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La justice française a donné raison à Valve Corporation dans son contentieux avec UFC Que Choisir ?, sur la question de la revente en occasion de jeux “achetés” sur la plateforme Steam. L’association a décidé de saisir la Commission européenne. On fait le point sur ce dossier et ses enjeux pour l’industrie vidéoludique avec l’avocat Pierre-Xavier Chomiac de Sas.

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Transcription
00:00Qui possède les jeux vidéo quand ils sont dématérialisés ?
00:07C'est la grande question qui est posée dans le contentieux entre l'UFC Que Choisir
00:11et l'entreprise américaine Valve Corporation, éditeur de jeux vidéo,
00:16mais aussi propriétaire de la plateforme que vous connaissez sûrement, Steam,
00:19qui est le principal client quand vous voulez jouer à des jeux sur ordinateur.
00:24On va décrypter l'état du contentieux avec Pierre-Xavier Chaumierc de Sasse,
00:30mais avant ça, on va faire un tour sur la chronologie des faits, puisque ça a commencé en 2015.
00:37En 2015, l'UFC Que Choisir commence les premières procédures contre Valve Corporation.
00:42En 2019, le tribunal de grande instance condamne Valve Corporation.
00:47En 2022, la cour d'appel retourne le jugement
00:50et donc nous indique que les joueurs de jeux vidéo ne sont pas propriétaires
00:54des jeux qu'ils auraient payés sur Steam.
00:57En 2024, la décision de la cour d'appel est confirmée en cassation.
01:01Et en 2025, l'UFC Que Choisir nous indique saisir la commission européenne.
01:07Pierre-Xavier Chaumierc de Sasse, c'est un nom assez compliqué à dire.
01:10Bonjour.
01:11Bonjour.
01:11Vous avez suivi et vous suivez depuis 10 ans ce contentieux.
01:16Peut-être déjà pour commencer, c'est quoi le problème autour des jeux dématérialisés
01:21qui est soulevé par l'UFC Que Choisir ?
01:24Alors, c'est un problème de propriété, vous l'avez dit en synthèse.
01:28La question est aujourd'hui concernant les joueurs, sont-ils propriétaires ou non de leurs jeux ?
01:34Et la question connexe, c'est peuvent-ils revendre après avoir acheté un jeu à travers la plateforme Steam
01:41ou de façon générale, de manière dématérialisée, peuvent-ils ou non le revendre à quelqu'un d'autre ?
01:47Historiquement, la question se posait guère depuis le début du jeu vidéo
01:50car il y avait toujours un support matériel, soit les disquettes.
01:54Une cartouche, un disque.
01:55Une cartouche, un disque, un CD-ROM, etc.
01:57Et en effet, avec le développement d'Internet, avec le développement de la dématérialisation des produits et services,
02:03eh bien, le jeu vidéo s'est associé à ce qui se passe en matière de livres électroniques,
02:08en matière de contenu audiovisuel.
02:09Et donc, il y a eu une transformation de la propriété historiquement physique
02:14que l'on pouvait donc revendre à quelque chose de dématérialisé.
02:18Et c'est là qu'est apparu le problème.
02:19Et là, aujourd'hui, en fait, la justice française nous dit que le jeu vidéo,
02:24même s'il y a un acte d'achat de l'utilisateur, ce n'est pas une propriété comme un logiciel.
02:31C'est avant tout un support pour accéder à une oeuvre, en fait.
02:34C'est ça la clé, en fait, de compréhension aujourd'hui.
02:38C'est pour ça que la justice nous dit qu'on ne peut pas revendre un jeu acheté sur Steam.
02:41Et exactement.
02:42Le débat, en fait, remonte aux années 2010,
02:44lorsque s'était posé la question de savoir si on obtient la propriété d'un logiciel lorsqu'on l'achète.
02:50Et vous avez des règles européennes qui répondent par l'affirmative en disant
02:55oui, la copie sauvegardée d'un logiciel vous appartient
02:59et donc vous pouvez le revendre avec le matériel informatique.
03:01La jurisprudence date est 2012, je crois.
03:03Exactement.
03:05La question, après, s'est posée pour d'autres biens numériques, notamment les livres.
03:09Et là, c'est une autre directive qui ne s'applique pas au logiciel
03:12mais qui s'applique aux droits d'auteur en général,
03:14qui est venue dire non.
