Fabien Galthié, sélectionneur du XV de France, était l'invité de Sonia Devillers lundi 17 mars, après la victoire des Bleus dans le tournoi des Six Nations.
Retrouvez « L'invité de 7h50 » de Sonia Devillers sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50
Retrouvez « L'invité de 7h50 » de Sonia Devillers sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00Il est 7h48, Sonia De Villers, vous recevez ce matin le sélectionneur du 15 de France.
00:05L'équipe nationale de rugby qui a remporté samedi soir le tournoi Destination après
00:10un dernier match face à l'Ecosse, gagné 35 à 16.
00:14En France, 9 millions et demi de téléspectateurs étaient au rendez-vous.
00:19Bonjour Fabien Galtier.
00:21Bonjour.
00:22Et bravo.
00:23Merci.
00:24On vous a vu ému sur le terrain, derrière vos très très très grosses lunettes quand même.
00:28Oui bien sûr, c'est toujours des moments de joie, des moments d'émotion et surtout
00:32partagés dans ce stade qui était chaud, qui était heureux.
00:35Qui était chaud, qui était en surchauffe le stade.
00:37C'était un très très beau tournoi, il y a beaucoup de records qui ont été battus
00:42par le 15 de France.
00:43Vous aviez dit, de la défaite de la France en Coupe du Monde, qu'elle resterait une cicatrice
00:49à vie.
00:50Est-ce que la cicatrice est effacée ?
00:51Non, elle reste, elle est là, elle est présente, c'est une expérience pour nous tous douloureuse
00:57mais qui…
00:58Oui, d'un point, avec beaucoup de faits de jeu et beaucoup de points qu'on a notés
01:04qui peuvent nous aider à être meilleurs pour la suite et donc on a beaucoup appris
01:08je pense de cette défaite.
01:09Elle reste un aiguillon ?
01:11Elle reste une trace, elle reste une expérience et elle reste aussi une leçon, une leçon
01:18pour toute l'équipe en fait.
01:19Et alors attention, samedi soir on vous donnait largement gagnants.
01:24Les écossais, eux, ils n'avaient rien à gagner.
01:27Ils ont joué très libérés, très décomplexés et la première mi-temps, elle ne s'est
01:32pas très bien déroulée pour les français.
01:34Alors vraiment, on s'est tous posé la question, qu'est-ce qui s'est passé dans le vestiaire
01:38entre la première et la deuxième mi-temps ?
01:40Qu'est-ce que vous avez dit à vos hommes pour qu'ils changent de jeu ?
01:43Parfois les mots, ça ne veut pas dire grand-chose mais on a essayé de constater quelques points
01:51d'amélioration à la mi-temps.
01:53Je pense que l'équipe a été surprise par l'enjeu et on jouait plus comme une équipe
02:00qui avait quelque chose à perdre et les écossais, de l'autre côté, avaient tout à gagner
02:04en fait.
02:05Et ça donnait un rapport de force.
02:06Mais dans ces cas-là, Fabien Galdier, vous leur parlez comment, sur quel ton ?
02:09Vous les secouez, vous les disputez ou au contraire, vous les cajolez, vous les rassurez,
02:15vous les chouchoutez ?
02:16Il faut trouver le bon ton, il n'y a pas de vérité dans ces moments-là mais c'était
02:20notre 60e match depuis 2020.
02:23On se connaît bien et là, je me suis permis de changer un peu de braquet dans la discussion
02:29et d'essayer de percer ce ballon d'amour propre qui nous empêchait de nous libérer
02:36et ça donnait cette réaction en deuxième mi-temps.
02:39Après, le CR c'est un peu intime donc on ne peut pas tout dire mais il y a une bonne
02:44réaction on va dire.
02:45Et puis les joueurs se sont mis à jouer, tout simplement.
02:48La seule fausse note de ce magnifique tournoi, ça reste l'Angleterre quand même.
02:55Pour moi, ce n'est pas une fausse note.
02:58Ce n'est pas une fausse note, l'Angleterre ?
02:59Le tournoi, en fait, c'est une longue compétition traditionnelle qui dure tout l'hiver et
03:04quand on sort, c'est le printemps.
03:05L'Angleterre, c'est au milieu de l'hiver et c'était un match incroyablement spécial
03:14parce qu'on s'est créé énormément d'occasions d'essais, de marques et on se fait prendre
03:17sur le gong et on perd un point.
03:18Encore un point.
03:19Mais je ne suis pas certain qu'on aurait terminé.
03:22Oui, mais je préfère presque le tournoi avec ce qui s'est passé et cette victoire
03:27et notamment avec ce rebond et cette réaction de l'équipe.
03:30Nous, ça nous a poussé à changer notre stratégie, à remettre en question des joueurs.
