché sur lequel
07:08il y a la plus importante des progressions,
07:13ça concerne le segment de marché
07:15au-delà des 10 millions de dollars.
07:17Sur le rapport, c'est-à-dire que les plus grands...
07:19En fait, les progressions les plus importantes
07:22sur les acquisitions sont faites
07:23sur les segments de marché
07:25qui sont des transactions au-delà
07:27de 10 millions de dollars.
07:29Ce qui est très conséquent.
07:29Et vous nous avez parlé de ces raisons
07:32qui sont peut-être exogènes au marché,
07:34donc guerres, crises économiques, etc.
07:38Un climat incertain.
07:39Est-ce qu'il y a d'autres éléments
07:42qui peuvent être peut-être liés plutôt
07:43à des facteurs internes endogènes au marché ?
07:47Oui, tout à fait.
07:48Bon, ces événements, évidemment,
07:50on ne peut pas passer outre.
07:51On ne peut pas effectivement faire l'économie
07:55de ce climat incertain géopolitique
07:59et penser qu'il n'a absolument aucun impact.
08:03Mais c'est vrai qu'il y a des éléments
08:04aussi endogènes et, je pense, spontanément.
08:08Et c'est ce qu'on peut, en tout cas,
08:10constater dans notre quotidien,
08:12que ça concerne la correction de marché,
08:14particulièrement qui a été opérée
08:16sur le secteur de l'art contemporain
08:21et plus particulièrement sur les artistes
08:25qui ont été surmarkétés, voire surcotés,
08:29que ce soit par des maisons de vente
08:31ou par des galeries, avec des prix
08:33qui nous semblaient d'ailleurs parfaitement incohérents.
08:36Quand vous voyez des artistes
08:38qui ont parfois moins de dix ans d'existence
08:42ou à peine une dizaine d'années d'existence
08:43et qui peuvent avoir des prix qui sont alignés
08:47avec les artistes historiques,
08:49tels qu'un Picabia ou un Nicolas Destal.
08:54Et je pense que ça impacte effectivement
08:58considérablement le marché.
09:00C'est-à-dire qu'il y a eu cette correction
09:02qui a été faite, mais de la part des marchands.
09:04Et du coup, les grands collectionneurs
09:08les plus fortunés ont émis des réserves
09:11sur l'achat de ces œuvres-là
09:12parce qu'ils ont eu un manque de confiance
09:15par rapport au prix.
09:15C'est ça que vous essayez de nous dire ?
09:17Oui, je pense que vous avez effectivement
09:19mis le doigt sur le facteur le plus important,
09:22parce qu'on s'interroge s'il y a eu
09:24ou pas une crise économique du marché,
09:26donc par rapport aux éléments exogènes
09:29que vous venez de citer.
09:32Oui, il y a une partie de crise économique,
09:36mais je suis intimement persuadée
09:39que le vrai souci, s'il y a pu avoir un frein
09:43à certains niveaux du marché,
09:44concerne davantage une crise de confiance
09:46pour des raisons tout à fait légitimes
09:49et normales quand on voit des bulles spéculatives
09:52extrêmement importantes qui ont pu s'opérer,
09:55notamment toujours dans le secteur du contemporain.
09:57Pour prendre un exemple concret,
09:58j'ai eu le cas il y a quelques temps
09:59avec un artiste contemporain
10:02qui faisait les couvertures
10:04des catalogues de vente aux enchères,
10:07des décels chez Christie's Sotheby's
10:09il y a encore quelques années.
10:11Et cet artiste, Arlene Roby,
10:12qui se vendait aux alentours de 200 000 dollars
10:14et qui aujourd'hui est valorisée
10:17aux alentours de 60 000 dollars,
10:19mais sur lequel, même si vous vouliez le vendre
10:21aux alentours de 60 000 dollars,
10:22vous avez du mal à avoir un marché secondaire.
10:25Je lisais ce matin
10:26qu'il y a eu une artiste américaine,
10:28je ne me souviens plus de son nom,
10:29mais une artiste américaine d'environ 32 ans
10:32qui a été soutenue par des grandes galeries
10:36et dont la valeur s'est carrément écroulée
10:39entre 80 et 90 %.
10:42Donc évidemment, il y a certains cas isolés,
10:45Dieu merci, ce n'est pas le cas pour l'ensemble du marché,
10:48mais il est tout à fait légitime
10:50que si on se met à la place de ces acheteurs
10:53qui font les foires ou les maisons de vente
10:55et qu'ils reçoivent un discours particulièrement élogieux
11:01et même rassurant sur des artistes contemporains
11:05et qui voient peu de temps après une cote s'écrouler,
11:08il est certain que, je pense que pour certains,
11:11ça peut considérablement les freiner dans leurs acquisitions,
11:14pour d'autres, ils vont peut-être continuer
11:16à soutenir la scène émergente
11:17parce qu'on le voit dans le rapport,
11:18il y a toujours plus de la moitié des achats
11:21qui sont faits vers des artistes émergents,
11:24mais il va y avoir des montants qui vont être inférieurs.
