• il y a 4 mois
Avec Emmanuel Razavi, grand reporter franco-iranien et spécialiste du Moyen-Orient, auteur du livre “La face cachée des mollahs” aux éd. Cerf et David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) spécialiste du Proche-Orient

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##LES_GRANDS_DEBATS_DU_MATIN-2024-08-09##

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Transcription
00:00Le Grand Matin Sud Radio, 7h-10h, Jean-Marie Bordry.
00:04Il est 8h09 précisément sur Sud Radio.
00:07Pourquoi l'attaque iranienne sur Israël, qui a été promise, se fait autant attendre ?
00:12Est-ce que finalement l'heure pourrait être à la détente ?
00:14C'est ce qu'on va voir avec nos invités, dans un instant, le grand reporter Emmanuel Razavi
00:18et tout de suite David Rigoulet-Rose.
00:20Bonjour.
00:22Bonjour.
00:22Et bienvenue sur Sud Radio.
00:23Chercheur associé à l'Institut des Relations Internationales et Stratégiques, Céliris,
00:28vous êtes spécialiste du Proche-Orient.
00:30Pour commencer, David Rigoulet-Rose, cette surprise.
00:34On craignait une attaque iranienne, pourquoi pas sur Israël, dans la nuit de jeudi à vendredi.
00:39Et finalement, on apprend qu'Israël est prêt à reprendre les pourparlers pour des négociations
00:43vers un cessez-le-feu à Gaza d'ici le 15 août.
00:46Est-ce que ça veut dire que finalement, l'heure est à la détente ou pas du tout ?
00:50Détente, ce n'est pas forcément le mot le plus adapté.
00:53Mais en tout cas, il y a incontestablement une prise de conscience du risque maximal
00:58qui prévaut dans la région.
00:59Et les pressions, et notamment les pressions américaines, sont énormes
01:03pour éviter justement que ça débouche sur une déflagration régionale.
01:07Les contacts n'ont pas été rompus avec Téhéran.
01:10Pression sur qui, David Rigoulet-Rose ?
01:14Sur tous les acteurs.
01:15Pression américaine qui font comprendre à Téhéran qu'il y a une prise de risque
01:20pour Téhéran d'un affrontement direct avec les États-Unis.
01:25Et pression également sur Israël justement pour accepter de rentrer dans une logique transactionnelle
01:31pour relancer justement les négociations avec l'idée, depuis le départ,
01:36qu'un cessez-le-feu à Gaza et une négociation sur les otages
01:39pourraient notamment vis-à-vis d'U.S.B.O.L.A. qui l'avait dit explicitement,
01:43qui s'arrêterait de bombarder s'il y avait un cessez-le-feu,
01:46pourraient déclencher une logique vertueuse.
01:48On n'en est pas là.
01:49Mais ce qui est sûr, c'est que tous les acteurs sont quand même rationnels.
01:52Ils savent très bien qu'ils mettent le doigt dans l'engrenage,
01:55potentiellement ça peut devenir incontrôlable.
01:58Il y a un débat interne très soutenu au sein du Nezam, le système iranien,
02:02notamment des discussions assez fortes entre le nouveau président et le guide suprême
02:08en faisant valoir qu'il y a un risque pour le régime iranien tout simplement,
02:13s'il y avait un conflit.
02:15Mais il y aura forcément une réponse.
02:17La question, c'est le calibrage, parce que la rationalité des acteurs
02:22les pousse à vouloir éviter un engrenage fatal.
02:27Est-ce que ça veut dire concrètement que l'Iran est obligé de répondre,
02:31c'est-à-dire de frapper d'une manière ou d'une autre l'Israël,
02:33mais qu'il ne devra le faire que de manière discrète,
02:36ou en tout cas indolore, pour éviter la guerre ?
02:40D'après les allers-retours, notamment via les Suisses,
02:46qui représentent les inter-américains,
02:49ils ont fait valoir que, dans la mesure où Ismail Haniyeh n'était pas un Iranien,
02:54ça ne pouvait pas justifier de la part de Téhéran,
02:57c'est une manière aussi de laisser la possibilité à Téhéran de sauver la face,
03:00d'attaquer directement Israël, même s'il faudrait qu'il y ait une réplique,
03:04mais à ce moment-là sur un autre registre.
