L'auteure Victoria Mas était l'invitée de Léa Salamé, mardi 29 avril. Elle publie "L'orpheline du temple", chez Albin Michel.
Retrouvez « L'interview de 9h20 par Léa Salamé » L'interview de 9h20 avec Léa Salamé sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20
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00:00Bonjour Victoria Masse, je suis très heureuse de vous rencontrer.
00:03Je commence par ma question rituelle.
00:05Si vous étiez une reine, un mot et un paysage, vous seriez qui, vous seriez quoi ?
00:10Une reine, je serais la reine Elisabeth II.
00:14Parce que ça a été une figure qui a traversé le temps, une figure je trouve de réconfort,
00:20une figure de consolation qui, malgré les épreuves, a fait preuve d'une dignité, d'un sang-froid
00:28et d'une grâce qui, je trouve, moi m'a marquée, mais je pense à marquer énormément de gens.
00:36De britanniques, mais dans le monde entier également.
00:37Dans le monde entier aussi.
00:38Un mot ?
00:40J'aime beaucoup le mot lumière.
00:42C'est beau ça.
00:42Tout ce qu'il implique, tout ce qu'il suscite, tout ce qu'il évoque en nous.
00:48Le mot lumière est important et je pense qu'il traverse aussi beaucoup de mes pensées et beaucoup de mes écrits.
00:54Oui, de vos livres. On va parler de votre dernier livre.
00:56Et un paysage ?
00:58Le paysage en France, le Luberon, me touche particulièrement.
01:03J'ai grandi dans le sud de la France, donc c'est un paysage...
01:06En tout cas, je me sens chez moi lorsque j'aperçois les premiers cyprès de l'autre côté de la fenêtre du train.
01:12Vous écrivez des lettres, Victoria Masse, dans La Vraie Vie ?
01:16Hélas, non.
01:17Non.
01:17Je pense que ça s'est perdu.
01:20Mais en tout cas, les lettres...
01:22J'ai retrouvé ce plaisir-là dans mon dernier roman.
01:25Les lettres sont au cœur de ce nouveau roman, L'Orpheline du Temple chez Albain Michel.
01:29C'est votre troisième roman après l'immense succès, insolent succès, de votre premier livre.
01:35Le bal des folles, c'était il y a cinq ans.
01:37Vous en aviez vendu 500 000 exemplaires, traduits dans 23 langues et adaptés à l'écran par Mélanie Laurent.
01:42Là, ce nouveau livre, il est centré autour d'une figure méconnue et pourtant totalement romanesque.
01:47Madame royale, Marie-Thérèse de France, la fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette,
01:52seule rescapée de sa famille après la Révolution et qui aura, et on ne le sait pas, un destin incroyable.
01:58Vous racontez sa vie à travers les lettres.
02:00C'est pour ça que je vous demandais les lettres.
02:02Les lettres de son geôlier dans la prison du Temple.
02:05Joseph Herbelin, c'est son geôlier, un jeune révolutionnaire fervent et passionné de 18 ans,
02:10qui déteste la monarchie quand il rentre comme geôlier
02:12et qui va, au fur et à mesure, être touché par la grâce de cette jeune fille, de cette jeune orpheline royale.
02:20Pourquoi elle vous a tant fascinée, cette Madame royale, qu'on ne connaît pas ?
02:24Vous l'avez dit, parce que je ne la connaissais pas non plus.
02:27Sans doute, le roman était d'abord une façon de remédier à ma propre ignorance.
02:31Alors, il semble qu'au final, sa mère, Marie-Antoinette, ait pris tellement de place dans les récits,
02:38dans la littérature, qu'elle ait, d'une certaine façon, occulté l'existence de sa fille.
02:43Or, c'est bien elle qui a survécu à toute sa famille.
02:46Alors, évidemment, j'aurais pu écrire un roman sur sa vie qui est romanesque,
02:50une vie faite d'exils multiples, de retours successifs en France,
02:55et qui a suscité à la fois l'admiration de Napoléon et les éloges de Châteaubriand.
03:00Mais c'est véritablement la période de son enfermement au temple,
03:03avec sa famille, qui m'a particulièrement touchée et émue.
