Avec Christophe Guilluy, essayiste, auteur de "Métropolia et Périphéria
Un voyage extraordinaire" aux éditions Flammarion
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##EN_TOUTE_VERITE-2025-04-06##
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00:00En toute vérité, chaque dimanche, entre 11h et midi, sur Sud Radio Sécurité,
00:08économie numérique, immigration, écologie, pendant une heure chaque semaine, nous débattons sans tabou
00:13des grands enjeux pour la France d'aujourd'hui et de demain. Et ce dimanche, nous avons le
00:17plaisir de recevoir le géographe Christophe Guilhuis. Il viendra évoquer avec nous son
00:22nouveau livre, Métropolia et Périphéria, qui vient de paraître chez Flammarion et
00:27dans lequel une malefable Orwellienne s'attire et autobiographie, pour mieux toucher du doigt,
00:33la contestation existentielle initiée par les gens ordinaires. Mais nous évoquons également
00:38l'actualité politique, une semaine après la condamnation de Marine Le Pen et alors que ses
00:43partisans se rassemblent à Paris. En éliminant Marine Le Pen de la course à la présidentielle,
00:48est-ce la voix des classes populaires qu'on essaie de faire taire ? Le barrage judiciaire pourra-t-il
00:53faire reculer la vague populiste ? Au contraire, la fera-t-il grossir, comme cela a été le cas aux
00:59Etats-Unis avec Donald Trump ? Tout de suite, les réponses de Christophe Guilhuis, en toute vérité.
01:03En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio, Alexandre Devecchio.
01:08Christophe Guilhuis, bonjour ! Heureux de passer cette heure avec vous. On va parler de votre
01:14nouveau livre, Périphéria et Métropolia, ou plutôt l'inverse. C'est chez Flammarion. Vous
01:22poursuivez votre réflexion sur le devenir des classes populaires. Je voulais commencer par
01:28une question d'actualité, mais c'est en lien avec toute votre oeuvre. Vous essayez, à travers vos
01:34livres, de faire entendre la voix des gens ordinaires. Est-ce que l'élimination de la
01:40course à la présidentielle de Marine Le Pen, par la justice, est aussi un moyen de faire taire
01:48cette voix, d'invisibiliser ces classes populaires qui se révoltent ? Non. Je vais essayer de
01:57développer quand même. Je pense qu'il y a un biais médiatique qui est d'imaginer que tout se
02:06réalise dans le microcosme politique. C'est ce que j'explique depuis des années. On a un
02:15mouvement de contestation. Quand je dis les gens ordinaires, la majorité ordinaire, je dis la
02:20société elle-même. Très souvent, on imagine que je parle des marges, d'un segment de la population,
02:26de la deuxième France, etc. Non, je parle de la France elle-même, dans sa diversité. Ce qui est
02:36vraiment frappant, c'est que ça fait une semaine qu'on parle de cette question judiciaire ou
02:41politique. Sans comprendre une chose, c'est que finalement on a un immense problème en France,
02:49mais aussi en Occident. Ce ne sont pas des candidats qui sont inéligibles, c'est le peuple
02:56qui est inéligible. C'était ma question. Ma question n'était pas, mais ce sera peut-être la
03:03suivante. Est-ce que ça permettra de les faire taire ? Est-ce que ça réussira ? Le but est
03:10d'invisibiliser ce peuple que vous n'écrivez pas. Après, il y a des mécanismes. Je ne veux pas
03:15répéter tous les commentaires qu'on a entendus depuis dimanche dernier. Le juge a dit le droit,
03:23et l'exécution immédiate est un peu excessive. Une fois qu'on a dit ça, on a tout dit, etc. Ce
03:30qui est très important, c'est que vous avez quand même un micro-cause médiatique, médiatico-politique
03:37qui imagine que l'âge du capitaine, le tribun populiste est celui qui va emporter la mise.
03:46C'est lui qui tire le peuple vers un changement de société. Vous n'arrêtez pas de le répéter,
03:51le tribun populiste est la marionnette du peuple et non l'inverse. Complètement. Les gens utilisent
03:57ce qu'ils ont sur le marché pour dire « nous existons ». Ils peuvent utiliser beaucoup de
04:01choses. Aujourd'hui, ils vont utiliser aussi la moto d'Alexandre Jardin. J'avais écrit il y a 20
04:16ans qu'on a un modèle économique néolibéral, globalisé, etc. qui a tout misé sur la
04:21terciarisation. La terciarisation est essentiellement concentrée dans les grandes métropoles. Je
04:26rappelle quand même qu'encore aujourd'hui, plus de 80% de l'emploi se crée dans les grandes
04:29métropoles françaises. Sauf qu'il n'y a que 30% de la population qui vit là, qui quitte les autres
04:36territoires. Les autres territoires, c'est ceux qui créent le moins d'emplois, parfois qui se
04:39désertifient en termes d'emploi et d'industrie, etc. Il y a quelque chose qui ne va pas dans
04:44l'organisation territoriale et économique depuis les années 80. Le Paris de Tchourouk, d'un pays
04:52qui serait fait d'entreprises sans usines, est en train d'exploser. D'exploser pas spécifiquement
04:59à cause de l'organisation territoriale française, mais par rapport à la mondialisation. On avait
05:04misé sur le fait que les Chinois, les Indiens allaient travailler pour nous et que nous,
05:07bien malins, on allait se concentrer dans les emplois hyper terciarisés. Ça ne s'est pas
05:14produit comme ça. Pire, on voit bien que ça dysfonctionne de plus en plus. Je pourrais donner
05:21simplement un indicateur. On emprunte 750 millions d'euros sur les marchés financiers chaque jour.
