Michel Gaubert, l'illustrateur sonore incontournable des shows les plus dantesques de la Fashion Week, était l'invité de Léa Salamé, mercredi 12 mars, à l'occasion de la publication de son autobiographie "Remixed", chez Fayard.
Retrouvez « L'interview de 9h20 par Léa Salamé » L'interview de 9h20 avec Léa Salamé sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20
Retrouvez « L'interview de 9h20 par Léa Salamé » L'interview de 9h20 avec Léa Salamé sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00Et Léa, ce matin, vous recevez un illustrateur sonore ?
00:11Oui, on dit ça, on dit ça comme ça, ou couturier du son, ou sound designer, il y a plein de mots, en fait vous avez inventé un métier Michel Gobert.
00:21Bonjour, et merci d'être avec nous ce matin sur Inter. Le grand public ne vous connaît pas, mais sans vous, il n'y a pas de Fashion Week, il n'y a pas de défilé de mode.
00:29Vous êtes couturier du son, vous êtes l'homme qui met en musique les défilés de mode du monde entier depuis 30 ans.
00:34Vous avez orchestré les shows dantesques de Karl Lagerfeld, dont vous étiez très proche, mais aussi les défilés Dior, Nicolas Ghesquière pour Vuitton, Victoria Beckham, qui ne jurent que par vous.
00:44Vous êtes une référence dans le monde de la mode, mais vous êtes rarissime en interview, vous parlez très très peu.
00:49Et vous êtes là parce que vous sortez vos mémoires, ou vous racontez un parcours de vie assez incroyable.
00:55On va y venir, mais d'abord mes questions rituelles.
00:57Si vous étiez Michel Gobert, une chanteuse, un vêtement, une heure de la journée et un roman ?
01:03Je pense que je serais Debbie Harry, si j'étais une chanteuse.
01:08Ensuite, un vêtement, je serais mon bonbeur en cuir, que je portais aujourd'hui, c'est un doudou quelque part.
01:16Il est vert, il est toujours bien choisi.
01:18Oui, il est vert, mais il est confortable.
01:21Une heure de la journée ?
01:22Une heure de la journée, j'aime bien 18 heures, j'aime bien le crépuscule.
01:28Et un roman, je pense que ce serait peut-être American Psycho de Brett Easton Ellis.
01:36Et qui rappelle votre vie, une partie de votre vie à New York, on va en parler.
01:40Quelques mois que vous avez passé aux Etats-Unis, vous avez découvert la vie en gros.
01:44On va en parler dans ces mémoires.
01:46Un petit peu, le début de la vie on va dire.
01:48L'Umext, ça s'appelle, ça sort chez Fayard, où vous racontez ce parcours, celui d'un petit garçon de la banlieue parisienne.
01:54Vendeur de disques sur les Champs-Elysées, dans une enseigne hyper connue des Champs-Elysées, hyper iconique à l'époque.
02:00Puis DJ au Palace, qui grâce à son talent, à son style et à son flair à saisir l'ère musicale de son temps,
02:06est devenu l'un des hommes incontournables du monde de la mode.
02:09Votre livre s'ouvre sur un coup de fil, un coup de fil de Karl Lagerfeld en pleine nuit.
02:14On est en 89-90, il est minuit, vous venez de rentrer chez vous, vous venez d'avaler un somnifère pour pouvoir vous endormir.
02:21Et au moment où, ça y est, le somnifère commence à faire un petit peu son effet,
02:25vous recevez un coup de fil de Karl Lagerfeld qui vous appelle en panique,
02:28en vous disant j'ai le défilé Chanel demain, ils m'ont fait écouter la musique, c'est horrible, venez me sauver.
02:35Ce coup de fil va changer votre vie.
02:38Oui et puis je m'en souviens encore du coup de fil, je me souviens exactement où j'étais, la couleur de mon téléphone, enfin tout.
02:43C'était quand même quelque chose d'incroyable.
02:45Et en fin de compte, oui, j'avais déjà travaillé avec lui deux fois pour sa propre marque.
02:51Et en fait, je me suis dit bon qu'est-ce que je fais, je dis oui, je dis non, ok je dis oui.
02:57Et toute la nuit vous luttez entre créer cette playlist pour le défilé Chanel et le sommeil qui vient avec le somnifère.
03:07Ça, ça allait parce que j'avais eu une période précédemment où j'arrivais à négocier les substances et leurs effets.
