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  • il y a 4 jours
Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, était le grand témoin de franceinfo, le 10 avril 2025.

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00:00Voilà, trois mois de pause dans les droits de douane. Donald Trump joue avec les nerfs de tous les acteurs économiques et notamment les agriculteurs.
00:06Bonjour Arnaud Rousseau. Bonjour Jérôme Chapuis. Président de la FNSEA, premier syndicat agricole.
00:10Le spectre d'une guerre commerciale généralisée s'éloigne un petit peu ce matin. Est-ce que c'est un soulagement ?
00:17Non, vous savez, cette guerre, elle est là. Elle est particulièrement visible parce que le président des Etats-Unis, M. Trump, l'agite depuis quelques semaines.
00:24Mais nous avions déjà, pour l'agriculture européenne et singulièrement pour l'agriculture française, déjà vécu des guerres commerciales.
00:31Je rappelle que la Chine a déjà mis des représailles il y a quelques mois, notamment sur nos cognacs et nos armagnacs,
00:37que l'Ukraine importe massivement des denrées agricoles en dehors de toute loyauté commerciale, si je puis dire.
00:44Donc ça n'est qu'une étape de plus, mais évidemment une étape massive.
00:47Mais ce yo-yo auquel on assiste, qui concerne là les Etats-Unis, il a des effets, on le voit sur les cours de bourse,
00:52il a aussi des effets sur les matières premières agricoles ?
00:55Oui, bien sûr. D'abord, pour nos vins et nos spiritueux, parce que c'est le premier impact en France.
00:59Nous, en France, on exporte tous les ans vers les Etats-Unis l'équivalent de 2,2 milliards pour les vins et 1,5 milliards pour les spiritueux.
01:06Donc ça a des impacts tout de suite.
01:08Et puis, vous savez, l'Europe et la France importent des protéines, notamment du continent américain.
01:13Et donc on observe sur le marché déjà des premiers impacts.
01:15On parle du soja, notamment. Je rappelle d'ailleurs que vous présidez le groupe agroalimentaire Avril,
01:20qui géant notamment du soja, du tournesol, du colza.
01:24Les Etats-Unis, je crois, produisent un tiers du soja dans le monde.
01:27Il va y avoir un impact là aussi, parce que ça entre dans l'alimentation de nos élevages.
01:32Oui, c'est exactement ça.
01:33Alors, nous ne produisons malheureusement que très peu de soja en Europe.
01:37Mais en tous les cas, on en a besoin.
01:39On en importe des Etats-Unis, mais aussi du continent sud-américain.
01:42Et vous savez, quand on parle de commerce, on pense aussi Mercosur.
01:45Et pour nous, ça reste non.
01:47Mais en tous les cas, on a des impacts sur l'importation de protéines.
01:50On en aura probablement.
01:51Vous parlez du Mercosur, c'est important, parce que certains pays, en effet,
01:54reconsidèrent leur position sur l'accord avec le Mercosur.
01:57C'est ces pays d'Amérique latine.
01:59Parce qu'ils se disent, puisqu'on ne peut plus diriger nos produits agricoles vers les Etats-Unis,
02:03tous nos produits d'ailleurs,
02:05ils reviennent favorables à un accord de libre-échange avec les pays d'Amérique latine.
02:09Pour vous, donc, c'est toujours, toujours non ?
02:11Mais pour une raison simple.
02:12C'est que quand on fait du commerce, il faut que ce soit loyal.
02:14Et nous, on ne veut pas voir importer en France ou en Europe des produits qui sont effectivement fabriqués
02:21ou produits dans des conditions qui ne sont pas celles des Européens.
02:24Le sujet qui est posé en ce moment avec ce que fait M. Trump,
02:27c'est d'abord la capacité productive de notre continent.
02:30Est-ce qu'on est capable de produire en Europe ?
02:32Pour l'agriculture, nous, on dit clairement oui.
02:35Est-ce qu'on doit continuer à échanger ?
02:37La réponse est évidemment oui, parce que vos auditeurs ce matin qui boivent un café
02:41ou qui dégustent un morceau de chocolat ne l'auront pas tout de suite en Europe.
02:45Donc, on a besoin de continuer à échanger, mais on veut le faire dans des conditions de réciprocité.
