L'acteur Melvil Poupaud explore son potentiel comique dans "Les règles de l'art", une histoire de braquage improbable inspirée de faits réels. Rencontre.
Retrouvez « L'interview de 9h20 par Léa Salamé » L'interview de 9h20 avec Léa Salamé sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20
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00:00Et Mathilde Serrel, vous recevez ce matin un grand acteur qui n'a plus peur du ridicule.
00:07Melville Poupo, bonjour.
00:08Bonjour.
00:09La dernière fois que vous avez ri de vous, c'était quand et c'était pourquoi ?
00:14J'ai ri et pleuré le lendemain, c'était samedi dernier dans le bar que je tiens avec des amis.
00:19On a passé une excellente soirée, c'était très drôle et on se fout en boîte régulièrement les uns les autres.
00:24Et puis le lendemain on a un petit peu une petite descente disons.
00:26On a une petite honte ?
00:28Petite honte, un souvenir citron comme dirait mon ami Gisselme.
00:32Votre filmographie est tellement dense qu'on pourrait créer un onglet de recherche Melville Poupo je pense.
00:38Le suivre c'est l'assurance de tomber sur des merveilles, de faire une formation accélérée dans le cinéma qu'on appelle d'auteur.
00:45Avec Rolls-Ruiz, avec Eric Romer, avec François Ozon, avec Justine Tri, avec Xavier Dolan, avec Arnaud Despléchins, avec Les Sœurs Wachowski, avec Polanski, avec Valérie Donzeli.
00:53Récemment, dans L'Amour et les Forêts avec Virginie Fira, vous incarnez un manipulateur, un pervers narcissique.
00:59Mais là c'est tout l'inverse, vous êtes un rigolo dans une comédie de braquage.
01:03Un peu malgré lui, oui.
01:04Oui, un peu malgré lui.
01:05Les règles de l'art de Dominique Beaumart, ça sort en salle le 30 avril.
01:08Vous dites que vous aviez envie d'explorer cette capacité comique.
01:10Maintenant, vous voulez devenir un type marrant.
01:14Exactement.
01:14C'est du boulot ça, je peux vous dire.
01:16J'y travaille tous les jours.
01:17Alors comment vous vous y prenez ?
01:18Non mais en fait, j'ai commencé à prendre goût à la comédie en faisant cette série pour
01:21qu'il y en a de plus qui s'appelait OVNI, avec ce personnage.
01:24De Didier.
01:24Je ne sais pas si vous l'avez vu.
01:25Didier, incroyable Didier.
01:27Qui avait les deux facettes, à la fois le scientifique très cartésien, qui s'est toujours
01:31de se raccrocher à la science et qui tout à coup perd un peu pied.
01:33Et voilà, ça faisait un personnage très rigolo.
01:35Et je me suis rendu compte que dans mon corps, j'avais un plaisir en tout cas à jouer
01:40l'imbécile, à faire le mec un peu ridicule.
01:43Et là, avec le film de Dominique Beaumart, Les règles de l'art, je suis allé un petit
01:46peu plus loin en lorgnant du côté d'Alberto Sordi par exemple dans les comédies italiennes
01:51des années 60.
01:51Aussi un peu Marcello Mastroianni qui est un grand modèle pour moi.
01:54Vous dites que oui, Marcello Mastroianni, lui il s'abandonne.
02:00Il est totalement disponible.
02:02Absolument.
02:02Ça, c'est en règle générale une qualité pour un acteur de pouvoir être capable d'être
02:05très réactif et de changer d'une prise à l'autre selon les demandes du metteur en scène.
02:10Et ensuite, c'est surtout que c'est quelqu'un qui est à la fois capable d'être un petit
02:13peu crédible et élégant dans le rôle du sculpteur ou du mec auquel on fait confiance
02:18et en même temps de passer tout à coup du côté de l'imbécile, du pigeon.
02:23Il y a aussi ce film Le Pigeon de Mario Monicelli qui est un petit peu une référence pour
02:26Les règles de l'art.
02:27Cette bande de bras cassés qui essayent de faire un casse et qui en fait sont trop petits pour gérer
02:31un tel trésor.
02:33Et là, c'est le sujet du film.