03:16Donc si vous voulez, je me suis un peu mis dans un mode anti-somnifère, j'ai réussi à le faire.
03:21Et en plus, Karl savait qu'il me restait quelques musiques qu'on n'avait pas passées pour lui, pour son propre défilé, il le savait au fond de lui-même.
03:29Donc il m'a dit il va bien, il va faire quelque chose.
03:31Et je suis arrivé au défilé et puis voilà, c'était le début d'une longue histoire.
03:36C'est le début d'une histoire qui va durer 30 ans avec Karl Lagerfeld.
03:39Ce qui vous rapprochera, c'est votre éclectisme, c'est ce qui fera votre signature.
03:42D'ailleurs vous mettez tout à la fois de l'électro ultra-pointu, du Stravinsky, du Dalida.
03:46Et d'ailleurs la seule chose qu'il vous demande à l'époque quand il vous appelle dans ce coup de fil de minuit, c'est qu'il faut commencer le défilé avec ça.
03:59Le générique de Champs-Élysées de Michel Drucker pour commencer le défilé Chanel 90.
04:05Ben oui, c'était son seul désir.
04:08Mais la seule chose que je veux garder c'est ça.
04:10Vous avez travaillé 30 ans avec Karl Lagerfeld.
04:12Il y a beaucoup de pages dans votre livre consacré à lui.
04:15Pour toutes ses marques, Chanel, Fendi, la marque Karl Lagerfeld.
04:19Karl Lagerfeld en un mot pour vous ?
04:23Oh c'est très difficile, mais enfin bon c'était...
04:26Génie ?
04:27Oui, oui, oui.
04:28Le mot n'est pas galvaudé pour lui ?
04:30Non, je trouve que c'était quelqu'un de génial.
04:32Voilà, peut-être, on peut dire un génie, oui.
04:34Il avait quelque chose de vampirisant aussi, de suçage de sang.
04:39Il était tellement curieux qu'il prenait les influences partout.
04:42De toute façon, Karl c'était le vampire parfait.
04:44Mais enfin, il donnait beaucoup aussi.
04:47Ce n'était pas seulement le vampire qui gardait tout pour lui.
04:50Il aimait les gens, vous dites ?
04:52Il adorait rencontrer des gens, savoir qui on était, ce qu'on faisait.
04:56Parce qu'aussi dans le but de savoir ce qu'on pouvait lui apporter et ce qu'il pouvait...
05:00Mais vraiment, c'était quelqu'un qui était...
05:03Karl, il était vraiment dans l'échange, donc il donnait aussi beaucoup de sa personne.
05:06Et quand il aimait quelqu'un, il donnait beaucoup, voilà.
05:11Vous racontez notamment quand vous avez perdu la maladie de votre compagnon de toujours, l'homme de votre vie.
05:17Il a été là, contre un mois d'hôte, dites-vous.
05:20Écrivez-vous, il vous a soutenu ?
05:22Ah oui, complètement.
05:23Et puis bon, il m'a dit, écoute, qu'est-ce que vous faites là au mois de juillet ?
05:26Allez à Saint-Tropez, je vous laisse la clé de la maison, etc.
05:29Bon, c'était quand même...
05:31C'était touchant, vous voyez ce que je veux dire.
05:33Donc, bien sûr que je le connaissais bien, mais...
05:35Non, il a été...
05:36Puis après, quand mon compagnon est mort, il m'appelait tous les jours.
05:38Enfin, il m'envoyait des textos tous les jours.
05:40On ne parlait pas forcément de ça, on parlait de chats.
05:42Vous voyez, de choses entre Choupette et mon chat, qui s'appelait Boris.
05:46Donc, c'était un peu...
05:47On imagine les textos.
05:49Voilà, puis des fois, c'était tard.
05:50Ça pouvait être à une heure du matin et tout.
05:52Qu'est-ce qu'a mangé Boris ce soir ?
05:53Enfin, vous voyez, ce genre de choses.
05:55C'est passionnant.
05:56C'est passionnant, mais c'est une manière, si vous voulez, de m'aider.
06:01D'avoir une attention.
06:02Comment vous avez réussi à rester lié avec lui pendant 30 ans ?
06:05Lui qui s'est disputé avec beaucoup de gens,
06:07qui mettait au bon certaines personnes.
06:10Vous, vous avez résisté. Comment vous avez fait ?
06:12Je pense que, d'abord, j'avais une relation différente avec lui.
06:16Parce que je ne travaillais pas vraiment de façon trop proche avec lui.