02:49Quand on parle traçabilité, quand on parle respect des accords de Paris,
02:52quand on parle normes environnementales, il n'y a pas de raison que l'Europe soit une passoire.
02:57Et donc, ce moment, ça doit être aussi un moment dans lequel on construit notre stratégie.
03:01Nous, on ne veut plus d'une Europe passoire.
03:02On veut être responsable, continuer à échanger, mais le faire avec loyauté.
03:05Alors, justement, à propos de l'Europe, il y a une mise en garde qui a été faite hier
03:08par le président de la Confédération Nationale des Producteurs de Vins AOC.
03:11C'est Jérôme Bauer. C'était sur France Info.
03:13On se rend compte que Trump est ouvert à la discussion et à la négociation.
03:19Pour autant, rien n'est gagné.
03:21J'espère que l'Europe sera forte dans les discussions et sera soudée et unie.
03:26Stratégiquement, il faut qu'on chasse à 27.
03:28Chasser à 27, être unie.
03:30Quand on voit les dissensions européennes sur l'agriculture,
03:33vous pensez que c'est possible de rester unis ?
03:36En tous les cas, c'est nécessaire.
03:37Parce que quand on est face à la Chine ou aux Etats-Unis,
03:40personne n'imagine qu'un seul pays européen puisse, à lui seul, se défendre.
03:47Et donc, ça repose la question européenne.
03:49Et moi, je crois qu'en tous les cas, c'est une opportunité
03:51pour se reposer la question de ce que nous voulons faire en France.
03:55Moi, j'ai entendu le président de la République,
03:56mais aussi à Bruxelles, dire qu'il fallait nous réarmer.
03:59Or, la question alimentaire, c'est une arme.
04:02C'est une arme, évidemment, qui est non létale,
04:05encore que beaucoup de gens peuvent mourir de faim.
04:08Mais en tous les cas, se poser la question de l'arme alimentaire,
04:11de comment on se réarme sur le plan alimentaire,
04:13c'est important.
04:13Moi, je rappelle que nous importons de plus en plus d'alimentation
04:16dans l'assiette des Français.
04:18Et donc, comment nous serons demain compétitifs ?
04:20Comment nous allons produire en France ?
04:21Comment les Européens qui vont construire les politiques,
04:24notamment la politique agricole commune,
04:26qui est une colonne vertébrale de la construction européenne,
04:28avec des moyens conséquents, va être construite ?
04:31Voilà les questions que pose,
04:33encore une fois, avec cette idée d'opportunité.
04:35Et puis, pour répondre à Jérôme Bauer,
04:37effectivement, il faut qu'on soit solidaires,
04:39mais il ne faut pas non plus qu'on soit dans l'escalade.
04:42La question, c'est à la fois d'être ferme,
04:44mais de continuer à vouloir échanger.
04:46Et là où c'est extraordinairement compliqué,
04:48c'est que ça se joue sur plusieurs fronts.
04:49Vous nous le disiez, il y a les Etats-Unis,
04:50mais il y a aussi la Chine.
04:53Il y a un autre risque qui demeure,
04:54c'est celui d'une submersion venue d'Asie,
04:57qui a été rappelée d'ailleurs sur France Info,
04:58là encore hier, par Michel-Édouard Leclerc.
05:01Ce que le Sud-Est asiatique ne va pas pouvoir vendre en Amérique,
05:05ils vont essayer de le vendre un peu en Amérique latine,
05:07mais c'est surtout en Europe qu'ils vont y aller.
05:08Chine, Corée, Japon, c'est des énormes pays.
05:11Alors, il parle surtout des produits industriels,
05:12Arnaud Rousseau, ça peut aussi concerner
05:14cette submersion des importations venues d'Asie.
05:16Alors, sur le plan agricole, globalement, non,
05:20parce que nous sommes plutôt exportateurs vers l'Asie
05:23et l'Asie a énormément de bouche à nourrir,
05:25si je puis dire.
05:26Donc, ça n'est pas une crainte sur le plan agricole,
05:29en tous les cas, à court terme.
05:31Mais en revanche, réaffirmer que l'Europe a une stratégie,
05:34une vision et une politique qu'elle met en place
05:36et que l'OMC, qui est moribonde,
05:39que les Etats-Unis d'ailleurs ne respectent pas,
05:41vous savez, l'OMC, c'est cette organisation mondiale du commerce
05:43dans laquelle on arbitre les différents...