05:27Ce n'est pas chaque mois. Il y a quelque chose qui ne marche pas. On a fait beaucoup de redistributions
05:33en France, certes, mais le compte n'y est pas. Les gens l'ont parfaitement compris. Ils font un
05:39diagnostic de leur propre vie, de leur existence, de leur mode de vie, de l'évolution économique de
05:46leur territoire. Ils se disent qu'il y a quelque chose qui ne va pas aller. Ils se servent de tout
05:53pour dire leur contestation. Pourquoi ? Parce que l'offre politique aujourd'hui ne prend pas en
05:59compte leurs demandes sociales, leurs demandes culturelles, leurs demandes économiques. Ils vont
06:05utiliser beaucoup de choses. On a vu le Brexit en Grande-Bretagne. On peut imaginer Trump aux
06:11Etats-Unis. Ils vont prendre ce qu'il y a sur le marché pour dire que nous existons. L'âge du
06:16capitaine n'a rien à voir là-dedans. Ce que vous voulez dire, c'est que ce soit Marine Le Pen,
06:20Jordan Bardella ou quelqu'un d'autre, ce mouvement de révolte des classes populaires se traduira
06:25d'une manière ou d'une autre dans les urnes ou ailleurs ? Bien sûr, parce qu'il est existentiel
06:30justement. L'erreur, c'est d'imaginer qu'on a là un mouvement qui serait une répétition de
06:37mouvements sociaux qu'on a connus au 19e siècle, au 20e siècle, etc. Je revendique des droits. Là,
06:44ce n'est pas ça. C'est le mouvement des dépossédés. C'est le mouvement des gens qui ne veulent pas
06:49disparaître. C'est le mouvement des gens qui ont été dépossédés de ce qu'ils ont et de ce qu'ils
06:53sont et qui veulent continuer la société. Ils veulent continuer à partager ce qu'est une
06:59société, l'échange, les valeurs humaines, etc. Donc ça, c'est beaucoup plus puissant et beaucoup
07:04plus fort. Quand on fait une analyse microscopique, l'analyse politique, par rapport à quelque chose
07:11qui est absolument tellurique, et c'est pour ça que j'ai voulu écrire ce livre sous la forme d'une
07:19fable. En réalité, ce n'est pas pour faire un pas de côté. C'est pour aller à l'essentiel. Et
07:24l'essentiel, il est culturel. L'essentiel, c'est ce que j'appelle Périphéria, qui correspond à
07:32l'ensemble de ces territoires qui vivent en dehors des grandes métropoles, donc de la
07:37globalisation néolibérale et où vit la majorité des classes populaires et des classes moyennes.
07:45Ce mouvement de Périphéria, il ne va pas s'arrêter. Parce que s'il s'arrête, c'est la société qui
07:53disparaît. Et c'est un moment absolument crucial aujourd'hui. Le monde occidental est en train de
08:02vivre un basculement du centre de gravité de Métropolia vers Périphéria. Pourquoi ? Parce
08:11que Métropolia, ça a été l'horizon indépassable. Pas seulement de la technostructure française,
08:16mais aussi des élites partout en Occident. Mais pas parce qu'il y avait un complot. Simplement
08:24parce qu'on avait imaginé que le modèle qu'on avait choisi dans les années 80 serait profitable
08:30pour tout le monde. Ça n'a pas été le cas. Et vous avez la société qui conteste tout cela.
08:36Et pourquoi Métropolia refuse de le voir, d'entendre cette société ? Est-ce que cette
08:43décision ne va pas accroître le sentiment de dépossession démocratique ?
08:47Je ne pense pas que ça va jusque là. Je pense que simplement Métropolia est dans une logique de
08:53bulle culturelle. C'est un aveuglement. C'est pour ça que moi je me sers beaucoup de la géographie.
09:01Je suis géographe, c'est un peu normal. Pour expliquer que l'enfermement des classes
09:06supérieures dans ces citadelles métropolitaines crée derrière non seulement un assèchement de
09:14la pensée, parce que ce n'est pas terrible ce qui se produit culturellement dans ces grandes
09:19métropoles, mais aussi un sentiment de peur. Parce que dans les grandes métropoles, on a
09:27tourné le dos à l'Interland. On a tourné le dos à la société elle-même. Vous le remarquerez,
09:33quand il y a un mouvement social, type Gilets jaunes, on envoie des experts,
09:37comme dans un zoo humain, pour nous expliquer qui sont-ils, que mangent-ils, ont-ils des écrans
09:4916-9 dans leur appartement ou dans leur salon, comment vivent leurs enfants, etc. C'est fascinant.
09:58C'est-à-dire que moi, ce que j'observe quand même à Paris par exemple, les gens ont une connaissance
10:06hyper pointue de ce qui se passe à New York, Shanghai, Milan, mais sont dans une impossibilité
10:13de comprendre ce qui se passe dans la société elle-même. Et ça, quand vous avez une méconnaissance
10:19parfaite de ce qu'est la société française, vous allez développer une forme de peur pour tout ce
10:26que vous ne connaissez pas. Est-ce que vous vous diriez que Metropolia est xénophobe d'une
10:33certaine manière ? C'est la peur de l'étranger, c'est ce que vous dites. Le vrai autre, c'est-à-dire que le vrai
10:45autre, c'est celui qui ne partage pas sa condition sociale par exemple, qui vit sur des territoires
10:50qui ne sont pas les vôtres, qui ne vit pas dans l'hyper mobilité métropolitaine, qui ne roule pas
10:55en Tesla ou en voiture électrique, et là, ça génère des représentations. Mais d'ailleurs, j'en veux
11:03même pas aux gens de Metropolia, parce que tout ça, si vous voulez, on est dans une guerre de
11:08représentation. C'est-à-dire que moi je l'ai vu en créant le concept de France périphérique, qui était
11:12une façon de simplement d'éclairer ce qu'étaient encore les sociétés occidentales elles-mêmes,
11:17puisque ça marche aussi aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne et ailleurs. C'était vraiment
11:23l'idée de dire, voilà, on a une représentation de l'espace qui va des grandes métropoles, vous
11:30prenez un TGV, vous allez sur le littoral atlantique, donc les résidences secondaires des
11:34métropoliens. Et entre, il n'y a à peu près rien. Et d'ailleurs, je me rappelle quand même de cartes de
11:40la DataArt dans les années 80, où on représentait l'espace uniquement avec des grosses concentrations
11:46urbaines. Il y avait déjà ça. Et ce sont ces cartes qui ont été utilisées par la SNCF pour justifier
11:53la fermeture de gares. Et d'ailleurs, c'est ce qui s'est produit, je crois qu'entre 1980 et
12:002010, il y a 34% des gares ferroviaires qui ont disparu. Et puis on a tout misé sur le TGV. Et
12:08puis maintenant, on se rend compte qu'il y a des gens. Et vous voyez, il y a des tas de
12:12représentations qui ont été diffusées dans les médias. Par exemple, quand il y a eu les Gilets
12:17Jaunes, on a dit, c'est la France du vide. Sous-entendu, c'est ceux qui ne sont rien d'une
12:23certaine manière. Et puis comme les gens ont des difficultés à comprendre ce qu'est exactement
12:28l'espace, on va imaginer que cette France-là, ça va être la France de la paysannerie ou des ruraux,
12:36etc. Moi, ce que j'ai essayé de faire avec la France périphérique, c'est de dire, non,
12:39cette France-là est tout à fait urbaine ou rurale ou périurbaine. C'était un continuum
12:46socio-culturel. Merci Christophe Guilhuy. On se retrouve après une courte pause sur Sud Radio.
