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  • il y a 4 jours
À l'occasion de la sortie du livre Le silence de Bétharram, ce jeudi 24 avril, Hélène Perlant, "victime quelconque et fille du Premier ministre" selon ses termes, était l'invité de BFMTV ce vendredi 25 avril. 

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Transcription
00:00Et bienvenue si vous nous rejoignez dans Newsbox.
00:02Le silence de Bétaram, le récit choc du lanceur d'alerte et ancien élève.
00:07Le silence de Bétaram, c'est donc le titre poignant et d'utilité publique de ce livre
00:12qui vient de sortir aux éditions Michel Laffont.
00:14Bonsoir Alain Esquer.
00:15Bonsoir.
00:16Merci d'être avec nous ce soir dans Newsbox.
00:18Vous êtes l'auteur de cet ouvrage avec Clémence Badeau.
00:21Bonsoir.
00:21Bonsoir.
00:22Alain Esquer, vous êtes le porte-parole des victimes de Bétaram,
00:25plus encore le lanceur d'alerte qui a permis de faire éclater cette affaire,
00:28ce scandale de violence physique et sexuelle pendant des décennies
00:31au sein de l'établissement catholique Notre-Dame de Bétaram près de Pau,
00:35dans les Pyrénées Atlantiques.
00:36Clémence Badeau, vous êtes journaliste, vous êtes productrice
00:38et vous préparez un documentaire sur le système Bétaram.
00:42Bonsoir Hélène Perlan.
00:43Merci à vous également d'être avec nous.
00:45Vous témoignez dans ce livre, dans le livre d'Alain Esquer et Clémence Badeau.
00:48Vous êtes l'une des filles de l'actuel Premier ministre François Bayrou.
00:52Merci à tous les trois d'être là ce soir.
00:54À mes côtés, Mathias Tesson.
00:55Bonsoir Mathias.
00:56Bonsoir.
00:56Du service police-justice de BFM TV.
00:58Le silence de Bétaram, pour qui d'abord ?
01:00Pour qui vous l'avez écrit ce livre, Alain Esquer ?
01:04Ce livre, je l'ai écrit pour que ce soit un outil de transmission,
01:08que toute la France le lise,
01:11parce qu'il est d'utilité publique, comme vous l'avez dit.
01:15Bétaram, c'est 200 plaintes à ce jour qui ont été déposées officiellement.
01:20J'en ai reçu d'ailleurs quelques unités de plus encore aujourd'hui.
01:27Je prépare un septième corpus.
01:30C'est des agressions physiques et sexuelles sur des enfants de 7 à 14 ans.
01:37Par un nombre colossal de prédateurs, puisque je suis à plus de 30 adultes,
01:47dont 17 qui sont identifiés comme des violeurs.
01:52Beaucoup sont décédés, effectivement,
01:55puisque l'effet remonte à 1950 pour les premiers,
01:59jusqu'à grosso modo les années 2010.
02:01Vous vous sentez investi d'une mission, quelque part,
02:05pour quelqu'un qui a failli entrer dans les ordres ?
02:07On peut y voir quelque chose de mystique ?
02:10Je pense que je suis un moine soldat.
02:12C'est-à-dire que j'ai décidé de rompre le silence de Bétaram,
02:16parce que silence des agressés, de ces enfants qui ont subi l'impensable,
02:24et également silence des agresseurs qui ne disent rien.
02:28Silence tout autour également de l'établissement,
02:32et silence de tous les politiques.
02:35Le déclic, il s'est produit il y a un an et demi.
02:38Lorsque vous tombez, nez à nez, vous habitez tout près de Bétaram.
02:41Vous avez toujours habité tout près de Bétaram.
02:42Vous continuez d'habiter tout près de Bétaram.
02:44On y reviendra, parce que c'est un élément qui me semble intéressant.
02:46Vous tombez nez à nez avec votre agresseur, il y a un an et demi,
02:49et cette fois, vous ne baissez pas la tête.
02:50Mais on se demande, pourquoi ne lui cassez-vous pas la gueule ?
02:53Enfin, pardon, mais ce que vous avez subi,
02:56et ce que vous savez désormais, de ce qu'on subit,
02:58des dizaines et des dizaines d'enfants.
03:00Alors, je pense que j'ai bien fait de ne pas m'en prendre physiquement à lui.
03:04Vous l'expliquez.
03:05Je l'explique dans le livre.
03:07Et aujourd'hui, cet homme, il est en détention.
03:10Il est en détention pour viol,
03:12sur des enfants, donc, entre 8 et 12 ans,
03:20sur deux dossiers,
03:22donc deux plaintes non prescrites le concernant.
03:25Et là-dessus, je voudrais revenir aussi
03:27sur cette question de l'imprescriptibilité,
03:29de ces crimes.