02:34Et c'est une histoire vraie, il faut le rappeler.
02:35Parce que les gens voyant le film ne peuvent pas imaginer que ce soit vraiment arrivé
02:39dans la réalité.
02:39Or, c'est vraiment un fait divers.
02:41Oui, c'est arrivé.
02:42En fait, ça a été un braquage du musée d'art moderne.
02:45En 2010, cinq chefs-d'oeuvre évalués à plus de 100 millions d'euros.
02:47Exactement.
02:48Qui ont été dérobés à la faveur d'une alarme en panne.
02:51Exactement.
02:51Depuis des semaines déjà, c'était comique.
02:53De toute façon, le fait divers est comique.
02:55Enfin, ce n'est pas si comique que ça pour les auteurs du fait parce qu'ils ont fini
02:58en prison, évidemment.
03:00Mais c'était comique de s'imaginer qu'on peut cambrioler un musée et sortir avec
03:03cinq toiles de mètres, comme ça, ni vu ni connu.
03:05Et après, ne pas être capable de les refourguer.
03:07Parce que les mecs n'avaient pas le réseau, qu'ils n'étaient pas capables, eux, d'avoir
03:10les bons contacts.
03:11Même dans leur discours, on sentait bien que ce n'était pas des professionnels.
03:14Vous dites que c'est l'anti-Ocean's Eleven ?
03:16Exactement.
03:17C'est-à-dire que c'est entre les pieds nickelés et Ocean's Eleven.
03:20C'est des types qui se sentent pousser des ailes, surtout mon personnage, au contact
03:24de...
03:25Fianso, Sofian Zermani.
03:27Exactement.
03:27Le personnage qui joue, qui est très drôle, qui est un embobineur, qui travaille dans
03:30ces endroits où on voit Achaor, où il recèle un peu tout et n'importe quoi.
03:34Des petites toiles de maître, des bijoux, des montres, enfin tout ça.
03:38Et lui, il embobine mon personnage.
03:41Et mon personnage se sent un peu pousser des ailes.
03:43Il se dira, c'est génial, moi aussi je vais devenir un gangster, je vais me faire
03:46du fric.
03:47À la maison, il est un petit peu coincé.
03:48C'est un petit peu lui qui fait le boulot de s'occuper des gosses et tout ça.
03:53Et là, tout à coup, il se prend pour un gangster, sauf qu'il n'a pas les épaules
03:56et que ça donne lieu à beaucoup de situations de comédie.
03:59C'est bien, vous avez fait mon boulot.
04:01Vous avez fait le piste du film.
04:02Je suis là pour ça.
04:03C'est parfait, les règles de l'art.
04:05Donc, il y a ce vol de ces cinq chefs-d'oeuvre.
04:07Il y a ces trois personnages.
04:08En effet, Sofiane Zermani, Sofiane Zermani, Aka Fianso, le rappeur, qui est un russeleur
04:12escroc.
04:13Et vous, votre personnage s'appelle Yonatan.
04:16Il s'appelle aussi Yoni.
04:17Il s'appelle aussi Cobb.
04:19Et c'est vrai, un doux crétin et en même temps un mari disponible.
04:23C'est un garçon un peu gauche.
04:25Au fond, ce qui va le motiver, ce n'est pas l'argent.
04:28C'est de se sentir vivant, votre personnage, en s'embarquant dans cette histoire.
04:32Absolument.
04:33Il rencontre ce personnage.
04:34Il se fait tourner la tête.
04:35Il se dit que tout à coup, lui aussi, il peut avoir une vie plus intéressante, plus riche,
04:39plus risquée.
04:40Sauf qu'à chaque fois qu'il va un peu trop loin, il s'en mord les doigts.
04:43Il revient en arrière.
04:44Et il promet à sa femme qu'il va arrêter.
04:46Il va arrêter.
04:46Et puis finalement, il retombe dans les griffes de ce personnage.
04:49Et il se refait embobiner.
04:50On écoute.
04:50Vous connaissez la suite ?
05:13C'est une scène de karaoké, justement, avec Sofiane Zermani, entre ce personnage
05:24de Yoni et Eric, donc l'escroc.