12:51En toute vérité, on continue à parler de votre livre, Métropolia et périphéria. Livre qui tombe
12:58bien par rapport à l'actualité politique. Mais je crois que, oui, c'est très haut des classes
13:03populaires. Vous avez dit un jour qu'elle durerait une centaine d'années. Donc, ça risque de rester
13:07d'actualité très longtemps. Et j'explique comment ça va se terminer dans le livre. Merci, à tout à l'heure.
13:11En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio, Alexandre Devecchio. Nous sommes de retour sur Sud Radio
13:18avec le géographe Christophe Guilhuy, auteur de Métropolia et périphéria, un voyage aux
13:23extraordinaires. C'est aux éditions Flammarion. Vous poursuivez votre réflexion justement sur
13:29cette France périphérique, cette révolte des classes populaires, d'une manière un peu différente
13:36parce que c'est à travers une fable quasiment orwellienne, avec effectivement Métropolia
13:43et périphéria. Mais est-ce que, d'une certaine manière, cette fable se matérialise dans
13:49la réalité ? Aujourd'hui même, on en a parlé tout à l'heure avec cette manifestation contre
13:55les ZFE, donc les zones à faible émission. Les voitures dites polluantes n'auront pas le droit
14:01de circuler justement dans Métropolia. Est-ce que c'est Métropolia qui chasse périphéria ?
14:08Là encore, sur la mesure, on est dans une folie extrême. Et je crois que ça
14:18rejoint le sentiment de peur. C'est-à-dire que les métropoles sont devenues des citadelles et là,
14:25maintenant, on institue l'octroi et on ferme les grandes villes à double tour. Et ce qui est
14:32fascinant, c'est que les gens qui conçoivent tout ça n'ont même pas idée de ce qu'ils font. C'est
14:38pour ça que je parle d'un tachisme culturel. Il n'y a pas vraiment d'affrontement, il y a
14:46simplement une méconnaissance. Et aujourd'hui, on arrive finalement à la fin du processus. Je
14:55crois qu'au final, peut-être que les gens des métropoles demanderont leur indépendance quand
15:00ça commencera à tanguer sérieusement. Mais on voit bien la stupidité. C'est pour ça que la
15:08question des représentations est fondamentale. À partir du moment où vous considérez que les
15:12grandes métropoles sont tout, sont l'ensemble de la société, évidemment, vos mesures sont
15:18rationnelles. Mais à partir du moment où vous considérez à l'inverse que la France périphérique
15:25est très majoritaire, et elle existe, là c'est différent. Pourquoi c'est différent ? Parce que,
15:30je le répète, la question de l'accès à l'emploi est fondamentale. Pour la première fois dans
15:37l'histoire, les classes populaires et moyennes ne vivent pas là où se crée l'emploi. Rien que
15:42cette affirmation devrait, dans des esprits normalement formés, entraîner une recomposition
15:53économique des territoires. Se dire finalement, oui, peut-être qu'il faut créer de l'emploi là
15:58où vivent les gens. Mais là, c'est le contraire qui se produit. Il y a une contestation, on va
16:06boucler les villes à double tour et on va attendre. Et là, la symbolique de Jardin avec
16:14sa moto, j'espère qu'il ne va pas être seul sur sa moto... On rappelle pour ceux qui ne sont pas
16:23au courant qu'il va être accompagné des bikers dans cette manifestation. Mais pas que, tous ceux
16:30qui trouvent cette mesure injuste. Il y a une belle symbolique. Les gueux, comme il dit. Alors
16:36lui, il ne dit pas les dépossédés, il ne dit pas les périphériens, il dit les gueux. C'est un terme
16:41qui vous parle ? Oui, pourquoi pas. Moi, je préfère les dépossédés. Ce qui est intéressant, c'est
16:49que... D'ailleurs, il me semble qu'Alexandre Jardin vit au Canada. Au Québec, oui, je pense. Et ça
16:57m'a rappelé le mouvement des camionneurs canadiens qui venaient du Canada périphérique et qui sont
17:06des camions qui sont rentrés dans les grandes métropoles canadiennes. Donc on voit bien qu'à
17:11chaque fois, la dynamique culturelle est exactement la même. Et l'erreur fondamentale de nos dirigeants,
17:19c'est d'imaginer qu'il y a là simplement une révolte. Il n'y a pas là une révolte, il y a
17:25simplement l'envie de continuer un mode de vie, une société à peu près rationnelle. C'est
17:33complètement différent. Justement, cette envie de continuer la société, vous l'avez dit,
17:40elle peut se manifester de différentes façons. On parlait possiblement de cette manif, pas
17:46possiblement, de cette manif contre les indéfaits. Il se trouve qu'aujourd'hui, il y a plusieurs
17:50manifs. On avait commencé l'émission avec ça, avec l'éviction de Marine Le Pen de l'élection
17:54présidentielle. Il y aura la manifestation des partisans de Marine Le Pen, une contre-manifestation
18:00de la gauche et cette manifestation des ZFE. A votre avis, où est-ce qu'il y aura le plus de
18:06monde ? En tout cas, j'allais dire que symboliquement, ce qui me parle le plus, c'est effectivement la
18:14manifestation des motards et cette question des ZFE. Pourquoi je dis ça ? C'est qu'on oublie une
18:22chose, c'est qu'on a eu un processus qu'avait repéré Christophe Horlache dans les années 80 de
18:26sécession, ce qu'il appelait la sécession des élites. Il n'avait pas vu une chose, c'est que
18:31ça irait beaucoup plus loin. Parce que le modèle économique étant ce qu'il est, le modèle
18:37territorial étant ce qu'il est, vous avez eu par porosité une sécession de l'ensemble des catégories
18:43supérieures. On est bien sur 20-25% de la population. C'est quand même beaucoup.
