Des peintures qui s'écaillent, des moisissures dans les parties communes, des murs de façades fissurés, de plus en plus de copropriétés se dégradent en France. Un quart d'entre elles sont en très mauvais état, et les petites copropriétés, celles qui ont moins de 12 logements sont particulièrement fragiles financièrement.
C'est le constat fait par la sénatrice communiste Marianne Margaté qui a copiloté une commission d'enquête sur la paupérisation des copropriétés. Dans ce reportage, elle nous emmène dans son département de Seine-et-Marne, et nous interpelle sur l'urgence de revoir un modèle à bout de souffle, peu considéré par les politiques publiques. Année de Production :
C'est le constat fait par la sénatrice communiste Marianne Margaté qui a copiloté une commission d'enquête sur la paupérisation des copropriétés. Dans ce reportage, elle nous emmène dans son département de Seine-et-Marne, et nous interpelle sur l'urgence de revoir un modèle à bout de souffle, peu considéré par les politiques publiques. Année de Production :
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00:00Musique rythmée
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00:15Depuis toujours, Marianne Margaté est une militante.
00:19...
00:22Je viens d'une famille engagée déjà en politique.
00:26Je pensais que tout le monde était engagée en politique.
00:30La sénatrice communiste fait ses armes en politique
00:33dans les années 90,
00:35lors des manifestations pour la libération de Nelson Mandela,
00:39avant de devenir élue locale en Seine-et-Marne,
00:42où elle s'est spécialisée sur les questions de logement.
00:47Je pense que la question du logement,
00:49c'est la première préoccupation de nos concitoyens.
00:53Moi, c'est un sujet majeur et je trouve
00:56qu'il doit y avoir une politique publique
00:58qui assure à chacun un logement digne.
01:01Marianne Margaté a été élue au Sénat en 2023.
01:05Elle a copiloté une commission d'enquête
01:08sur la paupérisation des copropriétés,
01:10et en particulier celle de petite taille.
01:13Ce jour-là, elle se rend à Lisy-sur-Ourc,
01:16en Seine-et-Marne, une commune de 3 500 habitants,
01:20pour visiter l'immeuble dégradé où habite Sylvie.
01:23Elle découvre avec elle l'état des façades.
01:26Il y a ici et juste là où il y a le fil vert,
01:30c'est le mur, il est tout délabré au-dessus.
01:33Vous avez vu ? Ah, ouais.
01:35Et votre appartement, il donne à proximité ?
01:38Le mur qui est là, c'est mon mur de salle à manger.
01:41C'est votre mur de salle à manger.
01:43Allez, on y va.
01:47Sylvie est propriétaire de son appartement depuis 17 ans,
01:50et pour elle, ici, tout a changé.
01:53Quand je suis arrivée ici, l'immeuble donnait envie,
01:56parce qu'après, c'était calme, c'était propre,
01:59et ça s'est dégradé au fil du temps.
02:01Les gens, quand ils s'emménagent,
02:03ils font pas attention aux murs, donc tout se dégrade.
02:07Elle est la seule propriétaire à habiter sur place.
02:11Entre les locataires peu soigneux et leurs propriétaires absents,
02:15Sylvie se sent démunie,
02:16d'autant qu'elle ne peut pas assumer de grosses dépenses
02:19pour entretenir les lieux.
02:21J'ai mon mari, il travaille pas tout le temps,
02:23donc j'ai un salaire fixe, mais pas mon mari.
02:26C'est pas évident, j'ai trois enfants à charge, quand même.
02:30Je peux pas tout faire.
02:32Là, c'est les ravalements de la bouche que je fais, mes gosses.
02:36Désolée, ça sera mes gosses avant le ravalement.
02:39C'est comme ça.
02:40Elle est la seule propriétaire occupante,
02:43avec des revenus modestes.
02:44Les autres sont des locataires, des propriétaires bailleurs,
02:47qui n'ont pas le même intérêt à investir dans la copropriété.
