Zoom sur le dénigrement de la direction avec Fadi Sfeir, Of counsel, Capstan.
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00:00On poursuit ce Lex Inside, on va parler d'énigrement de la direction par mail ou par téléphone avec mon invité Fadi Sphère, off-console au sein du cabinet Capstan.
00:22Fadi Sphère, bonjour.
00:23Bonjour.
00:24Alors on va rentrer tout de suite dans le vif du sujet. Est-ce que le salarié peut-il être licencié pour un échange privé de messages depuis son téléphone portable professionnel lorsqu'il dénigre son employeur dans les dits messages ?
00:40Je vais vous répondre tout de suite Arnaud, la réponse est oui. Alors peut-être que vous m'objecterez qu'il y a quand même un principe de respect de la vie privée.
00:47Bien sûr.
00:47Alors que le salarié a le droit de dire ce qu'il veut. Après tout, c'est sa vie privée, c'est ses messages, c'est personnel. Et la réponse, elle a été donnée par le juge.
00:55En réalité, lorsque vous utilisez un appareil qui est professionnel, un système informatique qui est professionnel, ça signifie que tout ce qui s'y trouve est présumé être de nature professionnelle.
01:08Et donc du coup, l'employeur peut librement y avoir accès. Alors on a d'ailleurs une illustration là-dessus sur un arrêt qui est assez récent où on avait un salarié qui avait écrit un petit courrier de dénigrement de son employeur qu'il s'apprêtait à envoyer aux organismes sociaux.
01:23Et il a été licencié. Et le juge nous a dit non, non, c'est un élément qui est de nature professionnelle. Donc du coup, je peux y avoir accès, je peux le regarder.
01:30D'accord. Et malgré tout, il n'y a pas une certaine liberté d'expression ? Comment c'est encadré ?
01:36Alors oui, il y a aussi une liberté d'expression. Et comme partout, il faut mettre en balance la liberté d'expression, le droit au respect de la vie privée, le droit légitime pour l'employeur aussi d'avoir accès à des données qui sont normalement professionnelles.
01:49Il faut mettre en balance tout ça. Et donc la liberté d'expression, ça signifie également qu'il ne peut pas y avoir d'abus. La liberté d'expression ne peut pas dégénérer en abus.
01:58Et donc du coup, le juge va s'attacher à regarder, lorsqu'on a un propos dénigrant, est-ce que ce dénigrement justifie ou non un licenciement ?
02:07Ça va dépendre évidemment de ce qu'on dit. Si on a une critique qui est mesurée, on dit, ben voilà, je pense que le patron ou la patronne, il aurait pu faire plus comme ci, plus comme ça.
02:17Ça ne justifie pas un licenciement. D'accord.
02:19Et on va aussi regarder le public. Alors ça ne veut pas dire pour autant que si on écrit à une personne, ça ne justifie pas le licenciement parce que c'est qu'une personne.
02:27On a un arrêt très récent sur un propos homophobe. Et là, pour le coup, c'était un échange qui était assez fermé. Et le juge a quand même considéré que ça justifiait un licenciement.
02:36D'accord.
02:37Mais plus le public est large, plus la tolérance sur la liberté d'expression va être faible, ce qui est assez logique. Après tout, c'est du bon sens.
02:44Alors, il y a la question de l'accès de l'employeur à ces messages. Comment fait-il pour accéder au téléphone portable du salarié ?
02:53Alors, pour le téléphone portable, évidemment, on a une difficulté. C'est le salarié qui l'a. En général, en pratique, ce qui se passe, c'est que lorsque le salarié rend le téléphone portable au terme du contrat de travail,
03:05certains de nos clients ont le réflexe de regarder un peu les échanges, le contenu, etc. Et on découvre parfois des choses.
03:11Ça, c'est pour le téléphone. Pour ce qui est de l'outil informatique, l'administrateur réseau, il a accès à tout, en réalité, y compris ce qui est marqué comme étant personnel, d'ailleurs,
03:21même si on ne peut pas l'utiliser dans le cadre d'un contentieux.
