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INTROSPECTION du 13 mars 2025

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00:00Donc Laurent, vous savez que quand vous venez à cette émission, on va parler des femmes
00:08dans le monde de l'entreprise et aujourd'hui, on va plus particulièrement parler des femmes
00:13dans le secteur de la défense.
00:14Est-ce que vous avez travaillé avec des collaboratrices ?
00:18Oui, la réponse est oui, dans la proportion qui est possible, si vous voulez.
00:24L'ADGA, c'est un métier d'ingénieur pour l'essentiel, donc on retrouve dans l'ADGA
00:31à peu près la même proportion de femmes que celle qui est présente dans les écoles
00:35d'ingénieurs.
00:36C'est aussi simple que ça.
00:3820% ?
00:3925%.
00:4025%.
00:41Ce qui est peu, mais on peut remonter aux antécédents, les antécédents c'est les
00:46études scientifiques, la manière dont elles se méfient des classes préparatoires, la
00:50manière dont elles intègrent les écoles d'ingénieurs, donc c'est ça.
00:53Donc, il n'y a absolument aucune différence, au vu de moi, entre une femme et un homme
01:01dans le métier tel qu'ils se pratiquent à l'ADGA.
01:04Au contraire, elles apportent une dose de raison, de placidité, qui est probablement
01:10liée au fait qu'elles ont des contraintes personnelles, at home si je puis dire, qui
01:14sont...
01:15Elles sont multitâches.
01:16Elles sont multitâches, donc organisées, parfois plus que les hommes, je pense même
01:22plus que les hommes.
01:23Et donc, avec une manière d'appréhender les problèmes qui est très positive.
01:28Donc, j'ai connu d'abord la première femme ingénieure de l'armement, qui était Edwige
01:36Bonneville, qui a dû rentrer à l'école Pays Technique en 1973, si je me souviens bien.
01:41Ensuite, un certain nombre de nombres viennent à l'esprit.
01:46Le premier, c'est celui de Caroline Laurent, qui était une spécialiste du spatial.
01:50Le deuxième, elles ont le même âge à peu près.
01:54Monique Legrand-Laroche, les deux ont été 4 étoiles.
01:57Je les ai fait nommer 4 étoiles quand j'étais à la tête de l'ADGA, donc je les ai fait
02:02progresser.
02:03Je les ai montré à la face du monde, au ministère de la Défense, que ces femmes étaient
02:09de qualité et qu'elles méritaient les 4 étoiles.
02:12Vous avez mesuré la complémentarité de la juxtaposition des genres ?
02:16Ah oui, oui.
02:17Parce qu'on ne réfléchit pas de la même façon ?
02:20Pas du tout.
02:21C'est ce que je vous ai dit, elles n'ont pas la même approche des problèmes.
02:23Il y a des matières à s'organiser qui peuvent être différentes en fonction de la question
02:29qui vous est posée, du problème que vous avez à traiter.
02:31Ça, c'est parfaitement évident.
02:32Et vous trouviez que les hommes les accueillaient bien ?
02:35Oui, il y a un immense respect.
02:37Il y a un respect, c'est ça qui est important ?
02:40Tout à fait.
02:41D'abord parce qu'assez souvent, ils ont fréquenté les mêmes bancs d'école, donc
02:48les choses sont connues.
02:49Et aussi parce qu'il y a déjà un milieu assez strict, austère, même par certains
02:56côtés, mais qui impose d'avoir une certaine tenue.
02:59Donc les gens ont de la tenue.
03:02Et les femmes qui nous regardent aujourd'hui, qu'est-ce que vous pourriez leur donner
03:05comme conseil pour qu'elles…
03:08Faites des études scientifiques, faites des écoles d'ingénieurs, venez chez nous,
03:11la défense a besoin de vous.
03:12C'est clair.
03:13Au moins, le message est passé.
03:16Je crois que… on ne peut pas espérer prospérer convenablement si on n'a pas dans les effectifs
03:27une proportion de femmes qui est représentative de ce qu'elles sont dans la nation d'une
03:30manière générale.
03:31Et donc on se coupe de recrutements qui sont absolument indispensables quelque part.
03:35C'est aussi simple que ça.
03:36Et comment vous expliquez qu'il y ait aussi peu de femmes ingénieurs ? Qu'est-ce qui
03:39fait que c'est une filière qui n'a pas su les attirer ?
03:43Je crois que je ne peux rien.
03:44C'est un problème d'enseignement général, tout simplement.
03:47Parce qu'on les voit dans d'autres filières scientifiques.
03:50Quand elles font des études scientifiques, elles sont aussi bonnes que les autres, et
03:53même parfois meilleures, évidemment.
03:54Pourquoi est-ce qu'elles n'apprennent pas cette filière ? Je crois que c'est vraiment
03:58une question clé, mais qui relève de l'éducation nationale bien davantage que du ministère
04:02de la Défense, quelque part.
04:04En tout cas, on entend votre appel.