03:30Il faut travailler à faire évoluer notre législation sur cette question,
03:37parce que l'imprescriptibilité,
03:39on peut la comprendre sur ces attaques sur les enfants mineurs,
03:46à partir du moment où il y a un groupe de victimes.
03:49Beaucoup de réflexions à mener, évidemment,
03:51et notamment sur cette mécanique du silence
03:54à laquelle vous faisiez allusion à l'instant.
03:55On va y revenir, mais d'abord,
03:56ce qui frappe aussi dans ce livre,
03:59c'est le côté boîte de Pandore.
04:01D'ailleurs, vous renommez la boîte de Pandore,
04:03dans votre ouvrage,
04:04la boîte de Bétharam, ça ne s'arrête pas.
04:06Ça ne s'arrête pas, ça donne la nausée.
04:08On en est à combien ?
04:09Parce que vous parlez d'un peu plus de 200 plaintes,
04:11mais combien de témoignages recueillis par vous-même ?
04:13On peut rajouter au moins une cinquantaine de témoignages,
04:17en plus de personnes qui n'ont pas le courage de déposer plainte
04:20ou qui se retrouvent en fait en difficulté sur ce dossier,
04:26dans le sens où ils n'arrivent pas à identifier leur agresseur.
04:29Parce que, vous le savez, le stress post-traumatique
04:33dans le crime pédocriminel, c'est un crime parfait.
04:37Les enfants ne parlent pas,
04:40et quand ils sont adultes,
04:41ils ont des difficultés à se souvenir de leur trauma.
04:44Et le déni des notions,
04:47mais qui prennent tout leur sens
04:48et qui sont extrêmement concrètes dans cet ouvrage,
04:51vous avez droit au but.
04:52Vous ne tournez pas autour du pot.
04:53Il n'y a pas de haine,
04:54mais vous ne faites pas de cadeau non plus,
04:55si je puis m'exprimer ainsi.
04:57Il y a beaucoup de prénoms,
04:58beaucoup trop dans ce livre.
04:59Alexandre, Éric, Olivier, Frédéric, Alain, Hélène.
05:04Derrière ces prénoms, il y a des histoires,
05:05de la souffrance passée, présente aussi,
05:08avec des traumatismes, des séquelles, des vies brisées.
05:12On a l'impression,
05:12et là, je m'adresse à vous trois,
05:15que lorsque vous parlez de ces échanges
05:18que vous avez eus avec les victimes de Bétarame,
05:20vous avez parlé à des enfants,
05:22pas à des adultes.
05:23Moi, je dis souvent
05:24que j'ai été fascinée par ces hommes
05:28qui ont parfois 60, 70 ans même,
05:31qui sont construits,
05:32qui sont insérés,
05:33qui ont une famille,
05:34qui ont un beau job parfois.
05:35Et quand on revient sur les événements,
05:38il pleure,
05:39et on revoit le petit enfant de 10 ans,
05:42qui n'a pas pu se libérer de ce poids,
05:44qui n'a pas pu se libérer de ce traumatisme,
05:45qui a été privé de parole.
05:47Et c'est vraiment, moi,
05:48ce qui m'a sans doute le plus marqué
05:50dans ces victimes.
05:52C'est un travail colossal d'enquête.
05:57Vous êtes un lanceur d'alerte
05:59et un enquêteur,
05:59d'une certaine manière.
06:01Vous, journaliste,
06:02vous aussi,
06:03vous êtes penché,
06:04c'est le moins que l'on puisse dire,
06:05sur Bétarame.
06:07Et alors,
06:08c'est une vraie boîte de Pandore.
06:10C'est-à-dire qu'on n'a pas encore
06:11tout découvert,
06:13loin s'en faut.
06:13C'est surtout qu'on peut continuer
06:14à enquêter des années,
06:16chaque jour.
06:17À chaque fois qu'on tire un fil,
06:18on trouve une nouvelle pièce
06:19d'un puzzle illimité.
06:22en fait,
06:22c'est vertigineux.
06:24C'est la plus grande affaire
06:25de pédocriminalité
06:27jamais révélée en France.
06:29Et plus on avance,
06:30plus on découvre des choses.
06:32Avec Alain,
06:33lors des derniers corpus de plaintes,
06:35on s'est rendu compte
06:36qu'il y avait un enfant victime
06:37d'un viol collectif
06:39avec deux agresseurs.
06:41C'est une chose
06:42qu'on n'avait pas encore notée.
06:43Aujourd'hui,
06:43il y a aussi des questions
06:44autour de la mort
06:45d'un enfant à Bétarame,
06:47un enfant de 12 ans,
06:48en 1980.
06:49Exactement.