03:24Alors, justement, vous évoquez le dossier personnel ou l'échange dit privé. Concrètement, c'est quoi les critères pour définir ce qui est privé du professionnel ?
03:36Alors, c'est très simple. Lorsque vous utilisez l'outil informatique de votre employeur, vous pouvez créer un dossier qui est marqué comme étant personnel.
03:44Vous pouvez créer un email où vous marquez personnel dans l'objet. Et là, l'employeur ne peut pas y avoir accès ou, en tout cas, ne peut pas l'utiliser au soutien d'une procédure de licenciement, par exemple.
03:54Encore une fois, l'administrateur réseau, lui, il y aura accès, mais pour des raisons de sécurité réseau, pas pour des raisons de gestion de la relation de travail.
04:01Vous voyez ? Là, lorsque c'est marqué comme étant personnel, il faut vraiment être dans des circonstances très particulières pour qu'on puisse y avoir accès.
04:10En règle générale, on n'y aura pas accès. Il y a cette hypothèse-là et l'autre hypothèse où on a un échange qui est évidemment de nature personnelle.
04:19On a l'exemple d'une correspondance intime où là, c'est évident quand on lit l'échange que c'est personnel.
04:25Ça ne veut pas dire pour autant que le salarié peut se dire « Ah, ben, chat perché, je mets tout comme étant personnel et puis hop, c'est bon, je suis protégé. »
04:33Non. Là, pour le coup, l'employeur pourra demander au juge d'avoir accès au dossier comme étant personnel s'il démontre que c'est assez évident qu'en fait, ce n'est pas personnel.
04:43C'est plutôt rare, on ne va pas se cacher, mais c'est une possibilité. Donc, n'abusons pas non plus de la mention personnelle.
04:48Alors, on va s'intéresser au pouvoir de contrôle, de surveillance de l'employeur. Concrètement, quel degré de surveillance peut avoir l'employeur sur les échanges, que ce soit par mail ou par téléphone ?
05:00Alors, c'est une très bonne question. Ça ne veut pas dire le droit de l'employeur d'accéder à des dossiers qui sont notés personnels, ne veut pas dire pour autant que...
05:09Enfin, pardon, professionnels plutôt, ne veut pas dire pour autant qu'on a un droit absolu à tout regarder tout le temps, à tout monitorer.
05:16Non, non, ça ne marche pas comme ça. On doit d'abord, premièrement, informer le salarié au préalable du moyen de contrôle que l'on exerce.
05:24Et ça, en général, c'est fait par le biais de la charte informatique ou du règlement intérieur. C'est prévu quand même assez fréquemment.
05:30D'accord.
05:31Une fois qu'on a fait ça, ce contrôle doit être proportionné. Ça signifie donc pas de surveillance systématique.
05:38Mais pour autant, on peut très bien, par échantillonnage, aller regarder dans la boîte mail, y compris lorsque le collaborateur a quitté l'entreprise d'ailleurs.
05:44D'accord. Et c'est souvent quand il quitte l'entreprise qu'on découvre les messages.
05:49Exactement. C'est quand il quitte l'entreprise qu'on va s'intéresser à la question.
05:52Alors, dans le cadre, dans un cadre contentieux, ça va souvent être ça.
05:57Après, il peut arriver, par exemple, qu'un salarié soit en arrêt maladie, qu'on ait besoin d'accéder à sa boîte email pour des raisons purement professionnelles.
06:04Et qu'à cette occasion-là, on découvre des messages qui peuvent justifier éventuellement une procédure de licenciement.
06:11Alors, il y a un autre point aussi qui est assez fréquent, c'est l'utilisation des réseaux sociaux, où certains salariés peuvent être amenés à déraper.
06:21Comment ça se passe concrètement ? Comment l'employeur peut contrôler les réseaux sociaux ? Et quel type de messages peuvent aboutir à une sanction ?
06:29Alors, là, c'est plus délicat, parce que ce n'est plus un outil de nature professionnelle.