03:07Elle va être emprisonnée pendant trois ans avec ses parents,
03:10le roi Louis XVI, Marie-Antoinette et son frère, Louis XVII,
03:14qui a neuf ans à l'époque.
03:15Elle a 13 ans.
03:17Elle a 13 ans, trois ans, donc de 13 ans à 16 ans.
03:21C'est cette période-là qui va vraiment vous intéresser.
03:22Vous racontez sa captivité dans des conditions abominables
03:26pour cette jeune enfant et pour son frère,
03:29quand ils sont capturés par les révolutionnaires.
03:31C'est, on ne le sait pas, mais c'est abominable ce qu'ils vont vivre.
03:34Oui, en fait, la famille royale est transférée à la prison du temple,
03:37qui n'existe plus aujourd'hui dans Paris,
03:39après l'assaut des Tuileries,
03:40qui marque vraiment la chute de la monarchie à ce moment-là.
03:44Et donc, elle arrive à l'âge de 13 ans avec sa famille,
03:46et elle en sort trois ans plus tard seule.
03:48Donc, elle subit à la fois la séparation successive avec ses parents,
03:51donc son père, dont elle a connaissance de l'exécution,
03:55puisque les cris des révolutionnaires parviennent jusqu'à la tour du temple.
04:01C'est ça qui est fou, c'est-à-dire qu'en plus,
04:03vous allez nous parler de ses conditions de vie,
04:05mais la vérité, c'est qu'elle va vivre pendant ces trois années dans le mensonge.
04:09C'est-à-dire qu'on refusera de lui dire...
04:11Alors, son père, elle entendra les cris de joie des révolutionnaires,
04:14on a décapité le roi, on a tué le roi.
04:15Mais sa mère, quelques mois plus tard, quand Marie-Antoinette va être décapitée,
04:20et quand son frère mourra, on ne lui dira pas.
04:22Donc, elle vivra dans le mensonge pendant des années.
04:24Tout comme sa tante, qui finit, elle aussi, par être exécutée.
04:30Effectivement, elle a beau demander à pouvoir être réunie avec sa mère,
04:34on lui impose le silence, on lui impose l'ignorance,
04:38ce qui est sans doute le traitement le plus cynique.
04:42Et effectivement, après l'exécution de sa tante,
04:45qu'elle ignore, elle passe un an seule, à la merci de ses geôliers.
04:50Et muette.
04:51Et muette.
04:51Elle refuse de parler.
04:53Sa résistance, c'est le silence.
04:55On lui retire tous ses effets personnels,
04:57on lui retire du bois pour se chauffer l'hiver,
05:00on lui retire tous ses livres.
05:01La seule chose qu'elle a à sa disposition, c'est un tricot.
05:05Qu'elle fait, qu'elle défait, qu'elle refait.
05:07Sur ses mains froides, vous décrivez ses mains gelées par le froid,
05:10parce qu'elle a juste sa petite robe qui, d'ailleurs, à mesure qu'elle grandit,
05:16parce que 13, 14, 15 ans, la robe, elle est trop petite.
05:19Exactement.
05:20Et voilà.
05:21Et elle a fait des effets, ce tricot est muette.
05:23Et elle n'en reste pas moins une princesse.
05:25Ou du moins, elle n'en perd pas moins de sa grâce et de sa dignité,
05:28puisque ceux qui la côtoient justement dans cette cellule,
05:32dans cet isolement,
05:33remarquent néanmoins sa force de caractère
05:36et son courage face à cette adversité absolument indicible.
05:40Oui, elle a quelque chose de très remarquable, en fait.
05:43Cette jeune princesse qu'on ne connaît pas,
05:45que l'histoire n'a pas retenue, au fond,
05:47et que vous réhabilitez,
05:48c'est qu'elle est droite, quoi.
05:50Même gamine à 14, 15 ans, elle reste droite.
05:52Exactement.
05:53Et je pense que c'est vraiment cette capacité-là à la résilience
05:59et sa capacité à transcender véritablement son épreuve inimaginable
06:05qui m'a véritablement inspirée.