06:20Vous voyez, moi, j'amenais de la musique,
06:22ce qui était quelque chose de complètement différent.
06:25Je pense que, quand il travaillait avec quelqu'un,
06:27que ce soit dans l'image, pour faire des vêtements,
06:30ou vraiment qui était sur son terrain premier,
06:34ça devait être plus difficile.
06:36Après, ce que j'amenais, c'était un peu du divertissement, de la culture, de la joie.
06:42Il adorait faire des défilés.
06:43Donc, de toute façon, c'était pour lui, faire un défilé, c'était le côté le plus magique.
06:47C'était l'aboutissement de son travail.
06:49Et puis, de réunir des gens pour faire quelque chose d'aussi incroyable.
06:52C'était vraiment son rêve.
06:56C'était son but ultime.
06:58Et puis, surtout, avant les smartphones, vous lui faites découvrir les iPods.
07:01Je ne sais pas si les auditeurs se souviennent de ce petit boîtier
07:04où on mettait de la musique.
07:06Et avec eux, de la musique.
07:07Et vous allez lui remplir ses 300 iPods avec des playlists.
07:11Les playlists Michel Gobert.
07:12Et surtout, c'était le plus beau cadeau qu'il faisait à ses amis.
07:14Il leur offrait des iPods.
07:15On leur disait, voilà, l'iPod, écoutez ça.
07:17Et vous avez la chance d'avoir la playlist de Michel Gobert.
07:20Ça, c'est sûr.
07:21Donc déjà, le jour où je lui ai fait découvrir l'iPod,
07:23je me demande si c'était une bonne idée.
07:25Il est devenu obsessionnel.
07:27De toute façon, Carl était quelqu'un de complètement obsessionnel.
07:29Et après, il les offrait.
07:31C'est comme ça que j'ai rencontré Caroline de Hanovre.
07:33Il y avait un défilé à Monaco.
07:35Elle m'a dit, vous êtes Michel.
07:37Mais Michel, il faut que je vous remercie.
07:39Je suis tellement heureuse de vous rencontrer.
07:41Écoute, on le parlait, Carl Agafel, de son rapport à la musique
07:45et plus particulièrement de son regret de n'avoir jamais su jouer d'un instrument.
07:49Je trouve qu'on a quand même de la chance.
07:51Parce qu'il n'y a pas si longtemps, pour avoir un truc correct, il fallait aller dans les concerts et tout.
07:54Aujourd'hui, c'est comme les livres.
07:56On a tout à disposition dans des enregistrements fantastiques et tout.
07:59Et là, on a quand même une chance.
08:01Et j'ai une assez bonne culture musicale dans tous les domaines.
08:03Je suis très à l'aise dans le monde musical.
08:05Mon grand regret, c'est de ne pas avoir le talent pour jouer du piano.
08:08Tous les amis pianistes que je connais, je pouvais leur tourner le cou,
08:11ce que je ne fais pas.
08:13De jalousie ?
08:14Oui, moi, j'adore.
08:15C'est mon rêve, mais ça s'est raté, raté, raté.
08:17Votre mère ne vous a pas mis au piano ?
08:19Si, au bout d'un an, elle m'a jeté le couvercle sur les doigts en me disant
08:21« T'as pas de talent, arrête de dessiner, ça fait moins de bruit. »
08:24Karl Lagerfeld, micro de Daphné Rollier, c'était en 2015, sur Inter.
08:28Il dirait quoi de l'époque aujourd'hui, 2025 ?
08:31Parce qu'elle a beaucoup changé depuis sa mort, il y a 6 ans.
08:33Ben écoutez, je ne sais pas ce qu'il pourrait en dire, de toute façon.
08:36Je crois qu'il est parti au bon moment, Karl.
08:39J'ai cette espèce de sentiment,
08:42enfin, ce n'est même pas une espèce,
08:44j'ai ce sentiment un peu étrange,
08:47en me disant qu'il a même choisi le moment où il allait partir.
08:50Parce qu'il est parti juste avant le Covid,
08:52juste avant que tout parte à volo, un peu comme ça.
08:57Avant l'Ukraine, avant la Palestine,
09:03avant le système qui se casse un peu la gueule en ce moment.
09:08Donc, tout d'un coup, je trouve qu'il est très bien parti.
09:12Vous dites d'ailleurs que les défilés, ce n'est plus du tout la même chose aujourd'hui.
09:14Avant, ça durait une demi-heure, il y avait le temps.