05:28C'est un coup de foudre, un coup de foudre amical, en fait, qu'il ressent pour ce personnage
05:32d'escroc, qu'il entraîne dans une vie qu'il n'aurait pas soupçonnée.
05:36Exactement.
05:36C'est le côté un peu bromance du film.
05:39Et il s'est un peu passé ça avec Sofiane pendant le tournage.
05:42Moi, je ne le connaissais pas du tout, ni sa musique, ni en tant qu'acteur.
05:44Vous n'avez jamais écouté un titre de rap de Fian Solo ?
05:47Peut-être, mais je ne suis pas très branché rap français.
05:49Ma fille, il était, donc j'ai dû entendre ça à l'époque où elle était en âge d'écouter
05:53ces genres de trucs.
05:53Mais en tout cas, bon, bref, c'est un super acteur, surtout maintenant, Sofiane, je pense
05:56qu'il fait une carrière énorme et qu'il a beaucoup de potentiel, notamment
05:59comique, parce que dans le film, il fait un personnage d'escroc flamboyant, un grand
06:04tchatcheur.
06:05Bon, ça, la tchatche, il l'a, on le savait.
06:06Mais là, il a vraiment un côté séducteur et embobineur.
06:09Il est vraiment génial.
06:10Et c'est un duo comique.
06:11C'est un peu un buddy movie.
06:13L'escroc et puis la proie, moi, le pigeon.
06:15Et à chaque fois, je le retrouve, il y a dans mes yeux, j'ai essayé de donner un regard
06:18d'amour que je pose sur Sofiane en me disant, il est trop classe, ce mec.
06:21OK, il a des problèmes, il est un peu douteux, mais quand même, il est flamboyant, il est bien
06:24habillé, il est plus grand que moi, un peu plus grand que nature.
06:28Il porte la veste costume léopard comme personne.
06:30Exactement.
06:31Il a fait un gros travail de personnage.
06:33Et vous, vous êtes plutôt pantalon bretelle.
06:36Vous êtes plutôt charlot.
06:38Exactement.
06:38En dégaine.
06:39Moi, j'aime bien prendre des modèles quand je fais des films.
06:41Et en comédie, mes modèles, on en a parlé de Talod, Alberto Sordi, Marcello Mastroianni,
06:46mais c'est aussi Pumbuster Keaton, Charlie Chaplin.
06:48Là, il y avait ce côté dans le corps, quelque chose de très mobile, qui peut s'affaisser
06:52en deux secondes, se redresser.
06:53Et les bretelles, ça m'amusait de faire un petit clin d'œil à Charlie Chaplin, avec
06:55des crocs oranges.
06:57Oui, avec des crocs oranges, voilà, c'est le petit plus.
06:59Peut-être que si c'était en couleur, on verrait que Charlot a des pompes oranges.
07:02Mais on devrait coloriser les charlots et faire ce genre de proposition.
07:06Vous dites que vous recherchez de l'a priori comique que vous n'avez pas.
07:08C'est quoi l'a priori comique ?
07:10C'est ce que vous disiez en introduction, c'est-à-dire qu'il y a des acteurs, on a l'habitude
07:13de les voir dans un registre comique.
07:14Du coup, quand ils arrivent, ils ont besoin de rien faire pour qu'on s'imagine qu'ils vont être
07:17drôles.
07:17Donc, ils font rire a priori.
07:18Moi, ce n'était pas le cas parce que je n'ai pas fait beaucoup de comédie.
07:21Mais de plus en plus, je me dis que la force comique, ce n'est pas d'en faire des caisses
07:25ou ce n'est pas de gigoter ou de faire un effort.
07:27C'est au contraire d'être juste présent et que les gens s'imaginent que vous allez
07:30les faire rire et ça déclenche le rire comme ça, sans effort, naturellement.
07:34Et je pense que c'est tout un travail de trouver cet a priori-là.
07:37Quand vous êtes rentré dans cette pièce, on a presque eu envie de dire...
07:41Ça, c'est à cause de ma soirée de samedi, je pense.
07:43C'est en route.
07:44En tout cas, parlons de ce butin dans ce casse, qui est un casse de bras cassés.
07:48Fernand Léger, Pablo Picasso, Amedeo Modigliani, autant de grands maîtres dont les œuvres
07:52s'envolent dans la nature sans les traces.
