• il y a 7 mois
Mardi 21 mai 2024, SMART BOSS reçoit Ralph Ruimy (co-fondateur, Acheel) et Tanguy Polet (Directeur général, Swiss Life France)

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Transcription
00:00 *Générique*
00:08 Bonjour à tous et bienvenue dans Smart Boss, le rendez-vous des patrons et des patronnes.
00:12 Je suis ravie d'accueillir aujourd'hui Tanguy Paulet. Bonjour.
00:15 Bonjour.
00:16 Tu es directeur général de Swiss Life France.
00:19 Merci beaucoup d'avoir accepté l'invitation.
00:21 Alors on va commencer par la première séquence qui est donc "David rencontre Goliath"
00:25 où tu vas faire face à une start-up et tu verras, vous parlerez de vos sujets en commun.
00:29 Ensuite on ira sur la séquence en coulisses, on reviendra un peu sur ton grand parcours de dirigeant
00:34 et aujourd'hui ce que tu fais.
00:36 Et on terminera par la séquence "l'interview chrono" où c'est vraiment une série de questions réponses très rapides.
00:41 Parfait.
00:42 Voilà. Eh bien merci en tout cas encore d'avoir accepté l'invitation
00:45 et on passe tout de suite à la séquence "David rencontre Goliath".
00:49 *Générique*
00:53 Donc la start-up qui te fait face c'est Achille et donc je suis ravie d'accueillir son co-fondateur Ralph.
00:57 Enchanté, merci de m'accueillir. Enchanté.
01:00 Merci d'être avec nous.
01:02 Alors Achille, on va dire que tu me diras, je dis néo-assurance, néo-assureur,
01:06 mais qui a quand même un agrément comparé à peut-être d'autres insurtech.
01:11 D'ailleurs pourquoi le choix d'ailleurs d'avoir pris un agrément ?
01:15 Tu as un petit peu cassé la tête.
01:16 Ah on s'est même beaucoup cassé la tête.
01:18 Mais en fait le choix était vite fait.
01:20 Moi je venais du monde de l'assurance et j'avais fait d'autres boîtes en entre temps.
01:23 Et soit je refaisais quelque chose de grand et j'étais moi-même responsable de mes actes.
01:28 Quand on est courtier, on dépend d'assureurs, on dépend de leur système d'information,
01:31 on dépend de plein de choses.
01:32 Et en fait on ne peut pas révolucionner l'assurance et être dépendant d'un autre assureur
01:35 qui va nous imposer ses produits, ses outils.
01:37 Donc c'était soit on devenait assureur et on fait comme on a envie de faire
01:41 et on est dépendant de personne.
01:43 Et tu as aussi la particularité d'être multiproduit, là où peut-être certains se focalisent sur...
01:47 Donc nous on a 42 produits aujourd'hui chez Achille, ce qui est énorme.
01:49 Il y a même certains gros assureurs qui ne les ont pas.
01:51 Et on a, dès le départ, décidé de distribuer 5 produits en direct en B2C
01:56 et une dizaine de produits en B2B avant même de commencer le lancement.
02:00 Alors Tanguy, est-ce que tu connaissais un peu Achille ?
02:02 Alors oui, je les connais parce que déjà le fait d'être un assureur,
02:05 c'est quelque chose qui vous identifie très très fort,
02:08 qui vous fait quelque part rentrer dans une autre cour,
02:12 je ne sais pas si c'est la cour des grands, mais en tout cas une autre cour.
02:14 Ça je trouve que c'est une très très bonne...
02:16 Et puis le dynamisme commercial, le positionnement en marketing,
02:19 l'engagement sociétal aussi, qui transparaît souvent dans les communications,
02:23 les postes, les réseaux sociaux.
02:25 Oui évidemment, je pense qu'on ne peut pas faire partie du secteur de l'assurance
02:28 et pas connaître Achille aujourd'hui.
02:29 Ça c'est un très bon compliment. Je prends !
02:32 Vous avez fait le pari de faire la faussie B2B, B2C,
02:37 c'est parce qu'en B2C c'est compliqué d'être rentable ?
02:40 Pas du tout. Nous on est rentable et en B2C et en B2B,
02:44 mais en fait on ne peut pas se dire "je suis un néo-assureur,
02:46 et je ne fais qu'un seul produit, je ne fais que du marketing digital".
02:49 En fait aujourd'hui on a eu beaucoup d'acteurs,
02:50 et c'était en fait des acteurs de marketing digital, ce n'était pas les assureurs.
02:53 Moi j'ai pris le principe de dire "je suis un assureur,
02:56 je crée des produits, j'ai un service actuariat, j'ai un service partenariat,
03:00 je crée des produits pour compte de tiers, je crée des produits au mois".