09:16Là, ça dure 10 minutes et il faut aller voir un autre couturier.
09:19Oui, mais ça, c'est le signe des temps.
09:22En plus, je ne suis pas du tout contre mon époque.
09:26C'est une façon différente de faire les choses.
09:28Avant, c'était même il y a très longtemps.
09:31Les premiers défilés que j'ai vus dans les années 80, ça pouvait durer 40 minutes même.
09:36Ce qui est quand même impensable.
09:39En plus, on baille au corneil, donc ce n'est pas possible.
09:41La musique est au cœur de votre livre, Michel Gobert.
09:43Chaque chapitre raconte votre parcours de vie depuis votre naissance en banlieue parisienne à la fin des années.
09:48Alors, à la fin des années 50 ou au début des années 60 ?
09:50Il y a plusieurs dates, vous faites une petite coquetterie, comme Karl Lagerfeld.
09:53Je suis comme Karl Lagerfeld.
09:55Après, je ne me souviens plus toujours.
09:57Chaque chapitre porte le nom d'une chanson qui a compté dans votre vie.
10:00Il y a beaucoup de Bowie, beaucoup de Prince. On a fait un petit medley.
10:11She was a young American
10:14Young American, Young American
10:17She was a young American
10:19All night
10:22She was a young American
10:25No wind, no rain
10:30Can stop me babe
10:32If you are gone
10:37Vous grandissez donc en banlieue parisienne.
10:39Père assez absent.
10:40Mère libraire qui adorait les magazines de mode.
10:43C'est là où ça commence à vous inspirer.
10:45Elle les aime toujours, je peux vous dire.
10:47Vogue, Marie-Claire, elle.
10:49Là, vous commencez à voir ces femmes habillées.
10:52Ça vous touche.
10:54Ensuite, il y aura la musique.
10:56Alors, les Scopitones, c'est l'ancêtre des clips que vous regardez à la télévision chez votre grand-mère.
11:00Les figures de vos grands-mères sont très importantes dans le livre.
11:02Vous regardez François Zardy, Sylvie Vartan, Claude François qui chantent leur tube.
11:06Et puis, on est sur Inter, le Pop Club de José Arthur que vous écoutez en cachette sous votre couette.
11:12En pension.
11:13En pension.
11:14Ça a été important pour vous, le Pop Club ?
11:17Oui, c'était plus important que la pension d'ailleurs.
11:20Et oui, c'était important parce que vraiment, je ne me souviens plus trop de l'émission.
11:25Mais ce qui importait beaucoup pour moi, c'est qu'il y avait le Disque Pop de la semaine
11:29qui passait tous les jours pendant une semaine.
11:31C'était le début de son émission.
11:33J'ai découvert pas mal de choses, notamment Pierre-Henri Psyché Rock, Robert Charlebois,
11:39il y avait Barry Ryan, Héloïse, je croyais, plein de choses comme ça.
11:43Et à chaque fois, le disque était juste quel que soit le genre du musicien.
11:49C'était vraiment le bon disque de la semaine.
11:51Puis, vous êtes tout jeune, vous racontez les premiers voyages en Angleterre.
11:54Et là, le choc.
11:55L'une des rencontres musicales les plus folles de votre vie va devenir une obsession pour vous.
11:59C'est lui.
12:03J'ai mis ma chanson préférée.
12:14Changes.
12:15Bowie.
12:16Essentiel pour vous.
12:19L'homme, le style, l'audace, le punk.
12:23Et il vous apprend au fond qu'il faut être différent pour exister.
12:27Déjà ça, en plus de ça, c'est quelqu'un qui affiche vraiment sa différence.
12:30C'est une façon de découvrir ce qu'on pouvait être.
12:34Il ne restait pas juste dans son côté avec sa guitare.
12:38Il voulait être un personnage.
12:41En plus de ça, il avait un côté pluridisciplinaire.
12:44C'était un artiste pluridisciplinaire qui me plaisait beaucoup.
12:48J'aimais bien tout ce qu'il projetait comme images, les concerts.
12:53Après, j'ai beaucoup aimé quand il a commencé à faire du cinéma,
12:56quand il était The Man Who Fell From Mars, The Hunger.
13:02J'aimais beaucoup aussi que Bowie se fascinait à un personnage.
13:06Non, il se fascinait.
13:08Oui, c'est ça ?
13:09Oui, il se façonnait.
13:10Il se façonnait, pardon, excusez-moi.