03:15Tout ce qui relève du droit d'auteur classique, donc, sauf l'exception du logiciel,
03:21est un droit de licence et non pas une vente à proprement parler
03:23lorsqu'elle est dématérialisée et le jeu vidéo a été perçu non pas comme un logiciel
03:29mais comme une oeuvre.
03:30Et donc ici, si on comprend bien, Valve Corporation, le propriétaire de Steam,
03:35défendait en fait un modèle économique où l'utilisateur achetait le droit d'utiliser un jeu
03:40et finalement la justice lui donne raison mais pas forcément via son argument en disant
03:45c'est surtout le fait que ce soit une oeuvre et donc c'est pour protéger plutôt les créateurs finalement
03:49que la justice française décide d'avoir une décision contre UFC Que Choisir
03:55et contre les consommateurs indirectement.
03:57Oui, exactement.
04:00Derrière Valve, en réalité, vous avez l'ensemble des éditeurs de jeux vidéo
04:05qui évidemment aujourd'hui ne vivent que par la licence et l'exploitation de leurs jeux vidéo
04:10et l'intégralité de leur business model se tourne vers le fait d'avoir...
04:13Des petits studios indépendants d'ailleurs qui ne sortiront peut-être qu'en digital.
04:17Exactement.
04:18Donc toute cette économie aujourd'hui qui est sur une consommation dématérialisée
04:21implique que les jeux vidéo ne peuvent pas être cédés de façon dématérialisée
04:27avec toutes les conséquences que ça pourrait avoir.
04:30Et pour la petite anecdote, historiquement, on considérait juridiquement le jeu vidéo
04:34comme un logiciel jusqu'en 2009 en France.
04:38Et à partir de 2009, on a considéré que c'était une oeuvre complexe
04:42et donc qui ne pouvait pas se limiter à sa dimension logicielle
04:44et donc l'intégralité du droit de la propriété intellectuelle devait lui être applicable.
04:48Et aujourd'hui, c'est précisément parce que ce n'est plus considéré comme un logiciel
04:52qu'on lui applique un régime qui est en effet profitable
04:54aux propriétaires de la propriété intellectuelle des jeux.
04:57Qu'est-ce que peut espérer l'UFC que choisir auprès de la justice européenne ?
05:02Parce que là, en gros, ce qu'ils estiment, c'est devoir être jugé.
05:05En tout cas, le dossier doit être mis devant la Cour de justice européenne.
05:08Mais qu'est-ce qu'ils peuvent espérer ?
05:10Alors, ils ont réalisé toutes les voies judiciaires possibles en droit interne
05:15avec la Cour de cassation qui leur a dit non
05:18et qui leur a dit non justement pour porter cette question auprès de la Cour de justice.
05:23Et donc, l'UFC que choisir qui maintient cette lutte en faveur des consommateurs
05:28qui sont à nouveau toujours persuadés d'acheter aujourd'hui une propriété
05:32alors qu'en réalité, ce n'est qu'une licence.
05:34Un droit d'utilisation.
05:35Un droit d'utilisation.
05:36Eh bien, ils ont fait appel justement à travers une procédure un peu particulière
05:39qui s'appelle le recours en manquement devant la Commission européenne
05:42et espèrent que l'analyse de la Commission européenne
05:45sur ces fameuses directives qui fondent tout le raisonnement juridique...
05:50Si j'ai bien compris, là, c'est l'État français qui a attaqué.
05:53C'est plus Valve Corporation ?
05:55Alors, non, non, en vrai, oui.
05:56C'est l'interprétation qui est faite par l'État français à travers ses juridictions
06:00des directives, la directive sur le logiciel et la directive sur le droit d'auteur.
06:05Et donc, l'UFC que choisir veut très simplement encourager
06:08à ce que les jeux vidéo dépendent de l'exception du logiciel.
06:12Le sujet est à suivre.
06:14Ça risque d'encore beaucoup bouger.
06:16Je pense qu'on vous réinvitera, Pierre-Xavier Chaumillac de SAS,
06:18pour voir les prochaines évolutions du dossier.
06:21D'ici là, je vous dis à bientôt.
06:23On va passer à un nouveau sujet sur PlaySmart.
06:25On va s'intéresser à la place des femmes dans l'industrie française du jeu vidéo.
06:29Je vais en débattre avec Anne Desvoissoux, présidente du SNJV,
06:32et avec Morgane Falaise, la présidente de Women in Games France.

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