06:08Le dauphin, son frère,
06:10qui rentre à la prison du Temple à 9 ans,
06:12ne résistera pas, ne survivra pas aux souffrances extrêmes de sa captivité,
06:18puisqu'il mourra à 10 ans dans d'effroyables souffrances.
06:21Oui, puisque son frère, en fait, est séparé de sa mère
06:24et est transféré à l'étage du dessous.
06:27Donc, pendant un an, elle ignore ce qu'il devient de son frère,
06:30même si certains joliers finissent par la tenir au courant.
06:34Elle est au courant que son frère est dans l'abandon le plus total.
06:36Il est laissé véritablement dans la vermine,
06:40dans sa propre saleté, dans ses propres immondices.
06:43On lui donne à peine à manger.
06:45Et lorsqu'on le retrouve, après la chute de Robespierre,
06:49où il y a un petit changement qui s'opère au sein de la Tour du Temple...
06:54C'est ça qu'il faut que vous expliquiez.
06:55C'est ça qui est intéressant dans votre livre,
06:57parce qu'au-delà de la figure de Marie-Thérèse et de sa vie,
06:59ce qui est très intéressant, c'est ce personnage pictif que vous inventez,
07:03ce jolier, ce petit Joseph, ce petit révolutionnaire,
07:06plein de ferveur et de passion,
07:08très, très, très convaincu par la Révolution au début,
07:11et qui, progressivement, à l'image du peuple de Paris,
07:14c'est ça que vous montrez, au fond, à travers la figure de cette Marie-Thérèse,
07:18c'est l'évolution du peuple de Paris, du peuple de France.
07:21Comment, au début de la Révolution,
07:23ils poussent des cris de joie,
07:24ils disent à mort, ils veulent même tuer ces deux enfants.
07:27Il y a des révolutionnaires,
07:28ils participent à un moment,
07:29ils risquent de participer à un projet d'exécution
07:32de Marie-Thérèse et de Louis XVII.
07:34Et puis comment, quand le dauphin meurt, au fond,
07:37là, le peuple de Paris est en émoi,
07:39il est indigné, c'est quand même, ce n'est qu'un enfant.
07:41– Exactement.
07:43Et j'ai trouvé, au final, que toute cette histoire,
07:45c'est pour ça que je me suis concentrée, véritablement,
07:47sur l'enfermement de la princesse au temple avec son frère,
07:50parce que c'est un huis clos où se cristallisent
07:53toutes les émotions contradictoires et extrêmes du peuple français.
07:58C'est-à-dire que, notamment, la figure des geôliers aussi m'intéressait,
08:01puisqu'on est à la fois face à des geôliers
08:04qui font des preuves d'actes de bravoure,
08:06d'autres qui font preuve d'actes de lâcheté.
08:09On a à la fois la cruauté des geôliers qui se révèle,
08:12l'humanité d'autres qui vient, au final,
08:16à tendre la main à ces enfants-là.
08:18Et tout ça, c'est véritablement caractéristique du peuple français.
08:21– Vous écrivez cette phrase qui est très belle
08:23et qui peut s'appliquer aux temps troublés
08:24dans lesquels on vit aujourd'hui.
08:26Vous écrivez « Les temps troublés créent des hommes confus ».
08:29Et c'est cette confusion qui est très intéressante dans votre livre.
08:32Comme aujourd'hui, on vit des temps troublés,
08:34des temps où on ne comprend plus très bien les règles du jeu.
08:38Et ça crée des hommes confus.
08:40Et on voit la confusion des geôliers,
08:41la confusion du peuple de Paris
08:43à l'égard de la figure du roi,
08:45de cette royauté, de cette monarchie,
08:47de la révolution et de tout le reste.
08:49Vous vous êtes plongé dans les mémoires de Marie-Thérèse de France
08:51parce qu'elle a écrit « Ces mémoires sont conservées à la BNF ».
08:54Qu'est-ce que vous avez appris de cette femme
08:56qui ensuite, il faut lire le livre,
08:59mais en gros, trois ans après,
09:01elle va être libérée,
09:02elle va être rendue au pays de sa mère, à l'Autriche,
09:04puis elle va revenir et elle sera acclamée
09:07dans Paris au moment de la restauration.