07:55On aura une scène qu'on ne peut pas révéler qui est très douloureuse dans la disparition
07:59de ses œuvres d'art.
08:01Il y a un cambrioleur de génie qui explique dans les procès-verbaux du vrai braquage
08:06qu'il a eu en 2010, qu'il a voulu s'emparer d'un autre Modigliani, mais que les yeux
08:10lui faisaient peur, qu'il craignait que ça lui porte la poisse.
08:14Le réalisateur, Dominique Beaumard, il a épluché tous les PV.
08:16Ça, ça l'a marqué.
08:17C'est une scène qui est un petit peu reconstituée dans le film.
08:19Qu'est-ce que ça veut dire pour vous ?
08:21Et est-ce que c'est ce que votre personnage ressent devant la femme à l'éventail de Modigliani ?
08:24Ça, vous parlez du personnage du cambrioleur du Mont-en-L'Air, qui est joué par Steve Tiencheux,
08:28qui est un super bon acteur.
08:29Et qu'effectivement, il y a une très belle scène au milieu du film, donc le braquage,
08:32où il se retrouve dans cet espace vide en pleine nuit avec toutes ses œuvres.
08:35Il fait une balade dans le musée, ce qui est la vérité.
08:37Ça s'est vraiment passé comme ça.
08:38Il décroche une toile, puis ça ne sonne pas.
08:40Du coup, il en décroche une autre jusqu'à cinq.
08:42Et c'est très beau de voir ce type, ce cambrioleur, qui n'est pas un amateur d'art a priori,
08:46mais qui, là, tout à coup, fait son marché.
08:48Et il choisit un Modigliani qui, effectivement, a un espèce de pouvoir comme ça, magnétique,
08:51ce regard de femme, comme dans les yeux de Modigliani.
08:55Il n'y a pas de pupille.
08:56Ses yeux bleus en amont.
08:56Voilà, c'est ça, son pupille, qui regarde un peu nulle part, qui est un peu vide,
09:00et en même temps très magnétique.
09:01Et mon personnage, lui aussi, quand il voit ce tableau, se sent magnétisé, appelé,
09:05à tel point qu'il veut absolument posséder cette œuvre-là.
09:07Et le film, en plus d'être une comédie et une bromance, c'est aussi une réflexion sur l'art.
09:11Donc ça s'appelle les règles de l'art.
09:12C'est de savoir quelle valeur a un tableau, qui peut le garder, qui peut se le payer,
09:16où ça doit atterrir, entre les mains de qui.
09:18Et quelle est la valeur de l'art ?
09:20Parce que chacun a un rapport différent.
09:22C'est ça qui est raconté, en effet.
09:23Le peintre, le cambrioleur, il a un rapport matériel et physique au tableau.
09:26Il sait combien ça pèse, etc.
09:28L'acheteur, il a un rapport presque mystique à l'objet.
09:32Le marchand, lui, il a un rapport pécunier, évidemment.
09:34Au fond, ça pose la question aussi de qui va donner la valeur à l'œuvre.
09:39C'est quoi pour vous ?
09:40Dans le film, on voit que le prix du tableau change en fonction de l'acheteur.
09:44À un moment, ils s'imaginent qu'ils vont le revendre à un million d'euros.
09:48Après, ils se disent, non, c'est peut-être trop, on va le vendre à 200 000.
09:50Puis à la fin, ils se retrouvent à le vendre à 50 000 balles juste parce qu'il a des dettes.
09:53Et c'est vraiment des mecs foireux.
09:55Il y a vraiment un côté guignol.
09:57Mais c'est ça qui est bon, c'est que c'est à la fois pathétique et on suit vraiment l'intrigue du cambriolage,
10:03du mécanisme, de la mécanique comme ça qui se met en place.
10:06Et en même temps, on prend du plaisir à voir ces personnages s'embourber et se retrouver la tête de bec dans l'eau.
10:11On va écouter Henri Matisse qui nous donne sa propre définition, en tout cas de la valeur qu'il donne à ces tableaux.
10:18Quelle est la période de votre vie qui a été pour vous la plus agréable ?
10:21La purée.
