Mardi 7 janvier 2025, ART & MARCHÉ reçoit Delphine Brochand (gestion privée de patrimoine artistique, Fin'Art Consulting) et Gaël Le Faou (Avocat au barreau de Paris)
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans la première émission 2025 d'Art et Marché,
00:12votre rendez-vous hebdomadaire consacré au marché de l'art. Beaucoup de changements
00:17s'opèrent à partir du 1er janvier 2025 et pour le marché de l'art, c'est la mise en application
00:21du nouveau taux de TVA à 5,5%. Nous allons revenir sur les spécificités de cela avec Gaëlle Lefau,
00:29qui est avocat au Barreau de Paris. Pour l'interview de la semaine, nous nous intéressons à la
00:33financiarisation du marché de l'art qui a beaucoup évolué ces dernières années. Nous faisons point
00:38avec Delphine Brochand, conseillère en gestion de patrimoine artistique, fondatrice de Fine Art
00:42Consulting. Merci à vous toutes et tous qui nous rejoignez. Tout de suite, c'est Art et Marché.
00:46C'est le grand changement fiscal de la rentrée concernant le marché de l'art, le taux de TVA
00:56applicable désormais pour les ventes d'oeuvres d'art par intermédiaire est à 5,5%. C'est applicable
01:04dès ce 1er janvier 2025 et donc avec quelques subtilités sur lesquelles nous allons revenir
01:09avec Gaëlle Lefau qui est avocat au Barreau de Paris. Merci beaucoup d'être avec nous.
01:13Je vous en prie. Est-ce que tout d'abord on peut revenir sur cette réforme qui a eu lieu ? Ça s'est
01:18étalé sur un peu moins de deux ans. Quel est l'historique de ce décret qui est passé ? Il y a
01:25un historique assez compliqué dans le cadre du marché de l'art puisqu'on avait plusieurs taux de
01:30TVA qui s'appliquaient. 5,5%, 10%, 20% avec des systèmes de détermination de la base de TVA qui
01:38étaient différents. On avait de la TVA sur la marge, de droit et sur option. Donc j'espère que je vous
01:43n'ai pas déjà perdu mais c'est pour expliquer qu'il y avait un système assez complexe de TVA
01:48antérieurement et tout ça a été garanti par les clauses de gel au niveau communautaire. C'est-à-dire
01:56que les taux antérieurs à la réforme étaient maintenus grâce à ces clauses de gel. Et il y a
02:02une directive communautaire qui est intervenue le 5 avril 2022 et cette directive communautaire
02:08chamboule un peu les cartes puisque d'une part elle fait exploser les clauses de gel et ensuite
02:16elle revient sur le régime de la marge. Alors les organisations représentatives de la profession
02:24se sont inquiétées. Heureusement elles se sont inquiétées tôt, elles se sont inquiétées dès 2023
02:32puisque la directive devait être transposée dans le droit français avant le 31 décembre 2024,
02:39c'est-à-dire pour le 1er janvier 2025. Mais dès 2023 il y a eu une pression des organismes dès
02:45février et ça aboutit à une modification des textes dans le cadre de la loi de finances pour
02:512023 avec une application différée d'un an. Heureusement parce que comme on l'a vu la loi
02:57de finances pour cette année n'a pas été adoptée et celle de l'année dernière est passée en force
03:02avec le 49-3. On remarquera que le texte est passé d'ailleurs par par biais d'amendement ce qui est
03:07un peu bizarre pour une directive qu'on avait déjà depuis plus d'un an, connu depuis plus d'un an.
03:12Mais c'est peut-être une stratégie aussi de la part du gouvernement pour faire passer plus
03:16facilement le texte. En tout cas elle est passée grâce au 49-3 et donc ça a permis de modifier les
03:23textes sur la TVA. Et du coup d'harmoniser donc ce taux de TVA à 5,5%. Est-ce que vous pouvez
03:29nous expliquer dans quels cas ça s'applique ? C'est une généralisation globale pour les
03:36intermédiaires donc ce qui est intéressant. Comme je disais tout à l'heure les intermédiaires
03:41pratiquaient normalement la TVA à 20% mais avec une option qui était quasiment systématiquement
03:46souscrite d'option pour la marge. C'est-à-dire que si vous avez acheté à 15 000 et que vous vendez à
03:5120 000, vous êtes taxé à 20% mais que sur les 5 000 de différence. Donc c'était ça la marge et
03:56cette option était souscrite très régulièrement par les intervenants et elle disparaît.