06:34Donc, du coup, comme ce n'est plus un outil de nature professionnelle, moi, employeur, je peux aller sur LinkedIn et je regarde et je vois, quand c'est public,
06:41je vois un dénigrement, un propos qui ne va pas, etc.
06:45Et là, pour le coup, on va se poser la question de savoir si ça relève ou pas de la vie privée du salarié.
06:49Mais même si ça relève de la vie privée du salarié et qu'on peut démontrer un trouble objectif dans le comportement du salarié, là, on peut envisager une sanction.
06:59Ça va dépendre si on est sur un dénigrement pur et simple, là, ça paraît assez évident, ou si on est sur un propos, par exemple, sur LinkedIn,
07:06qui peut nuire à l'entreprise, mais qui, pour autant, ne fait pas lier avec l'entreprise.
07:10Mais le salarié est identifié comme appartenant à l'entreprise.
07:13Là, on peut avoir une difficulté.
07:15Donc, ça peut quand même atteindre la réputation de l'entreprise par le biais du salarié.
07:18Voilà, parce qu'il y a marqué qu'il travaille pour telle ou telle entreprise.
07:21Et il prend position dans le débat public sur un sujet qui n'est pas forcément lié à l'entreprise, mais qui ne correspond pas à l'image qu'elle veut renvoyer.
07:27Là, ça va être quand même assez délicat comme licenciement, mais ça peut s'envisager.
07:31Et il y a une deuxième hypothèse qui est un échange qui est privé.
07:34J'ai fait un post sur Facebook sur mon mur qui est privé.
07:38J'ai 200 personnes qui ont accès, par exemple.
07:40Il y a un arrêt assez célèbre là-dessus.
07:42200 personnes y ont accès et j'ai fait un post sur le mur privé.
07:45La première question qu'on va se poser, c'est comment est-ce que l'employeur a l'information ?
07:49Bien sûr.
07:50Alors là, l'arrêt auquel je pense, ce qui s'est passé, c'est que un des collaborateurs d'entreprise était ami sur Facebook avec le salarié en question et a transféré l'information à l'employeur.
07:58D'accord.
07:58Elle est venue à lui.
07:59Il n'y a pas eu de procédé déloyal de preuve.
08:01Je ne me suis pas introduit dans le Facebook.
08:03Non, non.
08:03L'information est venue à moi.
08:04Donc là, la preuve est recevable.
08:06Il n'y a pas de difficulté.
08:07Et après, on va se poser la question de savoir si on a un dénigrement qui, encore une fois, sur un public assez limité.
08:13Si on parle, on peut faire l'équivalence avec un dîner en ville.
08:16D'accord.
08:17Si vous parlez avec 3-4 amis un soir et vous dites mon patron, il est comme ci, il est comme ça.
08:21On va vous dire, c'est la vie privée, c'est la liberté d'expression.
08:24Quand on est à 200 amis, enfin amis entre guillemets, sur Facebook, c'est plus pareil.
08:28C'est plus pareil.
08:29Voilà, exactement.
08:29C'est ça, la règle qui a été dégagée par le juge.
08:32D'accord.
08:32Donc, il faut avoir un peu conscience, justement, de cet environnement quand on se laisse aller à certaines phrases sur son employeur.
08:40Exactement.
08:40Il faut être conscient de son propos, y compris sur Twitter, sur Facebook.
08:45Vous savez, on dit souvent, il faut tourner cette fois sa langue dans sa bouche avant de parler.
08:48C'est pareil pour son piano de téléphone, pour son clavier de téléphone.
08:51On va conclure là-dessus.
08:53Merci, Fadis Faire, d'être venu sur notre plateau.
08:55Je rappelle que vous êtes off console au sein du cabinet Capstan.
08:59Merci beaucoup.
09:00C'est la fin de cette émission.
09:01Merci de votre fidélité.
09:03Restez curieux et informés.
09:05À très bientôt sur Bsmart for Change.