L'Iran n'est "pas loin" de disposer de la bombe atomique, a averti le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi. Explications avec David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l'IRIS, spécialisé sur la région du Moyen-Orient.
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00:00On se retrouve sur BFM2 pour ce nouveau direct consacré au nucléaire et à cette dernière actualité,
00:05l'Iran qui dit ne pas être loin d'obtenir la bombe nucléaire.
00:08Pour en parler, nous sommes avec David Rigolet-Rose.
00:10Bonjour et merci d'être avec nous, chercheur associé à l'IRIS et spécialiste de la région du Moyen-Orient.
00:16Alors c'est ce qu'a déclaré le ministre des Affaires étrangères et la direction générale de l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'AIEA.
00:26Qu'est-ce que ça veut dire concrètement cette phrase « nous ne sommes pas loin d'obtenir la bombe nucléaire » ?
00:31C'est-à-dire qu'avec la quantité d'uranium enrichie dont dispose aujourd'hui Téhéran,
00:37il y a effectivement, c'est très proche, le seuil pour une militarisation de cet enrichissement est très proche en réalité aujourd'hui.
00:46Selon le dernier rapport de l'Agence internationale de l'énergie atomique,
00:49en février dernier, l'Iran disposait déjà de 275 à peu près kilos d'uranium enrichi à 60%
00:58et on sait que le passage de l'uranium de 60% à 90% en fait techniquement est assez aisé à obtenir
01:06s'il y a une décision politique qui est prise.
01:08Or, il se trouve que ce seuil de 90% c'est celui qui est nécessaire pour une bombe atomique.
01:13Et selon les estimations de l'Agence et des évaluations des différents services,
01:20l'Iran serait en capacité aujourd'hui, s'il y avait une décision politique pour le faire,
01:25en capacité de concevoir, grâce à cette matière enrichie, l'équivalent de 6 engins nucléaires.
01:32Alors ça ne signifie pas que c'est la bombe immédiatement,
01:34parce que c'est une chose d'avoir un uranium enrichi militairement à 90%
01:40et une autre chose, d'en faire une ogive militarisée destinée à être mise sur un vecteur par la suite.
01:48Mais incontestablement, c'est un moment charnière.
01:51Et d'ailleurs, dans la dernière résolution justement de l'Agence internationale de l'énergie atomique
01:56qui avait été faite le 21 novembre 2024,
02:00il y avait la manifestation des membres justement du bord de l'agence en question
02:07signalant qu'ils étaient profondément, que le bilan constaté était profondément troublant
02:14et qu'il y avait un appel effectivement à une transparence accrue de Terran.
02:19Qu'est-ce que cela signifie pour le Moyen-Orient qui est en ce moment,
02:23qui vit plusieurs guerres, plusieurs conflits ?
02:26Qu'est-ce que cela signifie cette arme nucléaire pour cette région ?
02:30Pour l'instant, il n'y en a pas. On considère qu'Iran est, on va dire, ce qu'on appelle une puissance du seuil.
02:36C'est en capacité de concevoir un engin de manière rapide si la décision devait être prise.
02:42Il semblerait qu'elle n'ait pas été prise aujourd'hui.
02:44Mais le débat est très effectivement très important à Téhéran.
02:48Il s'est accéléré publiquement ce débat, tout simplement parce que la dissuasion justement iranienne
02:54reposait sur un certain nombre de facteurs qui n'existent plus ou moins qu'avant.
02:58En l'occurrence, c'était ce qu'on appelle ses mandataires régionaux,
03:02que ce soit le Hamas, le Hezbollah, son régime allié à Damas,
03:07les milichites en Syrie, en Irak et évidemment les Houthis au Yémen.
03:12Il se trouve qu'il y a une dévaluation stratégique de cette dissuasion projetée à l'extérieur.
03:17Et donc l'Iran qui se sent menacé débat aujourd'hui très publiquement
03:21de savoir s'il y a l'opportunité qu'il y aurait éventuellement à franchir le Rubicon
03:29pour sanctuariser le pays qui estime être menacé justement
03:33et notamment par des frappes venant des Etats-Unis ou d'Israël.
03:38Les Etats-Unis, justement, on va en parler ce week-end à Rome.
03:41Une deuxième session de Pourparler en direct sur le programme nucléaire iranien aura lieu.
03:45À quoi s'attendre concrètement ?
03:48Un premier contact a eu lieu à Mascat.
03:51qui a été très confus finalement dans ses attendues puisque lors de ce premier contact
03:56entre Steve Whitcoff, l'envoyé spécial de Donald Trump,
03:59et le ministre Abbas Arachid iranien,
04:03il y avait apparemment des éléments de langage très positifs
04:06à l'issue des premières discussions interposées, indirectes,
04:13qui ont donné lieu à un bref échange à la fin justement de la journée de discussion.
04:19Et les deux parties avaient semblé laisser entrevoir la possibilité d'un processus de négociation
04:24avec du côté américain, en tout cas par la voix de Steve Whitcoff,
04:29une position qui paraissait moins intransigeante.
04:31Et puis du jour au lendemain, il y a eu un réajustement à Washington
04:36avec une réaffirmation d'une condition de désarmement complet du programme de l'Iran
04:43et d'un démantèlement de l'enrichissement nucléaire,
04:47ce qui est une innoge complète pour Téhéran.
04:51Et donc là, en fait, on se retrouve finalement au point de départ.
04:54Avant la réunion qu'il y avait eu à Mascate,
04:56et on sent que les tensions sont en train de monter
04:59puisqu'il y a une réaffirmation du côté américain
05:01d'une intransigeante qui avait paru modulée lors de cette première rencontre à Mascate.
05:08Une dernière question, David Rigoleroz.
05:10Selon plusieurs médias, le chef de diplomatie iranienne se rendra à Moscou demain
05:14pour discuter justement de ces affaires-là avec Vladimir Poutine
05:18et d'autres membres du gouvernement russe.
05:20Est-ce que cela signifie une forme d'alliance, de coalition ?
05:24Qu'est-ce qu'on peut en dire ?
05:25De toute façon, concernant les relations avec Moscou,
05:28elles sont à deux niveaux.
05:29D'abord, Moscou est signataire de ce qu'était le JCPOA,
05:32l'accord sur le nucléaire de 2015.
05:34Il faut rappeler qu'il y avait les cinq membres du Conseil de sécurité,
05:37dont Moscou évidemment, et puis l'Allemagne.
05:40Donc Moscou, seuls les États-Unis se sont retirés formellement de l'accord en question
05:46qui est toujours valable jusqu'à octobre 2025.
05:48Et puis évidemment, il y a des relations particulières entre les deux pays
05:52puisqu'il y a un partenariat stratégique qui a été formalisé dernièrement.
05:56Même s'il n'y a pas d'engagement de soutien militaire de la part de Moscou,
05:59il y a un renforcement des liens.
06:01Et donc Téhéran espère compter justement sur un soutien de Moscou
06:04dans le cadre de cette logique transactionnelle très compliquée
06:07qui se met en place actuellement.
06:09Bon.