03:03 Moi j'ai envie d'être un vrai assureur et jouer dans la cour des grands,
03:06 et faire comme tout le monde.
03:08 Et Tanguy, comment est-ce que tu as vu un peu l'arrivée de ce soit Achille,
03:12 je vais citer aussi les autres, il y a eu Luco, il y a eu Lovis,
03:16 comment est-ce que toi de ton point de vue tu les as vus ça ?
03:19 Tu as eu un peu peur ou tu t'es dit "non ça en plus ça va peut-être nous stimuler, nous bouger" ?
03:23 Non peur certainement pas, ça ne fait pas partie de mes modes de fonctionnement.
03:29 Par contre j'ai trouvé que c'était extrêmement riche pour le marché de l'assurance en France
03:36 d'avoir de l'innovation et d'avoir cette capacité à être "disruptif"
03:42 au sein même de notre propre marché et de notre propre secteur,
03:46 pour ne pas l'être par d'autres acteurs qui pourraient arriver et prendre une place
03:49 que les assureurs plus traditionnels ne prendraient pas.
03:52 Ce qui est marrant aussi c'est que nous Swiss Life, on a toujours l'impression,
03:56 et on en a parlé en coulisses, "tiens vous êtes grand" non on n'est pas grand, on est aussi petit.
03:59 Je ne sais pas qui est David et qui est Goliath, mais en tout cas on est plus deux David
04:03 que un Goliath et un David ici, je suis un peu plus gros.
04:07 Est-ce que tu trouves que les assureurs aujourd'hui sont vraiment loin de vous
04:11 en termes de digitalisation, d'agilité, d'automatisation ?
04:15 Je fais une généralité mais...
04:17 Franchement oui, ils ne sont pas loin, ils sont très loin.
04:21 Après est-ce que ça va durer longtemps ? Je ne pense pas.
04:24 Moi je n'ai pas révolutionné le monde de l'assurance,
04:27 on utilise la techno d'aujourd'hui, on les fait et on les prend.
04:31 La facilité d'une boîte comme la nôtre c'est qu'on commence from scratch en 2021
04:36 avec des nouveaux outils et on n'a pas toute l'accompliance et tout l'historique
04:40 du rachat de boîtes, de SI vieillissant et autres, donc c'est beaucoup plus facile pour nous.
04:45 Pour les compagnies ça va être très compliqué pour eux d'avoir des outils plus performants
04:50 quand on a un SI qui a 30 ans, 40 ans, à changer ça va être compliqué.
04:54 Nous on a commencé à zéro, c'était beaucoup plus simple.
04:56 Aujourd'hui ils ont vraiment beaucoup de retard par rapport à nous en termes de techno,
04:59 ça c'est certain, mais nous on a du retard en termes de fonds propres,
05:03 en termes de notoriété, en termes de compétences, en termes de connaissances.
05:06 Donc on doit rattraper tout ça et j'espère pour eux,
05:10 qu'ils vont bien se mettre à la page et qu'ils vont se penser que la tech c'est la vie et il en faut.
05:16 Alors la tech c'est la vie chez Swiss Life maintenant ?
05:19 La tech c'est plus que la vie, la tech c'est l'avenir.
05:22 Donc oui, évidemment que les acteurs du monde traditionnel de l'assurance,
05:28 quand je dis traditionnel c'est surtout historique,
05:30 ont mis en place des énormes projets de transformation digitale, on voit bien,
05:34 dans le mode transformation il y a passer d'un état à un autre.
05:37 Le grand avantage de ce secteur c'est qu'il passe d'un état à un autre.
05:41 Donc il existe déjà, il est puissant, il a ses clients, il a ses partenaires, il a son écosystème.
05:48 Quand le monde de la FinTech, de l'InsureTech a émergé il y a entre 10 et 5 ans maintenant,
05:53 en suivant un peu les secteurs, on parlait énormément de disruption,
05:57 on vouait le secteur traditionnel à l'échec, on voit bien que c'est tout sauf le cas,
06:02 le secteur a réagi rapidement, il s'est aussi beaucoup inspiré de l'aiguillon de ces InsureTech et FishTech,
06:08 certaines d'ailleurs sont rentrées dans leur écosystème.
06:11 Donc on est dans une dynamique de transformation,
06:13 puis en fonction des assureurs, en fonction des historiques,
06:18 on est plus ou moins loin de ce que les pureplayers peuvent faire.
06:21 Moi je ne pense pas du tout qu'on doit rougir face à ce que les pureplayers font aujourd'hui,
06:25 et certainement pas par rapport à nos segments de clients.
