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00:00L'édito politique sur Europe 1 avec le Figaro, bonjour Vincent Trémolette-Villers.
00:05Bonjour Dimitri, bonjour Anissa, bonjour Vincent.
00:07Vincent, vous nous parlez ce matin d'une élection particulière, elle n'est ni locale, ni nationale, ni législative, ni présidentielle, mais pontificale.
00:14En quoi le conclave peut-il avoir un lien avec votre édito politique ?
00:19Parce que cette élection, Dimitri, a de quoi faire rêver tous les politiques épuisés par les jours interminables de campagne.
00:25Imaginez un peu une élection sans candidat, sans meeting, sans slogan, sans sondage, sans débat télévisé, sans affiche et sans bulletin de vote.
00:33Une élection où la règle n'est pas de bien répondre aux journalistes, mais à l'inverse, de leur adresser la parole le moins possible.
00:38Une élection où vous ne risquez pas d'avoir une amende pour non-respect de la parité, puisque depuis mille ans, il n'y a que des hommes qui y participent.
00:45Une élection où il n'y a pas de haute autorité pour la transparence de la vie publique qui vérifie chaque euro de votre patrimoine.
00:50Une élection où personne ne peut vous reprocher la qualité de vos costumes.
00:53Une élection où le bureau de vote n'est pas installé dans une école ou dans un gymnase, mais au cœur d'un des plus beaux chefs-d'oeuvre de l'art occidental.
01:00Rosselli, Guirlandaio, Perugin, Botticelli forment le décor.
01:04Au-dessus de vous, c'est la création du monde de Michel-Ange.
01:06Et puis surtout, Dimitri, si vous êtes élu, c'est pour la vie.
01:09Il n'y a pas d'élection de mi-mandat, de dissolution, de motion de censure, de référendum.
01:13Vous êtes pape, et sauf si vous renoncez, vous l'êtes jusqu'à votre mort.
01:16On sent chez vous, Vincent, comme une envie de quitter un peu la politique française et de rejoindre Rome.
01:21C'est-à-dire, Dimitri, que pour un journaliste, le conclave, c'est le bonheur absolu.
01:25D'abord, vous êtes à Rome, ce qui suffit à donner le sourire.
01:27Ensuite, à partir du moment où ce soir, les portes de la chapelle Sixtine vont se fermer
01:31et que le cérémoniaire dira « extra-omne », c'est-à-dire tout le monde dehors,
01:35il devient rigoureusement impossible d'obtenir la moindre information.
01:39Michel de Géger, dans son très beau livre « Un automne romain »,
01:42raconte ses heures bénies de l'envoyé spécial,
01:44qui, pendant cette parenthèse, n'a spécialement rien à faire.
01:47Pourquoi ? Parce que, pendant ces jours de conclave,
01:50le meilleur vaticaniste du monde et le marchand de glace de la place Navonne
01:54sont exactement au même niveau, c'est-à-dire qu'ils ne savent absolument rien.
01:59Ensuite, une fois que le pape est élu, personne ne remet en cause sa légitimité.
02:03Aucun perdant n'explique qu'en fait, il est le véritable vainqueur.
02:07L'exercice démocratique atteint son impogée dans cette institution monarchique,
02:11puisque le souverain pontife, jusqu'à son dernier souffle,
02:13bénéficie d'une légitimité absolue.
02:15Le tableau est un peu idyllique, Vincent,
02:17surtout quand on lit, par exemple, les souvenirs qu'on clape de Stendhal.
02:20Donc là, on voit le dernier film consacré à l'élection du pape,
02:23on voit que cette élection peut être d'une rare violence.
02:25Oui, je ne dis pas du tout le contraire.
02:27Un conseiller de Jacques Chirac disait qu'au Vatican,
02:29on étranglait avec un fil de soie,
02:31alors qu'à Paris, c'était avec une corde à nœuds.
02:33Mais le plus impressionnant, ce sont moins ces manœuvres
02:35et ces complots dont raffolent la littérature et le cinéma.
02:38Ce qui écrase celui qui prend la mesure de cette élection.
02:41C'est d'abord la lourdeur de la charge,
02:43le pape devient le chef d'1,5 milliard de catholiques.
02:47C'est ensuite la profondeur historique.
02:48Il y a eu depuis Saint-Pierre plus de 270 papes.
02:51Et c'est enfin et surtout la pierre angulaire de cette histoire inouïe,
02:55c'est-à-dire Jésus-Christ lui-même,
02:57dont le souverain pontife est le vicaire.
02:58Ce Christ qui apparaît triomphant dans la fraise de Michel-Ange,
03:01qui surplombe les cardinaux dans la chapelle Sixtine.
03:04Cette fresque du jugement dernier,
03:06qui rappelle à ceux qui ont la charge d'élire le pape,
03:08la gravité de leur choix.
03:10Et là, Dimitri, il ne s'agit pas de la 17ème chambre correctionnelle
03:13ou du parquet national financier.
03:15Non, il s'agit du tribunal céleste.
03:18Selon l'église, il est clément et miséricordieux.
03:20Mais attention, après lui, il n'y a pas de procédure d'appel.
03:23L'édito politique sur Europe 1.
03:25Merci Vincent Trémolet de Ville.