13:11Mais fasciner, ça marche aussi.
13:12Il se façonnait à un personnage.
13:14Et qu'à chaque sortie de 10, c'était un personnage différent.
13:17Donc, il y a eu le Thin White Duke.
13:20C'était Young American.
13:22C'était encore autre chose.
13:25Ziggy Stardust, évidemment.
13:29C'était un personnage à chaque fois.
13:31Et ça ne m'étonne pas que c'est Bowie qui a été la rencontre essentielle pour vous.
13:35Puisque vous aussi, vous vous façonnez un personnage.
13:38Quand on regarde votre compte Instagram qui est très suivi,
13:41quand on voit les lunettes fumées, le style, il y a la barbe.
13:45On a l'impression que tout est choisi.
13:47Vous passez combien de minutes devant votre penderie pour choisir ce que vous allez porter ?
13:51Curieusement, ça va très vite.
13:53Parce que j'ai une très bonne connaissance de ma penderie.
13:55Par exemple, hier soir, je savais très bien ce que j'allais porter ce matin.
13:59J'ai regardé la météo.
14:00Déjà parce que ça, c'est un énorme facteur.
14:02Et puis après, il y a plein de choses.
14:05Il y a l'apparence.
14:06Il y a aussi le confort, par exemple.
14:10Ça dépend de ce que je vais faire.
14:12Le confort est important ?
14:13Même pour être stylé ?
14:14Oui, c'est important.
14:15Parce que ça dépend aussi de la longueur de la journée.
14:18Il y a des journées où je vais partir pendant 2 heures et d'autres pendant 12 heures.
14:21Il faut être en forme.
14:23Autre choc, et ça, c'est des pages qui m'ont beaucoup intéressée.
14:27On va aller vite, mais c'est vrai que c'est très intéressant dans le livre.
14:30Vos mois aux Etats-Unis.
14:31Là, vous découvrez Andy Warhol.
14:33Vous dévorez le magazine Interview qui le dirigeait.
14:35D'ailleurs, la photo, le polaroïd qui est sur la couvre de votre livre chez Fayard,
14:40c'est évidemment un hommage à Warhol.
14:42Le monde underground de New York, de San Francisco.
14:45Le sexe total.
14:46On est à la fin des années 70, juste avant la déflagration du sida.
14:49Et vous écrivez, le sexe entre hommes était simple et accessible.
14:52On se faisait brancher le plus ouvertement du monde dans la rue et hop !
14:55Trois minutes plus tard, l'affaire était conclue.
14:57New York, à l'époque, c'était Sodom et Gomorre.
14:59Vous racontez les salles de cinéma qui se transforment en baisodromes.
15:02Votre homosexualité.
15:04Vous dites, ça n'a pas été un problème.
15:06Vous ne faites pas d'ailleurs votre coming-out.
15:07C'était les débuts du coming-out.
15:09Il fallait dire ce mot de coming-out à la fin des années 70.
15:12Pour vous, vous amenez des petits copains à la maison et puis c'est comme ça.
15:15C'est comme ça.
15:16Je ne me suis jamais posé de questions, si vous voulez.
15:18Même en général, je suis comme je suis.
15:23Et de toute façon, c'est comme ça.
15:25Et vos parents, votre mère, vos grands-mères, elles ont accepté ?
15:29Oui, ma mère, pas de problème.
15:30Les grands-mères, il y en a une qui ne devait pas être au courant,
15:32qui ne voulait pas savoir.
15:34Mon père, après, il ne m'a jamais rien dit.
15:38Je ne me suis jamais caché de quoi que ce soit.
15:42Je ne me cache pas de quoi que ce soit.
15:44Je suis très honnête, très frontal.
15:47Je suis Michel Gobert.
15:48C'est moi.
15:49Et c'est comme ça.
15:50Et c'est ça qu'on lit dans votre livre.
15:52Et c'est comme ça, où vous racontez disquaire dans le magasin mythique Chant Disque,
15:56sur les Champs-Elysées.
15:57Puis le 1er mars 78, c'est l'ouverture du Palace.
16:00Et là, votre vie aussi va changer.
16:01Vous allez devenir un des DJ les plus charismatiques,
16:03les plus emblématiques du Palace.
16:05Vous racontez les années Palace avec cette liberté,
16:07avec cet éclectisme, avec cette liberté
16:11qui peut faire rêver, en tout cas moi,
16:14qui me fait rêver d'une période qu'on n'a pas connue.