18:49C'est métropolien. Donc on est quand même sur une masse démographique très importante. C'est pas
18:56vraiment anodin. Ces populations, en s'enfermant dans ces grandes métropoles, ont créé une forme
19:06de rupture anthropologique avec l'autre société. Ce qui s'est produit, c'est que la sécession des
19:15catégories supérieures a entraîné une autonomisation culturelle des classes populaires et moyennes.
19:20Pourquoi je dis ça ? On peut le vérifier même statistiquement, par le vote ou le non-vote. Je
19:28rappelle quand même l'abstention qui a fortement monté en milieu populaire dans l'ensemble de ces
19:33territoires-là. Évidemment le vote populiste, mais évidemment aussi une forme de défiance pour tout
19:39ce qui était prescripteur d'opinion. Évidemment les médias, le monde politique, etc. Ça a été
19:45analysé comme une forme d'anomie, de je-m'en-foutisme, voire de radicalité. Non, je pense que les gens
19:57sont très sensibles à leur représentation culturelle dans les médias. Quand vous avez
20:05une représentation culturelle qui est celle de déplorable, vous coupez la télé. C'est-à-dire
20:14qu'à un moment donné, il faut quand même s'interroger sur le fait que pourquoi est-ce que
20:17les gens ne regardent pas ou peu les chaînes info, contrairement à ce qu'on imagine, lisent peu les
20:24journaux. Ce n'est pas parce qu'il y a un manque d'intérêt pour la chose publique. C'est qu'ils
20:28ne s'y retrouvent pas dans ces représentations-là. Quand vous ajoutez là-dessus toute la
20:35représentation d'ordre universitaire et autres de ces territoires-là, de ces gens-là, il y a
20:41une forme d'autonomisation. Et l'autonomisation a créé quelque chose de très particulier. C'est
20:45qu'elle a créé une forme de désidéologisation. C'est-à-dire que les gens ne se réfèrent plus
20:49à des idéologies, ni de gauche, ni de droite. Oui, ni même autour du Rassemblement National,
20:54parce qu'on aurait pu imaginer que ce parti, et il parle à une partie des classes populaires,
20:59il suffit de regarder les sondages, mais justement que ce mouvement contre les ZDF convergent peut-être
21:05avec la manifestation pro-Le Pen. Ce n'est pas du tout le cas. Est-ce que ça confirme votre
21:12diagnostic de dépolitisation ? Est-ce qu'à un moment donné, ce n'est pas aussi un handicap
21:16pour ces classes populaires de ne pas avoir de représentants ? Non, le mouvement culturel va
21:21se poursuivre, va se densifier au rythme de la dépossession économique et culturelle des
21:29habitants de ce pays. Vous pouvez imaginer tous les discours politiques, à un moment donné,
21:36il y aura une majorité qui va se cristalliser pour renverser la table. Quelle forme ça va
21:41prendre ? Dans la rue ? Dans les urnes ? Je ne sais pas. Mais le mouvement est lancé, et en tout
21:47cas, ce qui est certain, c'est que la désidéologisation n'est pas quelque chose... Comment
21:53dire ? On l'analyse souvent comme une faiblesse, et je crois qu'en réalité, aujourd'hui, c'est une
21:58force. C'est-à-dire que les gens mettent en avant des valeurs, mettent en avant leur culture, mettent
22:03en avant ce qu'ils sont eux-mêmes. Et ça, c'est irrépressible, c'est quelque chose de très solide.
22:08La défense... D'ailleurs, on le voit très bien, même dans les sondages. Que souhaitent les
22:15habitants de ce pays ? Mais j'allais dire aussi, que souhaitent les Américains, les Italiens ou
22:22les Britanniques ? Déjà, très souvent, ils souhaitent travailler dans leur région. Ils n'ont pas
22:33comme horizon la grande métropole, à tout prix, pas du tout. Ils souhaitent préserver un mode de
22:41vie. Donc, vous voyez, c'est à chaque fois, mais j'y reviendrai, plusieurs éléments. C'est mes quatre
22:51points cardinaux, en fait, de la demande populaire. Il y a une demande de travail, il y a une demande
22:56de maintien d'un État-providence fort. Évidemment, une demande de sécurité. Évidemment, une demande
23:01de régulation du flux migratoire. C'est-à-dire que, en fait, cet ensemble-là, il n'est ni de gauche,
23:05ni de droite. C'est ce que n'ont pas compris les idéologues de droite et les idéologues de gauche,
23:10qui sont d'ailleurs hors-jeu. Et c'est bien pourquoi, voilà, ce qui porte le souffle de
23:15Périphéria, c'est d'abord la défense de ce que sont les gens eux-mêmes.
23:20Merci Christophe Guilhuis. On se retrouve après une courte pause sur Sud Radio. En toute vérité, à tout de suite.
23:25En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio. Alexandre Desvecquiaux.
23:30Nous sommes de retour sur Sud Radio. En toute vérité, avec Christophe Guilhuis qui nous parle
23:34de son nouveau livre, Métropolea et Périphéria, un voyage extraordinaire. C'est chez Flammarion.
23:41Vous nous expliquez, en fait, qu'à travers une fable, on va d'ailleurs reparler de la forme du
23:46livre qui est inattendue pour vous. C'est la première fois que vous faites un détour vers
23:51l'anticipation. J'allais dire que c'est logique. Allons-y alors, parlons de cette forme-là.