03:07Vous vous rappelez, Ismail Haniyeh, c'était le chef du bureau politique du Hamas,
03:11il a été assassiné, très probablement par Israël, en Iran, il y a quelques jours.
03:17C'est un affront, c'est une attaque,
03:20malgré ça, vous dites que l'Iran ne veut pas répondre directement,
03:24ne voudrait pas répondre directement.
03:26Pour l'instant, la décision n'est pas tranchée,
03:29mais effectivement, il y a un débat pour savoir
03:31s'il ne faudrait pas plutôt frapper le Mossad,
03:34ou ceux qui seraient à l'origine de cette opération,
03:37et pour éviter une frappe directe contre Israël
03:40qui entraînerait un soutien américain,
03:43avec évidemment les attendus très incertains que ça soulève pour Téhéran.
03:47Mais de toute façon, il y aura quelque chose,
03:50parce qu'on a vu les déclarations de Hassan Nasrallah,
03:53en disant qu'il y aurait une réponse quelles que soient les conséquences,
03:57ce sont des éléments de langage,
03:59parce que Nasrallah tient compte aussi des intérêts iraniens.
04:03Donc il y a des arbitrages très compliqués en ce moment,
04:05pour les uns et pour les autres.
04:06Hassan Nasrallah qui est le leader du Hezbollah,
04:10le Hezbollah dont l'un des principaux chefs
04:12a été lui aussi tué par Israël il y a quelques semaines.
04:16On est avec le grand reporter, notre deuxième invité,
04:19Emmanuel Razavi, bonjour.
04:21Bonjour, merci de me recevoir.
04:22Bienvenue à vous sur Sud Radio.
04:23Vous êtes franco-iranien, spécialiste également du Moyen-Orient,
04:26et auteur de ce livre,
04:27La face cachée des mollahs,
04:29c'est publié aux éditions du Serre.
04:31Est-ce que les mollahs, pour résumer le régime à cette expression,
04:34est-ce qu'ils ont peur d'attaquer Israël ?
04:37Alors écoutez, je discutais il y a quelques jours
04:40avec un iranien proche du régime, des mollahs justement,
04:45qui me disait qu'attaquer Israël,
04:47risquait de les mettre dans une position
04:49qui allait les conduire à un conflit ouvert avec l'État hébreu,
04:52et qu'ils n'en avaient pas les moyens.
04:54En clair, ils disent qu'ils ont à peu près six à huit semaines,
04:58si vous voulez, de capacité militaire en cas de conflit ouvert contre Israël.
05:03Donc je pense qu'aujourd'hui, si vous voulez,
05:05ils temporisent, on le voit bien,
05:07ils font tout pour éviter le conflit ouvert,
05:10tout simplement parce que ça mettrait de toute façon
05:13le régime iranien, je pense encore plus à genoux,
05:15qu'il ne l'est, parce qu'il faut se rendre compte
05:17qu'aujourd'hui, la République Islamique d'Iran,
05:20c'est un pays qui est confronté,
05:22c'est un État qui est confronté à plusieurs crises.
05:24Il y a la crise évidemment liée à la révolte populaire,
05:28depuis près de deux ans.
05:30Il y a une crise économique qui est sans précédent,
05:32on parle quand même de plus de 40% d'inflation.
05:34Vous avez un Iranien sur deux
05:36qui vit en dessous du seuil de pauvreté,
05:38et puis vous avez une crise,
05:40comment dire, qui est une crise environnementale
05:42aussi sans précédent,
05:44parce que vous avez deux tiers du territoire iranien
05:46qui n'a quasiment plus accès à l'eau potable.
05:48Donc tout ça montre quand même
05:50un pays qui est en train
05:52de faire face à une sorte d'asphyxie
05:54et qui n'a quand même pas les moyens
05:56de rentrer dans un conflit qui est un conflit global.
05:58Il faut être prudent,
06:00parce que vous avez autour du guide suprême
06:02l'Ayatollah Ali Khamenei,
06:04des gens aujourd'hui
06:06qu'on appelle les romaïnistes,
06:08qui sont des partisans aussi de ce qu'on appelle
06:10le djihad, de ce qu'ils appellent en fait le djihad mondial.
06:12C'est la ligne dure, c'est exactement ça.
06:14Alors parlons maintenant de ce que nous disait
06:16David Rigoleros, à l'instant vous êtes toujours avec nous je le rappelle,
06:18chercheur à l'IRIS.