04:04Il y avait des galeries etc majoritairement. C'est ça et donc l'option disparaît. Elle est remplacée
04:10par un taux de TVA à 5,5% sur le prix de vente global comme on a l'habitude de le voir dans le
04:16cadre du circuit économique. Donc ça c'est la première grosse modification. Il y a aussi un
04:23maintien du régime de la marge mais qu'en les deux droits. C'est-à-dire que c'est une autre
04:29subtilité. C'est-à-dire qu'on a acheté auprès d'un non redevable par exemple un artiste qui est
04:34sous franchise en base de TVA, le régime de la marge pouvait s'appliquer et là ça continue.
04:41C'est une exception puisqu'il y a toujours en fiscalité des exceptions. Mais comme la TVA à 5,5%
04:47peut être intéressante quand même, on a prévu opération par opération que l'intermédiaire
04:52puisse opter quand même pour la TVA à 5,5%. Donc on s'attend à une globalisation de cette TVA à 5,5%.
04:58Donc ce sera fait au cas par cas à ce niveau-là. Et qu'est-ce que vous pensez pour le... là est-ce
05:03que ça va avoir un impact sur cette année 2025 ? Comment vous voyez les choses ?
05:09Je pense que ça, déjà ça a un effet de clarification. Donc c'est jamais mauvais puisque le taux de TVA à 5,5%
05:17va s'appliquer de manière globalisée. Ça a aussi un effet de sécurisation. Parce que je parlais tout à
05:24l'heure des clauses de gel. On sait maintenant que la directive communautaire intègre les ventes
05:30d'art dans le cadre de ce taux réduit. Ce qui sécurise quand même, vu par le haut, l'ensemble
05:37du système. Ce qui est vraiment pas mal. Ensuite sur les acheteurs, sur les consommateurs. Si la
05:47marge était forte, le consommateur sera plutôt gardiant. Puisqu'on aura une TVA à 5,5% sur
05:54l'ensemble. Si les marges étaient faibles, par contre, ça risque de coûter un tout petit peu
06:00plus cher avec une TVA à 5,5% globalisée. D'accord, merci beaucoup Gaël Lefau. Je rappelle que vous êtes
06:06avocat au Barreau de Paris. Et tout de suite, on passe à l'interview de la semaine.
06:09Depuis de nombreuses années, de nombreuses initiatives sont mises en place pour insérer
06:18l'art comme un actif de diversification dans sa gestion patrimoniale. Nous allons analyser ce
06:24développement avec Delphine Vreuchan, qui est conseillère en gestion de patrimoine artistique
06:27et fondatrice de Fine Art Consulting. Bonjour Delphine, merci beaucoup d'être avec nous.
06:33Bonjour Sybille. Alors on remarque qu'il y a une progression de ce qu'on va appeler la
06:37financiarisation du marché de l'art. Plus d'initiatives, plus de structurations, plus de
06:42manières d'investir dans l'art. Est-ce que c'est pour répondre à un intérêt grandissant de
06:47l'investissement dans l'art, l'art en tant qu'actif ? Tout à fait, tout à fait. En fait, ce qu'il y a
06:52d'intéressant, c'est de voir qu'il y a une demande qui est de plus en plus importante pour l'art
06:56comme asset. Puisqu'aujourd'hui, l'art fait partie, c'est un actif à part entière et pour des
07:02raisons tout à fait intéressantes, son caractère tangible, le fait qu'il y ait une fiscalité très
07:08incitative. C'est le seul actif du patrimoine qui vous permet d'avoir 6,5% sur la plus-value. Il y a
07:15aussi des facilités de transmission et puis bien évidemment se faire plaisir. Alors il y a d'autres
07:20critères qui sont intéressants aussi à prendre en compte pour ce marché. Ça considère notamment
07:28l'augmentation très importante du nombre de millionnaires dans le monde, qui a quasiment doublé.