05:46Et qui est silencieuse, depuis le début de cette crise.
05:47Oui, mais parce que les Etats-Unis l'ont clairement annulée,
05:52si je puis dire, ou neutralisée.
05:53Je voudrais revenir quand même sur ces conséquences
05:55dont on parle depuis tout à l'heure,
05:57parce que les agriculteurs, ils ont besoin de visibilité,
05:59on est totalement dans le brouillard,
06:00il faut notamment qu'ils prévoient leur semaille,
06:02leur niveau de production.
06:03Concrètement, aujourd'hui, vous faites comment dans ce brouillard ?
06:06Écoutez, on fait comme tout le monde,
06:07on réclame d'abord que ce qui se passe
06:10puisse rapidement trouver une issue,
06:12et d'ailleurs, on a constaté que
06:13toutes les demi-journées, il y a des éléments nouveaux,
06:15puisque le président...
06:16Précisément, c'est des éléments nouveaux
06:18qui rajoutent peut-être un petit peu à l'incertitude.
06:20Écoutez, le fait de passer de 20 à 10
06:21est déjà une bonne chose,
06:23mais notre préoccupation majeure aujourd'hui,
06:25elle concerne le secteur des vins et des spiritueux,
06:28le secteur laitier,
06:29qui exporte aussi un certain nombre de ses produits...
06:31Notamment vers l'Asie ?
06:32Notamment vers l'Asie, mais aussi vers les Etats-Unis,
06:35pour près de 200 millions d'euros par an.
06:37Donc, on a besoin, un,
06:39de nous simplifier la vie
06:40et de redonner de la compétitive aux entreprises,
06:42et notamment aux entreprises agricoles.
06:44Ensuite, de s'organiser,
06:45de faire en sorte que les échanges soient justes,
06:48et moi, je le redis,
06:49parce que la volonté de signer
06:50beaucoup d'accords de libre-échange nous inquiète,
06:52non pas encore une fois pour échanger.
06:54Nous avons vocation à continuer à produire,
06:56à exporter,
06:57puisqu'on peut faire du circuit court,
06:58mais on peut faire aussi du circuit long.
06:59Mais il faut qu'on ait une doctrine,
07:01et il faut qu'on soit solide en européen,
07:02sinon on se fera écraser dans cette guerre.
07:04J'ai une autre question,
07:05qui n'a rien à voir d'ailleurs avec ce sujet douanier,
07:08mais avec le bras de fer qui oppose l'Europe à Moscou,
07:11l'Union Européenne voudrait surtaxer,
07:13à partir du mois de juillet,
07:14les millions de tonnes d'engrais
07:15qui arrivent de Russie chaque année,
07:17mais on nous dit que pour les agriculteurs,
07:20c'est un sujet inflammable.
07:21Pourquoi ?
07:22Eh bien parce que quand vous êtes agriculteur
07:25et que vous produisez du blé, par exemple,
07:27vous avez besoin d'azote,
07:28c'est un engrais que vous mettez pour nourrir vos plantes,
07:32et il est essentiellement importé de Russie.
07:33Et donc on a besoin,
07:34si on met des sanctions sur la Russie,
07:37pour des raisons qu'on peut comprendre,
07:38que le reste du monde soit en tous les cas ouvert,
07:41donc il faudrait être très vigilant,
07:42parce que là aussi, c'est la compétitivité,
07:44et si on grève la compétitivité,
07:45on tuera la production.
07:46On ne peut pas se passer des engrais russes ?
07:48À ce stade, on peut s'en passer,
07:50en tous les cas, difficilement,
07:52mais on peut s'en passer,
07:53mais il faudra réorienter les marchés,
07:54et pour ça, il faudra qu'il y ait des flux
07:55qui soient facilités.
07:57En tous les cas, sur le prix,
07:58il faudra être très vigilant,
07:59parce que je le redis,
08:00si on n'est pas compétitif,
08:01on ne produira pas,
08:02et si on ne produit pas,
08:03on tue notre outil,
08:04et on dépend du reste de la planète.
08:06Nous, ce n'est pas ce qu'on veut
08:06pour l'assiette des Français.
08:07Arnaud Rousseau, président de la FNSEA,
08:09merci d'avoir été avec nous ce matin
08:11sur France Info.
08:11Merci.

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