06:20Vous disiez David Rigoleros, il y a aussi
06:22les pressions américaines très fortes
06:24sur toutes les parties
06:26pour éviter une escalade.
06:28Concrètement, ce que vous dites signifie que malgré tout
06:30des deux côtés, tant du côté israélien
06:32que du côté iranien,
06:34certains veulent la confrontation.
06:36Qui veut la guerre aujourd'hui
06:38des deux côtés, David Rigoleros ?
06:40En Iran,
06:42dans l'entourage du guide, il y a
06:44effectivement une faction ultra radicale,
06:46notamment il y a un parti qui s'appelle
06:48le parti Païdari,
06:50qui a une vision quasiment
06:52messianiste, et puis il y a le corps
06:54des gardiens de la révolution,
06:56dans une logique très intransigeante.
06:58Donc au sein du système iranien,
07:00il y a des jeux de pression très forts
07:02qui fait que
07:04il y a un principe d'incertitude.
07:06De toute façon, c'est le guide
07:08qui est suprême qui décide au final,
07:10dans tout état de cause.
07:12Ça c'est pour les faucons iraniens, du côté israélien.
07:14Oui, les faucons iraniens,
07:16qui sont soit effectivement les Pasdaran,
07:18le CEPA, c'est-à-dire les gardiens de la révolution,
07:20soit effectivement des factions politiques
07:22ultra radicales,
07:24qui poussent éventuellement
07:26un affrontement. Ce que ne souhaite pas
07:28le guide suprême, parce que lui, il arbitre
07:30ce qu'il estime être l'intérêt de l'Iran.
07:32Et puis du côté israélien,
07:34c'est la même chose. En réalité, il y a un effet
07:36miroir, il y a aussi des faucons,
07:38notamment des ministres comme
07:40Smoudrich et Ben-Ghir,
07:42qui sont d'extrême-droite,
07:44qui poussent, qui sont pour
07:46l'invasion du Liban de manière
07:48quasiment immédiate, qui sont
07:50pour la colonisation massive
07:52de la Cisjordanie, et donc ils sont des bouts de feu,
07:54d'une certaine manière. Et Netanyahou
07:56est aussi, un peu comme le guide,
07:58je parlais d'effet miroir,
08:00comme le guide suprême de l'autre côté, il est obligé
08:02d'arbitrer effectivement
08:04des logiques contradictoires,
08:06en tenant compte, évidemment,
08:08de manière en surplomb, de ces immenses
08:10pressions américaines. Sauf qu'il a déjà arbitré
08:12en décidant l'exécution
08:14d'une part d'Aniyeh en Iran,
08:16et d'autre part du chef du Hezbollah.
08:18Est-ce que ça veut dire quand même que Benyamin Netanyahou
08:20veut la confrontation ?
08:24Certains le disent, évidemment.
08:26Il y a une logique complotiste qui
08:28laisse entendre que, finalement, pour sauver
08:30son avenir politique,
08:32qui est sombre, c'est le moins qu'on puisse dire,
08:34s'il devait rendre des comptes
08:36à l'issue d'un conflit.
08:38Mais en même temps,
08:40la logique de conflictuel
08:42ne se résume pas à sa personne.
08:44Il y a des enjeux nationaux pour Israël.
08:46Il y a des tensions, des contradictions, des arbitrages.
08:48On le voit avec les services de renseignement,
08:50qui sont très critiques à l'endroit de Netanyahou,
08:52mais qui considèrent aussi
08:54qu'il y a des nécessités
08:56sécuritaires et stratégiques.
08:58Pour vous, c'est plutôt complotiste.
09:00En tout cas, c'est faux de penser
09:02que Benyamin Netanyahou voudrait la guerre
09:04à tout prix ?
09:06C'est difficile de trancher
09:08de manière unilatérale, même si, évidemment,
09:10la gestion personnelle
09:12de la guerre peut,
09:14pour certains, induire ce type d'interprétation.
09:16Emmanuel Razavi,
09:18on a parlé du camp de la guerre
09:20du côté de l'Iran, du côté d'Israël.
09:22Est-ce qu'il y a un camp de la guerre pour vous ?
09:24Écoutez, je pense
09:26qu'il y a un camp de la guerre des deux côtés.