06:27 Il y a une grande différence ici de s'adresser avec des produits sur une clientèle purement retail,
06:33 qui de toute façon avaient déjà arrêté de vouloir aller voir un intermédiaire,
06:37 et ceux qui ont encore besoin de conseils parce qu'ils sont sur des segments à plus haute valeur ajoutée de conseils.
06:41 Donc il y a vraiment de la place pour tout le monde.
06:43 Il y a des pureplayers quand même qui ont connu des difficultés,
06:46 je suis obligée de citer quand même Luco, l'assurance habitation qui a été placée en adressement,
06:50 et ensuite a été rachetée par Allianz Direct.
06:53 Ça vous a fait mal un peu vous, à tous les autres acteurs de l'InsureTech ?
06:58 Ça ne nous a fait pas mal, ça a fait très mal.
07:00 Ça nous a fait très très mal parce qu'en fait,
07:02 tous les assureurs traditionnels n'attendaient qu'une chose,
07:05 c'est que les InsureTech arrivent, qu'ils disent on va transformer,
07:08 on va les surveiller, on va vous apprendre à travailler,
07:11 parce que quand on arrive dans le marché, on dit à tout le monde je vais vous apprendre à travailler,
07:14 c'est jamais bon pour personne.
07:16 Et qu'à la fin on se plante, les gens étaient contents.
07:19 Et tout le monde a dit, vous voyez, les InsureTech, ils arrivent avec leurs millions,
07:22 mais ils ne savent pas faire, ils ne connaissent pas le métier,
07:24 et donc ça a été dommageable pour l'ensemble de l'écosystème.
07:27 Moi je me trouve très différent d'un Loco-Loco.
07:30 Moi ça fait 30 ans que je fais de l'assurance, je suis acteur de formation,
07:33 je viens du milieu, mon papa est de l'assurance, mon frère est de l'assurance,
07:35 je baigne dans l'assurance,
07:37 je suis arrivé en disant je vais tout casser,
07:39 je suis arrivé en disant moi j'ai la chance de pouvoir commencer à zéro,
07:41 d'avoir une tech toute neuve, de prendre les nouvelles technologies,
07:43 et avec mes compétences et mon savoir d'assureur traditionnel,
07:46 je vais prendre des techs et je vais les mettre au service.
07:49 C'est très différent de dire vous savez pas travailler, on va le faire à votre place.
07:52 C'est très différent.
07:54 Après, certaines boîtes, c'était juste des boîtes d'UX et de marketing digital,
07:57 c'était pas des assureurs.
07:59 Et c'est ça qui fait la différence, n'oublions pas que la science c'est un vrai métier.
08:02 C'est un métier qui est très compliqué, qui est très dur à faire,
08:05 et on peut pas arriver comme ça et dire tiens, c'est là qu'il y a le plus d'argent,
08:08 je vais devenir assureur, c'est pas possible.
08:10 Bon, écoute, merci beaucoup d'être venu, belle conclusion.
08:14 Et on va pouvoir passer maintenant à l'interview en coulisses.
08:17 Tu as commencé ta carrière comme avocat, le barreau,
08:25 et j'ai lu dans un portrait que tu avais prévu d'être avocat pendant 6 mois,
08:29 finalement tu l'as été 12 ans, alors pourquoi ?
08:32 Alors c'est vrai, tout avait commencé dans mon parcours d'études pour viser la diplomatie,
08:38 je voulais être ambassadeur, et puis au terme de mes études de droit,
08:43 j'allais passer dans un master en études diplomatiques pendant 2 ans,
08:48 j'ai été frappé par une maladie qui m'est tombé dessus,
08:51 qui m'a cloué véritablement pendant pratiquement 1 an,
08:53 donc j'ai raté le démarrage de mon master en diplomatie,
08:58 et donc plutôt que de ne rien faire et pour attendre l'année qui suivait,
09:02 je me suis dit je vais faire le barreau pendant 6 mois,
09:05 et puis je prends mes études diplomatiques.
09:06 J'ai pas lâché le barreau, j'ai trouvé ça génial, et j'y suis resté finalement 13 ans.
09:09 Alors tu as enchaîné plusieurs cabinets d'avocats,
09:12 et c'est comme ça après que tu as rencontré Charles Relicombe,
09:16 le patron de Swiss Life Belgique à l'époque,
09:19 parce qu'il est client du cabinet où tu exerces,
09:22 et il te convainc finalement de passer de l'autre côté,
09:26 et il te dit, alors je cite,
09:29 que tu vas être dégoûté du monde de l'entreprise.