23:58Non, parce que, comme je vous disais tout à l'heure, on vit un moment absolument tellurique,
24:03qui dépasse les chiffres, qui dépasse la politique, qui est la question existentielle
24:12de nos pays. Donc, ça dépasse toutes ces questions-là. Et finalement, je me disais,
24:20mais qu'est-ce qui reste des siècles passés ? Qu'est-ce qui reste du 18e siècle ? Qu'est-ce
24:26qui reste du 19e ou du 20e siècle ? Pas de chiffres. Il reste de la littérature, il reste
24:33des fables, il reste du théâtre. Et finalement, je me suis dit que c'est aussi par ce biais qu'on
24:39peut aller à l'essentiel. Pourtant, on vous a beaucoup reproché, justement, sur vos précédents
24:44livres, de ne pas avoir assez de chiffres, de faire de l'idéologie, justement. Mais vous en
24:49fichez ? La question, c'est qui est l'émetteur ? Il se trouve que je me suis un peu renseigné,
24:56l'émetteur était souvent mon concurrent dans le business. D'ailleurs, c'est très drôle,
25:04c'est que les premiers livres que j'ai écrits, on me disait qu'il y avait trop de chiffres. Et
25:08puis surtout, j'attends toujours la contestation absolue de mes chiffres ou de mes écrits.
25:15C'est-à-dire que j'attends toujours, je n'ai toujours pas d'informations par rapport à ça.
25:21Mais la question des chiffres, et j'allais dire, le diagnostic est posé. Je l'ai posé,
25:29d'autres l'ont posé. Et ce qui est fascinant, c'est de se dire, finalement, ça fait près de 15
25:37ans, 20 ans qu'on abreuve nos dirigeants de data, de synthèse, de cartographie, etc. Et qu'il ne
25:46se passe absolument rien. Finalement, c'est plus on a l'accès à la data, plus on a accès aux
25:51chiffres, moins on comprend. Et ça me rappelle quand même une réflexion qu'on avait, je me
26:00souviens, quand j'étais jeune, nos pères nous disaient, mais qui est intelligent est intelligent
26:05celui qui comprend. Et là, j'ai l'impression que plus ils sont informés et plus ils ont de chiffres,
26:13moins ils comprennent. Et c'est pour ça que j'ai voulu aller à l'essentiel. C'est pour ça que je
26:16dis que pour moi, cette forme est absolument, déjà un, très compréhensible et deux, permet d'aller
26:25sur le culturel et sur l'existence même de nos sociétés. Et c'est pour ça que je ne le vis
26:33absolument pas comme un pas de côté, absolument pas comme une posture littéraire ou autre. C'est
26:39vraiment aller au plus loin et puis surtout expliquer comment ça va se terminer. Alors vous
26:44expliquez effectivement comment ça s'est terminé, donc la victoire d'une certaine manière de
26:48périphéria, puisque vous avez expliqué que c'est un renversement et que tout à un moment, il y aura
26:53une majorité politique notamment, mais pas que, pour représenter les gens ordinaires. Vous ne
27:03croyez pas à la thèse de l'archipélisation de la société, ni à celle du grand remplacement Christophe
27:09Guillouin ? Non, ni à l'un ni à l'autre. C'est-à-dire que la question du morcellement infini de la société,
27:16elle est une... Déjà c'est un biais marketing, c'est une représentation très libérale, très
27:25néolibérale de la société. C'est penser la société en segment. D'ailleurs je rappelle qu'au moment des
27:34Gilets jaunes, c'est exactement l'inverse. C'est à dire que c'est un moment où vous avez
27:39sur des ronds-points des jeunes, des vieux, des gens du service public, du service privé. En région
27:45parisienne, des gens issus de l'immigration, des gens issus des dom-toms. J'en rappelle quand même
27:52un des épicentres du mouvement des Gilets jaunes, c'était les dom-toms. Et vous avez aussi
27:59tout ce qu'on nous expliquait depuis 20 ans, à savoir morcellement infini, atomisation, etc.
28:08Les gens ordinaires nous ont exactement dit le contraire. C'est à dire que quand il y a quelque
28:12chose qui touche à l'existence, on se réunit. Et mieux, je rappelle quand même, en tout cas au
28:17début du mouvement, 80% des gens se reconnaissaient dans ce mouvement des Gilets jaunes. Et ça,
28:24c'était une représentation très dangereuse pour nos dirigeants. Et d'ailleurs nos dirigeants,
28:30notamment Emmanuel Macron, qu'est-ce qu'il a fait au moment des Gilets jaunes ? Il a organisé ce
28:34qu'il a appelé un grand débat. Et le grand débat, c'était quoi ? C'était imposer une
28:39représentation, celle que vous dites actuellement, à savoir très morcelée de la société, très
28:43panélisée. Il a réuni des femmes seules, il a réuni des maires ruraux, des jeunes, des vieux,
28:51enfin bref, on était à nouveau dans l'agence de publicité qui était en train de réfléchir
28:56à quelle catégorie j'allais pouvoir faire des chèques. Ce n'est pas la société, mais c'est
29:01une représentation parfaitement rationnelle pour le monde de l'entreprise néolibérale. C'est une
29:07représentation qui peut être intéressante, mais qui ne correspond pas du tout à ce qu'est la
29:14société. Enfin, sur la question des flux migratoires, là encore, la question de la
29:21régulation est partagée par tout un chacun. La question de la régulation des flux migratoires
29:27n'est pas une question ethnique. Je rappelle que cette question-là, elle est posée tout aussi bien
29:32dans les dom-toms que d'ailleurs dans tous les pays du monde. Ce n'est absolument pas quelque
29:38chose qu'il faut essentialiser. On va en parler un peu de l'exemple des Etats-Unis, mais effectivement
29:43Donald Trump aujourd'hui a une partie de l'électorat, une grande partie de l'électorat latino, par
29:48exemple, même de l'électorat noir, qui sont favorables aux Etats-Unis à davantage de régulation
29:54des flux migratoires. C'est-à-dire que, d'ailleurs je crois que c'est Vance qui avait suggéré ça à Trump,
29:59la working class américaine n'est pas celle d'hier. La working class américaine d'aujourd'hui, du
30:0921e siècle, ne ressemble pas à la working class des années 50. Bref, la working class n'est plus
30:16la working class blanche des années 50. Elle s'est recomposée ethniquement et les gens ordinaires n'ont
30:23pas de problème avec l'accession ethnique. C'est pour ça que j'insiste lourdement là-dessus. Les
30:28gens vivent parfaitement déjà, et à périphéria c'est le cas, d'une société qui est multi-ethnique et
30:36multi-confessionnelle. Mais ça ne veut pas dire multi-culturelle, c'est-à-dire attachement à un
30:40mode de vie. Et donc le latino moyen qui travaille aux Etats-Unis a envie de poursuivre le mode de
30:45vie américain. Mais c'est exactement la même chose en Europe occidentale. L'erreur c'est de penser
30:55la contestation qu'on vit aujourd'hui avec le rétroviseur, en imaginant qu'on a là un retour
31:04en arrière. C'est pour ça que je crois absolument pas, et d'ailleurs c'est vrai dans les milieux
31:09populaires, le c'était mieux avant mais comme ce sera mieux demain, ce ne sont pas des références
31:14pour les milieux populaires. Ce qui est important c'est le présent, c'est se lever le matin, savoir
31:18combien je vais gagner, etc. Je le dis toujours, le monde de périphéria a cette particularité par
31:26rapport à celui de métropolia, il est celui des limites. Et la question des limites est fondamentale.