09:28Je rejoins vraiment David.
09:30Je pense qu'il vous a donné une très bonne analyse,
09:32parce que c'est vraiment celle qu'on peut constater sur le terrain.
09:34Moi, je suis beaucoup sur le terrain.
09:36En Israël, aujourd'hui, vous avez deux tendances.
09:38Un peu comme en Iran.
09:40Vous avez une tendance, aujourd'hui, qui veut
09:42éviter l'embrasement à tout prix,
09:44tout en faisant quand même la chasse
09:46aux responsables du Hamas
09:48qui ont perpétré
09:50le massacre du 7 octobre.
09:52L'un n'exclut
09:54clairement pas l'autre.
09:56De toute façon, les Israéliens ont promis
09:58qu'ils abattraient les chefs
10:00du Hamas et du djihad islamique
10:02qui avaient commandité
10:04ou qui étaient joints, en tout cas,
10:06à ce massacre terroriste du 7 octobre.
10:08Donc ça, aujourd'hui,
10:10c'est une réalité. De l'autre côté,
10:12en Iran, on a parlé
10:14des factions qui étaient les plus dures.
10:16Effectivement, comme l'a dit David,
10:18au sein des guerrières de la Révolution...
10:20Alors, attendu qu'au sein des guerrières de la Révolution,
10:22il y a quand même, on le voit depuis le mois de mars dernier,
10:24il y a des dissensions,
10:26notamment les plus jeunes
10:28des officiers des guerrières de la Révolution.
10:30Ils n'ont pas envie de se lancer
10:32dans un conflit, contrairement
10:34à leurs aînés.
10:36Il faut comprendre d'où ça vient.
10:38C'est que l'Iran est traversé par une rupture
10:40à la fois sociologique et générationnelle.
10:42Très clairement, la moyenne d'âge
10:44en Iran est de 32 ans, si vous voulez.
10:46Et on voit bien que les jeunes iraniens
10:48qui ont manifesté depuis deux ans,
10:50ils ont envie plutôt d'une relation
10:52apaisée avec Israël,
10:54contrairement au régime.
10:56Après, le danger,
10:58c'est les gens qu'il y a autour de
11:00Ali Khamenei, notamment au sein
11:02de la Nouvelle Assemblée,
11:04qui sont, pour le coup, des idéologues
11:06durs et durs, qui ressemblent
11:08assez, pour certains d'entre eux,
11:10à ceux qui ont entouré l'Ayatollah Khomeini en 1979,
11:12quand il a pris le pouvoir
11:14en Iran, et qui sont
11:16très dangereux. Parce qu'ils pourraient
11:18effectivement, au nom de cette espèce de
11:20messianisme dont parlait David,
11:22je le rejoins précisément sur ce point-là,
11:24conduire à un
11:26conflit ouvert, sans forcément
11:28que le guide suprême le veuille.
11:30Quelle est la suite et quels sont les prochains
11:32scénarios ? C'est ce qu'on va voir avec vous deux
11:34dans un instant. Restez avec nous, Emmanuel Razavi
11:36et David Rigoulet-Rose. A tout de suite
11:38sur Sud Radio.
11:40Sud Radio. Parlons vrai.
11:42Parlons vrai. Sud Radio. Parlons vrai.
11:44Le Grand Matin Sud Radio.
11:467h, 10h.
11:48Jean-Marie Bordry. Il est 9h23.
11:50Sur Sud Radio, nous parlons de la guerre
11:52au Proche-Orient, ou du moins dans la bande de Gaza,
11:54puisque les combats continuent malgré tout,
11:56et du risque d'escalade entre Israël
11:58et l'Iran, avec nos deux invités,
12:00David Rigoulet-Rose, pardonnez-moi,
12:02et Emmanuel Razavi.
12:04Avant ça, 0826-300-300,
12:06la parole à Serge, depuis la Seine-Saint-Denis.
12:08Bonjour, mon cher Serge.
12:10Oui, bonjour. Bienvenue
12:12sur Sud Radio. Bonjour, bonjour.
12:14J'avais une question à vous poser, justement, qui était importante,
12:16si ça vous convient.
12:18Parce que c'est toujours difficile pour nous, qui ne sommes pas des spécialistes,
12:20de faire des pronostics
12:22ou alors des scénarios. En revanche,
12:24que doit dire la France et quelle doit être
12:26la position de la France face à
12:28cette guerre, pour vous, Serge ?