10:24Celle où je ne vendais pas mes tableaux.
10:26J'étais tout seul à les aimer, sauf quelques-uns, mes amis.
10:29Alors là, j'aimais mes tableaux comme une mère à ses enfants malheureux.
10:33Et puis, il n'y avait pas d'importance.
10:36Au fond, parce que c'était un jalon sur ma route.
10:38C'était un peu comme un écrivain considère ses bruyants.
10:43Une fois qu'il n'a pas un bruyant, eh bien, ce bruyant est remplacé par celui qui succède.
10:50Henri Matisse, en 1953, un an avant sa mort.
10:53Sa période préférée, c'est la purée.
10:55Quand il faisait des tableaux que pour lui-même.
10:58On ne peut pas dire ça au cinéma parce que c'est un travail d'équipe.
11:01Vous, quand rétrospectivement, vous regardez vos films, vous les regardez comment ?
11:05Comme à l'époque, vous les aimiez comme des enfants ?
11:08En fait, moi, je ne regarde pas du tout.
11:09Enfin, je veux dire, je ne suis pas du tout nostalgique.
11:11Je ne repense jamais à un tournage ou je ne revois pas des vieux films.
11:13J'aime bien les voir quand ils sont finis ou première projection, même des fois plusieurs fois.
11:18Par exemple, les règles de l'art, j'ai déjà vu deux fois et je me suis surpris à rigoler de moi-même,
11:21comme on le disait tout à l'heure, parce que je trouve que c'est très réussi sur la comédie.
11:24Et j'étais content de travailler avec Dominique Beaumard et toute l'équipe, les comédiens et tout ça.
11:27Aussi, Sophia Piaton qui joue ma femme et qui, à elle, a un tempérament comique.
11:32Elle, c'est exactement ce genre-là.
11:34Quand elle arrive, on se dit déjà que la scène va être marrante.
11:37Et j'ai beaucoup bénéficié de ça en jouant avec elle.
11:39Et elle m'a, je dirais, un peu appris à, sans en faire trop, avoir déjà cette espèce d'être chargée de ce pouvoir comique.
11:45Et vous, quand vous regardez rétrospectivement, quand même, tout de même, ces 40 ans de carrière,
11:49on disait que vous démarrez avec Raoul Ruiz dans le rôle.
11:51J'écoutais tout à l'heure sur les retraites, moi je pourrais toucher la retraite déjà.
11:54Bah oui, vous pourriez partir à la retraite.
11:56J'ai fait pas mal de films à l'époque qui n'étaient pas forcément déclarés,
11:59mais en tout cas, j'avais cotisé pendant 42 ans maintenant.
12:03Ah oui, donc là...
12:04Je ne sais pas si ça vaut combien de points ça vaut.
12:05Si vous voulez, on va s'occuper de ça.
12:07On va vous donner vos feuilles à la sortie de l'émission.
12:10Je me vois comme un chauffeur de taxi qui est à la retraite et qui peut continuer à faire des courses, tu vois.
12:14Voilà, pour le plaisir, pour la rencontre avec le client, pour la discussion.
12:19La ville des pirates, votre premier fil, Raoul Ruiz, vous jouez le rôle d'un enfant assassin.
12:23Voilà, jusqu'à maintenant, il y a quand même un moment où vous vous dites que le cinéma a bougé.
12:28Qu'est-ce que vous êtes allé y chercher au fur et à mesure du temps ?
12:32Ah là, ça, c'est sûr que ça a beaucoup bougé.
12:34Par exemple, maintenant, je fais beaucoup de séries et ça me passionne parce que c'est des rôles,
12:37comme on parlait de Didier Mathieu tout à l'heure, des rôles où on peut développer son personnage sur 6 heures
12:41ou voire 8 heures de film parce que les séries, c'est à répétition,
12:44voire une saison 2.
12:45Donc, il y a ce côté-là, aujourd'hui, qui n'était pas le cas quand j'étais plus jeune.
12:47Enfin, il n'y avait pas ces produits-là qui se faisaient.
12:50Ensuite, les films d'auteurs que j'ai pu faire, dont on parlait, Raoul Ruiz,
12:53les films produits par Paolo Branco, qui étaient des tout petits budgets
12:56mais qui allaient quand même au Festival de Cannes,
12:58qui étaient aimés par la critique, soutenus par la critique.