09:09Tout ça, vous le racontez.
09:10Vous mêlez même l'idée qu'elle aurait pu être participée
09:13à cette légende.
09:14C'est quoi cette comtesse des ténèbres ?
09:16– C'est vrai que de princesse, elle devient prisonnière.
09:19De prisonnière, elle devient exilée.
09:21On a décidé pour elle, à chaque fois,
09:23de son identité et de son destin.
09:26La comtesse des ténèbres, c'est,
09:28pour certaines légendes,
09:30pour d'autres, une réalité.
09:32En tout cas, c'est véritablement une femme
09:33qui a existé au début du XIXe siècle
09:35dans l'actuel Thuringe en Allemagne.
09:38Une femme qui est arrivée un jour
09:40à Hilberghausen,
09:42toute vêtue de noir,
09:44voilée.
09:46On a ignoré son identité
09:47pendant une trentaine d'années,
09:48qui était farouchement conservée
09:50également par le comte
09:51qui l'accompagnait et par le cocher
09:53qui les conduisait un petit peu partout.
09:56Et c'est vrai que
09:57certains témoins
09:58qui auraient entreaperçu
09:59cette fameuse comtesse des ténèbres
10:01derrière une fenêtre
10:02ou sous sa voilette
10:04auraient juré de sa ressemblance
10:06avec Marie-Antoinette.
10:07Et donc, de là est partie l'idée
10:08que peut-être s'agirait-il
10:10de sa fille
10:11qui aurait été substituée
10:13avant sa remise en Autriche
10:14et qui aurait préféré
10:17à une vie de cour,
10:18une vie d'exil
10:18ou du moins une vie
10:19dans l'anonymat,
10:20dans le deuil de ses parents.
10:21Dans le deuil de ses parents.
10:22C'est en tout cas
10:22ce que vous racontez.
10:23C'est une des hypothèses.
10:25Mais quand vous avez lu
10:25ces manuscrits,
10:26qu'est-ce qui vous a touché ?
10:27Qu'est-ce qui vous a marqué
10:28dans ses mémoires à elle
10:29de ce qu'elle a écrit ?
10:30Ce qui est fascinant
10:31dans les mémoires
10:31de Marie-Thérèse de France,
10:32c'est qu'en fait,
10:33elle s'occulte complètement
10:34du récit.
10:35Elle parle de son père,
10:36elle parle de sa mère,
10:36de son frère,
10:37de sa tante,
10:37mais elle ne parle pas d'elle-même.
10:39Donc c'est d'une certaine façon,
10:40c'est comme si la mort
10:41de ses parents
10:43avait également symboliquement
10:44marqué la sienne.
10:46Victoria Masse,
10:46l'inspiration de ce nouveau roman
10:48est partie d'un lieu
10:48comme souvent chez vous.
10:50Le bal des folles,
10:50c'est quand vous visitez
10:51l'hôpital de la Salle Pétrière
10:53qui vous donne l'idée
10:54d'écrire sur Charcot
10:55et sur ces femmes emprisonnées,
10:58ces femmes qu'on jugeait hystériques
11:00et le succès qu'on connaît.
11:01Là, c'est le château de Versailles.
11:02C'est en vous promenant
11:03au château de Versailles
11:04que vous vous êtes dit
11:04tiens ?
11:06Oui, alors même si l'intrigue
11:07ne se passe pas au château de Versailles.
11:08Non, pas du tout.
11:08C'était un peu difficile
11:09de visiter la tour du temple
11:11mais c'est vrai que
11:13souvent les lieux,
11:14pour moi,
11:14sont des gardiens de notre mémoire,
11:16sont des gardiens de récits
11:17et il suffit de tendre
11:19un petit peu l'oreille
11:20pour entendre
11:21tout ce qu'ils ont à nous raconter,
11:23tout ce qu'ils ont à entendre,
11:24à nous murmurer
11:25et je suis en effet
11:27toujours très inspirée
11:28par l'histoire d'un lieu
11:29et par ces gardiens.