09:32 En fait j'étais avocat à Swiss Life quand on était pas mes clients,
09:37 je rencontre Charles Relicombe qui me dit
09:38 voilà on a un projet de session d'entreprise,
09:41 cette session d'entreprise il faut que je l'amène,
09:44 et j'ai quelque part besoin de toi et de ton cabinet
09:47 pour m'aider à y travailler.
09:49 Je travaillais dans un cabinet de M&A.
09:51 Et donc on discute ensemble, on parle ensemble de ce projet,
09:55 il constate tout mon intérêt technique pour le sujet,
09:59 et c'est vrai que c'est en parlant avec lui
10:01 que finalement je me suis rendu compte
10:03 qu'il y avait quelque chose à faire,
10:05 plus que simplement de l'ordre technique,
10:08 en tant que juriste, en tant qu'avocat,
10:10 il y avait quelque chose à faire dans ce dossier
10:12 qui était de l'ordre humain.
10:14 Vendre une entreprise c'était son projet,
10:17 c'était la demande qu'il avait reçue de la part du groupe,
10:20 mais il voulait pas la vendre n'importe comment,
10:21 il voulait pas la vendre au rabais,
10:23 il m'a fait prendre conscience que c'était une campagne d'assurance,
10:25 que dans une campagne d'assurance ce qui compte
10:27 c'est la richesse des femmes et des hommes qui la composent,
10:29 leur savoir-faire, et que donc il fallait redonner à cette entreprise
10:33 tout le plaisir de travailler pour pouvoir être dans le meilleur état
10:37 d'être vendu, et aussi pour pouvoir être racheté au meilleur prix.
10:41 C'est le projet sur lequel il m'a proposé de travailler avec lui.
10:44 Voilà, et donc c'est ça, tu deviens directeur des ressources humaines
10:47 et responsables juridiques de cette filiale
10:50 qui s'appelle Zelia Insurance.
10:52 Exactement.
10:53 Est-ce que le fait que tu arrives, tu dois tout réorganiser,
10:56 forcément il y a une session,
10:58 est-ce que c'était pas un peu, il t'a pas emmené un peu au casse-pipe
11:00 sachant que tu venais pas du tout de ce monde-là ?
11:02 Alors c'était un casse-pipe mesuré de ma part quand même,
11:05 parce qu'en tant qu'associé du cabinet d'avocats dans lequel j'étais,
11:10 je me suis mis entre guillemets en disponibilité de ce cabinet-là
11:13 pendant une période d'un an pour réaliser ce projet-là en interne,
11:17 donc certes c'était aller au casse-pipe peut-être,
11:20 mais j'avais un droit de retour dans mon cabinet d'avocats,
11:23 donc j'avais mesuré les risques à ce moment-là,
11:25 mais très très rapidement le projet m'a énormément plu,
11:28 et puis ce qui m'a beaucoup plu aussi c'est la personnalité de Charles Relocom.
11:31 Généralement quand on veut sortir de sa zone de confort,
11:36 c'est aussi parce qu'on est attiré par quelque chose.
11:38 Là j'étais pas attiré par l'argent entre guillemets,
11:41 j'étais vraiment attiré par le projet que je trouvais noble
11:44 et la personne que je trouvais vraiment enthousiasmante.
11:47 Et alors après en 2006, là tu es nommé directeur commercial, marketing,
11:52 donc au sien de Swiss Life Belgique,
11:55 et tu as déclaré aussi dans une interview chez Swiss Life Belgique
11:59 "J'ai pensé pouvoir faire évoluer les mentalités à raison avec certaines personnes,
12:02 à vers d'autres, j'ai perdu du temps".
12:05 Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce que tu as découvert ?
12:07 En fait au final on n'a pas vendu cette filiale d'assurance non-vie,
12:11 on l'a tellement bien je dirais rééquipée et relancée
12:15 qu'elle a fini par nous donner très envie le groupe aussi,
12:17 et donc on l'a fusionné avec Swiss Life Belgique.
12:19 Et c'est dans ce contexte-là que le patron, Charles Rollecombe à l'époque,
12:24 qui devient patron de Swiss Life Belgique, me dit
12:26 "écoute reste avec moi, ne retourne pas dans ton cabinet d'avocats,
12:29 j'ai besoin d'un nouveau directeur commercial et marketing pour l'entité fusionné,
12:32 je te propose de prendre ce poste".
12:34 Et c'est là que j'ai dû cette fois renoncer définitivement à rester associé de mon cabinet,
12:38 c'était fini, l'histoire d'avocat se termine et je me lance dans cette histoire.