12:30Alors, ça, c'est une bonne question,
12:32mais
12:34c'est un peu compliqué, parce que la France est un peu
12:36comme l'Iran, c'est-à-dire qu'elle a...
12:38C'est compliqué.
12:40Vous avez un terme qui va vous dire
12:42« j'y vais pas », parce que
12:44Emmanuel Macron ne veut pas des problèmes
12:46dans la rue, et surtout pendant les JO,
12:48avec des manifestations pro-palestiniennes,
12:50etc. Et d'un autre côté,
12:52quand il y a eu des scuds qui ont été envoyés...
12:54Enfin, pas des scuds, mais des roquets,
12:56des missiles ont été envoyés contre Israël.
12:58Alors, la France était en Jordanie
13:00et a un peu aidé.
13:02Oui, c'est vrai. On peut rappeler ce qui s'est passé, c'était en avril
13:04dernier. L'Iran avait
13:06lancé plusieurs centaines de drones
13:08sur Israël. Ils avaient mis des heures et des heures à arriver.
13:10Certains avaient survolé les bases
13:12militaires françaises, notamment en Jordanie. Du coup,
13:14l'armée française en avait abattu
13:16quelques-uns. Bon. Il faut refaire
13:18la même chose, si le même scénario se reproduit, ou pas, pour vous, Serge ?
13:20Moi, je pense que c'est comme ça que ça va se passer.
13:22Mais j'ai entendu votre intervenant,
13:24je ne sais plus lequel, qui disait
13:26que les jeunes Iraniens
13:28ne se sentent pas fatigués
13:30de tout ça. Ils ne se sentent pas concernés.
13:32Les Libanais non plus.
13:34On a entendu beaucoup, à un certain
13:36moment, d'anciens ministres libanais
13:38qui disaient que c'est bon, la guerre avec Israël,
13:40ça ne nous ramène rien.
13:42On n'y gagne rien. Les Iraniens
13:44n'y gagnent rien non plus, sinon de montrer des muscles.
13:46Et encore, ils ne vont pas trop les montrer
13:48parce qu'ils ont peur que
13:50les Américains, à l'aube
13:52des présidentielles
13:54américaines,
13:56veulent aussi montrer leurs muscles.
13:58Donc, je pense que,
14:00comme disait un intervenant, ils vont
14:02répondre, mais pas trop.
14:04Merci beaucoup, Serge,
14:06depuis la Seine-Saint-Denis. En tout cas, pour votre
14:08île d'opéra, le 0826 300.
14:10Vous écoutez Sud Radio sur le 99.9 FM,
14:12comme dans toute l'île de France.
14:14C'est intéressant ce que nous dit Serge.
14:16Il rebondissait sur ce que vous disiez,
14:18justement, Emmanuel Razavi.
14:20Cette génération d'Iraniens qui en a assez
14:22de la confrontation permanente qu'on peut retrouver
14:24ailleurs. Il y a eu aussi, il y a quelques
14:26années, il faut bien le dire, sous
14:28Donald Trump, plusieurs pays musulmans qui
14:30ont reconnu l'existence d'Israël,
14:32établi des relations diplomatiques.
14:34Tiens, le Maroc, par exemple.
14:36Est-ce que, contrairement à ce qu'on pourrait imaginer,
14:38on va, malgré tout, vers, à long terme,
14:40une acceptation d'Israël au milieu du Moyen-Orient,
14:42Emmanuel Razavi ?
14:44De fait, oui, parce que, de toute façon,
14:46je vous venais de le dire, il y a un certain nombre de pays arabes
14:48aujourd'hui qui, non seulement, en fait,
14:50reconnaissent Israël, mais qui passent, en fait, des partenariats
14:52économiques avec l'État hébreu.
14:54C'est une réalité.
14:56C'est le contenu de leur opinion publique, il faut bien le dire aussi.
14:58Oui, enfin, ça, pour moi, vous savez,
15:00il y a quand même, en parlant de l'opinion, en fait,
15:02publique arabe, en général,
15:04vous savez, moi, je passe beaucoup de temps, en fait, aux proches
15:06et au Moyen-Orient, il y a quand même une réalité,
15:08c'est que ça reste, quand même, relativement
15:10à la marge, les gens qui
15:12manifestent le point levé, si vous voulez, pour aller
15:14détruire, en fait, Israël. Ça change
15:16parce qu'encore une fois, ce sont des pays qui se rajeunissent.