06:49Alors là,
06:50on passe encore
06:50dans une autre strate
06:52de l'horreur,
06:53mais qui résume aussi
06:55ce système,
06:56puisque c'est un enfant
06:57qui était malade.
06:58Il faut savoir
06:59qu'à Bétarame,
07:00ce sont les élèves
07:01de terminal
07:01qui assurent la surveillance
07:02des dortoirs des mineurs
07:04de 17 ans.
07:05Et il y en a un en particulier
07:06qui témoigne dans notre livre,
07:07Jean-Rémy,
07:08qui se rend compte
07:08que cet enfant est malade.
07:10Il essaye de trouver
07:10un adulte toute la nuit.
07:12Il va toquer aux portes.
07:13Il ne trouve personne.
07:14L'enfant est conduit
07:14ensuite à l'infirmerie.
07:15Il va rester toute une journée
07:17sans soins.
07:18Il va mourir à 21 heures
07:20lors de son transport
07:21en ambulance
07:21à l'hôpital de Pau.
07:23Cet enfant,
07:23il est mort
07:24faute de soins.
07:26Sa sœur a reconstitué
07:27grâce au groupe Facebook.
07:28Il a une famille.
07:29Donc, cette famille,
07:29aujourd'hui,
07:30elle doit se poser
07:31encore plus de questions
07:32qu'avant.
07:32À l'époque,
07:33le père Caricard,
07:34qui était donc
07:35en charge de l'institution,
07:36a organisé
07:37en bonne et due forme
07:38les obsèques
07:39avec tous les prêtres
07:41qui étaient présents.
07:42Et je pense que cette famille,
07:43à ce moment-là,
07:44qui était pétrie dans la douleur,
07:45elle n'a pas cherché
07:46à poser de questions.
07:48Elle a accepté.
07:50Sa sœur,
07:5040 ans plus tard,
07:51elle est en train
07:52de reconstituer le puzzle
07:53grâce au témoignage
07:54des autres élèves
07:56et de se rendre compte
07:57que son frère
07:58est mort faute de soins.
08:00Et elle va déposer plainte
08:01très prochainement
08:01pour non-assistance
08:02à personne en danger.
08:04Hélène Perlant,
08:04vous êtes donc
08:05la fille aînée
08:06de François Bayrou.
08:07Vous témoignez
08:08dans ce livre.
08:10Vous révélez
08:10les violences physiques
08:11que vous avez subies
08:12lorsque vous étiez
08:13scolarisé à Bétharam
08:14il y a une trentaine d'années.
08:17Ça vous est tombé dessus.
08:19Ce qui m'est tombé dessus ?
08:20Avec une violence
08:21aussi soudaine
08:23que monstrueuse.
08:24Et alors,
08:24quand on lit
08:25le passage
08:25qui vous est consacré
08:26dans ce livre,
08:27il y a l'agression
08:28et il y a l'agression
08:30devant toute la colonie
08:32Oui mais,
08:33moi je veux faire une précision.
08:35Mon témoignage,
08:36c'est une séquence.
08:37C'est-à-dire que,
08:37en fait,
08:38pourquoi je viens
08:39rejoindre Alain ?
08:40Je viens rejoindre Alain
08:41d'abord parce que
08:42depuis le début,
08:42c'est mon lycée.
08:43Et que ce qu'il est en train
08:44de découvrir
08:45me superfait.
08:48Mais j'ai envie de dire,
08:50il découvre
08:50ce que j'avais
08:51à côté de moi,
08:52ce qu'on avait
08:52à côté de nous,
08:53là à 10 mètres.
08:54Et là,
08:55on a envie
08:56d'y être
08:57et de dire
08:57« Ah, vous avez pas fait ça
08:58à côté de moi, là ? »
09:00Sans que je bouge.
09:02Désolée.
09:03Et deuxièmement,
09:05il découvre
09:06quelque chose
09:08et moi j'entends
09:08la colère
09:10jusqu'à ce que
09:11j'ose rentrer.
09:12Et je peux vous dire
09:13que ça a été difficile
09:13et qu'au quotidien,
09:15c'est pas facile
09:15de se comprendre.
09:17J'entends la colère
09:19de toutes ces victimes
09:20qui croient
09:21qu'ils ont leur malheur,
09:22qu'ils ont la colère
09:22contre Bétharame.
09:23Mais finalement,
09:24c'est pas ça la vraie colère,
09:25c'est qu'ils croient
09:25que tous les notables
09:27de la classe,
09:28ceux qui n'avaient pas
09:29simplement un prénom
09:30mais un nom,
09:31étaient protégés,
09:33n'ont rien subi.