12:42 Et effectivement, il y avait de gros défis à relever,
12:45 notamment dans le domaine commercial et marketing,
12:49 et ces défis j'ai essayé de les relever,
12:51 mais moi je venais du monde de l'avocat,
12:53 j'avais 13 ans d'expérience en tant qu'avocat,
12:55 j'avais aucune expérience en tant que manager de grosse équipe,
12:58 j'avais 300-400 personnes sous ma responsabilité à ce moment-là,
13:01 et il fallait que je mène un projet de transformation important.
13:04 C'est dans ces moments-là qu'on se trompe, c'est dans ces moments-là qu'on fait des erreurs,
13:07 c'est dans ce moment-là qu'on apprend à savoir faire confiance, ou pas,
13:13 c'est dans ce moment-là qu'on apprend à, sur la base d'une série d'éléments,
13:17 décider si oui ou non on a bien fait d'accorder sa confiance,
13:20 tout ça je l'ai appris, je dirais, sur le tas,
13:23 mais sur le tas au sens noble du terme,
13:25 c'est-à-dire accompagné par des personnes qui savent et qui m'ont appris ce métier de management.
13:31 Donc c'est plus dur ou pas de manager des avocats ou alors des salariés d'une compagnie d'assurance ?
13:38 Alors on ne manage pas des avocats, c'est d'ailleurs en partie pour ça que j'ai quitté ce monde aussi.
13:43 Les avocats ce sont des indépendants,
13:46 ce sont des gens qui pensent essentiellement quelque part par leur prisme,
13:51 il n'y a pas un projet collectif,
13:54 il y en a et il y a des tentatives dans certains grands cabinets essentiellement américains,
13:59 notamment qui ont amené ce savoir-faire un petit peu de structure collective,
14:04 mais ça n'a rien à voir avec un projet d'entreprise
14:07 dans lequel de très nombreuses compétences sont obligées de travailler entre elles.
14:11 Bon alors après tu enchaînes, je vais essayer de faire dans le bon ordre,
14:14 mais avec le poste de directeur général de Swiss Life Luxembourg,
14:17 2010 tu deviens directeur général Swiss Life Banque Privée
14:20 et 2015 directeur de la division client et transformation digitale de Swiss Life France.
14:25 Alors tu changes de pays plusieurs fois, tu changes de métier,
14:28 est-ce que déjà ce n'est pas un peu fatigant à chaque fois deux trois ans ?
14:32 Alors pas du tout fatigant, ça demande de l'énergie,
14:36 mais ça ne fatigue pas parce que ça crée une dynamique extrêmement positive,
14:41 en tout cas moi je me suis énormément réalisé dans ces challenges chaque fois nouveaux,
14:46 d'apprendre des nouveaux métiers, une nouvelle culture, un nouveau pays, un nouvel environnement,
14:51 tout ça pourrait complètement épuiser,
14:54 tout ça pourrait même casser certaines personnes
14:57 si cela ne se faisait pas dans un cadre de confiance,
15:01 dans un cadre de pari sur la capacité à,
15:05 et surtout motivé par une grande envie de faire aussi.
15:07 Quand l'ensemble de ce triptyque là est présent,
15:10 une personne qui vous fait confiance, un challenge à relever et une envie,
15:14 très objectivement on ne se fatigue pas, au contraire,
15:18 on augmente sa puissance, on augmente son plaisir à travailler.
15:21 Et derrière tous ces changements en fait à chaque fois,
15:24 il y a encore Charles Rellécombe qui te dit à chaque fois de venir.
15:27 Est-ce que tu pourrais dire que c'est un peu ton mentor ou pas ?
15:30 Oui, je peux dire ça, franchement, et je le dis avec énormément de reconnaissance,
15:35 je n'aurais pas eu l'occasion de faire ces différents sauts dans ma carrière
15:42 s'il n'avait pas à chaque fois été là, non pas pour me préparer le terrain,
15:47 mais pour me donner envie d'y aller et pour me convaincre que je pourrais réussir.
15:52 Et donc quand vous avez cette espèce de force qui agit sur vous à un moment donné comme un aimant,
15:59 vous y allez, vous vous lancez et vous dites qu'il n'y a pas de raison qu'il se trompe cette fois-ci
16:04 alors qu'il ne s'est pas trompé la fois précédente.
16:06 J'ai plusieurs d'ailleurs qui te coachaient, ils te disaient quand tu faisais des erreurs,
16:11 mais tu prenais quand même les décisions, même si c'était une erreur,
16:14 c'est quoi là les plus gros erreurs que tu as pu faire ces dernières années chez Swiss Life ?
16:20 Alors j'ai certainement fait au démarrage de mon activité chez Swiss Life Belgique des erreurs de casting
16:27 où j'ai aussi parfois commis des erreurs à ne pas suffisamment bien m'entourer.
16:34 Ça c'est quelque chose que j'ai fondamentalement appris.