11:26Ces montants-là, aujourd'hui,
11:28sont aux alentours entre 50 et 100 000 dollars.
11:31Aujourd'hui, ils seraient inférieurs à 50 000 dollars
11:34et ça nous permettrait peut-être de faire le lien
11:37et d'avoir une meilleure compréhension
11:39avec cette valeur moyenne aujourd'hui
11:43dont vous parliez tout à l'heure qui a été en baisse.
11:45Justement, comment tout ce qu'on a dit peut se répercuter
11:49sur le comportement des acheteurs ?
11:50Est-ce qu'ils vont se tourner vers des acteurs
11:52du marché de l'art spécifiquement ?
11:53On voit que ça tourne de plus en plus
11:57vers des galeristes et des marchands,
11:58peut-être des personnes, des êtres humains
12:01avec lesquels ils peuvent avoir des relations directes
12:04et non pas des ventes en ligne.
12:05Mais est-ce qu'il y a un portrait robot, dirait-on,
12:09de l'acheteur qui va être modifié
12:13par rapport à tout ce qu'on vient de dire ?
12:15D'abord, quand vous parliez des rapports humains
12:19et peut-être pas que des personnes en ligne,
12:21ce rapport disait une chose très intéressante
12:23sur ces high net worth individuals,
12:25ils sont toujours environ 88% achetés en présentiel.
12:29Donc évidemment, cette approche humaine
12:31que vous soulevez à juste titre,
12:33elle est extrêmement importante
12:34puisqu'on touche à l'intime des personnes
12:36quand on les accompagne pour une acquisition d'œuvres d'art.
12:41Alors oui, aujourd'hui, c'est vrai qu'il y a un intérêt,
12:45il y a eu un intérêt en tout cas marqué dans ce rapport
12:47plus important pour les personnes
12:48qui ont acheté envers les galeries.
12:49Je pense que ça pourrait s'expliquer
12:51parce que les galeries ont peut-être
12:53une dimension humaine plus importante
12:56avec un contact d'emblée plus facile.
13:01Même si vous avez des Gagosian ou des Other & Weir's
13:03qui sont installés sur les quatre coins de la planète,
13:05c'est vrai que vous avez une dimension,
13:08j'ai envie de dire, qui vous met plus à l'aise
13:10que quand vous rentrez dans une maison de vente.
13:12Quand vous visitez les foires également,
13:14même si vous êtes novice,
13:15c'est extrêmement facile de pouvoir entrer en contact
13:18avec les propriétaires et les décideurs
13:21des galeries.
13:22Je pense que ça permet effectivement
13:24de pouvoir rassurer les éventuels acquéreurs.
13:28Mais il y a aussi d'autres critères
13:29que je trouve intéressants à soulever,
13:31notamment la ligne artistique
13:33que vous avez dans des galeries.
13:35Vous prenez une excellente galerie
13:36comme Aplika Prazan, Franck Prazan.
13:38Franck Prazan va toujours présenter
13:41le même titre d'artiste.
13:42Il soutient Ecole de Paris, Après-Guerre, etc.
13:44Depuis un certain nombre d'années.
13:46On l'a vu encore à Art Basel.
13:47Vous aviez un superbe De Staal, Soulages,
13:50Artung, etc.
13:51Donc les clients se retrouvent
13:53sur un terrain confortable.
13:55Et quand vous regardez les lignes de développement
13:58et business model aussi
14:00des maisons de vente aujourd'hui,
14:01même si ça reste des maisons de vente aux enchères,
14:03parce que vous avez toujours des enchères
14:05qui s'y tiennent,
14:06pour autant, vous avez des business development
14:08qui sont aujourd'hui beaucoup plus diversifiées.
14:10On peut davantage parler d'ailleurs
14:12de Luxury Center,
14:14dont le Fine Art va devenir une business unit.
14:16Alors ça ne veut pas dire que ce n'est pas bien,
14:18parce que je pense qu'ils ont complètement raison
14:20de profiter des synergies
14:22qu'il peut y avoir entre le luxe et l'art.
14:24Mais peut-être que les clients aussi
14:27s'y retrouvent un petit peu moins.
14:29Merci beaucoup Delphine Brochand
14:31de nous avoir aidé à analyser
14:33les conclusions importantes de ce rapport.
14:35Je rappelle que vous êtes spécialisée
14:36dans la gestion de patrimoine artistique
14:38et fondatrice de Fine Art Consulting.
14:40Merci beaucoup.
14:41Et je voudrais rajouter
14:43juste une dernière chose pour vos auditeurs.
14:45De jamais oublier que ce n'est pas le prix de l'oeuvre.
14:49Qui fait sa qualité,
14:50mais bien la qualité qui fait le prix d'une oeuvre.
14:52Merci sur ces bonnes paroles.
14:54Je vous remercie à tous de nous avoir suivi.
14:57C'était Arrée Marché.