07:33Les high net worth comme on appelle dans les études. Exactement et qui ont quasiment doublé en
07:39dix ans pour être 58 millions aujourd'hui. Vous avez une augmentation des richesses aussi sur les
07:45cinq prochaines années qui sont prévues de près de 48%. Donc tout ça évidemment, ça va fortement
07:52contribuer en tout cas à l'essor de l'art au sein du Wealth. Oui parce que du coup, ils se disent
07:59forcément qu'ils veulent un peu diversifier leurs actifs. Est-ce qu'on sait s'il y a une progression
08:02de la place qu'occupe l'art dans leur patrimoine ? Tout à fait. Oui, il y a eu une progression du
08:08fait que l'art est définitivement aujourd'hui indissociable en tout cas de la gestion privée,
08:13de la gestion de fortune. Et on peut constater une allocation d'actifs dans les portfolios qui est
08:18entre 20 et 25%. Et pour les patrimoines qui sont supérieurs à 50 millions d'euros, il y a
08:28environ 30% encore d'augmentation. Donc ça reste très conséquent. Moi je ne vous cache pas que j'ai
08:37toujours plutôt conseillé d'être autour de 10% du patrimoine que l'on pourrait consacrer à l'art au
08:47sein de son portfolio. Mais c'est effectivement très très important. Et quels seraient les secteurs
08:53les plus prisés ? C'est l'art contemporain ? Alors là si on parle en tout cas, si on s'adresse à des
08:58personnes qui voudraient viser, je ne vais pas dire faire performance parce que c'est pas vraiment
09:03un actif financier, mais en tout cas peut-être optimiser les plus-values. C'est vrai qu'il y a
09:08des secteurs qui sont plus performants que d'autres. On observe en tout cas en termes de
09:13valeur que toutes les ventes qui ont été réalisées pour des artistes après 1870, c'est-à-dire aux
09:21alentours de l'impressionnisme donc de l'art moderne, ça représente environ 90% des ventes
09:26en valeur, ce qui est beaucoup. On est entre 75 et 80% des ventes en valeur pour les oeuvres qui
09:36concernent le domaine de l'art moderne du postoir, c'est-à-dire après 1945 et de l'art contemporain.
09:44Et on est aux alentours de 50% en valeur pour les oeuvres qui sont vendues après 1945. Donc
09:56clairement les secteurs de performance se situent à partir de l'art moderne. Mais ce qui est très
10:02intéressant, ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas être éclectique et aussi pouvoir s'intéresser
10:06à la peinture ancienne, qui en plus de ça, parce qu'il y a eu une chute, présente des prix à l'achat
10:11qui sont extrêmement intéressants. Mais c'est vrai que de 1870 à aujourd'hui, vous avez un panel
10:16absolument incroyable de diversité. C'est difficile de ne pas trouver des oeuvres qui puissent plaire
10:24à des clients dans cette période-là. Et ce qui est intéressant, c'est que tout ça est accompagné par
10:28de nombreux professionnels qui redoublent l'initiative depuis ces cinq dernières années. Est-ce que vous
10:34pouvez nous dire un peu comment évoluer l'offre de services pour accompagner ces clients ?
10:39Alors effectivement, c'est une question très intéressante puisque ça concerne évidemment, il y a une façon
10:44de devoir accompagner les clients dans l'art. La première chose, la plus importante me semble-t-il,
10:51quand on fait ce métier, quand on aborde l'art dans le wealth, c'est d'avoir une position indépendante.