03:35Ça a poussé les joueurs aussi à se poser les bonnes questions.
03:38Et du coup, je pense qu'on a passé un cap et une intensité différentes sur les trois
03:46derniers matchs en Italie, à Dublin.
03:48Pire qu'une fausse note, carrément, là c'est la blessure d'Antoine Dupont.
03:52Il était là samedi soir, il est venu au Stade de France.
03:55Il y a même eu une standing ovation pour lui au moment où il a été filmé.
04:00Il est venu soulever la coupe.
04:02Il était dans quel état d'esprit à votre avis ? Parce que sa blessure est très grave.
04:06Il va être absent des terrains pendant très longtemps.
04:08En fait, il est encore blessé.
04:10C'est un joueur qui souffre.
04:11Ses blessures aujourd'hui sont des blessures très douloureuses, complexes à réparer.
04:16Que vous avez connues, vous ?
04:18Oui, la même chose en 97 en Irlande.
04:20Exactement la même blessure ?
04:21Un truc assez vilain.
04:22En Irlande aussi ?
04:23Oui, un truc assez vilain.
04:24Ils sont méchants les Irlandais.
04:25Ah ouais ?
04:26Non, mais ils ont un jeu un peu violent ?
04:28Toutes ces nations-là, ils sont tous méchants.
04:32Et nous, on est vraiment les seuls gentils dans les Gaulois.
04:35On est les Gaulois face aux Anglo-Saxons et des Latins, des anciens Romains.
04:39Et donc, en fait, ce qui s'est passé pour Antoine, c'est qu'il a voulu rester avec l'équipe
04:45et il est très, très, très, très ami avec les joueurs.
04:47Il donne beaucoup au niveau du leadership et plus que ça.
04:51Et de l'avoir avec nous, ça nous a permis aussi de constater qu'on fait un sport où
04:56on peut tout perdre en un instant.
04:58C'est-à-dire que tu peux être le meilleur joueur du monde et la seconde après être plus rien.
05:01Et le rugby, c'est un peu ça, mais il reste l'équipe.
05:04Quand t'es plus rien, il reste l'équipe à laquelle tu te raccroches.
05:07Et je pense qu'Antoine était très heureux d'être avec nous.
05:10Donc il est monté, il a soulevé le trophée avec Greg et Anthony.
05:15Deux autres capitaines de l'équipe qui ont pris le relais, qui sont ses meilleurs amis.
05:18C'est très, très étonnant quand même, mais c'est la vie.
05:20Ils ont joué ensemble tout petits dans le Gers.
05:22C'est génial comme histoire.
05:24Ils ont partagé le trophée et...
05:27Mais quand même pour Antoine Dupont et pour tous les autres.
05:31C'est-à-dire que nous, en tant que spectateurs, on le voit bien et les statistiques le disent.
05:35Les joueurs, ils sont de plus en plus gros, ils sont de plus en plus barraqués,
05:38ils sont de plus en plus puissants, ils sont de plus en plus rapides.
05:40Ils se font de plus en plus mal parce qu'ils se rendent dedans de plus en plus fort.
05:44Ça va empêcher les mamans de mettre leurs enfants à l'école de rugby.
05:48Moi je suis là pour développer le rugby en France.
05:50Moi ma question c'est, tous les petits jeunes de l'équipe là,
05:53à quoi ils ressembleront physiquement quand ils auront votre âge Fabien Galtier ?
05:57Vous serez surpris parce qu'il y a tous les profils dans une équipe.
05:59Franchement, si je vous parle de Louis Biel-Barré, il est comme Dominique Seux.
06:05Tout fin, il porte une veste et une chemise blanche.
06:09Il y a tous les profils.
06:10Non mais comment on fait pour protéger les joueurs ?
06:13Il y a des règles.
06:15Il y a vraiment des règles.
06:16Il y a assez de règles ?
06:17C'est un sport qui est très très régulé et en permanence le rugby travaille.
06:21Les trois fonctions du rugby c'est protéger les joueurs,
06:25développer la vitesse du jeu et son côté spectaculaire.
06:29Mais en premier c'est protéger les joueurs.
06:32La recette Galtier.
06:33La recette Galtier.
06:35Alors celle qui fait polémique auprès des initiés.
06:37Vous avez 15 joueurs sur le terrain, 8 sur le banc des remplaçants.
06:42Sur ce banc, vous ne mettez plus que des avants.
06:45Ou presque plus, des avants.
06:46C'est-à-dire des joueurs costauds qui forment la mêlée.
06:49Évidemment vous prenez un méga risque.
06:51Parce que si jamais vous avez des ailiers qui se blessent pendant la compétition,
06:54vous n'avez personne.
06:55On s'adapte.
06:56On s'adapte.
06:57Comme en Irlande.