15:18Regardez, c'est intéressant, hein,
15:20de regarder la moyenne d'âge dans tous ces pays aujourd'hui.
15:22Il y a quelque chose, voilà,
15:24qui est en train, en fait, de changer.
15:26Pour revenir sur ce qui se passe à l'intérieur de l'Iran,
15:28ces jeunes iraniens, aujourd'hui,
15:30de toute façon, leur premier ennemi,
15:32c'est pas Israël, hein, c'est la République islamique d'Iran.
15:34Je voudrais rappeler pour vos auditeurs une chose.
15:36Il y a un an, un peu plus d'un an,
15:38les Basijis, vous savez, la milice
15:40sille qui dépend
15:42du corps des gardiens de la révolution iranienne,
15:44à la demande du guide suprême Ali Khamenei,
15:46une étude pour savoir
15:48ce que pensaient
15:50les Iraniens. Ils ont fait un sondage.
15:52Ils ont fait un sondage, voilà,
15:54les sondages officiellement sont interdits.
15:56En fait, en Iran, c'était une étude, voilà, ils sont allés demander aux Iraniens.
15:58Cette étude qui vient du régime
16:00dit que 71%
16:02des Iraniens
16:04ne veulent plus des Mollahs.
16:06C'est ça, la réalité, en fait, de l'Iran aujourd'hui.
16:08Et il me semble que
16:10les Occidentaux, en général, devraient quand même en prendre conscience.
16:12Je pense qu'ils ne le mesurent pas assez.
16:14C'est-à-dire que c'est un régime qui est assébli
16:16pour toutes les raisons que j'ai évoquées
16:18tout à l'heure, mais aussi assébli
16:20parce que sa propre population,
16:22majoritairement, ne veut plus de lui.
16:24Il y a bien sûr toujours les rentiers du régime
16:26qui le soutiennent, mais ils représentent quoi
16:28aujourd'hui ? À peine 20%.
16:30C'est un changement d'époque, en d'autres termes,
16:32qui se profile. On en parle, tiens, avec David Rigolero,
16:34ce qui est toujours avec nous.
16:36On parlait de l'acceptation d'Israël.
16:38Alors, ça peut paraître paradoxal, quand on a vu
16:40toutes les manifestations,
16:42y compris en France, le déversement de propos
16:44antisémites un peu partout. Malgré tout,
16:46est-ce que la réelle politique va finir par
16:48s'imposer au Moyen-Orient, David Rigolero ?
16:50Oui, il y a souvent des...
16:52Emmanuel a raison quand il évoque
16:54effectivement la rupture régénérationnelle
16:56en Iran. Il y a des biais cognitifs
16:58de l'extérieur qui faussent un peu
17:00les visions. Il n'y a pas...
17:02La jeunesse iranienne, elle est pro-occidentale.
17:04C'est le paradoxe. Le régime,
17:06il est farouchement anti-occidental, mais
17:08on va dire que c'est une anomalie.
17:10D'ailleurs, je parlais d'effet de miroir tout à l'heure.
17:12Très souvent, dans les pays arabes,
17:14c'est un peu l'inverse. C'est-à-dire que les régimes
17:16sont plutôt pro-occidentaux. Et la rue arabe,
17:18ce qu'on qualifie un peu
17:20abusivement parfois de rue arabe,
17:22est plutôt anti-occidentale. Mais globalement,
17:24il y a une évolution quand même qui s'est faite.
17:26Vous évoquiez la dynamique des accords d'Abraham.
17:28De toute façon, cette dynamique a été
17:30suspendue avec le 7 octobre, bien sûr,
17:32parce que les régimes arabes sont obligés
17:34de tenir compte de leurs opinions publiques.
17:36En même temps, les impératifs stratégiques
17:38sous-jacents, qui ne sont pas uniquement économiques,
17:40d'ailleurs, même si Emmanuel avait
17:42raison d'évoquer la dimension économique,
17:44mais ils sont aussi stratégiques, c'est la peur de l'Iran.
17:46Et donc, sur le long terme, de toute façon,
17:48elle sera poursuivie. Et d'ailleurs,
17:50on le voit avec l'Arabie saoudite qui a suspendu,
17:52mais pas rompu,
17:54annulé ce processus.