09:34C'est ce qui revient
09:34beaucoup dans vos déclarations
09:36et on sent que c'est
09:37une envie très forte
09:37que vous avez
09:38de dire « Mais moi aussi,
09:40moi aussi j'ai été victime
09:41et pourtant j'étais
09:42la fille d'un notable du coin
09:43devenue Premier ministre,
09:45mais vous, Hélène Perlan... »
09:46Des autres fils de...
09:47Mais je vous dis,
09:47je voulais en relever
09:48que dans leur douleur,
09:50au moins ils n'aient pas
09:50en plus la douleur supplémentaire
09:52de se dire
09:53qu'il y avait une espèce
09:53d'élite protégée
09:55qui les regardait là bien
09:56« Continuez, amusez-vous, souffrez ! »
09:58Et donc je viens,
09:59moi je sors mon nom
10:00parce que vous dites
10:00qu'ils ont un prénom
10:01et je voulais dire
10:02« Attention, il y a quelque chose
10:03de très très dur
10:04que vous ne comprenez pas,
10:04on y est tous,
10:05mais je vais me fracasser
10:06avec mon nom là.
10:07Je vais vous le sortir,
10:07vous allez voir
10:08ce que ça fait comme buzz.
10:10Et les autres,
10:10puisque depuis
10:11j'ai eu plein de témoignages
10:12et tu sais que je suis contactée
10:13tous les jours
10:13par des gens qui nous disent,
10:15qui me disent
10:15« Mais tu dis la vérité,
10:17sauf que moi,
10:19je ne peux pas sortir mon nom,
10:20je voudrais mon expérience,
10:22mon chagrin,
10:23mais ce qui sort
10:24sur le nom de famille avec.
10:25Donc je représente
10:26plusieurs personnes,
10:28plein de personnes
10:28qui me disent
10:29« Dis-leur qu'on y est aussi,
10:31aussi bien fracassé
10:32que violé,
10:33que même,
10:33il y en a un qui me raconte
10:34qui est violé,
10:36qui me raconte
10:36que lui pensait
10:37être d'abord violé
10:38à cause de son nom,
10:40que les prêtres
10:40se refilaient son nom
10:41comme un trophée,
10:42je me suis fait
10:42le petit machin,
10:44c'était dur à porter pour lui,
10:45il croyait être le seul.
10:47Et donc en fait,
10:48faire tomber au moins
10:49cette dimension du problème
10:50qui est
10:50« Non, on y est tous,
10:52et dans la société française,
10:53on y est tous,
10:54à égalité,
10:55première chose. »
10:55Je comprends ce que vous dites.
10:56Et on reviendra
10:58sur le silence
10:59de tout le monde
10:59et celui des victimes,
11:00notamment à qui l'on dit
11:01très maladroitement,
11:02régulièrement,
11:03et pourquoi tu n'as pas parlé plus tôt,
11:04le vôtre de silence.
11:0530 ans à qui vous n'avez rien dit,
11:07à personne,
11:0830 ans après une agression affreuse
11:09de l'abbé Lartiguet
11:11qui vous a roué de coups,
11:13le mot est faible,
11:14devant toute la colo,
11:16enfant et adulte,
11:1830 ans plus tard,
11:19vous parlez.
11:20Quel a été le déclic
11:21là, très récemment ?
11:22Non, il y a 4 ans.
11:23Deux mois ?
11:23Il y a 4 ans.
11:24Il y a 4 ans,
11:24pour la première fois.
11:25Voilà, il y a 4 ans.
11:26Expliquez-nous.
11:26Non, ce sont, je pense,
11:29des changements,
11:30une réflexion personnelle
11:31qui aboutissait,
11:32qui faisait que ça ne me pesait plus,
11:33que je pouvais en faire quelque chose.
11:35Voilà.
11:36Partager,
11:37enfin,
11:37dit dans l'intimité,
11:38ou avec 2-3 copains,
11:41quand on se rencontre,
11:41qu'est-ce qu'ils t'ont fait,
11:42toi, moi ?
11:43Mais pas encore un matériau
11:45à transmettre.
11:46Et donc,
11:46ce que je voulais souligner,
11:48c'était que dans ce livre,
11:49je ne viens pas juste rajouter
11:51mon témoignage.
11:52Voyez,
11:52j'ai été passée à tabac,
11:54devant tout le monde,
11:55je viens faire une séquence
11:56pour changer.
11:58Jusqu'à ce que je rencontre Alain,
11:59j'avais plutôt l'impression
12:00que son discours,
12:01c'était
12:02l'entourage ne parle pas
12:04ou les gens n'osent pas parler.
12:06Moi, je voulais commencer
12:07à faire parler ce silence
12:08en disant,
12:08attention,
12:10les témoins ne parlent pas,
12:12pas parce qu'ils sont lâches.
12:13Les témoins ne parlent pas,
12:14les victimes ne parlent pas.
