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Zoom sur les infractions en droit de la presse avec Claire Roger-Petit, Avocate, DAEM.

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00:00On poursuit ce Lex Inside, on va parler des infractions en droit de la presse avec Claire Roger Petit, avocate chez DEM.
00:17Claire Roger Petit, bonjour.
00:19Bonjour Arnaud.
00:20Pour commencer, pouvez-vous nous donner quelques exemples concrets d'infractions en droit de la presse ?
00:25Alors déjà, merci beaucoup de m'inviter à nouveau.
00:27Effectivement, les infractions de droit de la presse sont prévues par la loi de 1881.
00:33Le critère d'application, c'est la publicité des propos.
00:36Et une fois que la loi de 1881 s'applique, elle prédomine sur les autres régimes.
00:42Comme exemple concret, je vais commencer par une infraction dont on parle beaucoup dans l'actualité,
00:47avec la condamnation d'Éric Zemmour après une longue procédure, après renvoi sur cassation.
00:55Donc c'est le négationnisme.
00:56C'est le fait de nier, de contester, de minimiser des crimes contre l'humanité.
01:03Et depuis 2017, c'est plus seulement la Shoah, mais tout crime contre l'humanité reconnu comme tel par une juridiction française ou internationale.
01:12Vous avez également le délit le plus connu, je pense, de la population, qui est le délit de diffamation.
01:18C'est le fait d'imputer un fait portant atteinte à l'honneur ou à la considération à une personne ou un groupe.
01:26On en parle beaucoup aujourd'hui avec les accusations dans les affaires de Meurs, dans les médias, sur les réseaux sociaux.
01:31Il faut que ce fait, par contre, soit précis, sinon on tombe plutôt sur de l'injure,
01:37qui est une expression outrageante, vexatoire, une invective, qui ne comporte pas, pour le coup, l'imputation d'un fait précis.
01:45Par exemple, traiter et qualifier une femme d'hystérique, selon le contexte, pourrait être considéré comme injurieux,
01:54même avec un caractère discriminatoire, ce qui aurait des conséquences tant sur les peines applicables que sur le régime de prescription.
02:02D'accord. On vient de voir quelques exemples d'infractions en droit de la presse.
02:06Quelles sont les spécificités du droit pénal de la presse ?
02:09Alors, le droit pénal de la presse, c'est un droit qui est très protecteur, protecteur de la liberté d'expression.
02:16Ça ressort vraiment des travaux parlementaires de 1881.
02:19C'est toujours le cas aujourd'hui, avec une influence très forte de la Cour européenne des droits de l'homme.
02:24Et c'est la raison pour laquelle, quand on sort une infraction du droit de la presse, ça fait beaucoup parler.
02:29Ça avait été le cas après les attentats de 2015 sur les provocations et les apologies du terrorisme.
02:35C'est un débat qui a été relancé avec la proposition LFI récemment.
02:39Et donc, ce régime, il est très protecteur parce qu'il déroge au principe commun, classique, de procédure civile ou pénale.
02:47On a tout d'abord un régime de responsabilité en cascade.
02:50On va considérer que l'auteur principal du délit, c'est le directeur de la publication,
02:55ce qui permet de protéger les auteurs, les journalistes.
02:58On a aussi des règles particulières d'introduction de l'action.
03:02Et un formalisme et une rigueur très, très stricte, très exigeant, avec notamment des nullités qui peuvent être prononcées en cas d'imprécision des propos dans les plaintes ou les citations directes.
03:16Par exemple, moi, j'ai eu un dossier où des propos étaient poursuivis, qui avaient été tenus dans le cadre d'une émission audiovisuelle à la télévision.
03:24Et l'huissier qui avait retranscrit les propos s'était trompé dans sa retranscription, dans son procès verbal.
03:30Donc les propos étaient imprécis, on a obtenu la nullité.
03:33Et ça a une très lourde conséquence, puisqu'en raison des délits de prescription très courts, trimestriels ou annuels, en cas de caractère discriminatoire,
03:42l'action ne peut pas être à nouveau intentée, puisque l'infraction est prescrite.
03:46Donc il y a un rôle très actif de l'avocat, avec une technicité très lourde en la matière.
03:53Alors on va évoquer aussi un autre aspect, c'est l'adaptation de la loi sur la presse.
03:59Cette loi, elle était conçue en 1881, à une époque où il n'y avait pas Internet, pas les réseaux sociaux.
04:06Alors comment la loi a-t-elle été adaptée pour prendre en compte ces nouvelles technologies que sont Internet et les réseaux sociaux ?
04:16Alors effectivement, la loi de 1880, c'est une des lois les plus anciennes qu'on a encore en vigueur aujourd'hui.
04:21Ça fait presque un siècle et demi qu'elle est en vigueur et qu'elle s'applique,
04:25alors qu'il y a eu des révolutions techniques de l'information, avec une multiplication des supports de publication, de diffusion.
04:32Et même avant Internet, au XXe siècle, on avait eu la radio et la télévision qui étaient également des révolutions.
04:38Donc ça montre quand même la qualité de cette loi, j'insiste sur ça.
04:41L'idée, c'est que la loi de 1880 s'applique, les principes s'appliquent.