31:32D'ailleurs on le voit bien, dans tous les mouvements gilets jaunes, les motards, etc.
31:38C'est la question des limites, même physiques, elles sont une réalité. Mais ce sont aussi des
31:44limites anthropologiques, des limites culturelles. Pourquoi est-ce que métropolia, périphéria,
31:50serait plus dans le monde des limites ? Tout simplement parce que quand vous êtes limité
31:55matériellement, vous ne pouvez pas faire n'importe quoi. Et d'ailleurs c'est très frappant, c'est
32:00que dans les représentations négatives qu'on donne des gens ordinaires, il y a toujours cette idée
32:03que ce sont eux qui portent finalement les représentations les plus négatives. On va
32:08expliquer qu'ils sont consuméristes, on va expliquer qu'ils sont individualistes, que
32:13l'américanisation elle est là, etc. Je ne dis pas que tous ces éléments n'ont pas aussi imprégné
32:19cette société, mais fondamentalement à 1000 euros par mois, à 1500 euros par mois, on n'a pas les
32:24moyens d'individualisme, on n'a pas les moyens du nihilisme, on n'a pas les moyens non plus d'être
32:30hyper mobile. C'est finalement ce que vous appelez la décence commune, ça vous est souvent reproché,
32:35parce que certains vous reprochent d'idéaliser les classes populaires, vous dites non c'est pas
32:38une idéalisation, en fait leur réalité fait qu'elles sont solidaires, qu'elles n'ont pas d'autre choix
32:44que d'être solidaires. D'ailleurs c'est très drôle, c'est qu'à chaque fois que je parle de décence
32:47commune, mais je me rappelle, pour en avoir discuté avec Jean-Claude Michiat, qui a beaucoup parlé
32:52d'Orwell, que je salue évidemment, et évidemment c'est très intéressant de voir que le monde
33:01intellectuel, le monde universitaire, mais aussi le monde politique, d'ailleurs de droite comme de
33:05gauche, c'est assez fascinant, est vent debout contre cette idée que dans le peuple il y aurait
33:12quelque chose de positif. Il n'y a pas tellement de représentation positive, et c'est pour ça que je
33:18m'intéresse beaucoup aux représentations culturelles des gens ordinaires, et là quand vous initiez
33:23ce débat autour de la common decency, de la décence commune, les gens sont vent debout, en tout cas du
33:32côté métropolien. Je pense simplement que ça fait peur, ça fait peur de voir des gens qui sont encore
33:40dans une forme de solidarité, pour qui les valeurs humaines sont encore très importantes, et moi je
33:48dis ça en le surlignant, c'est-à-dire que la question des valeurs humaines, même si c'est un
33:53peu désuet d'en parler aujourd'hui, c'est quelque chose qui dit la richesse de nos sociétés encore,
34:01et c'est pour ça que je déteste la posture nihiliste du type qui est sur le Titanic et qui
34:06sabre le champagne, attendons, nos sociétés sont en train de mourir. Non, il y a encore une force de
34:13vie, et quand vous dit ça, vous n'avez plus peur. Je vais prendre mon habit de pape et de Jean-Paul II,
34:21n'ayez pas peur, c'est vraiment ce que j'ai envie de dire. Personnellement, je n'ai pas peur des
34:33gauchistes, des fascistes, des islamistes, ni des féministes. Tout est dit, pourquoi je n'ai pas
34:39peur ? Parce que simplement, je crois encore aux valeurs humaines, c'est-à-dire que la richesse est
34:45en nous, la richesse est en nous, la décence est en nous, et j'allais même plus loin, je pense que la
34:50joie est encore en nous, et quand je donne mes valeurs cardinales de la demande populaire,
34:55quand je dis travail, état-providence, avec finalement l'idée du bien commun, c'est aussi ça,
35:03se dire que si une société est rationnelle, elle continue à être portée par ces valeurs-là,
35:11qui sont des valeurs absolument universelles et auxquelles ne croient plus Métropolitain.
35:15C'est pour ça que je dis toujours, le débat n'est pas élite-peuple, le débat, il est essayer de
35:21recoller les morceaux, parce qu'il y a toujours eu des élites, je lis beaucoup de littérature,
35:27la grande culture intellectuelle française, c'est quelque chose qui m'a imprégné,
35:32sauf qu'il y avait quand même une grande différence avant les années 60 ou jusqu'aux années 60,
35:40c'est que l'élite culturelle ou l'élite politique parlait au nom et était au service du bien commun,
35:48donc au service des gens ordinaires. Je dis toujours, qu'est-ce qu'un bon politique ? Ce n'est pas un
35:55type qui est de gauche ou de droite, c'est un type qui aime les gens, alors évidemment,
35:59quand on dit ça, on passe pour un naïf, etc. Mais c'est fondamental, parce que pourquoi je dis ça,
36:04c'est que je les ai rencontrés, et fondamentalement, beaucoup n'aiment pas les gens,
36:11alors où ils n'aiment pas les gens, où vraiment, ça ne les intéresse pas,
36:14en fait, c'est pas terrible pour eux, c'est quand même pas terrible.
36:18Merci Christophe Guilhuy, on se retrouve pour la dernière partie de notre émission,
36:22En Toute Vérité, sur Sud Radio, à tout de suite.
36:25En Toute Vérité, 11h30, sur Sud Radio, Alexandre Devecchio.