02:51Elle, son urgence était le toit.
02:53L'urgence des copropriétaires bailleurs,
02:55c'est le ravalement pour donner une belle figure à la copropriété.
03:00Donc voilà, on voit qu'il y a des divergences d'intérêts.
03:03Donc on a plein d'ingrédients pour aller vers une dégradation.
03:08Des copropriétés dégradées comme celle où vit Sylvie,
03:11il y en a de plus en plus à Lisy-sur-Ourcq,
03:14un problème dont le maire de la commune, Maxence Gilles,
03:17a bien conscience.
03:19Souvent, ce sont des investisseurs qui ont repris,
03:21parce qu'ils ont un immeuble avec un rez-de-chaussée
03:24où il y avait un ancien commerce,
03:26et une famille qui habitait à l'étage et au deuxième.
03:29Il y en a plein qui ont acheté l'immeuble,
03:31ils ont fait 6 appartements, 2 par étage,
03:34et ils ont forcément gagné de l'argent avec ça.
03:36Aujourd'hui, on se retrouve avec un certain nombre de copropriétés
03:40qui sont vieillissantes, qui ont besoin d'un rafraîchissement,
03:43d'un ravalement de travaux intérieurs.
03:45Face à ces dégradations,
03:47le maire ne peut agir qu'en cas d'insalubrité
03:50ou de non-respect des règles d'urbanisme.
03:52Mais dans la plupart des cas, il est impuissant,
03:55car la copropriété est privée.
03:58On se sent assez démunis,
04:00parce que je pense que les communes doivent, d'une manière ou d'une autre,
04:03être de la partie,
04:05doivent être intégrées au sas de décision,
04:07parce qu'on connaît nos propriétés,
04:10on connaît nos habitants, on connaît les gens.
04:12Donc on peut faire des préconisations, des recommandations, un suivi,
04:16mais sur la capacité à prendre des décisions
04:20et surtout à les faire exécuter et à mobiliser des moyens,
04:23on a besoin de l'aide d'autres échelons, des collectivités ou de l'État.
04:27En fait, il faudrait mettre un peu sous monitoring
04:30plein de copropriétés et de communes,
04:32parce qu'on sait que la tendance quand même est à la dégradation.
04:35Elle est à la dégradation parce que les gens ont un pouvoir d'achat
04:38de plus en plus faible,
04:40la hausse du coût de l'énergie,
04:43des montants de travaux qui sont très élevés,
04:45et donc il faut, en effet, être attentif à cette détérioration
04:49qui conduit à du mal-logement.
04:53Être attentif aux dégradations,
04:56dans la commune, c'est le rôle de Blandine,
04:58la policière municipale, missionnée par le maire
05:02pour repérer les habitats qui se détériorent.
05:05On a vraiment un problème lié à une fuite de toit,
05:08et tout s'accumule jusqu'en bas,
05:11et c'est en bas que ça commence à bien se fissurer.
05:14D'ailleurs, partout, il y a eu des petites retouches, mais...
05:17On voit que ça se désolidarise.
05:19Et puis, vraiment...
05:21Et là, pour réparer, il y a encore eu quelques réparations vite fait,
05:25mais le but, c'est vraiment de retravailler tout le toit,
05:28et là, il y a un impact sur tous les propriétaires.
05:31Et c'est en bas,
05:32c'est pour ça qu'en bas, c'est bien plus impacté.
05:34Pour cette copropriété, précisément,
05:36on est venus pour un logement qui était suivi par l'ARS,
05:39parce que, comme on travaille beaucoup ensemble,
05:41ils nous ont demandé de vérifier l'état du logement,
05:43et c'est en arrivant pour vérifier l'état du logement
05:45qu'on se retrouve face à des parties communes
05:47qui ont été dégradées, mais très rapidement.
05:49Parce qu'on connaissait un peu le bâtiment,
05:51il n'était pas dans cet état-là avant.