12:15Pensons le silence de l'intérieur
12:16pour se donner
12:18de nouveaux outils d'interrogation.
12:19Il y a une expression très forte
12:20dans le livre.
12:22Vos mots,
12:23à vous,
12:23Hélène Père,
12:24lancé,
12:24regard,
12:24en parlant de ceux
12:25qui ont assisté
12:26à votre agression
12:27il y a 30 ans,
12:28ces regards épinglés au mur
12:29comme des papillons morts.
12:30Ce regard-là,
12:31d'ailleurs,
12:31qui sera le vôtre,
12:32quelques temps plus tard,
12:34preuve de l'infinie complexité
12:35de cette notion
12:36de silence
12:36et de déni.
12:38Et on est tous,
12:40la société française
12:40découvre
12:41toutes les formes
12:42de violences
12:42partout,
12:43toujours.
12:44J'ai envie de leur dire,
12:45quand quelqu'un
12:45ne peut pas regarder
12:46ce que vous vivez,
12:47c'est peut-être,
12:48d'abord,
12:48avant de penser
12:49à l'indifférence,
12:50que ça le renvoie
12:50à quelque chose
12:51qu'il a vécu lui-même,
12:52on est dans des intrications
12:53de violences terribles.
12:55Changeons de regard aussi
12:55sur ce qu'on attend
12:57comme type de compassion,
12:58de compréhension.
12:59Ceux qui ne peuvent pas suivre
13:00sont peut-être
13:01ceux qui ne peuvent pas
13:02nous dire
13:03que ça les renvoie
13:04à quelque chose
13:04de très profond.
13:05Et on n'a pas d'injonction
13:06à poser aux uns aux autres
13:07pour qu'ils viennent dire
13:08oui,
13:09je suis victime ou pas.
13:10avançons tous ensemble
13:12en changeant un peu
13:13de regard
13:14sur ce qu'on attend
13:14dans la réaction des gens
13:16autour de ce qu'on montre.
13:18L'affaire Bétarame,
13:18c'est donc l'affaire du déni,
13:20entre autres,
13:21le déni,
13:22Bétarame,
13:23c'est une chambre
13:23d'interrogation
13:23du déni de tous,
13:25du déni,
13:25pas du mensonge.
13:27Nuancez-vous
13:27dans ce livre,
13:29Hélène Perlan.
13:30Vous, Alain Esquière,
13:30vous parlez d'un déni
13:31collectif.
13:33Alors,
13:33je suis peut-être le seul,
13:33mais quand j'ai lu ce livre,
13:35j'ai quand même eu l'impression
13:35que le déni,
13:36parfois c'était un peu facile.
13:40Mais ceux qui ont vu
13:42ou ceux qui ont su
13:42mais n'ont pas parlé,
13:43le déni,
13:44c'est un peu pratique.
13:45On se retranche derrière
13:46le déni,
13:46pion s'exonère
13:47d'une forme de responsabilité
13:48aussi, non ?
13:48Je ne sais pas.
13:49On est bien d'accord,
13:52il y a un grand nombre
13:53de personnes
13:54qui gravitaient
13:56sur Bétarame.
13:57Et d'abord,
13:58les enseignants.
14:00Est-ce qu'on a entendu
14:01les enseignants
14:01jusqu'à présent ?
14:03Après,
14:04seule la Françoise Gulug,
14:05en 1996,
14:07cette professeure
14:07de mathématiques,
14:08va porter
14:09une estocade,
14:10d'ailleurs,
14:11que je vais suivre
14:12à cette période.
14:14Mais où sont
14:15les enseignants
14:16de Bétarame ?
14:17Où sont
14:17tous les agents
14:18de service,
14:18tous les gens
14:19qui ont travaillé
14:20dans cet établissement
14:21et qui voyaient
14:22les violences au quotidien
14:23et notamment
14:23ce supplice du perron ?
14:25Parce que le perron,
14:26qu'est-ce que c'est ?
14:27C'est ce promontoire
14:29en mesure du gare
14:30là où on punissait
14:32les élèves
14:33et qui attendaient
14:34pendant des heures
14:35la punition.
14:36Et dans le meilleur
14:37des cas,
14:38ils avaient une paire
14:39de gifles
14:39et au pire,
14:41ils étaient passés
14:42littéralement
14:42à tabac
14:44dans le bureau
14:45du surveillant général.
14:49Il faut imaginer
14:50à la fois la nuit
14:52et le jour.
14:54Ceux qui savaient
14:55et n'ont pas dit,
14:55c'est parfois du déni,
14:56c'est parfois aussi
14:57peut-être de la lâcheté.
14:58Mais c'est quoi,
14:59d'après vous,
14:59qui connaissez parfaitement
15:00le sujet,
15:01c'est quoi le mécanisme
15:02psychique ?