36:29Nous sommes de retour sur Sud Radio, avec le géographe Christophe Guilhuy,
36:33qui vient nous parler de son livre « Métropolais et périphériens, un voyage extraordinaire »,
36:37c'est chez Flammarion, un livre dans lequel vous déclivez finalement le grand basculement de la
36:43société française, mais de toutes les sociétés occidentales, avec cette autonomisation. Je vais
36:52y arriver. Des classes populaires qui sont en train de prendre le pouvoir à travers différentes
36:59vagues populistes qu'on peut observer dans beaucoup de démocraties occidentales, notamment, je dirais,
37:06aux Etats-Unis. Est-ce qu'il faut faire un parallèle entre la situation aux Etats-Unis et la
37:11situation française ? On se souvient que Donald Trump, on pensait qu'il était fini après le
37:16capital, on pensait que ses ennuis judiciaires allaient lui interdire d'accéder à la présidence
37:21de la République, ça a été en fait exactement le contraire, ça a été une forme de booster.
37:25Est-ce que, si on compare avec la situation française, est-ce qu'il peut y avoir le même
37:31effet pour Marine Le Pen ? Pour Marine Le Pen, je ne sais pas, mais ce qui est certain, c'est que
37:39le mouvement qui est lancé ne s'arrêtera pas. Marine Le Pen ou pas Marine Le Pen. D'ailleurs,
37:47on voit dans les sondages que Jordan Bardella est à peu près au même niveau qu'elle.
37:51Ça peut venir d'ailleurs, de l'abstention. Là encore, le casting importe peu. C'est ce qu'on
37:59n'a toujours pas compris, ce qu'on ne veut pas comprendre. D'ailleurs, je pense que c'est un
38:03biais aussi d'un monde intellectuel aujourd'hui qui considère qu'il y a une forme de personnalisation,
38:10de totémisation du politique. L'incarnation, malgré tout, sans le totémiser, l'incarnation,
38:17ça compte. Il a fallu François Mitterrand pour incarner le socialiste. Il a fallu le Général
38:27De Gaulle dans des circonstances historiques particulières. Je pense que si vous prenez
38:34Mitterrand, la société française avait besoin d'un... La raconte entre un homme et un moment
38:41de l'histoire peut-être. Bien sûr. Alors voilà. C'est-à-dire qu'il y a des vagues et il y a des
38:46hommes qui sont capables de prendre la vague. Des femmes. C'est comme ça que je le vois. Vous voyez,
38:53par exemple, Trump, on a beaucoup insisté sur son côté tribun, etc. Le sous-titre est toujours
39:01« il manipule les gens ». C'est bien pourquoi quand il a été battu par Biden, on a dit « ok,
39:08donc c'est terminé ». Trump disparaît, c'est terminé. Mais je pense que même si Trump avait
39:12disparu, le Trumpisme, ce mouvement de contestation de la working class américaine aurait continué.
39:21Il aurait perduré de toute façon. Ils auraient trouvé un autre leader, une autre façon de
39:27s'exprimer. Peut-être une contestation plus radicale dans la rue, je ne sais pas. Mais en tout
39:32cas, pourquoi je dis ça ? C'est que la société telle qu'elle est aujourd'hui, la société occidentale,
39:36n'est pas viable. Ce n'est pas viable. Economiquement, ce n'est pas viable. C'est ce qu'a compris aussi
39:44Trump, qu'il fallait réindustrialiser. Justement, je vais vous poser cette question-là parce que c'est
39:49aussi une émission d'actualité. On entend beaucoup de commentaires sur ce que les journalistes appellent
39:55la guerre commerciale, les tarifs douaniers. Est-ce qu'il y aura probablement des conséquences
40:00peut-être problématiques, y compris sur les classes populaires européennes ? Mais du point
40:06de vue américain, est-ce qu'on peut se contenter de dire, comme on l'entend parfois, Trump est saisi
40:12d'un coup de folie ? Ou est-ce que ça a un sens ? Justement, vous parlez de réindustrialisation.
40:16Est-ce que c'est une manière de réindustrialiser son pays et de s'adresser justement à ces classes
40:21populaires qui ont beaucoup souffert de la désindustrialisation et de la mondialisation ?
40:25Je pense qu'il y a une rationalité. C'est-à-dire qu'il y a un aspect électoral,
40:28satisfaire sa base électorale, et puis un aspect absolument économique, vital pour les Etats-Unis.
40:34Les Etats-Unis ont vécu de l'endettement, ils ont vécu de la financiarisation de l'économie
40:41mondiale et ils ont vécu aussi de l'hégémonie de l'art. Tout ça est en train de se terminer.
40:49Ils perdent la main. De deux choses une, ils se laissent mourir ou ils entament un changement de
40:56modèle. Et c'est ce qui se passe actuellement. Alors, est-ce que ça va marcher ? J'en sais
41:01strictement rien. Mais l'objectif, c'est bien d'aller à l'encontre de Metropolia,
41:06de la financiarisation de l'économie, de la tertiarisation extrême de l'économie,
41:10de cette idée qu'on va vivre de l'exploitation des autres pays et qu'on va être une société
41:20de consommateurs. Voilà, ça c'est terminé. C'est terminé en Occident, c'est terminé aux Etats-Unis,
41:24c'est terminé en France aussi. Vous voyez par exemple qu'on en dit la société de consommation
41:30aujourd'hui en France. De fait, mais ce n'est pas du tout un choix des Français. Les Français
41:36restent attachés au travail. Mais bien sûr, ils préféraient produire que consommer. Enfin,
41:43je veux dire produire et consommer, mais pas seulement consommer. Et d'ailleurs, on voit bien
41:46qu'on arrive à un bout d'un système. S'il n'y a que des consommateurs et plus de producteurs,
41:52ça ne peut pas marcher. Ça ne marche plus. Et surtout avoir les indicateurs en tête. C'est-à-dire
41:55les indicateurs en tête, c'est ce que je vous ai dit tout à l'heure, le taux d'endettement.