16:37 Charles Rollecombe me disait toujours "il vaut mieux une chaise vide qu'une chaise mal occupée"
16:43 et ça j'ai retenu toute ma vie. C'est très important.
16:46 Et quand on s'entoure bien, et bien s'entourer c'est-à-dire s'entourer de gens compétents, performants
16:52 et qui partagent le socle minimum de valeur nécessaire pour bien fonctionner en bilatéral et en équipe,
16:58 on se trompe finalement assez peu.
17:01 On se trompe si on concentre tous les pouvoirs, toute la décision, tout le savoir-faire
17:06 et toute la conviction qu'on est le seul à savoir. Là c'est sûr qu'on se trompe.
17:09 Mais si on s'entoure bien, normalement on se trompe peu.
17:13 Et comment on s'entoure bien alors ?
17:15 Ça c'est un vrai travail qui est un travail permanent de s'assurer qu'on est à l'écoute des gens qui nous entourent
17:26 pour être sûr d'avoir aussi le retour de gens à qui on fait confiance,
17:30 qu'on est dans la preuve de ce qu'on attend aussi des collaborateurs avec lesquels on s'entoure
17:36 et puis qu'on est dans la loyauté et le plaisir de travailler avec ces personnes.
17:40 Évidemment sur la base d'un socle de compétence qui doit être là
17:43 mais il y a énormément de gens compétents.
17:45 Il n'est pas difficile aujourd'hui de trouver des gens compétents.
17:48 Il est par contre très compliqué de trouver des gens qui sont compétents,
17:51 qui aiment le projet d'entreprise, qui ont envie de travailler avec vous
17:54 et qui sont capables de travailler en équipe.
17:57 Je disais tout à l'heure que tu prends les sujets digitaux, la transformation digitale en 2015.
18:02 Comme on l'a dit avec Ralph Rémy tout à l'heure, l'assurance a mis du temps avant d'entamer cette transformation digitale.
18:08 Toi quand tu as pris ce poste, tu as commencé par rassurer les gens, vous n'allez pas perdre votre métier ?
18:14 Oui, alors ça faisait évidemment partie de mon ambition.
18:19 C'était de pouvoir embarquer l'entreprise dans cette transformation digitale,
18:23 dans une dynamique d'accélération.
18:28 Et donc si on veut accélérer le rythme pour pouvoir se transformer le plus rapidement possible,
18:32 je pense qu'on a été très vite dans notre transformation.
18:35 Il faut évidemment avoir la confiance de tous.
18:37 Et cette confiance-là, effectivement, on l'a obtenue en disant
18:41 nous sommes une société, un, qui est en croissance,
18:43 deux, qui se concentrent des clients à haute valeur ajoutée avec des produits,
18:47 qui sont des produits eux-mêmes à haute valeur ajoutée.
18:50 On a donc le triptyque parfait pour que le digital vienne nous renforcer plutôt que nous remplacer.
18:56 Et je m'adressais à 700 collaborateurs qui travaillent dans les services clients
19:01 et qui pouvaient effectivement, pour certains d'entre eux, en ce compris leurs représentants syndicaux,
19:06 avoir certaines inquiétudes face à une machine qui pourrait demain faire le travail de l'homme.
19:11 Ce qu'on a réussi à démontrer, c'est que un, a priori, ce n'est pas ce qu'elle ferait,
19:15 et deux, a posteriori, ce qu'elle a fait, c'est bien au contraire,
19:18 enlever toutes les tâches à faible valeur ajoutée de nos collaborateurs
19:21 qui aujourd'hui ne voudraient plus jamais retourner dans le monde d'hier, ça c'est sûr.
19:25 Voilà, c'est ce qui se passe en plus encore aujourd'hui avec l'intelligence artificielle.
19:29 Il faut qu'on capitalise là-dessus, ça c'est sûr.
19:31 Et alors donc en 2021, tu succèdes Charles Rollocombe, est-ce qu'il t'a donné un conseil quand il est parti ?
19:38 Il m'a donné deux conseils, il m'a dit "sois et reste toi-même, entoure-toi bien et aie confiance dans ton intuition".
19:47 Et c'est je pense très très important en tant que dirigeant de pouvoir avoir sur cette première qualité
19:54 un vrai alignement par rapport à ce qu'on est, "sois toi-même",
19:57 parce qu'on est très très vite repéré quand on n'est pas soi-même dans l'entreprise.
20:02 Or un dirigeant se doit d'être authentique, un dirigeant se doit être en contact et en confiance avec ses collaborateurs.