15:03C'est trop violent,
15:04c'est trop insupportable
15:04d'être à ce point bousculé
15:05dans ses certitudes,
15:06dans son désir d'idéal,
15:09c'est quoi ?
15:09Moi, j'ai une autre approche
15:11qui est que je pense
15:12que plus on en a
15:12sous les yeux,
15:13moins on voit,
15:13c'est-à-dire qu'il fallait
15:14être capable de comprendre
15:15avec tout ce qu'on avait
15:17sous les yeux
15:17qu'en fait,
15:18il y avait dans l'établissement
15:20que tous les adultes religieux
15:22étaient des violeurs,
15:22en fait,
15:23tous,
15:24on n'avait jamais vu
15:25nulle part ça en France.
15:26C'est trop énorme.
15:27C'est incroyable.
15:30Si on vient vous dire
15:30dans un lycée,
15:31en fait,
15:32non, là, là, là,
15:33c'est des violeurs ça aussi.
15:35Il fallait être capable
15:36et Bétaram est la première structure
15:38grâce à Alain
15:40que l'on découvre comme ça
15:41et à tous ensemble
15:43on peut la regarder
15:44à condition de se décharger,
15:46je pense,
15:46de la culpabilité
15:46de ne pas avoir vu.
15:47Moi, j'ai vu par exemple
15:48en tant qu'en tant qu'il découvre ça,
15:51je me dis,
15:52alors,
15:52je n'ai aucune image
15:53des enfants du collège frappés.
15:54Mais par contre,
15:55j'ai dans le lycée
15:56que je fréquente
15:57beaucoup de signaux
15:58de sexualité
15:59qui ne vont pas.
16:00Ça parle de sexe,
16:01ça regarde bizarrement,
16:02etc.
16:03Ça en fait tellement trop
16:04que nous,
16:05on pense qu'ils ne passent pas à l'acte.
16:08Ce n'est pas possible,
16:08c'est trop gros,
16:09c'est trop gros.
16:11J'imagine...
16:12Arriver à comprendre
16:13qu'en fait,
16:13non,
16:14ce qu'on a sous les yeux,
16:16ça fait sens
16:17et que oui,
16:18c'est possible
16:18que des adultes,
16:19plusieurs,
16:20plein,
16:20tous,
16:21passent à l'acte
16:22et que peut-être
16:22quand on a des sensations
16:24qu'il y a un peu
16:25de regard de pédophile,
16:27il y a aussi des actes peut-être.
16:30Pour moi,
16:30c'est un champ
16:31complètement nouveau,
16:32complètement énorme.
16:33Est-ce que selon vous deux,
16:34cette omerta était organisée
16:36par les religieux
16:37et les laïcs
16:38en charge
16:39de Bétharam
16:40à l'époque ?
16:41Comment ce système
16:42et ce silence
16:44a perduré
16:45autant d'années ?
16:46Il a perduré
16:47avec la bonne volonté
16:48de tous ceux
16:49qui sont aujourd'hui
16:49mis en cause
16:50et parfois décédés.
16:51Nous, on pense
16:52et on est en train
16:53d'avancer sur ce terrain,
16:54tous les trois,
16:55Clémence,
16:55Alain et moi,
16:56qu'il faut expliquer
16:57la différence
16:58entre des individus
16:59et leur intelligence
17:00moyenne.
17:02Ce n'est pas
17:02des...
17:03Il n'est pas capable
17:03d'inventer un système
17:05à 18 verrous
17:06de sécurité
17:06et de dire
17:07voilà comment il faut
17:08les frapper
17:08pour qu'en fait
17:09personne ne parle.
17:10Non,
17:10c'est...
17:11Et la structure,
17:12ce qu'on appelle
17:13le dispositif,
17:14c'est-à-dire
17:14si on a un milieu
17:15totalement clos,
17:16un huis clos
17:17des attentes disciplinaires,
17:21en tout cas
17:21un mythe de la discipline,
17:23on va les mater,
17:23on va les recadrer.
17:24Et il faut le dire,
17:26du religieux,
17:28c'est-à-dire
17:28des prêtres
17:29qui sont tous ici
17:31devenus violeurs
17:33et ça,
17:33c'est la théorie d'Alain,
17:35ça rend pervers,
17:36la structure
17:37les rend pervers.
17:38Ils n'auront peut-être
17:39pas été ailleurs.
17:40Si on a ces trois ingrédients,
17:42il y a quelque chose
17:43qui se passe
17:43et finalement,
17:45indépendamment
17:47de l'intelligence
17:48ou de la conscience
17:48des gens
17:49de participer à ça.