41:58C'est-à-dire qu'emprunter 750 millions d'euros par jour, ce n'est absolument pas viable. Imaginez
42:04qu'aujourd'hui, en fait, vous avez encore dans l'ensemble des territoires, très peu de... La
42:13désertification de l'emploi se poursuit et l'hyperconcentration de l'emploi dans les grandes
42:17métropoles se poursuit aussi. Ce n'est pas viable non plus. Donc vous voyez, vous avez plein
42:20d'indicateurs comme celui-là. Vous avez aussi la question de la défiance. Vous ne pouvez pas
42:23faire société avec des gens qui sont en rupture avec la représentation de la société dans les
42:29médias, dans le monde intellectuel et autres. Tout ça doit changer. Pourquoi ça doit changer ?
42:36Parce qu'il y a un effondrement. Il y a un effondrement culturel. Quand vous voyez,
42:39par exemple... C'est pour ça que la question des représentants culturels est très importante. Vous
42:44voyez, par exemple, le nombrilisme du cinéma français. Ça dit quoi ? Ça dit des élites
42:55absolument égotiques qui se regardent dans une petite bulle. Mais à la fin, il y a une production
43:02culturelle qui est très médiocre. Mais vous pouvez tirer le fil et imaginer aussi les élites
43:10économiques aujourd'hui qui ont tout misé sur un modèle économique qui ne fonctionne pas. Alors le
43:16gros problème aujourd'hui, c'est que les gens n'arrivent pas, les dirigeants notamment, n'arrivent
43:20pas à dire « Je me suis trompé. Moi, je rêverais. Moi, je n'ai aucun problème avec nos dirigeants.
43:24Si demain, nos dirigeants actuels nous expliquent qu'on avait tout misé sur un modèle économique,
43:30ça ne fonctionne pas. On en change. Contre-inforcés, ils vont être obligés de changer. Parce que la
43:35Chine ne va pas nous attendre. L'Inde ne va pas nous attendre. Le monde ne va pas nous attendre.
43:39Finalement, les classes populaires ont un temps d'avance sur leurs dirigeants d'une certaine
43:43manière. Il y a une rationalité des existences. C'est-à-dire qu'à un moment donné, oui, se dire
43:53« On va continuer à faire tourner une société en faisant un peu de redistribution, le ruissellement,
43:58etc. ou en faisant des chèques, etc. », ça ne fonctionne pas. C'est pour ça que je pense que
44:03dans toutes les demandes populaires aujourd'hui, les quatre points cardinaux que je disais tout à
44:08l'heure... Est-ce qu'il n'y en a pas un autre qui est une demande de souveraineté, tout simplement,
44:11mais au sens même reprendre son destin en main, reprendre les commandes ? Les commandes,
44:16on se souvient que c'était le slogan du Brexit. Oui, bien sûr, la souveraineté populaire. En
44:23fait, ça s'appelle la démocratie. Et d'ailleurs, pour la petite histoire, je parle beaucoup de la
44:29majorité ordinaire. Et c'est aujourd'hui, plus encore que la commande des Saint-Denis, c'est
44:34pratiquement le gros mot. Quand vous êtes dans des milieux intellectuels et autres, quand vous
44:37commencez à parler de majorité, on vous explique. Mais c'est quoi la majorité ? Ça n'existe pas.
44:41Il n'y a pas de majorité. Il n'y a pas de peuple. Il n'y a pas de majorité. Et donc on voit bien
44:44qu'en fait... On voit d'ailleurs que la souveraineté populaire a totalement été,
44:48enfin totalement, en grande partie, évacuée de la démocratie. Et là, si on reprend notre débat
44:54du début sur la justice, bien sûr, la justice a appliqué le droit. Mais la démocratie, ce n'est
45:00pas seulement l'état de droit. C'est avant tout des gens qui votent sur des orientations politiques.
45:04C'est pour ça que j'ai démarré là-dessus. C'est-à-dire que ce sont les classes populaires
45:12et moyennes qui ne sont plus éligibles. C'est elles. Et ça, ça pose un sacré problème. Elles ne sont
45:18plus éligibles et ne sont plus légitimes. Et c'est ce qui est en train de s'inverser aujourd'hui. Après,
45:24la question de la justice, on peut aller plus loin. En fait, on a un modèle économique. C'est pour ça
45:30qu'il faut relire Balzac et Zola. Quand vous relisez Balzac et Zola, notamment sur la bourgeoisie
45:36et la petite bourgeoisie, il y avait quelque chose qui était assez frappant à cette époque. C'est
45:40que la bourgeoisie assumait ce qu'elle est et ses décisions. Parfois violemment. Même l'histoire
45:47de la commune, c'est quand même des perseillais qui assument quelque chose. Aujourd'hui, on a
45:50ça de très particulier. C'est que les classes dirigeantes et la bourgeoisie d'aujourd'hui,
45:54bourgeoisie dite progressiste, il faut quand même toujours mettre des guillemets là-dedans parce que
45:58le progressisme qui a mis à l'écart la moitié de la population, les trois quarts, ce n'est pas
46:02du progressisme. C'est très important de voir que cette nouvelle bourgeoisie, la bourgeoisie cool
46:09d'aujourd'hui, n'assume pas le fait d'être une bourgeoisie, n'assume pas son statut de classe,
46:13elle n'assume absolument rien et va se défausser. Les dirigeants aujourd'hui se défaussent sur la
46:19justice qui n'y est pour rien. Il y a eu un débat sur la justice mais la justice n'a que le pouvoir
46:25qu'on lui donne. Mais pas seulement, elle se défausse sur des associations, elle se défausse sur
46:32le monde culturel, elle peut même se défausser sur des chanteurs ou des sportifs. On n'assume
46:38pas ce qu'on est et ça c'est un immense problème. Une dernière question pour finir, il nous reste
46:4430 secondes. C'est aussi un livre personnel, pour la première fois vous parlez un peu de vous,
46:49est-ce que ce combat pour les classes populaires est de plus en plus un combat qui est le vôtre,
46:56un combat politique dans lequel vous vous êtes engagé à votre manière ? Alors moi je n'aime
47:03pas les... comment dire ? Je savais que la question n'allait pas vous plaire. Non, non, non, pas du
47:11tout. Pour moi un intellectuel qui produit des concepts mais qui ne les incarne pas ne m'intéresse
47:20pas. Donc vous assumez l'incarnation ? Oui, tout à fait. Merci Christophe Guilhuy, c'était
47:28passionnant. On se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau numéro. Dans toute vérité,
47:32à bientôt, bon dimanche.