05:53Mais comme les locataires nous ont jamais signalé,
05:55on arrive sur des difficultés où, là,
05:58c'est des coûts hyper importants.
06:00Une copropriété qui est en fragilité,
06:03qui commence à se dégrader,
06:05elle...
06:07Cela conduit, en fait, à faire venir
06:10soit des ménages de plus en plus pauvres,
06:12soit ce qu'on peut appeler,
06:15ce qu'on appelle des marchands de sommeil.
06:17Les marchands de sommeil,
06:19ou encore les répercussions sur l'intérieur des logements,
06:22plus vétustes, parfois indignes,
06:24autant de conséquences liées à la dégradation
06:27des petites copropriétés.
06:29Révélées dans le rapport rendu par la sénatrice,
06:32ces données intéressent la préfecture de Seine-et-Marne.
06:36On est en train de réécrire
06:39le plan départemental de lutte contre l'habitat indigne.
06:42C'est vrai que c'est intéressant de pouvoir s'appuyer
06:45sur les constats qui sont faits par un rapport parlementaire
06:48pour nous dire, attention,
06:50est-ce qu'on est suffisamment en alerte
06:52sur les petites copropriétés ?
06:54Il faut qu'on renforce l'acuité de notre regard dessus.
06:57Car sur les 12 000 copropriétés que compte la Seine-et-Marne,
07:0150 % sont de petite taille.
07:03Identifier et aider financièrement celles en mauvais état
07:06est encore trop rare.
07:08Le préfet en a conscience.
07:10Les 2 millions d'euros de dispositifs d'aide
07:13vont principalement aux grosses copropriétés.
07:16La difficulté qu'on a en Seine-et-Marne,
07:19c'est que les gros objets,
07:21les gros dysfonctionnements de grosses copropriétés
07:24qui ne vont pas bien, c'est très compliqué,
07:27mais on est en capacité d'agir assez facilement
07:30parce que ça se voit comme le nez au milieu de la figure.
07:34Là où on a une vraie marge d'amélioration,
07:37c'est d'avoir l'information plus tôt,
07:40notamment dans le diffus,
07:42notamment dans les titres communes,
07:44pour pouvoir justement se mettre en ordre,
07:47nous, les acteurs publics,
07:49des collectivités territoriales à l'Etat,
07:52pour pouvoir intervenir.
07:54Plusieurs dispositifs financiers existent,
07:57comme l'aide d'Etat à la rénovation énergétique.
08:00A Melun, cet immeuble va prochainement bénéficier.
08:04La sénatrice est venue rencontrer Romain Cadot et Anne Missol
08:08de l'association Solia.
08:10Bonjour.
08:11Bonjour.
08:12Enchantée.
08:13Ils ont aidé les propriétaires
08:15à monter un dossier de financement
08:17pour la rénovation de leur immeuble.
08:20Et donc là, tous les propriétaires bailleurs
08:23ont souhaité s'engager dans une rénovation...
08:26Oui, oui, parce qu'en fait, on est sur un...
08:29Pour pouvoir continual, oui.
08:31Exactement.
08:32On est sur un bâtiment avec un niveau de dégradation
08:35relativement élevé.
08:37Les propriétaires bailleurs,
08:39pour préserver la valeur patrimoniale du bien
08:42et ne pas avoir de difficultés dans la remise en location,
08:46ils ont souhaité engager
08:48ce projet de rénovation énergétique globale.
08:52Au total, chaque copropriétaire va recevoir 7 500 euros d'aide
08:56à la rénovation énergétique
08:58et 1 000 euros de la communauté d'agglomération.
09:01Malgré cela, le restage-charge individuel reste conséquent,
09:05entre 30 000 et 40 000 euros.
09:07Heureusement, cette copropriété a une source de revenus,
09:11des antennes relais installées sur les toits.
09:14Allez-y. Entrez.
09:19Elles ont rapporté 130 000 euros.
09:21Cette avance va permettre d'engager les travaux.