06:58Pourquoi cette tactique ?
06:59Parce que j'ai des joueurs qui ont des profils qui peuvent s'adapter.
07:02Un gars comme Oscar Gégou peut jouer au centre déjà.
07:04C'est un avant, mais il peut jouer au centre.
07:06J'ai Péaton Mouwaka aussi qui peut s'adapter.
07:08J'avais Antoine Dupont qui peut jouer en 10 et au centre.
07:10J'ai Thomas Ramos qui peut jouer à l'arrière et en 10.
07:12J'ai des joueurs qui sont polyvalents.
07:14Mais en fait, suite à la défaite en Angleterre, j'ai tenté une sorte de poker.
07:20Qui a fait beaucoup parler.
07:21Qui a déjà été fait.
07:22Qui a été fait par qui ?
07:24Parce que je me suis posé la question.
07:25Il y a des équipes qui l'ont déjà fait.
07:26On parle beaucoup de l'Afrique du Sud, qu'il a déjà fait pendant le coup du monde.
07:29Mais il y a des équipes de club qui l'ont déjà fait.
07:33L'Afrique du Sud face à laquelle vous aviez perdu.
07:35Vous leur avez pris leur recette.
07:36Mais ils n'avaient pas fait 7-1.
07:39Mais en fait, c'est remettre de la force.
07:41Souvent, on dit qu'en rugby, ce qui décide du résultat, c'est les avants.
07:44Le score, c'est plutôt les trois quarts.
07:46Le rugby est un sport qui se joue à l'avant.
07:49C'est dit ce matin sur France Inter.
07:51Plusieurs affaires ont éclaté ces derniers mois dans le rugby.
07:55Fabien Galtier.
07:57L'enquête de l'équipe, diffusée récemment, intitulée « La maison brûle.
08:01Consommation effrénée de drogue.
08:04Alcoolisation massive.
08:07Usage d'antidouleurs à outrance.
08:09Dépendance.
08:10Violence.
08:11Est-ce que c'est la confirmation auprès du grand public
08:13de ce que tout le milieu du rugby connaissait déjà ?
08:16On est un monde imparfait.
08:18On est un sport d'équipe avec des valeurs.
08:20Des valeurs de solidarité, d'engagement, de courage.
08:22Mais avec ses imperfections.
08:24Et on est totalement lié à l'évolution de notre société.
08:27Donc les dérives sociales dans notre société, elles touchent aussi notre univers.
08:31Alors là, c'est l'heure du serrage de vis général.
08:34Suite aux différentes histoires qu'on a pu connaître,
08:37et puis aujourd'hui qui sont révélées,
08:39on n'a pas le choix que de faire une introspection
08:43et essayer de trouver des solutions.
08:46Et d'instaurer une nouvelle discipline.
08:48Discipline, mais on a besoin de liberté, on a besoin de joie.
08:50Pour jouer à ce jeu, nous, la troisième mi-temps, c'est très important.
08:52Le moment festif, c'est très important.
08:54Le moment où on se rassemble.
08:57On partage un moment agréable aussi avec l'adversaire.
09:00Pourtant, on s'est cogné pendant une heure et demie avec lui.
09:03On a besoin de trouver un équilibre.
09:04Et c'est vrai que peut-être le rugby professionnel,
09:07et puis la popularité qui va avec,
09:09qui nous surprend parce qu'on est surpris.
09:12Moi, j'ai commencé à jouer en équipe de France en 1991.
09:14Je voudrais vous poser une dernière question,
09:16parce que vous avez deux joueurs,
09:18Oscar Gégou et Hugo Auradou,
09:20qui ont été inculpés début juillet 2024
09:22de viols aggravés après un match en Argentine.
09:24Aujourd'hui, ils sont disculpés.
09:26Il y a deux non-lieux qui ont été prononcés par la justice argentine.
09:30Vous avez fait le choix de les réintégrer.
09:33Ils ont 21 ans.
09:34Qu'est-ce que vous leur avez dit à tous les deux ?
09:36Comment vous leur avez parlé ?
09:38D'abord, ils ont été jugés par la justice.
09:40Ensuite, ils ont été, entre guillemets,
09:42jugés non-coupables.
09:44Il y a eu un appel qui leur a donné encore raison.
09:46À partir du moment où la justice a fait son chemin,
09:48ils sont sélectionnables.
09:50Qu'est-ce que vous leur avez dit à tous les deux ?
09:52En fait, ça restera dans l'intimité,
09:54mais on a droit à la rédemption.
09:56On peut se tromper, mais on a droit à la rédemption.
09:58Et on peut avoir une deuxième chance.
10:00Et ils sont en train de saisir leur deuxième chance.
10:02Merci Fabien Galtier.
10:04Et bravo pour ce tournoi.