10:56De s'assurer de ne pas avoir de conflit d'intérêt, c'est-à-dire de pouvoir identifier la meilleure
11:02option pour le client en France et à l'international, et donc de ne pas fonctionner avec, de ne se couper
11:11d'aucun marché, si vous voulez, de ne pas fonctionner simplement avec une maison de tente aux enchères,
11:14une galerie, etc. Parce que la meilleure option peut être absolument partout. Mais ensuite, ce qui est
11:20intéressant, c'est de voir qu'effectivement, comme ce que vous avez dit tout à l'heure en début,
11:24ça se structure et c'est de plus en plus créatif également. Donc vous avez des besoins, parce qu'il
11:30faut toujours partir des besoins, bien évidemment. Donc vous allez avoir des besoins qui sont d'ordre
11:34plus traditionnel et puis des besoins plus spécifiques. Alors les besoins d'ordre plus
11:38traditionnel, évidemment, d'accompagnement, ça va concerner les valorisations pour des transmissions,
11:44des assurances, des successions, etc. L'accompagnement pour l'acquisition et également pour la
11:50cession, donc avec cette position d'indépendance. Et puis aussi concernant la due diligence, qui est
11:55évidemment extrêmement importante pour l'authenticité, la qualité, l'alignement du prix. Concernant la
12:02logistique aussi, pour le stockage, la conservation, l'assurance. Et puis aussi concernant à titre
12:07informatif la fiscalité. Et puis on peut avoir des outils plus spécifiques. Et dans ces outils
12:13plus spécifiques, il faut être créatif et se dire comment est-ce qu'on peut optimiser la collection
12:19ou un ensemble d'art pour un client. Et donc on a réfléchi à deux outils qu'on a mis en place
12:24maintenant il y a quelques années. Il y en a un qui s'appelle le portfolio et un autre qui s'appelle
12:28l'audit artistique. Avec le portfolio artistique, vous avez la possibilité d'aider les clients à
12:33cibler leur goût, de pouvoir traduire ensuite les goûts des clients avec des artistes patrimoniaux,
12:38c'est-à-dire des artistes qui ont un positionnement solide, et de donner en même temps des informations
12:44extrêmement didactiques sur le profil économique des artistes et pas simplement artistique. Donc
12:50ce qui permet de pouvoir optimiser la valorisation et d'être parfaitement informé. Et puis l'audit
12:56artistique, pour des personnes qui détiennent déjà des œuvres d'art, c'est une façon de pouvoir les
13:01accompagner pour apporter plus de cohérence à l'ensemble ou la collection, que ce soit d'un
13:07point de vue artistique ou d'un point de vue économique, avec des préconisations qu'on peut
13:11donner aussi en fin de rapport. Il ne reste plus beaucoup de temps, est-ce que vous avez justement
13:15des conseils à donner ou est-ce que vous avez vu des erreurs du côté de ces High Net Worth qui ont
13:21été réalisées et qu'il faudrait idéalement ne pas faire ? Je pense qu'on ne le répétera jamais
13:27assez, que ce n'est pas le prix d'une oeuvre qui fait sa qualité, ça je le dis assez souvent mais
13:31c'est extrêmement important, c'est bien la qualité d'une oeuvre. Donc bien savoir que tous les
13:35artistes n'ont pas fait que des chefs-d'oeuvre, donc il y a des périodes de prédilection, donc il
13:40faut avoir un alignement des prix avec cela, je pense que c'est très important aussi de faire son
13:44œil, on a la chance d'être très gâtés en France, donc il y a beaucoup d'expositions, il faut les
13:49faire, allez voir Wesselman par exemple, Elle Poparte en ce moment qui a une exposition absolument
13:52géniale. Je pense que c'est très important de se renseigner également et également de ne pas
14:00toujours céder aux sirènes du contemporain avec les artistes très à la mode, parce qu'on peut
14:05avoir parfois des convenus, ce n'est pas toujours systématique, mais je pense qu'il faut avoir
14:12pas mal de sang-froid quand on se retrouve sur une sorte de frénésie comme on a pu la connaître
14:20sur l'art contemporain où là on voit qu'on a des baisses de 40-50% voilà et puis la dernière chose
14:25la plus importante c'est quand même de se faire plaisir. Oui parce que c'est un investissement,
14:29exactement. Eh bien merci beaucoup d'être une rechange. Merci à vous. Vous êtes conseillère
14:33en gestion de patrimoine artistique, fondatrice de Fine Art Consulting et
14:36quant à nous on se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau numéro d'Art et Marché.