11:32Donc c'est le château de Versailles
11:33où vous vous baladiez un jour
11:34ou vous vous êtes dit
11:34tiens, ici je...
11:35J'ai révisé un petit peu
11:36mes cours d'histoire
11:37et c'est à cette occasion
11:38que je me suis rendu compte
11:40que j'avais certaines lacunes.
11:41Paris est un des personnages du livre.
11:44La tour,
11:45cette fameuse tour du temple,
11:46c'est un des personnages.
11:47Vraiment,
11:47on est à l'intérieur
11:48de cette tour du temple
11:49et vous me décrivez
11:49les odeurs,
11:51les couleurs
11:51de cette tour,
11:52de cette prison.
11:53Paris,
11:54sur laquelle vous avez
11:54beaucoup travaillé déjà
11:55pour le bal des folles
11:56et vos précédents romans.
11:57Écoutez l'historien
11:58Emmanuel de Varisquel
11:59qui était à notre micro
12:00il y a une semaine
12:01parler de son amour de Paris
12:02et comment on devrait
12:03regarder Paris.
12:05C'est un rébut Paris.
12:08On se promenait d'un Paris,
12:09d'abord il faut savoir,
12:10alors c'est pas toujours facile,
12:11mais il faut savoir
12:12perdre son temps dans Paris
12:13et puis il faut y marcher
12:15et éviter d'avoir
12:16les yeux rivés
12:16sur son portable.
12:18Il faut regarder
12:19et lever la tête.
12:20C'est une ville
12:20absolument magnifique
12:21mais c'est surtout
12:22une ville pleine de mystères
12:25et de littérature.
12:27Enfin,
12:27on rencontre
12:28les personnages
12:29de ses romans préférés
12:30à chaque coin de rue
12:31et pleine d'histoire.
12:34C'est la ville
12:35des quatre coins du monde.
12:37On y trouve
12:38une représentation
12:40d'un temple égyptien
12:41à Place du Caire.
12:43On est en pleine époque
12:44des Lumières
12:44quand on est au Palais Royal.
12:46C'est une ville
12:47absolument merveilleuse.
12:49Et vous aussi,
12:51vous aimez Paris,
12:51vous aimez vous y perdre ?
12:53J'aime profondément Paris.
12:55J'ai découvert cette ville
12:56à l'âge de 20 ans
12:57et j'en suis tombée
12:59éperdument amoureuse.
12:59C'est peut-être
13:00sans doute
13:01ma première histoire d'amour.
13:02Ça a été avec Paris.
13:04Elle a été fondamentale
13:05dans la construction
13:06de mon identité,
13:07dans mes expériences.
13:10Mais c'est surtout
13:10j'ai découvert
13:12qu'il était possible
13:12avec une ville,
13:13avec un lieu,
13:14d'avoir un rapport viscéral
13:16et presque charnel
13:17et je ne me lasse pas
13:19de cette ville.
13:20C'est quoi
13:20votre endroit préféré
13:21dans Paris ?
13:22Votre quartier préféré ?
13:23Moi, j'ai vécu
13:24plus de 10 ans
13:25à Montmartre
13:25et c'est un pays
13:27pour moi
13:27plus qu'un quartier.
13:28Un pays,
13:29Montmartre.
13:29Vous n'avez pas tort.
13:31C'est vrai que vous avez
13:32beaucoup voyagé
13:32dans votre enfance
13:33au gré de la vie,
13:35de la carrière
13:35de votre mère,
13:36Jeanne Masse,
13:37la chanteuse des années 80,
13:39la chanteuse
13:40avec une majuscule
13:41et de votre père
13:43qui était enseignant
13:44sud de la France,
13:46un peu en Italie,
13:47en Californie
13:48et vous dites
13:49je n'avais pas d'amis
13:51parce que passant
13:51d'un endroit à un autre
13:52je n'avais pas beaucoup d'amis
13:53mes meilleurs amis
13:54étaient les livres.
13:56Oui, c'était
13:56du moins la seule stabilité
13:59ou du moins
13:59les seuls accompagnants
14:02on va dire.