20:09 J'avais moi pour le coup chez Swiss Life une petite avance dans ce domaine parce que je faisais partie déjà de l'entreprise
20:16 et donc les gens me connaissaient. Ils ne me connaissaient pas en tant que dirigeant de l'entreprise
20:20 mais ils me connaissaient comme membre du comité exécutif.
20:22 Donc j'avais déjà entre guillemets reçu de leur part une confiance après leur avoir donné la mienne.
20:29 Et puis la deuxième, évidemment, il faut absolument pouvoir faire confiance à son intuition en plus des compétences dans son centaure.
20:37 C'est très important l'intuition, ça paraît surtout dans un métier très factuel, très concret comme l'assurance quelque chose d'étrange,
20:47 mais c'est tout ce qui fait la richesse de la capacité à bien s'entourer.
20:52 Et donc comme on a autour de nous beaucoup de gens très compétents,
20:55 autant prendre ceux avec lesquels vous avez l'intuition qu'il va y avoir quelque chose de plus dans cet échange de compétences.
21:01 T'as du authentique, c'est quoi aujourd'hui tu dirais ton style de management justement ?
21:06 Alors je pense que mon style de management se construit dans le fait que ce que j'aime c'est le succès.
21:14 Et ce succès là, je sais qu'il est impossible avec ma seule intervention.
21:21 Je sais qu'il n'est possible que par la capacité à s'entourer d'une bonne équipe.
21:26 Et le succès d'une équipe, ça génère une satisfaction collective qui vient renforcer la satisfaction individuelle.
21:34 Donc mon style de management, c'est vraiment celui là.
21:37 C'est de faire partie d'une équipe, de prendre les responsabilités du patron de l'équipe
21:43 quand à un moment donné il faut décider, mais vraiment amener une équipe.
21:47 Et quand je dis une équipe, ce n'est pas juste le comité exécutif.
21:50 Une équipe, c'est vraiment une équipe beaucoup plus large que le comité exécutif
21:54 pour que justement il y ait le moins possible de strates dans l'entreprise qui cassent la dynamique collective de succès.
22:01 Et qu'est-ce que tu fais d'ailleurs ? Tu rencontres aussi les salariés ou pas ?
22:06 Effectivement, le COMEX tu le vois souvent.
22:09 Oui, on a plusieurs cercles "concentriques" autour du COMEX.
22:15 D'abord le COMEX dans un premier temps.
22:17 Ensuite, on a un groupe de directeurs qu'on a appelé d'ailleurs le cercle
22:23 qui est composé d'une bonne soixantaine de personnes qui sont généralement les N-1 des membres du COMEX.
22:29 Et puis on a un groupe plus large qui s'appelle le Management Committee
22:33 qui est composé d'environ 250 personnes et qui lui est composé des N-1, des directeurs des classes 7, on va dire, dans le secteur assuranciel
22:42 et qui portent énormément la capacité à transformer l'entreprise.
22:46 Avec ces personnes, le Management Committee et le cercle, on a toutes les six semaines des échanges avec eux très très ouverts
22:54 dans lesquels on leur explique où en est la situation de l'entreprise, comment elle fonctionne, quels sont nos soucis,
22:58 quels sont les réussites que nous avons, là où on pense qu'il faut mettre l'accent.
23:03 On les fait intervenir, on leur donne la possibilité de s'exprimer aussi.
23:05 Tout ça de façon très informelle aussi pour pouvoir casser l'approche descendante de l'information
23:12 mais au contraire créer de la relation.
23:14 Et ça franchement, je connais tous ces gens-là par leur prénom, on se connaît quoi.
23:20 On mène la boîte ensemble, c'est très important.
23:22 Dans les différents portraits qui t'ont été consacrés, on te décrit aussi comme quelqu'un qui a beaucoup d'humour
23:29 et un certain niveau d'autodérision. Tu penses que c'est possible d'être patron et en même temps d'avoir de l'humour ?
23:34 Je pense que c'est même dans ma vision du patron quelque chose de très important.
23:40 Peut-être que là, pour le coup, ça remonte à mes racines belges.
23:45 On a une capacité à l'autodérision en Belgique qui est liée au nombre de conneries qu'on fait
23:52 et pour lesquelles on préfère rire que pleurer.
23:55 Et cette autodérision, elle est inscrite quelque part à la fois dans ma belgitude
24:03 mais elle est aussi inscrite dans la manière avec laquelle j'ai été éduqué.
24:07 Et je trouve que c'est très très important d'avoir cette capacité d'humour mais aussi d'autodérision
24:13 parce qu'on peut avoir beaucoup d'humour mais ne pas aimer être soi-même l'objet de l'humour des autres.
24:18 Pour moi, c'est très important d'avoir l'autodérision parce que ça renforce la crédibilité.