04:47Et on a eu par contre des interventions du législateur ou de la jurisprudence en cas de vide juridique
04:53pour venir adapter, réagencer ces principes aux nouveaux supports de diffusion, de publication.
05:00Donc on a par exemple des lois de 1982 et de 1986 en matière audiovisuelle.
05:06On a pour le numérique les lois de 2004, 2009, 2016, 2018, 2020.
05:12Donc on a eu beaucoup.
05:14Mais les principes s'appliquent.
05:16Mais par exemple, pour une adaptation, sur cette responsabilité en cascade,
05:21vu qu'il n'y avait pas en soi de directeur de publication dans l'audiovisuel,
05:25on a considéré, c'est la loi de 1982 qui considère que l'éditeur du service audiovisuel
05:32est responsable à titre principal comme un directeur de la publication,
05:36avec une distinction propre quand même à l'audiovisuel,
05:40qui est une différence selon le fait de savoir si l'émission est diffusée en direct ou non.
05:45Puisque si elle n'est pas diffusée en direct, l'éditeur n'a pas un contrôle sur les propos qui sont tenus.
05:50Et cette responsabilité en cascade s'applique également au numérique du fait de la loi de 2004,
05:56avec toutefois une distinction entre éditeur et hébergeur, nécessairement.
06:00Alors sur les réseaux sociaux, le fléau c'est les fake news ou les fausses informations.
06:07Alors comment lutter contre ces fausses nouvelles, ces fake news ?
06:12Est-ce qu'il faut faire évoluer le droit pour mieux prendre en compte et sanctionner ces fake news ?
06:18Alors c'est un débat qui est d'actualité, qui fait beaucoup parler.
06:24Il y en a certains qui pensent que le droit de la presse actuel est suffisant,
06:28que dès lors que les principes s'appliquent et qu'ils ont été adaptés correctement, le droit est complet.
06:33On a quand même effectivement des réformes récentes qui sont venues renforcer la responsabilité des hébergeurs et des plateformes.
06:39La loi de 2018 qui crée des obligations de signalement chez les hébergeurs.
06:44La loi de 2020 qui, même si elle a été retoquée par le Conseil constitutionnel, renforce encore la responsabilité.
06:51Je pense, vu le climat actuel, qu'il faut surtout une législation européenne forte et harmonisée.
06:57Et ça a été le cas avec le règlement DSA récemment, qui vient encore renforcer le rôle des acteurs et des plateformes et des grosses sociétés du numérique,
07:11qui imposent des obligations de coopération avec les autorités nationales et la création dans les États membres de coordinateurs.
07:18C'est ce qu'on va avoir en France, l'ARCOM, qui a un rôle aujourd'hui central de régulation, mais aussi de sanction.
07:26Sur le fait de faire évoluer le droit de la presse, moi, je ne suis pas forcément favorable au fait de toucher à la loi de 1880.
07:34Pourquoi ?
07:35Parce qu'on a vraiment, je pense, un droit très qualitatif et très complet en France, comparé aux autres pays.
07:42C'est un fait et ce n'est pas pour rien que cette loi est aussi ancienne.
07:45Mais par contre, je pense qu'il faut se poser la question des enjeux actuels,
07:50notamment le fait que le préjudice réputationnel est immédiat.
07:55Et c'est difficile pour les clients de comprendre la lenteur de certaines procédures et la difficulté de certaines procédures.
08:01Donc, je pense qu'il faut notamment réinstaurer des procédures efficaces en matière d'identification,
08:07parce que l'anonymat sur Internet permet aussi les abus.
08:10Est-ce qu'il faut lever l'anonymat ?
08:12Alors, je ne suis pas favorable à lever l'anonymat de manière, enfin, de principe et de manière large.
08:18Est-ce que c'est systématisé ?
08:19Est-ce que c'est systématisé ?
08:20En revanche, je pense qu'il faudrait réinstaurer ce qu'on a appelé la requête en identification,
08:26qui était vraiment une procédure qui facilitait l'identification sur Internet et qu'on n'a plus aujourd'hui.
08:30Pourquoi ?
08:31Parce qu'il y a eu une réforme qui a supprimé cette action et qui a créé ce qu'on appelle les procédures accélérées au fond,
08:39mais qui sont des procédures qui sont plus longues, plus coûteuses pour le justifiable.
08:42Donc, je ne suis pas du tout favorable et c'est un vrai fléau, cet anonymat.
08:49Je pense qu'il faut aussi, de toute façon, responsabiliser les acteurs, les médias,
08:54créer des systèmes éventuellement de certification, de vérification
08:57et responsabiliser la population, les jeunes, avec une sensibilisation, une vulgarisation des accès,
09:05par exemple, aux outils de fact-checking du type Le Monde Décodeur et même sur YouTube, Hugo Décrypte, par exemple.
09:11On va conclure là-dessus. Merci Claire Roger-Petit.
09:14Je rappelle que vous êtes avocate au sein du cabinet d'EM.
09:17Merci beaucoup.
09:18Tout de suite, l'émission continue.
09:19On va parler du livre « Les petits arrêts de jurisprudence insolite ».

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