14:04Je pense qu'à un moment
14:04lorsqu'on déménage énormément
14:06et lorsqu'on change régulièrement
14:08d'établissement scolaire
14:09on a besoin
14:11de quelque chose
14:11qui reste
14:12et qui est tangible
14:13et qui est immuable
14:14et donc pour moi
14:15effectivement
14:15c'était mes livres.
14:16Les livres
14:17c'était Alexandre Dumas
14:18c'était Hugo
14:19c'était Maupassant
14:20et c'était à 18 ans
14:21le coup de foudre
14:22pour l'amant
14:23de Marguerite Duras
14:24comme beaucoup de jeunes filles
14:25pourquoi ce livre-là ?
14:27L'écriture
14:28m'a absolument bouleversée
14:30frappée
14:31et la vie de Marguerite Duras aussi
14:33parce que j'ai toujours été
14:34extrêmement fascinée
14:36par la figure de l'écrivain
14:37c'est-à-dire que
14:38lorsque j'ai découvert
14:39le hors-là de Maupassant
14:40j'étais non seulement
14:41fascinée par le livre
14:42mais je voulais savoir
14:43qui avait écrit
14:44un récit pareil
14:47quel était l'esprit
14:50derrière ces écrits
14:52et donc la figure
14:53de l'écrivain
14:53m'a toujours
14:54fascinée
14:54inspirée
14:55et je pense que ça a mis
14:56un peu de temps aussi
14:57pour me dire
14:58pourquoi pas moi ?
14:59Oui
14:59pourquoi pas moi ?
15:01Pourtant vous écrivez
15:01depuis l'enfance
15:02en rêvant d'être publiée
15:04pendant 12 ans
15:05vous essayez de vous faire publier
15:07vous recevez 11 refus
15:09de maisons d'édition
15:0911 refus
15:11c'est énorme
15:12vous n'avez pas perdu l'espoir
15:14à un moment ?
15:16C'est vrai qu'à un moment
15:16on atteint
15:17la frontière
15:18entre la persévérance
15:19et l'acharnement
15:20et donc j'avais l'impression
15:21à un moment donné
15:22d'arriver au moment
15:23où je commençais peut-être
15:24à m'acharner
15:25mais je suis contente
15:27au final
15:28d'avoir eu ces refus-là
15:29parce que ça vous apprend
15:30à vous remettre en question
15:30Et en l'occurrence
15:31c'était des refus
15:32sur plein d'autofictions
15:33vous écriviez sur vous-même
15:34le jeu JE
15:36et c'est au moment
15:36où vous trouvez
15:37votre premier sujet
15:38celui du bal des folles
15:39qu'Albin Michel
15:40dit banco on y va
15:41ils ont été
15:41pour le coup
15:42ils ont eu le nez creux
15:43puisque vous en avez vendu
15:44500 000
15:44mais vous répondez
15:45à ceux qui disent
15:46la fille d'eux
15:47la fille de Jeanne Mas
15:48si ça m'avait aidé
15:50d'être la fille d'eux
15:50j'aurais pas mis 12 ans
15:51à publier mon premier roman
15:52c'est-à-dire que
15:54à partir du moment
15:56où j'ai cessé
15:57d'écrire sur moi
15:58et que j'ai commencé
15:58à écrire sur les autres
16:00que mon rapport
16:00à l'écriture a changé
16:01que mon rapport
16:02au plaisir
16:03de l'écriture a changé
16:04et évidemment
16:05on fait
16:07pas le même métier
16:07moi j'ai choisi
16:08un métier de l'ombre
16:09j'aime beaucoup
16:10de chez moi
16:10je suis très casanière
16:11et je serais bien incapable
16:12de faire ce que ma mère fait
16:14c'est-à-dire d'être sur scène
16:15et de donner ce plaisir-là
16:18aux gens
16:19chaque soir
16:20par de la chanson
16:21par de la musique
16:22sa notoriété
16:23au moment où vous êtes gamine
16:25elle était la star absolue
16:27c'est quelque chose
16:28qui vous a fait mal
16:30qui vous a fait souffrir
16:31on avait Julia Piaton