13:01Aujourd'hui, ces films-là ont un petit peu disparu au profit de films plus mainstream, je dirais.
13:06Donc, voilà, j'ai vu changer les choses.
13:08Aussi, une génération d'acteurs avec qui j'ai eu la chance de travailler,
13:10les Piccoli, les Mastroianni, Jeanne Moreau, qui ne sont plus là.
13:14Mais il y a d'autres bons acteurs.
13:15Enfin, voilà, je suis content, en tout cas, d'avoir commencé dans une période du cinéma
13:18qui était différente de celle-ci et de voir évoluer les choses.
13:21Et pas que en mal.
13:22Oui, vous avez eu le sentiment aussi qu'il y a eu un déclic pour vous en tant qu'acteur
13:26lorsque vous avez été avec Xavier Delanne dans le rôle de...
13:28Je pense que c'est la quarantaine aussi.
13:30Cette grande métamorphose, en fait, dans Laurence Anyways,
13:32où vous changez de sexe, mais vous aussi en tant qu'acteur,
13:35c'est peut-être un point de bascule pour vous.
13:36Vous allez vous autoriser davantage de choses après ce film.
13:38C'est-à-dire que quand on est comédien, si on veut que ça dure longtemps,
13:40il faut être capable de se renouveler et d'accepter les changements physiques
13:43et de se transformer.
13:45Donc moi, c'est vrai qu'en enfant, c'est rare qu'un enfant continue à faire du cinéma
13:48à l'adolescence et à fortiori à l'âge adulte.
13:51J'ai eu la chance de passer d'enfant à l'adolescent.
13:53J'ai fait des films avec Doyon et puis d'autres films quand j'étais ado.
13:55Et puis, jeune homme, un peu jeune premier romantique chez Romer.
14:00Gaspard, inoubliable.
14:01Exactement, comme ça, ça ne dure pas toute une vie, malheureusement.
14:03Il faut aussi se renouveler et passer la quarantaine.
14:05J'étais content de voir que je pouvais encore inspirer des metteurs en scène
14:08en étant un homme adulte.
14:11Et maintenant, en entrant dans la vieillesse,
14:12j'espère inspirer des metteurs en scène en tant que le rôle du daron.
14:15Oui, le daron rigolo.
14:17Je préfère le daron rigolo que le daron barbant.
14:21En tout cas, il y a une envie de continuer dans la veine comique
14:24et dans des bons films comiques aussi.
14:26Vous recherchez quand même.
14:27Vous dites, j'aime pas quand c'est éclairé à la va-vite.
14:31Marguerite Duras, vous faisiez des pattes quand vous étiez petit.
14:35Donc, on commence là.
14:38On n'a pas envie de se retrouver dans n'importe quoi.
14:39Non, mais surtout qu'en plus, le film de Dominique Beaumard,
14:41Les règles de l'art, il y a vraiment un soin.
14:42C'est vraiment un polar.
14:44C'est à l'apparence d'un polar.
14:46En même temps, un polar qui dérive vers la comédie.
14:49Mais il y a quelque chose de très...
14:50On voit un Paris très sombre, des lieux.
14:52C'est très bien éclairé, très bien joué.
14:54Et il y a un côté cinématographique.
14:55Vous avez un autre secret de jouvence, Melvi Poupo.
14:59C'est la musique, évidemment.
15:01Et c'est lui.
15:21Bob Dylan, c'est...
15:23Il y a un bon choix, parce qu'elle est rare, celle-là.
15:24C'est votre préféré, non ?
15:26Abandonner de l'oeuvre.
15:27Après, ma préférée, elle change un peu en fonction des jours et des mois.
15:30Parce que j'écoute tellement Bob Dylan que...
15:32Je l'ai écoutée 150 000 fois, cette chanson-là.
15:34Parce qu'elle est rare, donc c'est un bootleg de la période Desire.
15:37Mais maintenant, j'écoute plus une autre période de 1974.
15:40Vous êtes passé à autre chose.
15:41Vous êtes Dylan le matin, Dylan le midi, Dylan le soir ?
15:44Oui.