16:17Il y a aussi le sida dont vous parlez.
16:19Il y a la drogue.
16:20C'est Nico qui vous fait découvrir l'héroïne pour la première fois.
16:22Vous êtes assez cash sur la drogue.
16:23Vous dites que vous en avez pris, beaucoup.
16:25Mais, vous écrivez,
16:26« Les usages étaient festifs et paraissaient innocents.
16:28Mais l'innocence ne dure pas avec la défonce.
16:30J'ai vu les ravages qu'elle causait autour de moi.
16:32Surtout ces consommateurs accros, prêts à vendre père et mère pour trouver leur dose,
16:36mentant sans cesse pour obtenir de l'argent,
16:38leur vie toute entière phagocytée par la drogue,
16:40par ses effets et par l'obsession permanente qu'elle représente.
16:43La drogue est une nécessité aliénante », écrivez-vous.
16:46Totalement.
16:47Parce qu'au départ, si vous voulez,
16:49quand j'ai pris de la drogue,
16:51quand on était au palace,
16:52et même avant,
16:53on faisait ça pour s'amuser.
16:55On sortait toute la nuit.
16:57De toute façon, après,
16:59même prendre de l'héroïne,
17:01il y avait un côté ouateux,
17:03un côté confortable.
17:05On se laissait aller dans des dérives nocturnes.
17:07Et puis après, au bout d'un moment,
17:09je me suis rendu compte
17:11que je voyais des gens autour de moi
17:13qui devenaient insupportables
17:15et qui étaient au bord de la déchéance.
17:20C'était insupportable.
17:22Je ne veux surtout pas.
17:24Ça ne vaut pas le coup.
17:26Moi, j'aime bien m'amuser,
17:28mais il ne faut pas se faire mal dans le procédé.
17:32Parce que s'amuser, ça veut dire s'amuser.
17:34Ça ne veut pas dire se détruire.
17:36Et je ne suis pas quelqu'un de destructeur à ce point-là.
17:38Les impromptus.
17:40Michel Gobert, vous répondez rapidement sans trop réfléchir.
17:42Comment vous avez fait pour durer dans ce milieu
17:44qui n'aime que la nouveauté ?
17:46Parce que j'aime la nouveauté aussi.
17:48Je pense que ça doit être comme ça.
17:50Les influenceurs dans la mode, ils ont trop de pouvoir.
17:52Après, ils ont aussi le pouvoir
17:54qu'on leur donne.
17:56Ça marche des deux côtés.
17:58Léna Situation ou Bilal Hassani ?
18:00Pardon ?
18:02Léna Situation ou Bilal Hassani ?
18:04Vous savez de qui je parle ?
18:06Non, pas vraiment.
18:08Alcool, drogue, sexe, vous avez encore des vices ?
18:12Oui, sexe.
18:14Alcool, je ne bois très peu.
18:16Et drogue, non.
18:18Je prends un somnifère pour dormir.
18:20Jacquemus ou Lévi-Austin ?
18:22Jacquemus.
18:24Victoria Beckham ou Stella McCartney ?
18:26Victoria Beckham.
18:28L'électro ou le disco ?
18:30Les deux sont similaires.
18:32Ils se finissent en haut tous les deux.
18:34Berlin ou Londres ?
18:36Londres.
18:38Votre quartier préféré à Paris ?
18:40J'aime bien le 7ème, 6ème, 5ème.
18:42J'aime bien la Rive-Gauche.
18:44Dernier coup de cœur musical ?
18:46Là, du Tac-O-Tac à 9h44.
18:48Le dernier disque,
18:50le dernier album,
18:52le dernier truc qui vous a marqué ?
18:54J'aime beaucoup un disque
18:56par Daphne qui s'appelle Fly Away
18:58et qui est remixé
19:00par D-Tron qu'on a mis au défilé
19:02Chanel hier matin.
19:04Dieu dans tout ça ?
19:06Dieu ?
19:08C'est quelqu'un qui est au-dessus
19:10mais je ne sais pas qui il est.
19:12Je sais qu'il y a une force
19:14au-dessus de nous.
19:16J'imagine quelque chose
19:18mais je ne suis pas complètement
19:20non-spirituel.
19:22Je ne vois pas qui c'est.
19:24Remixed chez Fayard,
19:26ce sont les mémoires d'une icône
19:28de la nuit parisienne, d'une icône de la mode
19:30depuis 30 ans.
19:32Michel Gobert, merci.
19:34Très belle journée à vous.