16:32la fille de Charlotte de Turquem
16:33qui disait
16:33qu'elle avait pas du tout
16:34supporté en fait
16:36la notoriété de sa mère
16:36notamment quand elle était ado
16:37en fait
16:39la notoriété de nos parents
16:41n'est pas problématique
16:42pour nous
16:43c'est le regard des autres
16:44qui change
16:45et qui vous impose
16:46une identité
16:47qui vous impose
16:48presque une personnalité
16:49c'est-à-dire
16:51moi j'étais très réservée
16:52très timide à l'école
16:53on prenait ça
16:54pour de la condescendance
16:55on prenait ça
16:56pour un côté un peu hautain
16:57donc on ne maîtrise
16:59absolument pas
16:59ce regard-là
17:01après
17:02la notoriété de ma mère
17:04elle est ce qu'elle est
17:05et elle suscite
17:06je trouve beaucoup de sympathie
17:08et c'est ça qui me marque
17:10c'est que les gens l'aiment vraiment
17:11et bah oui
17:12elle est un retour de hype
17:13qui est dingo aujourd'hui
17:15votre chanson préférée
17:16de votre mère
17:16alors c'est pas celle
17:17qu'on connait
17:18elle vient de son premier album
17:20en 85
17:21elle s'appelle Suspense
17:22Pourquoi cette chanson ?
17:41Pourquoi Suspense ?
17:43Parce que c'est une chanson mélancolique
17:45c'est une chanson qui me rappelle à l'enfance
17:48et puis ma mère est aussi parolière pour moi
17:54et je pense que mon besoin d'écriture
17:57ou du moins mon plaisir de l'écriture
17:58vient de là
17:59elle écrit des textes qui sont mystérieux
18:03qui sont symboliques
18:04qui sont beaux
18:05et elle fait attention à la langue
18:08et je crois
18:09enfin du moins j'espère avoir cette même attention
18:11Comme vous
18:12ceux qui vous entendent ce matin
18:13comprennent votre choix du mot
18:15très important pour vous
18:16et quand on vous lit
18:16c'est la même chose
18:17les impromptus très rapidement
18:18vous êtes devenue royaliste
18:19après avoir bossé sur Marie-Thérèse
18:21Non, pas plus que
18:23je n'ai pas eu d'apparition
18:25de la Sainte Vierge
18:26après avoir écrit un miracle
18:28Voilà, c'était sur
18:29c'était sur
18:30sous Birou
18:31ou c'était sur Bernard de Soubirous ?
18:32C'était sur Catherine Labouré
18:33Catherine Labouré
18:33Oui
18:34Pardon
18:34Versailles ou les Tuileries ?
18:37Versailles
18:37La Bretagne ou le Sud de la France ?
18:39Le Sud de la France
18:40Un bon steak ou du tofu ?
18:43Ça dépend des jours
18:44Houellebec ou des pentes ?
18:46Houellebec
18:46Que faites-vous quand vous n'écrivez pas ?
18:49Je ne sais pas quoi faire de moi
18:50Ah oui ?
18:52Compliqué ça
18:53Oui, c'est un peu compliqué
18:54Le rouge et le noir de Stendhal
18:56ou en rouge et noir de votre mère ?
18:59Les deux
18:59Vous écoutez les chansons de votre mère
19:02encore aujourd'hui ?
19:04Alors, comme je le disais
19:06comme ça me renvoie à l'enfance
19:08ça me renvoie à une certaine nostalgie
19:09donc j'évite
19:10il faut vraiment que je sois
19:11dans une profonde tristesse
19:12pour écouter ces chansons
19:15Liberté, égalité, fraternité
19:16vous choisissez quoi ?
19:18Fraternité
19:19Et Dieu dans tout ça ?
19:20Victoria Mass ?
19:21Eh bien, je le cherche chaque jour
19:23Le troisième roman de Victoria Mass
19:25s'appelle L'orpheline du temple
19:27et c'est très réussi
19:28Bravo
19:28C'est chez Albain Michel
19:30et très belle journée à vous
19:31Merci également