17:50Transparer aussi
17:51dans ce livre
17:52le poids de l'introspection
17:54des années plus tard,
17:56parfois des décennies,
17:57au sein de la cellule familiale
17:58notamment,
17:59la vôtre,
18:00mais toutes les autres,
18:01Hélène Perlan.
18:02Alors bon,
18:03la vôtre,
18:03on parle un peu plus
18:04parce que forcément,
18:05aujourd'hui,
18:05votre père est le Premier ministre
18:06de la France.
18:08Il y a deux mois,
18:09François Bayrou a assuré
18:10devant les députés
18:11qu'il ignorait
18:12toutes les violences physiques
18:13comme sexuelles à Béterram.
18:14Réécoutons d'abord
18:16François Bayrou
18:17à l'Assemblée
18:18en février.
18:20Mes enfants
18:21y ont été scolarisés
18:22et les accusateurs
18:26disent
18:26qu'ils ne pouvaient pas
18:28ignorer.
18:30Alors j'affirme
18:31que j'ai
18:33évidemment,
18:35je n'ai jamais
18:36été informé
18:37de quoi que ce soit
18:39de violence
18:40ou de violence
18:41a fortiori
18:42sexuelle,
18:44jamais,
18:45je peux vous assurer
18:46que tout est faux.
18:49Hélène Perlan,
18:50quand vous voyez votre père
18:51dire cela,
18:52dont les députés,
18:54qu'est-ce que vous vous dites ?
18:55Je n'ai aucun problème
18:56parce que,
18:58maintenant on le sait,
18:58ça a été ma grosse
19:00difficulté,
19:02sa chose dure,
19:03qu'il l'avait appris
19:05au moment de l'arrestation
19:07de Caricard,
19:09une fois Caricard en prison,
19:10qu'il y avait
19:10cette accusation de viol
19:13pour laquelle il était d'abord arrêté,
19:15puis relâché
19:16avant de se suicider.
19:17qu'il avait appris là,
19:19le cas Caricard,
19:20l'hypothèse du cas Caricard,
19:22une fois Caricard arrêté.
19:24Mais je n'ai aucun souci
19:25avec ça
19:26parce que
19:26des violences sexuelles
19:28d'autres possibles,
19:29jamais la moindre rumeur
19:31et effectivement,
19:33jamais la moindre info
19:34qu'il restait des violeurs
19:35dans l'école.
19:36Alors ça,
19:37sûr et certain,
19:38et Alain,
19:39oui, c'est ça qui est.
19:40Ça donne l'impression,
19:40pardonnez-moi,
19:41mais que malgré son statut,
19:42finalement,
19:43c'était un père comme les autres.
19:44Bien sûr,
19:45tout le monde est comme les autres
19:46et il faudrait que,
19:47c'est ce que j'ai essayé
19:48de développer sur Mediapart
19:49dans la première partie,
19:49qu'on comprenne
19:50que tout le monde est intriqué,
19:52qu'il n'y a pas des gens
19:55qui voient en surplomb de loin
19:57et qu'au contraire,
19:58quand on y est
19:58et quand les gens qu'on croise
20:00nous paraissent normaux
20:00et tout,
20:00c'est encore plus difficile,
20:02c'est encore plus incompréhensible
20:04et que non,
20:04il n'y a pas quelqu'un
20:05qui savait
20:06qu'il y avait des violeurs
20:06et se disait
20:07laissons-les tranquilles.
20:10À part les violeurs eux-mêmes.
20:11À part les violeurs eux-mêmes.
20:12Il faut peut-être aussi
20:12replacer les choses
20:17on est dans une société
20:18qui n'a pas les moyens de voir,
20:20qui n'a pas les outils
20:21qu'on a aujourd'hui.
20:22Nos enfants,
20:23on les éduque totalement
20:23différemment aujourd'hui
20:24que l'éducation
20:25que nous-mêmes on a reçue.
20:27Donc je pense aussi
20:28que c'est différent
20:28et il ne faut pas oublier,
20:30il ne faut pas regarder
20:31avec nos lunettes d'aujourd'hui
20:32ce qui s'est passé
20:33il y a 30 ans.
20:34C'est aussi tout un contexte
20:35qu'il faut expliquer.
20:37Et à la fois,
20:38ce livre,
20:38il est censé parler
20:40aux générations actuelles
20:41et futures.
20:42Absolument.
20:44Parce qu'un copain
20:44m'a envoyé tout à l'heure
20:46une vidéo qu'il a retrouvée
20:47de Lina François,
20:49je crois,
20:50après le suicide de Caricard
20:51où le reportage disait
20:53il s'est suicidé
20:54donc il était innocent
20:55faisant attention
20:56aux accusations
20:56qu'on fait circuler.
20:57Donc ça veut dire que
20:58la société n'était pas prête
20:59à découvrir
21:00ce qu'il y avait
21:01dans le fond des écoles
21:02collectivement.