09:26La question du financement, c'est un vrai enjeu
09:29qu'il faut stabiliser pour donner confiance
09:32et dans la durée aux copropriétaires,
09:35de s'engager dans des travaux
09:37en montrant que les pouvoirs publics sont aussi à leur côté
09:41pour aller dans ce chemin-là,
09:43celui de la rénovation énergétique
09:45et d'une meilleure qualité de vie dans son logement.
09:48Si cet immeuble de Melun a un bel avenir,
09:51dans la plupart des cas, les propriétaires abandonnent,
09:55car les projets de rénovation sont trop longs.
09:58Entre le moment où vous avez une première demande
10:01et le moment où les travaux sont lancés,
10:04c'est combien, en moyenne, pour vous ?
10:07C'est 3 ou 4 ans.
10:09Ça peut être beaucoup plus long
10:11quand on est sur des situations très complexes.
10:14Les situations complexes sont dues à quoi ?
10:17C'est quoi les éléments bloquants les plus courants ?
10:21Ça peut être déjà le vote des travaux.
10:24Il faut qu'ils se fassent.
10:26Pour qu'ils se fassent,
10:28chaque copropriétaire doit savoir
10:30qu'il va pouvoir prendre en charge le coût,
10:33le reste à charge des travaux.
10:35Si on dit à la copropriété
10:37qu'elle va pouvoir bénéficier,
10:39qu'il y a des financements intéressants,
10:42tout le monde va être optimiste.
10:44Au final, quand on va se voir
10:46du reste à charge réel pour chacun,
10:49le projet peut capoter.
10:51Le risque encore pire,
10:53c'est de mettre certains copropriétaires
10:56en situation financière très compliquée.
10:59L'objectif des travaux,
11:01c'est de ne pas mettre des personnes en difficulté.
11:06Pouvoir payer les travaux,
11:08simplifier les financements des rénovations,
11:11c'est le nerf de la guerre.
11:13Et au Sénat, c'est l'une des propositions
11:16faites par Marianne Margaté dans son rapport.
11:19Créer une banque de la rénovation
11:21pour aider les copropriétaires
11:23à financer le reste à charge des travaux.
11:26Nous avons rendu un rapport,
11:28dont j'étais rapporteure en juillet,
11:31et dont Amel Gacker était présidente
11:34sur la paupérisation des copropriétés.
11:37Il y a une question particulière
11:39aux petites copropriétés, aux copropriétés fragiles,
11:42qui se trouvent exclues des dispositifs de financement
11:45ou qui ne trouvent pas les moyens
11:47de mener à terme leurs projets.
11:49Cet outil de la rénovation
11:51qui vise à ne pas remplacer une offre bancaire,
11:54mais en même temps à répondre
11:56à un besoin qui est identifié
11:58et qui n'est pas couvert,
12:00me semble très utile.
12:02Marianne Margaté enchaîne les auditions
12:05pour savoir si la mise en place
12:07de cette banque est réalisable.
12:09Elle a été missionnée
12:11par la ministre du Logement, Valérie Létard.
12:14On a été désignés pour travailler
12:16sur cette proposition de banque de rénovation.
12:19L'idée, c'est de se dire qu'on constate
12:22qu'il y a des besoins très importants
12:25de rénovation pour faire face
12:27à cette dégradation des copropriétés,
12:30et qu'en face, malgré les dispositifs
12:32de l'Etat prêts à tout zéro,
12:34l'offre bancaire est plutôt réticente.
12:38Il manque quelque chose.
12:40Il manque un maillon
12:42qui rassure à la fois les banques
12:45et qui leur apporte un outil,
12:47une technicité, une expertise,
12:49et qui soit aussi, surtout,
12:51auprès des copropriétaires
12:53pour répondre à une question d'urgence.
13:01Il y a urgence pour la sénatrice,
13:05car avec le temps,
13:07la situation s'aggrave et s'amplifie
13:10et pourrait devenir explosive.