24:22 Un patron, ce n'est pas quelqu'un d'infaillible.
24:25 Un patron, c'est quelqu'un qui de temps en temps a besoin de pouvoir recevoir une petite pique,
24:29 dite avec humour, avec sympathie, mais malgré tout une petite pique quand même.
24:34 Et ensuite, ce qu'on attend de sa réaction, c'est qu'il ne s'énerve pas, qu'il explique
24:40 et éventuellement qu'il dise "oui, là j'ai fait fausse route, là on a commis une erreur".
24:44 C'est très important d'avoir cette authenticité de la reconnaissance de l'erreur
24:49 et elle vient très facilement par l'autodérision.
24:52 On a beaucoup parlé de ton mentor Charles Ralecombe. Est-ce que toi tu es le mentor de quelqu'un ?
24:57 Alors je n'en sais rien. Peut-être que oui, peut-être que non.
25:02 Moi je n'ai jamais dit à Charles Ralecombe qu'il était mon mentor.
25:05 C'est moi qui le dis aujourd'hui. Peut-être que certains le diront de moi, je n'en sais rien.
25:10 Ça m'importe peu d'ailleurs. Par contre la seule chose qui est agréable si je le suis,
25:16 c'est qu'on se sent utile. Et ça, Charles Ralecombe m'a été utile,
25:20 il m'a aidé à me construire en tant que l'homme professionnel que je suis,
25:24 il m'a aidé à me construire en tant que patron et aussi père d'une famille, mari, d'une épouse,
25:32 cet équilibre vie privée et vie professionnelle, il est quand même au cœur aussi de l'équilibre
25:38 à la fois d'un patron mais de tout un chacun. Et donc en cela, je pense que c'est très important.
25:44 Merci beaucoup d'avoir répondu à toutes ces questions et on va terminer par l'interview chrono.
25:51 Comme tu l'as un petit peu dit en fin d'interview, tu as grandi en Belgique.
25:59 Quelle est ta ville préférée, ta ville de cœur en Belgique ?
26:02 Bruxelles et pas Bruxelles.
26:04 Oui, plus Bruxelles, c'est vrai. Le métier que tu voulais faire quand tu étais enfant ?
26:09 Avocat.
26:11 Très bien. Est-ce que tu peux me citer une entrepreneuse ou une dirigeante française qui t'inspire, que tu apprécies ?
26:17 Alors oui, je vais dire Valentine de Lastery qui est la dirigeante de Albingia mais qui est aussi,
26:24 et c'est surtout sous cet angle-là que je l'admire, une des cofondatrices de Sista.
26:29 Elles me mettent beaucoup dans la capacité à comprendre comment moi, homme, je dois mettre le débat de la diversité
26:36 et notamment du gender gap au cœur de la politique de notre entreprise.
26:40 Oui, super. L'application que tu utilises le plus ?
26:44 WhatsApp, c'est celle qui me permet de rester en contact avec ma famille, mes amis, tous ceux que j'aime.
26:49 ChaTJPT, tu es émerveillé ou apeuré ?
26:52 Émerveillé.
26:54 Où étaient tes dernières vacances ?
26:56 À Barcelone, la semaine dernière. C'est pour ça que je suis un peu bronzé.
26:59 Tu as profité du pont.
27:01 Si tu pouvais changer quelque chose au code du travail, qu'est-ce que ça serait ?
27:06 Je pense rien. Non. Il me va bien ce code du travail. Il a bien évolué les dix dernières années.
27:12 Quand je suis arrivé en Belgique, j'ai découvert un code du travail qui était compliqué.
27:16 Je pense que la réforme qui a eu lieu il y a 7-8 ans, je ne me rappelle plus exactement, a été très bonne.
27:21 Et il a énormément amélioré aussi l'atmosphère dans l'entreprise.
27:24 Quel est le dernier livre que tu as lu ?
27:27 Le dernier livre que j'ai lu, c'est Le hasard du calendrier. Il s'appelle Pax.
27:32 Il a été écrit par Grégoire Pollet, mon frère, qui est écrivain. Il est publié chez Gallimard.
27:37 Un de tes meilleurs souvenirs peut-être chez Swiss Life ?
27:42 Je dirais le quotidien de ma relation avec les gens. Quand je suis chez Swiss Life, je souris. C'est la preuve que j'y suis bien.
27:53 Et tu fais beaucoup de blagues. C'est ça, on a bien compris.
27:57 En tout cas, merci beaucoup d'avoir répondu à toutes ces petites questions.
28:01 Et merci à vous encore d'avoir suivi cette émission.
28:05 Et puis, je vous donne rendez-vous très bientôt pour un prochain numéro. Merci. Au revoir.
28:11 [Musique]