21:03Il est dit dans ce reportage
21:04l'honneur d'un homme
21:06je crois
21:06qui n'a pas supporté
21:08le mensonge
21:09et qui a préféré le suicide.
21:10C'est vrai que ça dit
21:11beaucoup de choses
21:12de cette ambiance à l'époque.
21:14En fait, ça dit
21:14un truc que je trouve génial.
21:15c'est que la réalité
21:16pour la comprendre
21:17il faut être tous ensemble
21:18il faut y être prêt
21:19il faut être solidaire
21:21il faut être tranquille
21:22on peut la regarder
21:24la découvrir
21:24que si on est tous ensemble
21:25que tout seul
21:26on fera rien
21:28tous ensemble
21:29on peut s'apprendre
21:31les uns les autres
21:31à accepter
21:32qu'il y a eu
21:32de l'innommable.
21:33Ça se fait
21:34tout de même pas
21:35d'un claquement de doigts
21:35mais pour reprendre
21:37une expression
21:38de votre livre
21:39Alain Esquerre
21:39que pouvons-nous faire
21:40différemment
21:41et mieux ?
21:43Alors vous l'avez vous
21:44la réponse à votre question ?
21:45Alors, en tout cas
21:46qu'est-ce qu'on peut faire ?
21:48Je pense que c'est pas
21:48très compliqué
21:49de faire mieux
21:50d'être plus vigilant
21:52parce qu'on nous dit
21:54tout va bien
21:55aujourd'hui
21:56non
21:57tout ne va pas bien
21:58dans les établissements scolaires
21:59c'est pour ça aussi
22:02que j'ai prêché
22:03auprès d'Elisabeth Borne
22:05de faire des contrôles
22:06inopinés
22:07et elle en a diligenté
22:09la semaine d'après
22:10ma rencontre
22:11notamment à Neuilly-sur-Seine
22:13mais c'est très important
22:15que tous les établissements
22:17de la République
22:17qu'ils soient privés
22:18ou publics
22:19dès lors qu'ils reçoivent
22:20des subventions
22:21et des financements
22:24importants
22:25de la collectivité
22:26rendent des comptes
22:28et qu'il faut en terminer
22:30avec la toute puissance
22:31des chefs d'établissement
22:32et l'omerta des OGEC
22:34parce que les OGEC
22:35qui sont les structures
22:36administratives
22:37de ces établissements
22:39ont la main
22:40sur les chefs d'établissement
22:41et par exemple
22:42sur Betaram
22:43nous avons jamais entendu
22:45le président
22:46du conseil d'administration
22:47de l'OGEC
22:48prendre la parole
22:49sur ce dossier
22:50qui est quand même
22:51assez conséquent
22:53on n'a pas entendu
22:55l'association
22:56de parents d'élèves
22:57locale
22:58rien n'a été dit
22:59et je rappelle
23:01que je suis toujours
23:02personnel non gratta
23:03à Betaram
23:04j'ai voulu m'y présenter
23:05le jour des portes ouvertes
23:06on m'a refusé
23:08l'accès
23:09j'y allais justement
23:10pour dire que l'établissement
23:11avait changé
23:12visiblement
23:13il n'a pas changé
23:15il nous reste une minute
23:16quel adulte
23:17seriez-vous devenu
23:18sans Betaram
23:19Hélène Perlon ?
23:20j'en sais rien
23:20vous vous êtes jamais
23:23posé la question ?
23:23non moi je ne me suis pas
23:24posé la question
23:25c'est une autre problématique
23:27j'en sais rien
23:28Alain Esquerre ?
23:30vous l'êtes posé non ?
23:31oui je l'ai posé
23:32j'aurais plus confiance
23:32dans les autres
23:33dans le groupe
23:34je pense
23:34et il n'aurait pas été
23:35lanceur d'alerte
23:36Alain Esquerre ?
23:37ça c'est sûr
23:38je pense que nos vies
23:40auraient été meilleures
23:41enfin moi je veux juste
23:43faire passer ce message
23:44c'est que les châtiments
23:45corporels sur les enfants
23:46ça ne marche pas
23:47si c'était aussi simple
23:48c'est une question qui revient
23:49souvent dans l'actualité
23:51en disant
23:51il faut revenir un petit peu
23:52à la trique
23:53mais la trique
23:54ça brise des vies
23:55ça abîme
23:56ça altère la confiance en soi
23:58et quand on a un enfant
23:59ce qu'on a envie
24:00c'est de le protéger
24:01et de l'aimer
24:01merci à tous les quatre
24:02merci d'avoir accepté
24:03l'invitation de Newsbox
24:04ce soir sur BFM TV
24:05merci d'avoir regardé cette vidéo

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