17:56Et d'ailleurs, ça fait partie, on va dire,
17:58du logiciel américain d'intégration
18:00d'Israël dans son environnement régional,
18:02aussi pour faire face à ce qui est
18:04supposé être la menace iranienne.
18:06Donc, on voit que c'est très compliqué,
18:08c'est un peu un kaleidoscope,
18:10et il faut se garder des biais cognitifs
18:12visuels.
18:14Alors, parlons maintenant de ce qui pourrait se passer
18:16dans les jours qui viennent.
18:18Deux choses, l'un comme l'autre,
18:20vous êtes d'accord, il y aura quand même une riposte
18:22à un moment ou un autre, même si elle est symbolique iranienne.
18:24En revanche, on peut ou pas
18:26espérer l'arrivée à un cessez-le-feu
18:28dans la bande de Gaza. Emmanuel Razavi.
18:30Alors, écoutez, moi,
18:32je me refuse à jouer les deux.
18:34Dans cette région, qui est extrêmement
18:36complexe, il peut toujours se passer
18:38quelque chose, vous savez, l'étincelle, la fameuse
18:40étincelle, qui peut provoquer l'explosion.
18:42Il ne faut pas oublier aujourd'hui que ce qui se
18:44passe, si vous voulez,
18:46même dans la bande de Gaza, vous retrouvez
18:48le jeu, quand même, de l'Iran,
18:50même si les mollahs soutiennent un peu
18:52moins, il y a quelques mois, le Hamas,
18:54ils sont quand même l'un de ses sponsors, l'un de ses
18:56parrains, si vous voulez. Donc,
18:58ils ont tout intérêt à jouer la carte de la déstabilisation,
19:00en fait, encore, avec de l'autre côté,
19:02au sud liban, l'autre
19:04proxy, qui est le Hezbollah.
19:06Donc, moi, pour le coup, je reste extrêmement prudent.
19:08Ce surcroît,
19:10si vous voulez, aujourd'hui, il faut s'interroger
19:12à mon sens, et vous l'avez dit tout à l'heure, ce qui est
19:14très intéressant, vous avez fait allusion aux manifestations
19:16pro-palestiniennes qu'il pouvait y avoir,
19:18en fait, en Europe, notamment en France.
19:20Il faut comprendre que depuis,
19:22en fait, plusieurs mois, d'accord, la République
19:24islamique d'Iran a activé un certain nombre
19:26de ses agents d'influence, vous savez,
19:28qui travaillent pour la force Al-Qods. La force Al-Qods,
19:30je le dis pour vos auditeurs, c'est
19:32comment dire, la force
19:34en charge des opérations extérieures
19:36du corps des gardiens de la Révolution
19:38qui est spécialisée, bien sûr, dans tout
19:40ce qui est terrorisme, guerres
19:42asymétriques, mais aussi dans les jeux
19:44d'influence. Il y a un peu plus
19:46d'un mois, en France, pour illustrer mon propos,
19:48à Dijon, vous avez un dénommé
19:50Bashir Biazar, un ressortissant
19:52en fait iranien, qui a été arrêté
19:54et expulsé, parce que, justement,
19:56il était un de ses agents d'influence.
19:58Il avait deux missions, c'était surveiller les opposants
20:00iraniens
20:02dans la région, en fait, de Dijon, mais aussi
20:04approcher, en fait, si vous voulez, des
20:06organisations d'extrême-gauche
20:08dans les milieux universitaires,
20:10si vous voulez. Et là où il ne faut pas être dupe,
20:12c'est qu'aujourd'hui, c'est la République islamique d'Iran,
20:14bien sûr qu'elle sème le chaos, en fait, au Proche
20:16ou au Moyen-Orient, via ses proxys,
20:18mais, aujourd'hui, elle active
20:20aussi un certain nombre, en fait, de manifestations
20:22pro-palestiniennes dans plusieurs, en fait,
20:24pays d'Europe. C'est vrai
20:26en Allemagne, c'est vrai en Espagne, et donc,
20:28c'est vrai en France, comme je viens de vous l'illustrer,
20:30en fait, à l'instant. Et c'est ce qui explique, à mon avis,
20:32de plus en plus une forme, si vous voulez,
20:34de lâcheté de la part, en fait, des diplomaties
20:36occidentales, qui ont peur. Moi, quand j'ai fait l'enquête,
20:38mes enquêtes, en fait, pour Paris Match,
20:40pour mon livre, La face cachée des molles,
20:42à plusieurs reprises, des spécialistes, si vous voulez,
20:44du renseignement, m'ont dit, en fait,
20:46on ne bouge pas, c'est pas parce qu'on n'a pas
20:48les moyens de bouger, c'est parce qu'on a peur,
20:54des manifestations ou des émeutes en France.