04:06Oui, oui, je crois qu'on en a absolument besoin.
04:09J'en ai vu plein dans l'industrie aussi, qui était extrêmement performante.
04:13Et c'est un diplôme qui donne lieu à des carrières absolument passionnantes.
04:20Oui, avec en plus, si vous voulez, dans le milieu qui est suivi de la Défense, peut-être
04:25plus généralement du fonctionnariat en tout cas, un accès aux grades ou aux responsabilités
04:29qui est exactement le même, et ça implique également un accès aux rémunérations qui
04:33est exactement le même, ce qui n'est pas nécessairement le cas dans tous les secteurs
04:37de la vie professionnelle.
04:38Laurent, vous avez été le conseiller d'André Giraud, ministre de la Défense entre 1985
04:43et 1988.
04:44Est-ce que vous auriez aimé être ministre de la Défense vous-même ?
04:48Surtout pas.
04:49Beaucoup trop de contraintes.
04:50Beaucoup trop de contraintes.
04:51Oui, beaucoup de contraintes protocolaires qui sont immenses et pesantes, je trouve.
04:57Donc vous aviez beaucoup plus de liberté à votre fonction ?
05:01Je pense que ma liberté intellectuelle et d'action était peut-être plus grande que
05:04celle du ministre à l'arrivée.
05:05Et c'est ça dont vous avez besoin, et c'est ça qui vous nourrit ?
05:09Oui.
05:10Bon, bien sûr, le ministre décide.
05:12Oui, mais sous votre impulsion.
05:15Il décide ce qu'on lui propose, pour ne pas le dire trop fort, mais voilà.
05:20Et ce qui est important, au fond, c'est d'avoir la confiance du ministre et que cette confiance
05:27soit réciproque, c'est-à-dire avoir confiance en son ministre également.
05:31Et vous continuez aujourd'hui d'avoir un regard affûté sur ce qui se passe dans le monde
05:35au niveau militaire ?
05:37Je continue à noter.
05:38Je regarde de très près ce qui se passe dans le monde de la défense, je continue d'être
05:41impliqué dans des aventures industrielles très liées à la défense, de moins d'importance
05:46que celles que j'ai pu connaître, mais qui sont tout à fait motivantes en tout cas,
05:49et qui tiennent compte de l'évolution générale des technologies, de l'évolution générale
05:56des modes de combat, même tout simplement, missiles, drones, cybersécurité, des choses comme ça.
06:03Ah oui, en un siècle, on a fait des pas de géants.
06:07Et aujourd'hui, dans cette période géopolitiquement un petit peu anxiogène,
06:14quel est un petit peu votre sentiment ? Vous êtes serein, inquiet ?
06:20Je suis très peu confiant.
06:21Très peu confiant ?
06:22Très peu confiant sur la possibilité d'assister à un apaisement généralisé rapidement.
06:29En tout cas, je ne vois pas ça du tout comme ça.
06:31Pour la France, je pense que ce n'est pas une situation extrêmement critique dans la
06:36mesure où nous sommes une puissance dotée, comme l'on dit, c'est-à-dire une puissance
06:39avec l'arme nucléaire.
06:40Nous sommes dans une situation où il me paraît difficile de considérer que l'Ukraine
06:45est un enjeu vital pour la France.
06:48Donc l'équilibre de la dissuasion se passera.
06:51Je ne sais pas très bien ce qui va se passer en Ukraine, mais je ne pense pas que c'est
06:54des conséquences extrêmement sévères au plan militaire pour la France.
06:59Je n'y crois pas.
07:01Je pense que le président russe a ses propres modes de fonctionnement, mais il a également
07:09ses propres limites quelque part.
07:11Il sait très bien ce qu'il veut et ce qu'il ne veut pas.
07:13Un conseil peut-être à donner à des membres du gouvernement qui pourraient visionner cette interview ?
07:20Faites tout ce que vous pouvez en faveur de l'industrie d'armement.
07:28C'est un moteur absolument essentiel dans le pays.
07:31Et aujourd'hui, on parle de très loin.
07:35On parle d'efforts de guerre, d'économies de guerre, de reconstitution d'un certain
07:40nombre de capacités stratégiques.
07:42Cet effort vient à peine d'être entamé.
07:45Il faut absolument le poursuivre en l'accroissant.
07:47Je sais bien que dans les circonstances budgétaires actuelles, c'est très difficile à entendre,
07:51mais c'est indispensable.
07:53Sinon, on retombe dans ce qu'on a connu avant la Seconde Guerre mondiale.
07:58Je vous renvoie au livre de Marc Bloch, tout simplement.
08:05Ça sera la fin de ce chapitre.
08:10Merci, Lucie.
08:11Merci de nous avoir suivis pour l'émission Introspection.
08:15Nous nous retrouverons pour la prochaine interview avec une autre personnalité dans
08:22le secteur de la défense, qui est Marouane Laoud.
08:25À bientôt.

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