15:45Oui, c'est ça.
15:45Et entre les deux aussi.
15:47Vous avez toujours un petit Dylan pour accompagner un moment de votre vie ?
15:51J'en ai plein.
15:52Parce que Dylan, il sort des bootlegs de 24 CD.
15:55Moi, j'écoute encore les CD, c'est mon côté daron.
15:57Mais donc, 24 CD, je mets du temps à les écouter quand même.
16:00Mais je prends du plaisir, même si c'est toujours la même chanson.
16:02C'est des versions différentes, des périodes différentes, des musiciens différents.
16:05Vous connaissez les chansons par cœur ?
16:07Vous notez les paroles ?
16:09Comme des poèmes ?
16:10Vous êtes d'ilanophile, d'inalophage ?
16:13Oui.
16:13Et vous avez votre musique aussi, à vous.
16:16Vous avez fait pas mal de groupes avec votre frère, Yarol Poupo.
16:20Il y avait eu Black Minou, par exemple, on aimait bien.
16:22Diggers, Mud, il y a eu Los Poupos.
16:28On en est où de cette grande carrière musicale ?
16:31J'ai un nouveau groupe avec mon frère, toujours Yarol,
16:33et un chanteur qui s'appelle Victor Mécanique.
16:35On s'appelle Super 8.
16:36Et on sortira un album, je pense, à la rentrée prochaine, septembre.
16:39Rock'n'roll, mais quand même en français.
16:40Donc, un peu chanson française rock.
16:42Une sorte de Rita Mitsuko.
16:44Très bien.
16:44On suivra Super 8, Melville Poupo.
16:47Vous avez peu de temps pour répondre à cette série de questions
16:50qui arrivent en rafale, qui sont parfois un petit peu binaires.
16:52On les appelle les impromptus.
16:55Mais je commence par une question plus ouverte.
16:56Vous avez vu le biopic sur Bob Dylan, du coup, avec Timothée Chalamet.
16:59Vous en avez pensé quoi ?
16:59J'ai beaucoup aimé.
17:00Modigliani ou Léger ?
17:03Modigliani.
17:04Xavier Dolan ou François Ozon ?
17:07Oh là, ça c'est dur.
17:08C'est ton père ou ta mère, les deux.
17:10Franchement, les deux sont très différents
17:12et ont tous les deux énormément de talent.
17:14Est-ce que vous votez ?
17:16Non.
17:16Non ?
17:17Jamais, quasiment.
17:18Peut-être une fois pour faire plaisir à quelqu'un, mais non.
17:20Par amour ?
17:21Oui, enfin, plutôt par contrainte.
17:25Liberté, égalité, fraternité, vous choisissez quoi ?
17:28Liberté.
17:28Qu'est-ce qui vous indigne aujourd'hui, ma ville poupeau ?
17:31J'ai pas le temps là.
17:33Ah bah si, s'y aller !
17:34Tout.
17:35Et en même temps, rien.
17:36A commencer par quoi ?
17:38A commencer par le manque de spiritualité, le manque d'espoir et le manque d'ouverture
17:44vers un autre monde qui est indispensable dans celui-ci.
17:46Ah bah ça tombe bien, et Dieu alors ?
17:48Bah voilà.
17:49Pour tout ça ?
17:49Bah c'est vers lui qu'il faut se tourner, je dirais.
17:51Ah, très bien.
17:52On vous retrouve dans vos rôles de prêtre, car vous en avez.
17:55Non, parce que j'ai pas de religion affiliée.
17:57Moi, je suis pas partisan d'une religion particulière, mais plutôt, oui, tourner vers un autre monde
18:03que celui qu'on nous présente tous les jours, qui est quand même trop déprimant.
18:05J'ai besoin de m'évader, oui.
18:06Ça tombe bien.
18:08Les règles de l'art, vous vous évadez dans une comédie de braquage.
18:11Melville Poupo, drôle !
18:13Oui, il sait le faire.
18:15Ça sortira en salle le 30 avril, on vous retrouve avec Fianso notamment à l'écran.
18:18Et la musique est très rock, signé des Liminianaz.
18:22Absolument.
18:22Bonne journée à vous, Melville Poupo.
18:24Merci.