20:56Et, plus loin, le terrorisme,
20:58de façon très claire, si vous voulez.
21:00Donc, c'est ce qui explique la pusillanimité, aussi,
21:02en fait, aujourd'hui, des États, d'un certain nombre
21:04d'États, en fait, occidentaux.
21:06Vous avez parlé de lâcheté, non, dans ces cas-là ?
21:08Écoutez, moi, c'est ce que je dis très clairement,
21:10en fait, dans mon livre, en tout cas,
21:12ce sont des spécialistes du renseignement
21:14qui me le disent très précisément,
21:16bien sûr, mais depuis 45 ans, la République
21:18islamique joue là-dessus.
21:20Elle joue sur la peur, si vous voulez,
21:22des Occidentaux, parce que, évidemment,
21:24sa force Al-Qods a réalisé,
21:26a commis, pardon, de nombreux
21:28attentats, depuis les années
21:3090.
21:31Effectivement, et ce régime a commis des attentats, y compris,
21:33qui ont visé la France, il faut le rappeler.
21:35On a peur, donc, de manifestations
21:37plutôt chez nous qu'à l'étranger.
21:39David Rigoulet-Rose, pour vous, vous partagez
21:41ce diagnostic ?
21:43Oui, alors, les deux sont pas...
21:45Enfin, l'une n'exclut pas l'autre,
21:47de toute façon,
21:49mais il y a un peu
21:51un modèle russe
21:53d'influence, de déstabilisation.
21:55On retrouve la même chose à propos
21:57de la guerre en Ukraine, et c'est pas d'ailleurs
21:59un hasard si les deux pays
22:01sont en synergie.
22:03Sur les deux théâtres, à la fois en Ukraine, puisque
22:05les Iraniens fournissent
22:07des drones Shaheed
22:09de 136, et puis,
22:11inversement,
22:13l'ancien ministre Shoigu vient
22:15d'aller à Téhéran pour assurer
22:17le soutien de Moscou à Téhéran
22:19en lui livrant des systèmes de défense
22:21très sophistiqués. Donc, c'est assez
22:23intéressant de voir, finalement, que les deux
22:25théâtres s'articulent
22:27dans les modalités guerrières
22:29et, effectivement, dans les modalités de stratégie d'influence.
22:31Effectivement. Merci à tous les deux
22:33pour cet éclairage. En tout cas, on va suivre la situation,
22:35évidemment. Je rappelle, Emmanuel Razavi,
22:37votre livre, tout simplement,
22:39La face cachée des mollas.
22:41C'est publié aux éditions du Serre.
22:43Vous êtes grand reporter franco-iranien.
22:45Merci à vous, David Rigoulet-Rose,
22:47chercheur associé à l'IRIS.
22:49J'aimerais qu'on ait un mot, quand même,
22:51alors qu'on est en plein Jeux Olympiques et qu'on regarde les athlètes.
22:53Pour cet athlète, il s'appelait
22:55Navid Afkari.
22:57C'était un lutteur gréco-romain,
22:59iranien. Il aurait pu être au JO
23:01en ce moment, et s'il n'y est pas, c'est parce
23:03qu'il a été pendu, il y a quatre ans, par le régime des mollas.
23:05Comme des centaines de ses compatriotes
23:07qui ont été pendus par ce régime
23:09sanguinaire, il fallait avoir un mot pour lui
23:11en plein pendant ses épreuves. Il est 9h34
23:13sur Sud Radio.
23:15On va se retrouver dans quelques instants.
23:17Les JO continuent l'été aussi.
23:19On va essayer de vous raconter
23:21un certain nombre d'histoires.
23:23On va parler musique avec Guy Carlier dans quelques minutes.
23:25On va parler gastronomie avec notre chef
23:27dans quelques instants.

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